Uber, moitié Attila, moitié sangsue
Dans quelques années, quand Uber aura fait faillite, ou que l'entreprise sera en situation de monopole dans le transport routier dans les pays qui l'ont laissé faire, nous porterons sans doute un dur jugement contre ceux qui ont laissé grandir ce monstre numérico-financier. La France est malheureusement parmi les moins interventionnistes, comme le montre l'issue de la médiation gouvernementale.
Détruire pour asservir et s'enrichir
Cet automne, ce sont les chauffeurs de VTC qui ont manifesté, après l'augmentation de la commission de Uber d'une bagatelle de 40% ! Pour tenter de mettre fin au conflit, le gouvernement a proposé une médiation. Le 20 décembre, devant les revendications grandissantes et publiques de ses chauffeurs, Uber refusait toute remise en cause de l'augmentation de sa commission et proposait un fond de soutien de 2 millions d'euros. En somme, le géant numérique propose de faire la charité auprès de ceux qui font sa fortune, et encore, d'un montant dérisoire par rapport à son activité. Et en un mois et demi, absolument rien n'a changé, comme le montre ce papier récent du Figaro.
Pourtant, la condition des chauffeurs de VTC est peu enviable, certains experts affirmant même que « leurs conditions de travail sont de l'esclavage moderne » : ils peuvent être privés de travail au moindre jugement négatif d'un client, et subissent, sans rien y avoir à dire, les baisses de prix destinées à éliminer les concurrents tout comme les hausses des commissions. Résultat, on peut trouver des chauffeurs qui veulent devenir taxis. Pourtant, la condition des taxis est très difficile, comme le rapporte ces témoignages : ils ont vu leurs revenus s'effondrer avec les VTC, beaucoup gagnant à peine le SMIC, malgré leurs horaires de travail, une situation qui s'est encore dégradée depuis trois ans.
Quand on apprend que Uber a perdu 3 milliards de dollars en 2016, pour un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards, la situation semble totalement ubuesque. Malheureusement, il y a bien une logique derrière ces chiffres extravagants. Les marchés financent l'opération Attila d'Uber, qui consiste à éliminer la concurrence pour acquérir une position monopolistique qui doit lui permettre, dans le futur, de monter les prix comme bon lui semble, tout en exigeant des commissions toujours plus juteuses. C'est ce qui explique que les marchés financent les pertes colossales de l'entreprise et qu'Uber se finance sans problème. D'ailleurs, Uber a déjà montré sa capacité à monter prix et commission.
Les marchés sont d'autant plus prompts à financer Uber que son modèle d'affaire, léger en coûts et devoirs, a tout d'une sangsue moderne, qui exploite ses chauffeurs, tout en ayant le moins de devoirs possible : l'entreprise ne possède pas de véhicules et n'est pas soumise au droit du travail, ce que la justice commence à questionner, en France, comme dans les pays anglo-saxons, où la question d'une requalification en salarié se pose. Cela est d'autant plus insupportable qu'Uber exploite toutes les combines pour éviter l'impôt, un défi permanent à l'état de droit pour Laurent Grandguillaume, symbole du côté obscur de la Silicon Valley qui nous mènera au cauchemar, selon Eric Sadin.
Uber, c'est une concurrence complètement déloyale, dans l'objectif de devenir un monopole ultra-profitable exploitant des chauffeurs privés de tout droit et des clients qui n'auraient plus de choix alternatif, après avoir détruit les taxis. Ce n'est en aucun cas l'économie du partage. C'est le véhicule de marchés cupides et destructeurs qui veulent créer une rente juteuse. Qui pourra l'arrêter ?
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