dimanche 5 juin 2016

Revue de presse du 05/06/2016

Revue de presse du 05/06/2016

Merci à nos contributeurs pour la revue de la semaine. Bonne lecture !

P.S. je cherche quelqu’un avec un accès aux archives du monde diplomatique… Me contacter, merci.

Quand le FMI critique l’ultralibéralisme

Quand le FMI critique l'ultralibéralisme




Critique de l'austérité et de l'anarchie financière

Bien sûr, les critiques exprimées par certains économistes du FMI ne sont pas nouvelles. Mais dans cette époque qui cède tellement à l'ultralibéralisme, il est réconfortant d'entendre des voix alternatives dans ce qui est pourtant un des temple de l'ultralibéralisme, par les politiques qu'il a souvent imposé. Déjà, il y a trois ans et demi, Olivier Blanchard avait critiqué les politiques d'austérité, en soulignant notamment leur effet récessif profondément sous-estimé. En effet, alors que les modèles estimaient qu'un ajustement budgétaire de 1% du PIB provoquait une baisse du PIB de 0,5%, soit un multiplicateur de 0,5, il avait montré qu'il était plutôt entre 0,9 et 1,7. Cette nouvelle critique prend une tonalité plus politique en notant que « l'ultralibéralisme creuse les inégalités et que ses bienfaits sont exagérés ».



Même si je continue à dénoncer radicalement les politiques qu'il pousse dans le monde, merci néanmoins au FMI de garder une certaine ouverture d'esprit et de permettre à des voix discordantes d'exprimer leur critique de ces mêmes politiques. Les petites rivières finiront par faire un fleuve inarrêtable.

Une étude révèle qu'une dague de Toutankhamon est en fer provenant d'une météorite

Une étude révèle qu'une dague de Toutankhamon est en fer provenant d'une météorite

Une dague enterrée avec le Roi Toutankhamon a été fabriquée avec du fer de météorite d'après une nouvelle analyse sur la composition du métal.

En 1925, l'archéologue Howard Carter avait trouvé deux dagues, l'une en fer et l'autre avec la lame en or, au sein de la momie du jeune roi, momifié il y a plus de 3300 ans.

Photo: Daniela Comelli

La lame en fer, qui a une poignée en or, un pommeau en cristal de roche et une gaine décorée de lys, a déconcerté les chercheurs au cours des décennies qui ont suivi la découverte de Carter: en effet, le travail du fer était rare en ancienne Egypte, et le métal de la dague n'était pas rouillé.

Des chercheurs italiens et égyptiens ont donc analysé le métal avec un spectromètre de fluorescence des rayons X afin de déterminer sa composition chimique. Ils ont découvert une forte teneur en nickel et en cobalt ce qui suggère très probablement une origine extraterrestre.

Ils ont comparé la composition avec des météorites connues dans les 2000 km aux alentours des côtes égyptiennes bordant la Mer Rouge, et ils ont découvert des niveaux similaires dans l'une d'elles.

Cette météorite, surnommée Kharga, a été découverte à 240 km à l'ouest d'Alexandrie, dans la ville portuaire de Marsa Matruh, connue à l'époque d'Alexandre le Grand, au 4ème siècle avant JC, sous le nom d'Amounia.

Bien que les anciens égyptiens travaillaient le cuivre, le bronze et l'or depuis 4000 avant JC, le travail du fer est arrivé bien plu tard, et était rare en ancienne Egypte.

En 2013, 9 perles en fer noirci, trouvées dans un cimetière près du Nil dans le nord de l'Egypte, avaient été façonnées à partir de fragments de météorites. Ces perles sont plus anciennes que le jeune pharaon, en effet elles datent de 3200 avant JC. "Comme, jusqu'à présent, les deux seuls objets en fer de l'Egypte ancienne qui ont été analysés avec précision sont d'origine météoritique, cela suggère que les anciens égyptiens attribuaient une grande valeur au fer météoritique qui servait à produire des ornements délicats ou des objets cérémoniels" écrit l'équipe qui a étudié la dague.

Les chercheurs ont aussi supposé que les anciens égyptiens accordaient une grande importance aux pierres tombant du ciel. Ils suggèrent que la découverte d'une dague d'origine météoritique ajoute du sens à l'utilisation du terme "fer" dans les anciens textes, et notent qu'aux alentours du 13ème siècle avant JC, un terme "traduit littéralement par «fer du ciel» était couramment utilisé pour décrire tous les types de fer. L'introduction de ce nouveau terme composite suggère que les anciens égyptiens savaient que ces morceaux de fer été tombés du ciel dès le 13ème siècle avant l'Ere Commune, soit deux millénaires avant la culture occidentale".

"Finalement, quelqu'un a réussi à confirmer ce que nous avons toujours raisonnablement supposé" a dit Thilo Rehren, archéologue à la University College London. Rehren, qui a étudié les neufs perles météoritiques, ajoute qu' "il n'y a jamais eu de raison de douter de ce résultat mais nous n'étions jamais vraiment en mesure de pouvoir le confirmer". Il pense que d'autres objets de la tombe de Toutankhamon, dont des dagues miniatures et des bijoux, pourraient être aussi être en fer de météorite. "Oui, les égyptiens  considéraient ce genre de chose en tant que métal venant du ciel. Ce que j'ai trouvé impressionnant est le fait qu'ils ont été capables de créer de tels objets délicats avec un métal avec lequel ils étaient peu expérimentés".

Le sarcophage du Roi Toutankhamon dans sa chambre funéraire, après que la momie ait été placée dans une urne en verre afin de protéger les restes de l'humidité et autres contaminations. Photo: Cris Bouroncle/AFP/Getty Images

L'égyptologue Joyce Tyldesley, de l'Université de Manchester, a rapporté aussi que les anciens Egyptiens vénéraient des objets célestes tombant sur la terre: "Le ciel était très important pour les anciens égyptiens, quelque chose qui tombait du ciel était considéré comme un cadeau des dieux".

La grande qualité de la lame suggère que Toutankhamon, qui vécut au cours de la dernière période de l'âge du bronze, fut soutenu par des ferronniers qualifiés en dépit de la rareté relative du matériau.

La dague ne serait pas le seul artéfact, sur le roi Toutankhamon, provenant d'objets tombés du ciel. En 2006, un astrochimiste autrichien estimait qu'une gemme jaunâtre inhabituelle, taillée en forme de scarabée sur le collier funéraire du roi, était du verre formé par la chaleur d'une météorite qui se serait écrasé sur du sable.

Le scarabée, du collier 267d, qui serait le produit de l'impact d'une météorite ou d'une comète sur le sable. collier 267d @ RR

"Ce serait très intéressant d'analyser d'autres artéfacts datant d'avant l'âge du fer, tels que les autres objets en fer trouvés dans la tombe du roi Toutankhamon" ajoute Daniela Comelli, du département de physique de l'Ecole Polytechnique de Milan, "nous pourrions obtenir de précieuses informations sur les technologie de travail du métal en ancienne Egypte et en Méditerranée."

Merci à Audric pour l'info !

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Les salaires du péché, par Chris Hedges

Les salaires du péché, par Chris Hedges

Source : Truthdig, le 10/04/2016

Posté le 10 avril 2016

Par Chris Hedges

Camden, l'une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Camden, l’une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Lorsque Platon écrivit “La République“, sa plainte au chevet d’une démocratie athénienne perdue, il ne pensait pas que la démocratie pouvait réapparaître. Le monde classique, contrairement au nôtre, ne voyait pas le temps comme linéaire. Le temps était cyclique. Il apportait inévitablement le déclin et éventuellement la mort, aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Et dans sa “République”, Platon recommande à ceux qui tenteraient à l’avenir de créer un État idéal de mener une série de mesures draconiennes, comprenant notamment l’interdiction du théâtre et de la musique, qui écartaient les citoyens de leurs devoirs civiques et instillaient la corruption, et d’enlever les enfants à leurs parents afin de leur fournir un bon endoctrinement. Platon voulait ralentir le processus de dissolution. Il voulait freiner le changement. Mais ce déclin et cette mort viendraient à coup sûr, même dans cet État idéal de Platon.

L’histoire a prouvé que les Grecs anciens avaient raison : toutes les cultures déclinent et meurent. Des cultures mourantes, même lorsqu’elles ne peuvent pleinement exprimer cette réalité, commencent à profondément craindre le changement. Le changement, pensent-elles, apporte un dysfonctionnement croissant, la misère et la souffrance. Cette peur du changement devient vite irrationnelle. Elle aggrave le déclin et accélère la morbidité. Pour voir les victimes modernes de ce processus, nous n’avons qu’à regarder les travailleurs américains blancs qui ont eu des emplois dans la fabrication de biens et ont bénéficié des structures de la suprématie blanche.

Ceux qui promettent de miraculeusement remonter le temps s’élèvent dans des cultures décadentes pour hypnotiser une population abasourdie et désorientée. Les chirurgiens plastiques qui fournissent l’illusion de la jeunesse éternelle, les leaders religieux qui promettent le retour à une morale biblique simplifiée, les démagogues politiques qui font la promesse d’une grandeur retrouvée et les charlatans qui offrent des techniques pour l’auto-perfectionnement et le succès colportent tous une pensée magique. Une population désespérée, effrayée par le changement, réclame de plus en plus d’illusion. Les forces qui assurent la mort collective – notamment le capitalisme d’entreprise, l’industrie du combustible fossile et l’industrie de l’agriculture animale – étouffent la conscience.

Lorsqu’une société pleure le passé perdu et redoute l’avenir, lorsque se fait sentir la présence imminente de la mort, elle tombe dans le terrier du lapin. Et comme dans le cas d’Alice – qui “continuait de se dire à elle-même, d’une façon rêveuse, “Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ?” et quelques fois, “Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ?” car, vous voyez, comme elle ne pouvait répondre à aucune de ces questions, l’ordre choisi importait peu” – le langage devient dissociable de l’expérience. Le discours de la vie quotidienne, surtout le discours public, est, comme notre campagne présidentielle l’illustre, réduit à un charabia puéril.

Les emplois ont disparu. Les écoles sont fermées. Les quartiers et les villes sont en ruine. Le désespoir et la pauvreté dominent nos vies. Les libertés civiles sont abolies. La guerre est sans fin. La société s’auto-médicamente. La démocratie est une fiction. Les décisions “d’austérité” du gouvernement comme la dernière coupe budgétaire dans le programme fédéral de coupons alimentaires, une action qui pourrait rayer des millions de personnes des listes, accentuent les chocs. Des chocs comme ceux-là, comme l’écrivit Alvin Toffler, déclenchent éventuellement une surcharge émotionnelle ; ils sont “la tension et le vertige qui saisissent un individu soumis à des changements trop brutaux sur une courte période.” Et, au final, la réalité, trop lourde à porter, est donc proscrite.

Le changement climatique et la crise financière imminente transformeront ces circuits courts émotionnels en ce que les anthropologues appellent les “cultes de la crise”. Les cultes de la crise alimentent l’illusion de la grandeur et du pouvoir retrouvés durant les périodes d’effondrement, d’anxiété et d’impuissance. Un passé mythifié refera magiquement surface. Les anciennes règles et hiérarchies sociales s’appliqueront à nouveau. Les comportements et rituels prescrits, comme notamment les actes de violence pour nettoyer la société du mal, vaincront les forces malveillantes. Ces cultes de la crise– nés dans la plupart des sociétés qui font face à la destruction, de l’Île de Pâques aux autochtones américains au moment de la Ghost Dance (la “danse des esprits”) en 1890 – créent des tribus hermétiquement fermées. Nous sommes déjà profondément engagés dans cette voie.

J’ai passé récemment un week-end dans la Second Presbyterian Church à Elizabeth, dans le New Jersey, où j’ai aidé à trier des piles de vieux livres, d’archives de l’église, de fleurs en plastique, d’habits de chœur usagés et autres détritus qui étaient les vestiges poussiéreux de cette congrégation de la classe ouvrière blanche qui a occupé ces bancs durant des décennies.

Elizabeth a été dévastée par la fermeture de l’usine Singer en 1982, qui avait été construite en 1873 et avait eu jusqu’à 10 000 ouvriers. Les Afro-Américains  de l’usine, environ 1000, travaillaient principalement dans une fonderie qui fabriquait les parties en fonte des machines à coudre. Le travail était mal payé et dangereux. Les travailleurs blancs, pour la plupart allemands, italiens, irlandais, juifs, polonais et lituaniens, dominaient à l’étage de l’usine dans des fonctions plus sûres et à la paie meilleure. La ville était construite autour de l’usine tentaculaire. Des générations d’habitants ont construit leur vie et leur famille sur la base des emplois Singer ou des revenus qui en découlaient indirectement. Et ensuite, après un long déclin, l’usine a disparu.

L’année où Singer a fermé son usine – vaisseau amiral d’Elizabeth – il y a eu 2 696 autres fermetures d’usines à travers les États-Unis, provoquant 1 287 000 pertes d’emplois. Ceux des salariés de Singer qui avaient moins de 55 ans ont entièrement perdu tout droit à une retraite, même s’ils avaient travaillé pendant des décennies pour cette société. Les petites entreprises de la ville qui dépendaient de l’usine ont fait faillite.

Dans les villes post-industrielles à travers les États-Unis il apparaît maintenant clairement, avec le passage des années, que les bons emplois alors fournis par des usines comme Singer ont disparu pour toujours. La colère refoulée et la frustration de la classe ouvrière blanche a donné naissance à de sombres pathologies de haine. La haine est dirigée contre ceux qui ont une couleur de peau ou une ethnie différente qui semblent avoir annoncé les changements qui ont détruit les familles et les communautés.

Ces sentiments, palpables pendant les meetings de Trump, vont perdurer après sa campagne même si, comme je le suppose, les élites du parti l’écartent. C’est une force extrêmement dangereuse. Elle est annonciatrice de violences contre tous ceux qui sont apparemment  sortis de l’exclusion aux dépens de la classe ouvrière blanche – les Afro-américains, les musulmans, les sans-papiers, les homosexuels, les féministes, les artistes, les intellectuels – et va alimenter l’essor d’un fascisme christianisé.

“Plusieurs générations de la même famille travaillaient pour Singer,” selon le Révérend Michael Granzen, ministre de l’église d’Elisabeth, à propos des travailleurs blancs qui ont perdu leur emploi. “Ils ont souffert, lorsque l’usine a fermé, pas seulement d’une perte économique mais aussi d’une perte d’identité. Ils étaient privés de leur routine quotidienne au travail. Ils ont perdu des liens sociaux. Ils n’avaient désormais plus d’objectifs générationnels. Ils ont perdu l’espoir en l’avenir. Ils ne pouvaient plus compter sur un revenu régulier, une couverture maladie et une retraite assurée. Les mariages et les quartiers étaient déchirés. Il y a une augmentation des violences domestiques, de la consommation de drogue, de l’alcoolisme et des crimes.

“Beaucoup d’ouvriers blancs ont pris comme boucs émissaires les nouveaux travailleurs noirs et latinos, auxquels ils reprochent la fermeture de l’usine,” dit-il. “Le racisme blanc est largement dû à cette perte d’estime de soi. Cela a à voir avec la peur du nihilisme. Cela crée une fausse grandeur pour compenser une profonde insécurité. Nous voyons cette dynamique se développer dans les villes post-industrielles à travers le pays.”

La plupart de ces anciens sites de fabrication ont vu les Blancs fuir. Les Hispaniques et les Noirs, vivant dans une terrible pauvreté, peuplent maintenant les quartiers en déclin. Soixante pour cent de la population d’Elizabeth sont composés de Latinos, la plupart d’Amérique centrale.

Elizabeth, comme beaucoup d’autres villes, est devenue une nouvelle colonie de pauvres. Elle aide à fournir les corps qui nourrissent le système d’incarcération de masse. Et, avec d’autres centres urbains en souffrance, a été transformée en un dépotoir toxique.

“Les risques environnementaux se sont multipliés durant les années qui ont suivi la fermeture de Singer,” m’a dit Granzen. “Tout comme d’autres villes expérimentant le déclin industriel au New Jersey – comme Camden, Newark, Trenton et Patterson – des structures politiques contrôlées par les Blancs sont devenues des dépotoirs de déchets dangereux et toxiques dans les villes comme Elizabeth, qui avait déjà son propre héritage toxique. La philosophie de profilage racial qui déprécie la valeur des entités non blanches s’est reflétée dans le racisme environnemental. Les vies des non blancs ont été considérées comme de valeur inférieure.”

Les formes insidieuses du racisme institutionnel qui définissent l’Amérique explosent alors que s’approche la mort sociétale. Elles s’expriment dans des manifestations de violence raciale. Des groupes d’autodéfense blancs, obsédés par l’idée d’empêcher de nouveaux changements, s’engagent dans le même usage aveugle de la force meurtrière pratiqué par la police contre les personnes de couleur désarmées. L’échec persistant du gouvernement à réintégrer la classe ouvrière dans l’économie, à donner de l’espoir aux gens, nous condamne tous.

Platon commence “La République” par Socrate allant au port de Pirée, le lieu le plus décadent de l’Athènes antique. Il était plein de tavernes et de bordels. C’était le refuge des voleurs, des prostituées, des soldats et des bandes armées. Les marins égyptiens, mèdes, allemands, phéniciens, carthaginois et autres étrangers – les Athéniens les regroupaient sous le terme de Barbares – se réunissaient le long du front de mer.

Le port était également le lieu où la flotte de guerre athénienne, constituée de trirèmes noires aux béliers recouverts de bronze à la proue, était stationnée en rangées dans les hangars à bateaux. Ces vaisseaux de guerre ont participé à transformer Athènes d’une ville-État démocratique en un empire au Ve siècle avant J.C. Et, comme l’ont compris Platon et son disciple Aristote, la construction d’un empire, de tout empire, détruit la démocratie.

La polis grecque, ou cité-État, vite absorbée par l’empire macédonien, était le noyau qui – comme les premiers hôtels de ville de la Nouvelle Angleterre aux États-Unis – a permis à l’individu d’être un homme politique, d’avoir une institution et une voix. Or, les empires requièrent un gouvernement centralisé et autoritaire qui n’a pas besoin du demos (peuple). La démocratie grecque, toujours patriarcale, s’est éteinte avec le développement de l’empire. La corruption et la soif de pouvoir ont défini les nouvelles élites dirigeantes. Les citoyens, comme dans notre système de “totalitarisme inversé“, sont devenus inutiles. Comme l’a remarqué le général athénien Thucydide, la tyrannie qu’Athènes a imposée dans les confins de l’empire, elle se l’est imposée à elle-même. Athènes, comme les États-Unis des siècles plus tard, était rongée de l’intérieur par les forces corrosives de l’empire. Les moyens de contrôle brutaux utilisés initialement dans des endroits lointains de l’empire – dans notre cas par des polices militarisées, des drones, la suspension des libertés civiles, la surveillance systématique et l’incarcération de masse – ont migré vers le pays d’origine. C’est ainsi que meurent la plupart des empires : ils se suicident.

La perte de la vertu civique, écrivait Platon, a laissé une population hypnotisée par les illusions vacillantes sur les parois d’une caverne. De telles images distordues de la réalité – nos hallucinations électroniques vont au-delà de l’imagination de Platon – alimentent des croyances et désirs irrationnels. Elles encouragent une existence sans imagination. Nos représentations sont habilement manipulées par les élites pour garder la population divertie et passive. Ceux qui cherchent à questionner ces illusions sont, Socrate nous en avertit, généralement attaqués et tués par la foule, qui ne veut pas que ses mythes réconfortants soient mis à mal. Lorsque la réalité est trop difficile à supporter, une population ne recherche pas la liberté et la vérité; elle devient le complice de son propre asservissement. L’épicurianisme, la réduction de la vie à la poursuite de plaisirs individuels et éphémères, séduit le public. Le cynisme règne. La suspicion est partout. La communauté se décompose, et, comme l’écrit Platon, “tout tourne mal lorsque, dépourvus de toute chose bien dans leur vie, les hommes se tournent vers les affaires publiques en espérant y trouver la joie dont ils ont soif. Ils se mettent à se battre pour le pouvoir, et leur conflit fratricide les détruit, eux et leur pays.” Cet effondrement crée un monde imaginaire “où les hommes se battent les uns contre les autres pour des ombres imaginaires et se disputent le pouvoir, comme si cela était un grand prix…”

A la fin, la mort arrive comme un soulagement.

Nous ne sommes pas plus immunisés contre les forces du déclin et de la mort que ne l’étaient l’Athènes antique, l’Egypte des pharaons, l’ancienne Rome, les Mayas, les Aztèques, l’Île de Pâques, la société féodale européenne de seigneurs et serfs, et les empires monarchiques européens du début du XXe siècle. La nature humaine n’a pas changé. Nous réagirons comme ceux avant nous ont réagi lorsqu’ils ont été confrontés au déclin. Nous serons de plus en plus consumés par des illusions. Nous chercherons à arrêter le temps, pour empêcher le changement, pour faire nôtre une pensée magique dans un effort désespéré pour revenir à un passé idéalisé. Beaucoup souffriront.

Cette fois-ci, le déclin sera planétaire. Il n’y aura pas de nouvelles terres à conquérir, pas de nouveaux peuples à assujettir, pas de nouvelles ressources naturelles à piller et exploiter. Le changement climatique nous donnera une leçon brutale sur l’arrogance.

Le salaire du péché, comme Paul l’écrivait dans ses lettres aux Romains, est la mort – en premier lieu la mort intellectuelle et morale, puis la mort physique. La première, nous l’expérimentons déjà. Il serait rassurant de croire que nous pouvons, en tant qu’espèce, éviter la seconde. Mais si l’on se réfère à l’histoire humaine, nous allons le sentir passer. Et plus ce sera difficile, plus nous chercherons à contrecarrer le changement par la pensée magique, plus notre extinction finale en tant qu’espèce sera assurée.

Source : Truthdig, le 10/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Une victoire de Clinton signifierait-elle plus de guerres ? Par Robert Parry

Une victoire de Clinton signifierait-elle plus de guerres ? Par Robert Parry

Source : Consortiumnews.com, le 10/04/2016

Le 10 avril 2016

Reportage spécial : Des néoconservateurs perspicaces voient en Clinton leur cheval de Troie pour être remis en selle à la Maison-Blanche par les électeurs démocrates, et ceci soulève la question posée par Robert Parry : est-ce que Clinton comme quarante-cinquième président ne signifierait pas plus de guerres ?

Par Robert Parry

Les instances du parti démocrate semblent déterminées à soutenir la campagne sans envergure d’Hillary Clinton jusqu’à la ligne d’arrivée de sa course avec Bernie Sanders, et comptent sur les divisions des Républicains pour lui ouvrir la route à la Maison Blanche. Mais – si elle arrive jusque-là – le monde devra retenir son souffle.

Si Clinton devient présidente, elle sera entourée par une équipe de néoconservateurs exerçant le contrôle sur la diplomatie américaine, qui lui imposera de reprendre ses stratégies de “changement de régimes” au Moyen-Orient et d’intensifier sa nouvelle et dangereuse “guerre froide” vis-à-vis de la Russie.

L'ex-secrétaire d'État Hillary Clinton prenant la parole au cours d'une conférence de l'American Israel Public Affairs Committee à Washington D.C. le 21 mars 2016. (Photo credit: AIPAC)

L’ex-secrétaire d’État Hillary Clinton prenant la parole au cours d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee à Washington D.C. le 21 mars 2016. (Photo credit: AIPAC)

Si Bachar el-Assad est encore président de la Syrie, on exigera qu’elle lui donne le coup de grâce final ; il y aura également des pressions pour qu’elle augmente les sanctions contre l’Iran afin de pousser Téhéran à abandonner l’accord nucléaire ; il y a déjà des appels pour un plus large déploiement de troupes américaines à la frontière russe et pour une intégration de l’Ukraine dans la structure militaire de l’OTAN.

Hillary Clinton, quarante-cinquième président, devra entendre les argumentaires habiles justifiant ces mesures, la rhétorique opposant systématiquement la virilité à la féminité et la propagande pleurnicharde sur les ennemis diaboliques sortant les bébés des incubateurs, donnant du Viagra aux soldats pour qu’ils violent plus de femmes et commettant d’horribles crimes (certains bien réels, mais beaucoup imaginaires) sur des innocents sans défense.

Est-ce que quelqu’un pense qu’Hillary Clinton possède la sagesse de résister à ces chants de sirènes guerriers, même si elle y est prédisposée ?

Le président Barack Obama qui – malgré toutes ses fautes – possède une intelligence plus profonde et plus subtile que celle d’Hillary Clinton, s’est trouvé lui-même si accablé par ces pressions venant de la stratégie militariste de Washington qu’il s’est plaint de sa situation inconfortable auprès de Jeffrey Goldberg de The Atlantic, lui-même faucon néoconservateur.

La diplomatie de Washington est aujourd’hui si profondément aux mains des néoconservateurs et de leurs comparses affiliés à la doctrine libérale la plus interventionniste, que l’actuel président ne pourrait sans doute trouver personne pour l’interviewer, excepté un néoconservateur, même s’il se plaignait du fait que la capitale américaine soit entre les mains de bellicistes.

Étant donné la toute-puissance des néoconservateurs sur la diplomatie américaine – particulièrement au sein de l’administration du département d’État, des grands médias et des think tanks importants – Clinton sera harcelée par des demandes et des projets “va-t-en guerre” émanant à la fois de l’extérieur de son administration et de son propre camp.

Déjà, des néoconservateurs influents, tel que Robert Kagan de la Brookings Institution, ne cachent pas qu’ils escomptent avoir une influence non négligeable sur la diplomatie de Clinton. Kagan, qui s’est repositionné lui-même comme un “libéral interventionniste”, offre son soutien à Clinton qui l’avait nommé au Conseil consultatif du département d’État.

On dit aussi à Washington que l’épouse néoconservatrice de Kagan, Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe, une autre protégée de Clinton et l’architecte du “changement de régime” en Ukraine, serait en lice pour une haute fonction diplomatique dans l’administration Clinton.

Les néoconservateurs de retour aux manettes

A vrai dire, l’élection de Clinton signifie qu’une partie des personnes les plus dangereuses de la diplomatie américaine pourraient murmurer directement à ses oreilles leurs combines pour “toujours plus de guerre” – et son dossier montre qu’elle est parfaitement sensible à de tels conseils.

Robert Kagan, important intellectuel néoconservateur (Photo credit: Mariusz Kubik, http://www.mariuszkubik.pl)

Robert Kagan, important intellectuel néoconservateur (Photo credit: Mariusz Kubik, http://www.mariuszkubik.pl)

A chaque fois, en tant que sénatrice américaine et secrétaire d’État, Clinton a opté pour les solutions de “changement de régime” – de l’invasion de l’Irak en 2003 jusqu’au coup d’État au Honduras en 2009, à la guerre aérienne en Libye en 2011, à la guerre civile en Syrie depuis 2011 – ou bien elle s’est faite le chantre de l’escalade des conflits, comme en Afghanistan et en Iran, plutôt que de s’engager dans des négociations avec concessions mutuelles.

Parfois Obama a suivi cette ligne (le “sursaut” en Afghanistan, la guerre en Libye, l’affrontement contre le nucléaire iranien) mais parfois il n’a pas suivi cette ligne (désescalade en Afghanistan, finalement négociation de l’accord nucléaire avec l’Iran après le départ de Clinton, rejet d’un assaut militaire direct contre le gouvernement syrien, et travail de temps en temps avec les Russes sur l’Iran et la Syrie).

En d’autres termes, Obama a agi comme un frein à l’encontre de l’aventurisme belliqueux de Clinton. Avec Clinton comme présidente, il n’y aura plus de telles retenues. On peut s’attendre à ce qu’elle endosse de nombreux, si ce n’est tous, les cadres de pensée néoconservateurs aberrants, comme l’a fait George W. Bush quand ses conseillers néoconservateurs ont utilisé sa peur et sa fureur après le 11-Septembre pour le guider vers leur programme de “changement de régime” pour le Moyen-Orient.

Les néoconservateurs n’ont jamais abandonné leurs rêves de renverser les gouvernements moyen-orientaux qu’Israël a inscrits sur sa liste d’ennemis. L’Irak était seulement le premier. Les suivants furent la Syrie et l’Iran avec l’idée qu’en installant des dirigeants pro-israéliens dans ces pays, les ennemis frontaliers d’Israël – Hezbollah au Liban, Hamas et autres groupes militants palestiniens – pourraient être isolés et écrasés.

Après l’invasion de l’Irak par Bush en 2003, les néoconservateurs à Washington plaisantaient sur le choix du suivant, serait-ce l’Iran ou la Syrie, avec une maxime : “Pour les hommes, les vrais, c’est Téhéran !” Mais la guerre d’Irak n’a pas été la “promenade de santé” promise par les néoconservateurs. Au lieu de lancer des fleurs aux soldats américains, les Irakiens semèrent des bombes artisanales.

En réalité, beaucoup de “vrais hommes” et de “vraies femmes” – ainsi que de “vrais enfants” – sont morts en Irak, ainsi que presque 4500 soldats américains et des centaines de milliers d’irakiens.

Le calendrier néoconservateur en prit un coup, mais, à leur avis, uniquement en raison de l’incompétence de Bush dans le suivi en Irak. Si ce n’avait été cette occupation bâclée, les néoconservateurs pensaient qu’ils auraient pu continuer à faire chuter les autres régimes gênants, l’un après l’autre.

Professionnellement, les néoconservateurs échappèrent au désastre irakien largement indemnes et continuèrent à dominer les groupes de réflexion de Washington et les tribunes libres des principaux journaux américains comme le Washington Post et le New York Times. Jamais à la traîne, ils commencèrent à préparer des plans à long terme.

Une erreur d’Obama

Bien qu’ils aient perdu la Maison-Blanche en 2008, les néoconservateurs saisirent leur chance quand le président élu Obama fit le choix en matière de politique étrangère d’une “équipe de rivaux” en s’inspirant d’Abraham Lincoln. Au lieu d’aller chercher les “réalistes” de la politique étrangère marginalisés (et vieillissants) à Washington, Obama plongea sur le registre de l’establishment dominé par les néoconservateurs.

Obama recruta sa belliqueuse rivale démocrate, la sénatrice Hillary Clinton, au poste de secrétaire d’État et garda le secrétaire à la Défense de Bush, Robert Gates. Obama garda aussi la plupart des militaires du haut commandement mis en place par Bush, y compris le favori néoconservateur le général David Petraeus.

La stratégie de gestion naïve d’Obama laissa les néoconservateurs et leurs copains “libéraux interventionnistes” consolider leur contrôle bureaucratique sur la bureaucratie de la politique étrangère de Washington, bien que le président préférât une approche plus “réaliste” qui aurait utilisé plus judicieusement la puissance américaine – et il était moins assujetti  au gouvernement de droite israélien.

La secrétaire d'État adjointe pour l'Europe et l'Eurasie Victoria Nuland au cours d'une conférence à l'ambassade des États-Unis à Kiev, Ukraine, le 7 février 2014. (Photo du département d'État U.S.)

La secrétaire d’État adjointe pour l’Europe et l’Eurasie Victoria Nuland au cours d’une conférence à l’ambassade des États-Unis à Kiev, Ukraine, le 7 février 2014. (Photo du département d’État U.S.)

L’influence souterraine des néoconservateurs devint particulièrement évidente au département d’État de Clinton au moment où elle fit appel à Nuland, une idéologue néoconservatrice et une assistante auprès du vice-président Dick Cheney, pour être la porte-parole du département et la mit sur la voie du poste de secrétaire d’État adjointe pour les Affaires européennes (même si le poste ne fut officialisé qu’après le départ de Clinton en 2013).

L’influence des néoconservateurs/faucons libéraux est maintenant si forte au sein du département d’État que des officiels de ma connaissance qui occupent ces lieux réapparaissent, comme habités par des extraterrestres, débitant des discours arrogants pour le soutien de l’intervention américaine partout dans le monde. En revanche, je trouve, qu’en comparaison, la CIA et le Pentagone font preuve de réalisme et de retenue.

Peut-être le meilleur exemple de ce phénomène d'”extraterrestres” est-il le sénateur John Kerry qui a remplacé Clinton au poste de secrétaire d’État en devenant, au même moment, le porte-parole de la rhétorique la plus va-t-en-guerre de la bureaucratie.

Par exemple, Kerry a été partisan d’une campagne de bombardements en représailles contre l’armée syrienne en août 2013, ignorant les doutes de la communauté du renseignement sur la responsabilité ou non du régime de Bachar el Assad quant à l’attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas.

Au lieu d’écouter les analystes du renseignement, Kerry s’est aligné derrière la “pensée de groupe” pilotée par les néoconservateurs rejetant toute la faute sur Assad, l’excuse parfaite pour mettre en place, avec retard, le “changement de régime” syrien, cher aux néoconservateurs. Les néoconservateurs ne prirent pas en compte la réalité des faits – et Kerry abonda en ce sens. [Lire sur Consortiumnews.com “What’s the Matter with John Kerry?“]

Mais Obama, lui, n’a pas suivi. Il écoutait lorsque James R. Clapper, directeur du renseignement national, lui a dit qu’on était loin d’avoir des preuves que l’armée syrienne fût impliquée. (Au bout du compte, Il y aurait des preuves d’une provocation montée par les islamistes extrémistes afin de pousser l’armée américaine à intervenir à leur côté dans la guerre.)

Le directeur du renseignement national, James R. Clapper (à droite) parlant avec le président Barack Obama dans le bureau ovale en présence de John Brennan et d'autres membres de la National Security Agency. (Photo credit: Office of Director of National Intelligence)

Le directeur du renseignement national, James R. Clapper (à droite) parlant avec le président Barack Obama dans le bureau ovale en présence de John Brennan et d’autres membres de la National Security Agency. (Photo credit: Office of Director of National Intelligence)

Obama a reçu également une aide du président russe Vladimir Poutine qui persuada le président Assad de renoncer aux armes chimiques (alors qu’Assad a toujours nié tout rôle dans l’attaque au gaz sarin). L’aide de Poutine a énervé les néoconservateurs qui ont rapidement reconnu que la coopération Obama-Poutine était une menace profonde pour leur entreprise de « changements de régime ».

Cibler l’Ukraine

Certains néoconservateurs, plus intelligents, ont rapidement considéré l’Ukraine comme un coin qui pourrait être enfoncé entre Obama et Poutine. Carl Gershman, président de la Fondation nationale pour la démocratie (NED), a appelé l’Ukraine le “gros lot” et un premier pas potentiel pour écarter Poutine du pouvoir en Russie.

C’est à la secrétaire d’État adjointe Nuland qu’a été confiée la direction de l’opération en Ukraine jusqu’à sa réussite, telle qu’elle l’avait planifiée avec l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt, pour se débarrasser du président ukrainien pro-russe Victor Ianukovich. Nuland et Pyatt ont été piégés par l’interception d’une discussion téléphonique portant sur qui devrait prendre la relève.

« Yats, c’est notre homme, » a dit Nuland à propos d’Arseni Iatseniouk qui allait en effet devenir le nouveau Premier ministre. Nuland et Pyatt ont alors échangé des idées sur comment « faire coller tout ça » et comment « donner naissance à ce truc ». Ce « truc » est devenu le sanglant coup d’État du 22 février 2014, qui a évincé le Président élu Ianukovich et provoqué une guerre civile entre « nationalistes » ukrainiens de l’Ouest et russes ethniques de l’Ukraine à l’Est.

Comme les « nationalistes », dont certains ouvertement néonazis, ont infligé des atrocités aux Russes ethniques, la Crimée a voté à 96 pour cent pour quitter l’Ukraine et rejoindre la Russie. La résistance au nouveau régime de Kiev a également surgi dans la région du Donbass oriental.

Pour le département d’État – et les médias américains traditionnels – ce conflit s’explique totalement par « l’agression russe » contre l’Ukraine et « l’invasion russe » de la Crimée (malgré le fait que les troupes russes étaient déjà en Crimée dans le cadre de l’accord sur la base navale de Sébastopol). Mais tous les gens qui comptent ont reconnu que le référendum en Crimée était « une mascarade » (quoique de nombreux sondages ont depuis confirmé les résultats).

Quand la citoyenne Clinton s’est penchée sur la crise en Ukraine, elle a comparé le Président russe Poutine à Hitler.

Ainsi, aujourd’hui, la stratégie du scénario – comme Obama le qualifierait – des faucons néoconservateurs/libéraux de Washington exige une concentration de plus en plus importante de troupes américaines et de systèmes d’armements de l’OTAN à la frontière russe pour dissuader « l’agression » de Poutine.

Une scène de « Docteur Folamour »dans laquelle le pilote de bombardier (joué par Slim Pickens) chevauche une bombe nucléaire vers sa cible en Union soviétique.

Une scène de « Docteur Folamour »dans laquelle le pilote de bombardier (joué par Slim Pickens) chevauche une bombe nucléaire vers sa cible en Union soviétique.

Ces durs à cuire et ces jeunes filles jurent aussi ignorer les avertissements de la Russie contre ce qu’elle estime des menaces militaires à son existence. Apparemment « les hommes, les vrais » vont à Moscou (peut-être en chevauchant une bombe nucléaire comme celle, fameuse, de « Docteur Folamour »).

Ian Joseph Brzezinski, fonctionnaire au département d’État sous la présidence de George W. Bush et maintenant expert en politique étrangère pour le Conseil atlantique, un groupe de réflexion de l’OTAN, a cosigné un article exhortant l’OTAN à incorporer des unités de l’armée ukrainienne au déploiement de ses opérations militaires le long de la frontière russe.

« Des responsables de la sécurité nationale ukrainienne de haut niveau ont incité vivement la communauté internationale à être plus audacieuse dans sa réponse aux actions militaires provocatrices de la Russie, » ont écrit Brzezinski (fils du vieux guerrier de la guerre froide, Zbigniew Brzezinski) et le coauteur ukrainien Markian Bilynskyj.

« Le déploiement d’une compagnie d’infanterie ukrainienne expérimentée ou d’une plus grande unité pour renforcer la défense du territoire de l’OTAN en Europe centrale serait une contribution positive au maintien des forces de l’Alliance dans la région. »

Suivre le scénario

Ce genre de discours ferme est celui que le prochain Président, quel qu’il ou elle soit, peut attendre d’un officiel de Washington. L’interview d’Obama dans The Atlantic montre bien qu’il se sent entouré et engagé par ces forces bellicistes, mais qu’il tire une certaine fierté à résister – de temps en temps – au scénario stratégique de Washington.

Mais comment la Présidente Hillary Clinton répondrait-elle ? Quand elle est apparue face au Comité américain des Affaires publiques d’Israël le 21 mars – à un moment où il semblait qu’elle avait presque remporté la nomination démocrate – Clinton a montré ce qu’on peut appeler son vrai visage, assurant servilement Israël de sa loyauté et promettant d’entretenir des relations étroites entre les États-Unis et Israël « en passant au niveau supérieur » (une expression qui s’applique d’habitude aux couples décidant d’emménager ensemble).

En examinant le rapport public de Clinton, on pourrait raisonnablement conclure qu’elle-même fait partie des néoconservateurs, tant dans sa dévotion à Israël que son penchant pour la solution des « changements de régime ». Elle suit aussi la tendance des néoconservateurs à diaboliser tout dirigeant étranger qui se met en travers de leur chemin. Mais même si elle n’en est pas membre à part entière, elle se plie souvent à leurs demandes.

Un écart possible par rapport à cette ligne est l’amitié personnelle de Clinton avec le conseiller de longue date Sidney Blumenthal, qui a très tôt critiqué le néo-conservatisme lorsqu’il est apparu comme une force puissante durant l’administration Reagan. Blumenthal et son fils Max ont aussi osé critiquer le traitement abusif des Palestiniens par Israël.

Cependant, le lobby d’Israël semble ne courir aucun risque d’entendre la voix de Sidney Blumenthal pendant une 45e administration dirigée par Clinton. Le mois dernier, un groupe pro-sioniste, The World Values Network, a acheté une pleine page du New York Times pour attaquer Blumenthal et son fils et a déclaré que « Hillary Clinton doit désavouer ses conseillers anti-Israël. »

Un graphique de The World Values Network attaque Sidney et Max Blumenthal

Un graphique de The World Values Network attaque Sidney et Max Blumenthal

Bien que Clinton ne puisse se dissocier publiquement de Sidney Blumenthal, la frappe préventive a rétréci sa marge d’action et a aidé le clan Kagan-Nuland à foncer au cœur de la politique étrangère de Clinton.

En effet, l’objectif principal de Clinton, si elle est élue, est probablement d’assurer sa réélection. En politicien traditionnel, elle devrait penser que le moyen de réaliser sa réélection est de rester du bon côté du leadership israélien. Dans cette optique, elle a promis à l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) que, Présidente, elle inviterait immédiatement le Premier ministre Benyamin Netanyahou à la Maison-Blanche.

Ainsi, qu’arriverait-il si Clinton faisait passer la relation américano-israélienne « au niveau supérieur » ? Vraisemblablement cela signifierait adopter une ligne très dure envers l’accord nucléaire de l’an dernier avec l’Iran. Or, étant donné la réticence américaine à accorder un allègement significatif des sanctions économiques, l’Iran met déjà en doute l’intérêt de son consentement aux contraintes exceptionnelles de son programme nucléaire.

Une approche belliqueuse de Clinton – condamnant le comportement de l’Iran et imposant de nouvelles sanctions – renforcerait, au sein du gouvernement, les tenants d’une politique dure envers l’Iran et pourrait bien mener l’Iran à renoncer à l’accord en raison de la mauvaise foi américaine. Cela, bien sûr, plairait aux néoconservateurs et à Netanyahou en remettant en jeu l’option « boum boum boum l’Iran ». [Le refrain des Beach Boys, « Bar bar bar bar Barbar Ann », a été détourné par McCain en « Bomb bomb bomb, bomb bomb Iran », NdT]

Un renversement stupéfiant

Clinton peut avoir considéré son discours à l’AIPAC comme l’amorce du « recentrage » qu’elle attendait tant – la libérant finalement de l’obligation de faire la cour aux progressistes – mais ensuite elle a subi une série de défaites, souvent de l’ordre du raz de marée, aux primaires et au comité électoral aux mains du sénateur Bernie Sanders.

En plus de ces défaites stupéfiantes, la campagne de Clinton a nettement souffert d’un « manque d’enthousiasme ». Sanders, le « social-démocrate » de 74 ans du Vermont, attire des foules énormes et surexcitées et gagne d’impressionnants pourcentages d’électeurs plus jeunes. En attendant, Clinton est confrontée à des sondages montrant des taux élevés d’opinions négatives et une extraordinaire méfiance publique.

Le sénateur Bernie Sanders du Vermont cherche l'Investiture démocrate à la présidentielle.

Le sénateur Bernie Sanders du Vermont cherche l’Investiture démocrate à la présidentielle.

Si elle obtient la nomination démocrate, elle ne peut que s’engager dans une campagne négative acharnée puisque – face au manque d’enthousiasme des électeurs – sa meilleure chance de victoire est de diaboliser à un tel point son adversaire républicain que Démocrates et Indépendants se rendent aux urnes, morts de peur à l’idée de ce que le fou furieux du Parti républicain pourrait faire.

A l’heure qu’il est, beaucoup de partisans de Clinton la voient comme le choix – pas très excitant – de « la sécurité », une femme politique dont le long curriculum leur apporte l’assurance qu’elle doit savoir ce qu’elle fait. Les Afro-Américains, qui ont été ses électeurs les plus loyaux, se sentent apparemment plus à l’aise avec quelqu’un qu’ils connaissent (qui a eu aussi des fonctions dans l’administration Obama), que Sanders, qui est inconnu pour beaucoup et vu comme quelqu’un dont les programmes ambitieux semblent moins concrets que les idées sans envergure de Clinton.

Mais regarder de près le curriculum de Clinton, particulièrement son attachement aux « changements de régime » et autres plans interventionnistes au Moyen-Orient et en l’Europe de l’Est, pourrait faire réfléchir les électeurs pacifistes. [Lire sur Consortiumnews.com, « Is Hillary Clinton 'Qualified’ ? »]

Des néoconservateurs astucieux, comme Robert Kagan, ont compris depuis longtemps que Clinton pourrait être leur cheval de Troie, tiré dans la Maison-Blanche par les électeurs Démocrates. Kagan a déclaré au New York Times : « Je me sens à l’aise avec elle sur la politique étrangère. Si elle poursuit la politique que nous pensons qu’elle poursuivra, ce sera ce qu’on pourrait appeler du néo-conservatisme, mais il est clair que ses partisans ne vont pas l’appeler ainsi ; ils vont l’appeler autrement. »

Le même article du Times a remarqué que Clinton « reste le navire dans lequel beaucoup d’interventionnistes mettent leurs espoirs. » Cependant, si elle est ce « navire » rapportant une politique étrangère néoconservatrice à la Maison-Blanche, ce choix « sécurisant » pourrait se révéler dangereux pour Amérique et la planète.

Source : Consortiumnews.com, le 10/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.