jeudi 19 mai 2016

Résoudra-t-on l’énigme de l’assassinat de John F. Kennedy le 22/11/63 ?




S’il y eut bien au XXe siècle une mystification monumentale, ce fut indéniablement l’enquête sur l’assassinat public de Kennedy.

Le 22 novembre 1963, à 12 h 30, le président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, mourait dans sa voiture décapotée, alors qu’il venait de passer dans Elm Street, à Dallas, devant un dépôt de livres, le Texas Book Depository Building. D’une fenêtre du sixième étage de ce bâtiment, un certain Lee Harvey Oswald avait tiré sur lui trois balles d’un fusil Mannlicher-Carcano. Transporté au Parkland Hospital, Kennedy y fut déclaré mort à son arrivée, à 13 heures.

Une heure et demie plus tard, au terme d’une étrange course-poursuite à travers Dallas, la police arrêta Oswald à 13 h 51, sous le prétexte inattendu qu’il était entré dans un cinéma sans avoir payé sa place. Commencent alors les incongruités, les absurdités et les invraisemblances.

Empressons-nous de préciser que nous ne disposons d’aucune donnée nouvelle ni confidentielle, mais que nous avons simplement rassemblé les faits que voici, les jugeant suffisamment éloquents.

Ancien marine et marginal paranoïaque, qui avait suivi un entraînement d’espion en URSS et avait également été inculpé d’espionnage pour Cuba, Oswald avait la détente facile : après son meurtre présumé, il se serait rendu à une pension d’Oak Cliff, non loin du lieu de l’assassinat, pour y louer une chambre ; sa logeuse l’aurait vu ressortir à 13 h 05 et attendre à l’arrêt du bus avec « un revolver Smith & Wesson de calibre .38 et des munitions ». Cette logeuse avait décidément l’œil exercé, mais il est vrai qu’elle était native du Texas. Ou bien alors, Oswald tenait le revolver et les munitions en main, ce qui, même à Dallas que nous connaissons bien, est un comportement singulier.

Quelques minutes plus tard, toujours selon l’enquête, le policier J. D. Tippitt aurait arrêté sa voiture et Oswald l’aurait abattu. Et ce serait ensuite qu’Oswald serait entré au cinéma.

Aucune explication n’a été fournie pour les contradictions flagrantes que voici : comment Oswald, qui attendait à l’arrêt du bus, se serait-il retrouvé dans sa voiture ? Et pourquoi Tippitt l’arrêta-t-il ? Cet épisode est le plus souvent négligé par les auteurs qui se sont intéressés à l’affaire, alors qu’il nous paraît particulièrement révélateur. Il prouve, en effet, que le signalement du tueur était déjà donné, bien avant l’assassinat. Faut-il croire qu’en quarante-six minutes la police aurait identifié le tueur inconnu qui se trouvait au Texas Book Depository Building et aurait communiqué son signalement à tous les agents de Dallas, puis l’aurait reconnu dans l’obscurité d’une salle de cinéma ? Il n’existait pas de téléphones portables en 1963.

Le lendemain, 22 novembre, à 13 h 51, alors qu’il était conduit au tribunal sous escorte policière, Oswald fut assassiné à son tour par un tenancier de boîtes de nuit, Jacob Léon Rubinstein, dit Jack Ruby, qui tira sur lui à bout portant, devant des caméras de télévision. Inculpé de meurtre en 1964, Ruby vit le motif de son inculpation pour meurtre annulé et un autre chef d’inculpation fut invoqué pour un nouveau procès. Trois ans plus tard, ce procès n’avait pas été entamé et, en 1967, Ruby mourut en prison d’un cancer. Il ne révéla jamais les raisons de son acte.



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L’accumulation d’étrangetés de l’affaire déclencha dans l’opinion une lame de fond de soupçons, renforcés par l’assassinat de Robert Kennedy, le 6 juin 1968, à Los Angeles, dans des circonstances également bizarres (là non plus, les policiers fédéraux présents dans la salle n’avaient pas remarqué le comportement alarmant d’un certain Sirhan Sirhan, l’assassin).

Une commission d’enquête fut constituée peu après l’assassinat du président, par son successeur Lyndon B. Johnson, « pour éviter toute enquête indépendante », cela est officiellement stipulé. Bizarre : en quoi une enquête indépendante gênerait-elle l’établissement de la vérité ? Toujours est-il qu’elle fut présidée par un Républicain, le juge Earl Warren. Après interrogation de cinq cent cinquante-deux témoins, elle remit un rapport au Congrès, en septembre 1964. Ce rapport fut d’abord accueilli avec enthousiasme, parce qu’il rassurait une opinion nationale angoissée par le meurtre. Il confirmait la version des faits qui était devenue à peu près officielle en dépit de quelques différences entre les déclarations des diverses autorités : le président avait été assassiné de trois balles par Lee Harvey Oswald et c’était tout, point barre. Elle n’avait relevé dans l’attentat aucune preuve de l’ingérence d’une puissance étrangère.

Un aspect des conclusions refroidit sensiblement l’enthousiasme de l’accueil : c’étaient les critiques adressées au FBI et aux services secrets chargés de la sécurité du président. Elles signifiaient que l’on n’avait pas tenu compte des menaces qui pesaient sur la visite de Kennedy à Dallas. Pourquoi ?

Et une lacune laissait les lecteurs insatisfaits : aucun rapport n’avait été trouvé entre les meurtres de Kennedy et d’Oswald. Voire !

Sans attendre le rapport, le FBI d’Edgar Hoover, qui se doutait probablement qu’il serait mis sur la sellette, avait publié en décembre 1963 vingt-six volumes de conclusions.

Incidemment, on n’y trouvait pas mention des disparitions successives de plusieurs témoins clés. Des coïncidences malheureuses, sans doute. On n’y précisait pas non plus que plusieurs témoignages et documents dormaient et dorment encore dans les archives nationales.

Depuis les assassinats d’Abraham Lincoln et de James Garfield, l’Amérique était certes préparée à ce que ses présidents fussent considérés comme des pigeons d’argile par certains agités (un autre président, Ronald Reagan, échapperait de peu à la mort quelques années plus tard). Mais au pays du film noir et des grands romans policiers, les autorités eussent pu mieux faire que de jeter au public une intrigue aussi mal ficelée. Cela équivalait à une expression de mépris pour les opinions nationale et internationale.
Ou bien alors cette intrigue était-elle trop explosive pour être révélée.



*

Une montagne d’articles, de livres, d’émissions de télévision et un film ont été consacrés à cet attentat ; l’écrasante majorité est inspirée par une théorie du complot et, de ce fait même, elle a été reléguée aux oubliettes : il y a toujours des esprits compliqués et soupçonneux qui croient discerner des causes occultes à des événements tragiques et bâtissent des théories extravagantes. Mais aucune preuve n’a jamais été fournie d’un quelconque complot américain destiné, comme le soutiennent quelques obstinés, à débarrasser le pays d’un président pour une raison ou une autre. Oswald était un fanatique intoxiqué par la haine des communistes pour l’Amérique et c’était tout. Quant à Ruby, il avait cédé à l’indignation naturelle d’un citoyen devant un meurtre ignoble.
C’était aussi simple qu’une image d’Épinal.

Et le temps a recouvert ce chapitre d’un voile gris, tandis que les indignations se sont émoussées. Puis les contemporains disparaissent. Ceux qui étaient curieux n’avaient pas de preuves justifiant la réouverture de l’enquête, et ceux qui auraient détenu des preuves s’en allaient les uns après les autres. La conclusion de la commission Warren demeurait.

Plusieurs questions subsistaient cependant, auxquelles ni cette commission ni le rapport d’enquête du FBI n’avaient répondu ou offert des éléments de réponse :

– Lee Harvey Oswald était-il le seul tireur ? Et quelle est la base des témoignages portant sur un quatrième coup, qui aurait été tiré de la butte sur le parcours du défilé présidentiel, correspondant à un rond-point nommé Daley Plaza ? En 1983, une chercheuse indépendante, Mary Ferrell, retrouva l’enregistrement sonore démontrant qu’il y avait eu quatre coups de feu. Comment se fait-il que, selon une autre chercheuse indépendante (01), la grande majorité des témoins aient situé l’origine des coups de feu sur la butte citée plus haut ? Et pourquoi la commission Warren avait-elle rejeté cet élément ?

– Les éléments techniques du rapport Warren comportent des lacunes… Les témoignages sur un quatrième coup de feu ont été écartés pour la raison suivante : les témoins auraient été abusés par l’écho de la détonation. En effet, quand une balle est tirée, on entend le coup de départ, celui du percuteur frappant la balle, et le claquement de celle-ci dans l’atmosphère, à vitesse supersonique. Fort bien. Mais, dans ce cas, et étant donné qu’Oswald avait tiré trois coups, on aurait dû entendre six détonations, ce qui n’est pas le cas.

– Oswald était-il bien le tireur ? Selon le rapport de la commission Warren, il aurait tiré sur la voiture présidentielle alors qu’elle s’éloignait. Or, de l’avis général des experts, la puissance d’arrêt de la cartouche de 6,5 mm de la Mannlicher-Carcano, carabine en usage dans l’armée italienne durant la Première Guerre mondiale, n’est pas considérée comme suffisante pour cet exploit. Pour tirer avec une telle arme sur une cible en mouvement, il aurait fallu un tireur d’élite, ce qu’Oswald n’était pas, de l’avis des écoles de tir où il s’était entraîné.

– Les trois coups de feu – à supposer qu’il n’y en eut que trois – ont retenti en l’espace approximatif de trois secondes. En supposant que l’arme était déjà chargée lors du premier, on considère que c’est le délai dans lequel les deux coups suivants ont été tirés. S’ils l’avaient été avec la Mannlicher-Carcano, il aurait fallu qu’Oswald recharge son arme manuellement avec une vitesse remarquable, débloque le verrou, ajuste la balle, referme la carabine, vise une cible mouvante et tire. Cela suppose une dextérité hors pair. Mais question également sans réponse : était-il concevable qu’un homme doté d’une expérience moyenne des armes à feu entreprenne un attentat avec une arme de ce genre, alors qu’une carabine à répétition lui aurait offert une plus grande commodité de maniement ?

– Aucun éclaircissement officiel n’a été fourni sur le fait que la police aurait retrouvé deux carabines sur le lieu d’où Oswald aurait tiré. L’une était la Mannlicher-Carcano, l’autre « marquée sur le canon 7,65 Mauser ». Le témoin n’était pas le premier venu, c’était Roger Craig, adjoint du shérif de Dallas. Mais l’autre carabine n’a pas été identifiée et ne pouvait de toute façon tirer des balles de 7,65, calibre de pistolet. Quant à la marque Mauser, c’est celle d’un verrou adapté à diverses carabines, Winchester ou Remington.

– Puisqu’il n’avait pas, selon le rapport Warren, été chargé par une puissance étrangère d’abattre le président, quelle était la motivation d’Oswald ?

– Quelle était la motivation de Jack Ruby, et pourquoi s’est-il, jusqu’à sa mort, refusé à l’exprimer ? Deux meurtriers sans motivation dans un crime d’État, cela fait décidément beaucoup. Et comment se fait-il que Ruby ait eu licence d’approcher Oswald de si près, alors que celui-ci était sous protection policière ? Que faut-il penser du témoignage selon lequel Ruby avait été vu, une heure avant l’attentat, sur la butte où se serait posté le second tireur, en compagnie d’un homme tirant un fusil du coffre d’un véhicule ? On découvrit après sa mort qu’il avait été tenancier d’une boîte de nuit à Cuba. Ce qui inspira la question logique : quels étaient ses rapports avec les anticastristes ? Qu’en était-il des allégations selon lesquelles Ruby avait été un espion travaillant pour le compte de Richard Nixon ?

– Une huitième question surgirait plus tard : pour quelle raison, en 1999, le majestueux cercueil de bronze dans lequel avait été placée la dépouille de Kennedy a-t-il été secrètement remplacé par un cercueil de bois ordinaire, tandis que le premier était jeté dans l’Atlantique du haut d’un avion de l’US Air Force ?
L’opinion publique retomba lentement sur le sentiment qui avait prévalu après le rapport Warren : on cachait la vérité parce qu’elle compromettait trop de gens.




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En 1991, le facteur émotionnel, commodément décrié par les réalistes, s’imposa. Le film JFK d’Oliver Stone sorti cette année-là sur les écrans fouetta les théories du complot. Il y allait du prestige de la Constitution et du respect de la nation pour ses dirigeants. Déjà, en 1967, un gros pavé fut lancé dans cette mare décidément fangeuse : Jim Garrison, un ancien pilote de chasse employé ensuite par le FBI et élu procureur (District Attorney) à La Nouvelle-Orléans, avait causé une sensation en arrêtant un certain Clay Shaw comme membre de la CIA et complice de l’assassinat, et un autre, David Ferrie. De plus, il inculpait Ruby comme complice supplémentaire. En somme, Ruby aurait assassiné Oswald pour se débarrasser d’un témoin gênant.

La rivalité, sinon l’animosité, qui régnait et règne encore entre le FBI et la CIA est légendaire, mais là, c’était un peu fort de café, car on n’avait encore jamais vu un ancien du FBI arrêter un agent de la CIA. Puis l’on commençait à jaser : le chef de la CIA à l’époque de l’attentat était George W. H. Bush, futur président et père de George W. Bush. Or, Bush appartenait aux milieux pétroliers du Texas, notoirement hostiles à la politique de Kennedy. En tant que chef de l’organisme qui noyautait les exilés cubains, il n’aurait pas eu grand-peine à faire « intoxiquer » un agité marxiste tel qu’Oswald, pour le persuader que le président Kennedy était l’ennemi principal du marxisme. Il convient de rappeler ici que c’était sous Kennedy qu’avait eu lieu, en 1961, la désastreuse expédition de la baie des Cochons, qui avait visé à réoccuper Cuba. Les rumeurs commençaient à éclabousser trop de puissants.

Deux autres commissions furent alors créées par la Chambre des représentants en 1992 pour poursuivre les « travaux » de la commission Warren, le HSCA (House Select Committee of Assassination Inquiry), et l’ARCA (Assassination Records Collection Act, dit également JFK Act). Leurs conclusions ne firent pas grande différence avec les premières, à quelques points près : la première admit « la forte probabilité que deux tireurs aient fait feu ». Autant dire qu’il y avait bien eu conspiration, mais quels en étaient les auteurs ? Mystère et boules de gomme : les théories du complot repartirent de plus belle.

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Prodige de la mythomanie collective : vingt-huit hommes ont « avoué » qu’ils étaient les deuxième, troisième et quatrième tireurs.

Et neuf théories de complot ont été avancées à ce jour depuis l’attentat, ce qui révèle l’ampleur et la ténacité des soupçons. Avec le recul, quatre d’entre elles paraissent peu vraisemblables et ont d’ailleurs été abandonnées : un complot castriste, un autre du KGB, un autre encore des anticastristes – furieux de l’échec de la tentative de débarquement dans la baie des Cochons – et une vengeance de francs-tireurs de la CIA, pour la même raison. Kennedy avait, en effet, refusé l’appui de l’aviation pour l’opération de la baie des Cochons, ce qui fut un facteur déterminant dans l’échec de celle-ci. De plus il renonça par la suite à toute tentative de débarquement à Cuba, à la vive contrariété du JCS (Joint Chiefs of Staff), état-major général de l’armée, dont le chef était le général Lyman I. Lemnitzer.

Dans les quatre autres théories, il faut en détacher deux, moins fragiles : d’abord, celle d’une vengeance de la mafia qui, sur les sollicitations du père du président, Joe Kennedy, avait contribué au succès de l’élection présidentielle de son fils, et qui s’en voyait mal récompensée par les efforts de Robert Kennedy, frère de Jack. Ensuite, celle d’une vengeance du propre chef du FBI, Edgar J. Hoover, qui aurait été menacé d’élimination par Robert Kennedy. Personnage singulier, véritable puissance occulte des États-Unis, mais dont il a été dit qu’il dissimulait mal son homosexualité et se travestissait en danseuse lors de soirées intimes, Hoover a suscité au moins autant de rumeurs que bien des criminels. Selon l’une d’elles, il aurait été informé de la vérité du complot, mais aurait cédé à un chantage le menaçant de révéler qu’il vivait en ménage avec son adjoint Charles Colson.

Les deux dernières théories peuvent être fondues en une seule : l’extrême-droite américaine – exaspérée par les inclinations décidément trop libérales de Kennedy et sa mollesse à l’égard de Cuba – et des pétroliers texans – furieux d’un projet de réforme de la fiscalité qui les désavantageait – auraient monté un projet d’attentat pour se débarrasser d’un homme hostile à leur idéologie et à leurs intérêts financiers.

Le contexte politique de la visite de Kennedy à Dallas n’est guère propice non plus à dissiper les soupçons d’un assassinat politique. À l’origine prévue pour remédier à une scission parmi les démocrates du Sud, dont une large fraction désapprouvait la politique libérale du gouvernement, cette visite s’annonçait houleuse. Des manifestants brandissaient des placards et calicots libellés en termes pour le moins menaçants : « Aidez Kennedy à écraser la démocratie », « Monsieur le président, en raison de vos tendances socialistes et de votre reddition au communisme, je vous tiens dans le plus profond mépris », ou bien encore : « Kennedy, vous êtes un traître. »

Une violente hostilité à Kennedy, surtout dans les États du Sud, agitait le pays. Et l’hypothèse d’un complot des conservateurs républicains, évoqué maintes fois, ne peut disparaître de l’horizon. Celle d’une manipulation d’Oswald et de Ruby par des émissaires de la police demeure. Bien des acteurs auraient pu participer à l’attentat. Certains ont pu laisser des témoignages à divulguer plus tard.



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Comme si le dossier n’était pas assez touffu, en 2003, deux auteurs américains, Brad O’Leary et L. E. Seymour, introduisaient dans un livre « à sensation (02) » un nouveau personnage qu’ils accusaient d’être l’assassin de Kennedy : Jean-Michel Souetre. Le titre complet du livre est saisissant : « Triangle de mort : la choquante vérité sur le rôle du Sud-Vietnam et de la mafia française dans l’assassinat de JFK. » Selon eux, Souetre, en provenance de Fort Worth, aurait été présent à Dallas dans l’après-midi du 22 novembre et il aurait été expulsé dans les quarante-huit heures suivant l’assassinat. Guère à court d’imagination, ces deux auteurs en auraient déduit que Souetre, soldat de fortune recherché par le SDECE, était l’assassin de la butte de Dealey Plaza. Nous ferons grâce au lecteur de l’intrigue tarabiscotée par laquelle ils reliaient le Sud-Vietnam à l’attentat de Dallas pour en venir au point crucial.

Plus troublante – à première vue – que le texte était la photocopie d’une note estampillée « secret » du CIA Historical Review Program, portant la date manuscrite « 1er avril 64 ». C’était donc bien un document authentique de la CIA ; l’imagination romanesque ne s’autorise pas, en effet, sous peine de lourdes sanctions, à fabriquer des documents d’État. Or, voici la transcription exacte de cette note (les ajouts manuscrits sont soulignés) :

Jean SOUETRE alias Michel ROUX alias Michel MERTZ – Le 5 mars 1964, M. Papich a informé que les Français avaient contacté l’attaché juridique à Paris et aussi que le SDECE avait interrogé le Bureau à New York concernant le sujet et déclarant qu’il avait été expulsé des États-Unis à partir de Fort Worth ou de Dallas après l’assassinat du président Kennedy. Il se trouvait à Fort Worth le 22 novembre au matin et à Dallas dans l’après-midi. Les Français pensent qu’il a été expulsé vers le Mexique ou le Canada. En janvier, il a reçu un courrier d’un dentiste du nom d’Alderson, domicilié au 5803 Birmingham à Houston, Texas. On pense que le sujet est un capitaine déserteur de l’armée française et un membre actif de l’OAS. Les Français s’inquiètent en raison du projet de visite de De Gaulle au Mexique. Ils aimeraient savoir les raisons de son expulsion des E.-U. et sa destination. Ses dossiers ne contenant rien sur lui, le Bureau fait des vérifications avec le Texas et l’INS. Ils souhaiteraient que nous consultions nos dossiers et que nous désignions ce qui peut être communiqué aux Français. Une copie des documents CSCI-3/776. 742 et CSDB 3/655. 207, ainsi qu’une photo du capitaine Souetre ont été remises à M. Papich.

Pour mémoire, le Bureau mentionné dans le document est le Fédéral Bureau of Investigation, le SDECE, français, est le service de documentation extérieure et de contre-espionnage, et l’INS est l’Immigration and Naturalisation Service. Ce document porte le n° 632-796. Il est confondant à plus d’un égard.

En premier lieu, il n’explique pas pourquoi Jean Souetre aurait été expulsé des États-Unis. C’est là une mesure grave, qui exclut dans la plupart des cas une possibilité de retour sur le sol américain. S’il avait commis un délit, il aurait été incarcéré sur place ; sinon, il n’aurait pu être expulsé que pour entrée clandestine ou pour avoir outrepassé la durée de séjour permise par son visa, généralement de trois mois. Dans les deux cas, le consulat de France le plus proche aurait été informé et l’intéressé n’aurait certes pas eu le loisir de circuler librement de Fort Worth à Dallas. Le SDECE ne pouvait ignorer ces faits. Une troisième possibilité est que Souetre aurait été officieusement prié de quitter le pays. Par qui ? Pas par les Français, de toute évidence.

Mais ni le FBI ni la CIA ni l’INS ne sont informés, selon ce document, d’une expulsion ou d’une reconduite à la frontière d’un nommé Souetre. Étrange.
Ensuite, et plus étrange encore, Jean Souetre, Michel Roux et Michel Mertz sont trois personnes distinctes, comme l’a établi la journaliste Marie Hubert (03).
Roux était bien aux États-Unis, le jour de l’attentat, mais il se trouvait chez un notable de Fort Worth et son alibi était indiscutable.

La veuve de Michel Mertz, décédé en 1994, interrogée par Marie Hubert, démentit formellement que son mari eût été aux États-Unis en novembre 1963.
Enfin, Jean Souetre, interrogé en 1999 par une autre journaliste, déclara n’avoir pas non plus été aux États-Unis à la date de l’attentat et supposa que Mertz aurait pu s’y trouver, après avoir emprunté son identité. Les deux hommes se sont, en effet connus dans la Résistance ; ils ont eu tous deux un passé pour le moins mouvementé et dont la teneur dépasse le cadre de ces pages. Mais ils ne s’étaient pas revus depuis 1961. L’hypothèse d’un emprunt d’identité par Mertz paraît hautement spéculative, pour dire le moins.

Comment les trois noms ont-ils pu se retrouver sur le document 632-796 pour désigner, au-delà de toute vraisemblance, la même personne ? Le SDECE n’a pu commettre une erreur aussi grossière. Les alias mentionnés sur le document supposé de la CIA seraient donc le fruit d’une erreur américaine. Une erreur ? La photo de Souetre communiquée audit M. Papich eût suffi à démontrer qu’il n’avait aucun rapport avec Roux, qui séjournait à Fort Worth. En dépit du salutaire secret qui les voile, les bévues des services secrets sont notoires ; elles feraient l’objet d’un best-seller, pour peu que l’auteur fût suicidaire.

Une analyse du document 632-796 – qui, tout aussi bizarrement n’est jamais mentionné dans le rapport Warren – ne peut qu’inspirer la perplexité, sinon un scepticisme pointu. Il s’agit d’une note interne de la CIA qui fait état d’une requête adressée au FBI, lequel ferait appel à la CIA pour répondre à la demande d’informations du SDECE. Mais celui-ci ne peut avoir communiqué à l’attaché juridique de l’ambassade des États-Unis à Paris une requête aussi absurde que celle qui confondrait trois identités différentes. La déduction est simple : ce document est un faux. Il ne serait certainement pas le seul, et de loin, dans l’histoire des services secrets. Seule sa date est juste : c’est un poisson d’avril.
C’est le produit d’une tentative d’intox visant à faire retomber sur des étrangers, les Français, toujours taxés d’anti-américanisme primaire, la responsabilité de l’assassinat de Kennedy. À l’époque, Souetre est, en effet, soupçonné, à plus ou moins juste titre, d’être un partisan de l’Algérie française. Donc un soldat perdu capable de toutes les folies, y compris d’assassiner un président américain.

Les efforts pour masquer les véritables auteurs de l’entreprise d’assassinat de Kennedy ont ainsi inspiré des dizaines de mystifications telles que celle-ci.
Mais toutes les théories du complot ne sont pas motivées par l’instinct, de mystification. Et celui-ci ne se trouve pas toujours du côté que l’on croit, c’est-à-dire des profanes en quête de roman. Là, il y a vraiment eu un complot.

notes
01 Caroline Lebeau, Les Nouvelles Preuves sur l’assassinat de J. F. Kennedy, avec le bandeau « Le clan Bush est-il coupable ? », éditions du Rocher, 2004.
02 Triangle of Death : The Shocking Truth about the Role of South Vietnam and the French Mafia in the Assassination of JFK, WND Books, 2003.
03  « Un Français a-t-il assassiné Kennedy ? », Aventures et dossiers secrets de l'Histoire, hors-série n° 23, février 2004.


Hollande sur Europe 1 : riche en communication, allégé en réflexion

Hollande sur Europe 1 : riche en communication, allégé en réflexion

Mardi, le président de la République poursuivait sa campagne pour sa réélection sur la matinale d'Europe 1. Son argumentaire est déjà bien rodé, l'histoire destinée à essayer d'obtenir sa réélection est écrite, à défaut d'être surprenante ou totalement crédible. Une intervention d'une vacuité effarante, comme en avril.



Ni vision, ni réflexion, seulement des postures

Pour qui prend quelques heures de recul sur tout ce que le président de la République a pu dire, on finit par être pris de vertige par l'absence complète de vision ou de projet global porté par le locataire de l'Elysée. Il est impossible de trouver la moindre articulation d'une idéologie ou d'une pensée politique véritablement structurée et cohérente. Tout comme le précédent locataire de l'Elysée, l'actuel résidant se contente d'enfiler des postures politiciennes seulement destinées à raconter une histoire qui pourrait peut-être lui permettre de se qualifier au premier tour, puis de gagner au second.

François Hollande a eu réponse à tout, mais sans jamais articuler la moindre réflexion de fond. Il a répété que la France va mieux, postulat nécessaire à sa candidature, sans jamais être questionné sur le fait que cela est le fruit de circonstances conjoncturelles (euro moins cher, pétrole et taux d'intérêt au plus bas, ce qui ne doit absolument rien à sa politique). C'est ce qui lui permettra de légèrement baisser les impôts, car cette baisse des taux procure des économies très importantes, qui lui permettent de se transformer en père Noël en distribuant des fruits qui ne doivent rien à ce qu'il a fait, ce que les journalistes d'Europe 1 ont oublié de souligner. Sur la rémunération des grands patrons, il se contente de surfer sur l'actualité, sans proposer une analyse plus globale de la situation, pourtant intéressante.

Sur la loi travail, il a annoncé qu'il ne cédera pas, non pas pour des motifs idéologiques, qu'il a finalement éludés dans son argumentaire, mais pour une raison d'affichage de son autorité, pour apparaître comme quelqu'un qui ne cède pas, alors que l'on pourrait dire qu'il a énormément cédé au patronat depuis plus de deux ans et demi… Bien sûr, il s'est présenté comme un social-démocrate, mais encore ici, il n'y a aucune réflexion sur l'équilibre entre les forces du marché et l'Etat. Il s'agit seulement d'utiliser un terme qui soit assez rassembleur dans son camp, sans pour autant apparaître trop à gauche. Pour couper l'herbe sous le pied de ses opposants de l'intérieur, il a repris la paresseuse formule de la « gauche de gouvernement », qui signifierait que son aile gauche ne serait pas une alternative.

Au final, ce qui est frappant, c'est que celui qui ne se dit pas encore candidat a fini son intervention par des attaques contre les dits Républicains qui ressemblaient fort à des attaques de campagne électorale. Faute d'avoir la moindre vision de l'avenir de notre pays, il se raccroche à de la politicaillerie

Salaire des patrons : l'appel des 40 au CAC 40

Salaire des patrons : l'appel des 40 au CAC 40

Signez la pétition pour mettre fin à ce scandale.... 

Salaire des patrons : l'appel des 40 au CAC 40 

A l'initiative de Libération, quarante personnalités demandent au gouvernement de légiférer pour qu'un patron ne perçoive pas plus de 100 Smic.

Parce que nous vivons une période ­inédite dans l'histoire du capitalisme contemporain. Alors que, dans les ­années 60, les rémunérations des PDG ­représentaient 40 fois le salaire moyen ­pratiqué dans les plus grandes entreprises améri­caines, cet écart a explosé pour at­teindre aujourd'hui plus de 200 au sein de ces dernières et 120 dans les sociétés ­françaises.

Parce que le gouvernement a fait en 2013 le pari de l'autorégulation et que celui-ci a échoué. Rien qu'en 2015, la rémunération ­totale des patrons du CAC 40 a augmenté ­entre 5 % et 11 % selon les évaluations, pour atteindre un montant moyen de 4,2 millions d'euros par an, soit 240 Smic.

Parce que le principal argument patronal pour justifier de telles pratiques –  celui d'un marché mondial des très hauts dirigeants qui nécessiterait un alignement des salaires par le haut  – n'est corroboré par aucune étude économique sérieuse et aucune réalité ­concrète.

Parce que plusieurs institutions internationales, comme l'OCDE et le FMI, s'alarment depuis plusieurs années du poids croissant des inégalités et de leurs conséquences négatives sur le potentiel de croissance de nos économies occidentales.

Parce qu'en se comportant de la sorte, notre élite économique entretient un sentiment de chacun pour soi délétère. Alors que la majorité des Français a dû consentir de gros efforts depuis la crise de 2008, ces pra­tiques patronales remettent en question ­notre pacte de solidarité, nourrissent la ­défiance vis-à-vis de nos institutions et ­alimentent le vote d'extrême droite.

Pour toutes ces ­raisons, nous demandons au gouvernement de légiférer pour que ­désormais, en France, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic, soit 1,75 million d'euros par an.

On nous objectera qu'une telle loi est dif­ficile en France, car elle pourrait se heurter à une censure du Conseil constitu­tionnel.

On répondra que le gouvernement peut trouver les moyens de rendre compatible cette ­exigence d'un salaire plafond avec ­notre ­Constitution.

On nous objectera que la France sera alors le seul pays au monde à inscrire dans la loi un tel plafond.

On répondra que ce sera un motif de fierté nationale.

On nous objectera qu'à cause de cette loi, les investisseurs étrangers vont être découragés d'investir en France.

On répondra que ces derniers profiteront d'un vivier de dirigeants «bon marché».

On nous objectera que 100 Smic, c'est bien trop.

On répondra que c'est un début et que si cette loi est votée, elle obligera la quasi-totalité des patrons du CAC 40 (et donc une très grande partie de leur comité exécutif) à baisser leur rémunération d'au moins 58 %.

 Retrouvez et signez la pétition sur change.org

Les 40 premiers signataires : 

Christophe Alévêque, humoriste et patron de PME
Claude Bartolone, président PS de l'Assemblée nationale
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
Karine Berger, députée PS
Luc Bérille, secrétaire général de l'Unsa
Philippe Besson, écrivain
Eric Beynel et Cécile Gondard Lalanne, porte-paroles de Solidaires
Jean-Marc Borello, président de Groupe SOS
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS
Patrick Chamoiseau, écrivain
Daniel Cohn-Bendit, cofondateur d'EE-LV
Carole Couvert, présidente de la CFE-CGC
Didier Daeninckx, écrivain
Cécile Duflot, députée EE-LV
Irène Frachon, pneumologue
Jean-Paul Fitoussi, économiste
Marcel Gauchet, historien
Raphaël Glucksman, écrivain et réalisateur
Benoît Hamon, député PS
Anne Hidalgo, maire PS de Paris
Nicolas Hulot, militant écologiste
Thierry Kuhn, président d'Emmaüs France
Pierre Larrouturou, coprésident de Nouvelle donne
Jean Lassalle, député centriste non inscrit
Claude Lévêque, artiste plasticien
Edouard Martin, eurodéputé PS
William Martinet, Unef
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Dominique Méda, sociologue
Arnaud Montebourg, entrepreneur et ancien ministre de l'Economie
Serge Papin, PDG de Systeme U
Thomas Piketty, économiste
Eric Rheinardt, écrivain
Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde
Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point
Jean Rouaud, écrivain
Dominique Rousseau, professeur de droit public
Pierre Rosanvallon, historien
Henri Sterdinyak, cofondateur des économistes Atterrés
Michel Wieviorka, sociologue

 

Source : Libération.fr

Informations complémentaires :

 

Ukraine : L’interdiction du Parti communiste est un coup porté à la liberté d’expression dans le pays, par Amnesty International

Ukraine : L'interdiction du Parti communiste est un coup porté à la liberté d'expression dans le pays, par Amnesty International

Ou comment tu détournes les yeux de la situation en Ukraine quelques semaines, et tu loupes pleins de trucs…

Bref,  la liberté d’expression à l’Européenne est en marche…

Source : Amnesty International, 17-12-2015

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La décision prise mercredi 16 décembre d’interdire le Parti communiste en Ukraine est une violation flagrante du droit à la liberté d’expression et d’association et doit être annulée sans délai, a déclaré Amnesty International.

Le tribunal administratif du district de Kiev a donné droit à la requête du ministre ukrainien de la Justice concernant l’interdiction du Parti communiste, qui ne pourra plus fonctionner officiellement ni participer à des élections locales.

« L’interdiction du Parti communiste en Ukraine établit un dangereux précédent. Cette mesure fait revenir l’Ukraine en arrière, au lieu de la propulser sur le chemin de la réforme et d’un meilleur respect des droits humains », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Cette mesure fait revenir l’Ukraine en arrière, au lieu de la propulser sur le chemin de la réforme et d’un meilleur respect des droits humains.
John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Au titre de quatre nouvelles lois adoptées en mai 2015, collectivement appelées les lois de « décommunisation », le fait d’afficher des symboles communistes ou nazis peut valoir des poursuites pénales et jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Cette législation interdit explicitement l’usage du terme « communiste ». Cependant, le Parti communiste d’Ukraine a refusé de modifier son nom, son logo et sa charte.

Les autorités ukrainiennes avaient déjà tenté de l’interdire en 2014. Peu après la fin du mouvement de protestation Euromaïdan début 2014, le Parti communiste était accusé de financer les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine. Les services de sécurité ukrainiens ont affirmé avoir fourni la preuve de ce financement au ministère de la Justice, qui a ensuite déposé une motion visant à interdire le Parti en juillet 2014.

La procédure n’a jamais abouti car le juge nommé s’est retiré de l’affaire en 2015, invoquant les pressions des autorités qui avaient perquisitionné son bureau et saisi des dossiers en lien avec l’affaire.

Les mesures prises par les autorités ukrainiennes en vue d’interdire le Parti communiste en raison de son nom et de l’utilisation des symboles de l’ère soviétique bafouent les droits à la liberté d’expression et d’association et établissent un dangereux précédent dans la vie politique ukrainienne. En 2015, on a constaté une recrudescence des homicides à caractère politique qui demeurent non résolus, tandis que les journalistes et les médias qui critiquent le gouvernement en place sont harcelés.

Jeudi 16 septembre, les autorités ukrainiennes ont publié la liste des personnes interdites d’entrée sur le territoire, dont des dizaines de journalistes, majoritairement Russes.

« La décision rendue ce jour est assurément perçue par ses partisans comme une réponse aux vestiges nuisibles du passé soviétique. Pourtant, elle produit l’effet inverse, en adoptant le style de mesures draconiennes utilisées pour museler la dissidence, a déclaré John Dalhuisen.

« Exprimer son opinion sans craindre de poursuites, particulièrement si cette opinion est contraire à celle des détenteurs du pouvoir, était l’un des principes prônés lors des manifestations de l’EuroMaïdan. Éliminer le Parti communiste va à l’encontre de ces idéaux. »

Source : Amnesty International, 17-12-2015

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Ukraine. Interdit, le Parti communiste voit rouge

Source : L’Humanité, Damien Roussel, 24-12-2015

Des centaines de militants du Parti communiste d'Ukraine ont défilé le 1er mai pour la fête du travail à Kiev en 2015. Photo : Geovien So/NurPhoto/ImageForum

Des centaines de militants du Parti communiste d'Ukraine ont défilé le 1er mai pour la fête du travail à Kiev en 2015.
Photo : Geovien So/NurPhoto/ImageForum

La justice ukrainienne a confirmé le 16 décembre l'interdiction du Parti communiste d'Ukraine. Une décision dénoncée par Amnesty International.

Aucun cadeau. Une semaine avant Noël, la justice ukrainienne a sonné le glas du Parti communiste d'Ukraine (KPU) en confirmant son interdiction en vertu d'une loi entrée en vigueur en mai 2015 portant sur la pénalisation de l'utilisation de symboles communistes ou nazis. Cette loi proscrit notamment l'usage du terme « communiste ». Ce texte vise à rompre avec le passé soviétique de l'Ukraine au moment où les autorités de Kiev combattent les rebelles prorusses dans l'est du pays. Des peines allant jusqu'à dix ans de prison peuvent être prononcées.

Le 16 décembre, la cour d'appel administrative du district de Kiev a donné raison à une demande en ce sens du ministère de la Justice déposée juste après l'arrivée au pouvoir des pro-occidentaux du président Petro Porochenko lors des élections législatives du 26 octobre 2014. La justice a rejeté l'appel du KPU sur le jugement négatif en première instance de la cour administrative du district de Kiev. Le groupe des députés communistes de la Rada avait déjà été dissous en juillet 2014 en raison de leur soutien aux séparatistes des provinces de l'Est. Cet été, le ministre de la Justice, Pavel Petrenko, avait empêché le KPU de participer aux élections locales du 25 octobre. Les communistes ukrainiens avaient dû se résoudre à se ranger sous la bannière d'un mouvement baptisé l'Opposition de gauche. Avec comme résultat un score catastrophique : 1 % des voix.

La décision de la justice ukrainienne n'étant pas suspensive, le KPU ne peut plus utiliser son nom, son logo et sa charte. Son secrétaire général, Petro Simonenko, ne compte pas se laisser faire. « C'est illégal. Nous allons lutter. Nous allons faire appel et nous nous préparons à présenter les documents à la Cour européenne des droits de l'homme », a-t-il réagi auprès de l'AFP. Il a reçu le soutien de l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International. « L'interdiction du Parti communiste en Ukraine est une violation flagrante du droit à la liberté d'expression et d'association et doit être annulée sans délai », écrit Amnesty International dans un communiqué. « Cela crée un dangereux précédent. Avec ce geste, l'Ukraine va en arrière et non en avant sur la voie des réformes et d'un plus grand respect des droits de l'homme », a réagi John Dalhuisen, responsable d'Amnesty International pour l'Europe et l'Asie centrale.

« Une hystérie anticommuniste »

Cette mesure « peut être considérée par ses défenseurs comme une façon de gérer les vestiges néfastes du passé soviétique. Mais cela fait exactement le contraire en recourant au même style de mesures draconiennes visant à étouffer toute dissidence », a-t-il ajouté. De son côté, le Parti communiste français (PCF) a exprimé hier sa solidarité avec son homologue ukrainien en condamnant fermement une « décision inique ».

Ce jugement de la cour d'appel administrative du district de Kiev sonne comme un coup de grâce pour un parti, première force politique en 1994 et 1998, miné par des dissensions et des exclusions après son revers électoral lors du scrutin législatif de 2014 (3,87 % des voix et aucun député, contre 13,18 % et 32 sièges en 2012). Selon le quotidien britannique de centre gauche The Guardian, qui constate « une hystérie anticommuniste » en Ukraine, le KPU ne fait désormais plus qu'office de « bouc émissaire » : « Pour détourner l'attention de la population de la hausse des prix, les autorités ukrainiennes ont besoin de continuer leur lutte idéologique. »

Source : L’Humanité, Damien Roussel, 24-12-2015

RIP Eurovision (1956-2016)


RIP Eurovision (1956-2016)

Ce qui est formidable, c’est qu’ils sont capables de transformer l’or en plomb.
Vous leur donnez un divertissement sympathique entre européens, ils vous salissent tout pour des raisons politiques, continuant à semer l’humiliation et la haine.
Si le règlement prévoit que les chansons ne doivent pas être politiques, c’est pour une bonne raison – mais ce n’est pas grave, on n’aura de nouveau pas respecté la règle au détriment des Russes, classique.
Je signale aussi au passage que le règlement indique aussi que la chanson ne doit pas avoir été chantée avant le 1er septembre de l’année précédente. Or elle a été chantée en public le 18 mai 2015
En tous cas, je propose désormais une belle compétition pour 2017 :
  • Israël, avec “1944”, où la chanteuse parlera de sa famille exterminée par les Allemands durant la Shoah
  • Royaume-Uni, avec “1940”, où la chanteuse parlera de sa famille exterminée par les Allemands durant le bombardement de Coventry
  • Allemagne, avec “1945”, où la chanteuse parlera de sa famille exterminée par les Anglais durant le bombardement de Dresde
  • Pologne, avec “1943”, où la chanteuse parlera de sa famille exterminée par les nationalistes Ukrainiens en Volhynie
  • Russie, avec “2014”, où la chanteuse parlera de son frère communiste brulé à Odessa
  • Maroc, avec “1945” bis, où la chanteuse maroco-algérienne parlera de sa famille exterminée par les Français à Sétif
Vivement !
Le plus drôle avec ces commentaires, c’est qu’en 1944, la Crimée était russe, et n’avait jamais eu de lien politique avec l’Ukraine… Mais c’est comme les nationalistes de la région de Lviv qui pleurent sur la famine en Ukraine, alors que leurs ancêtres étaient en Autriche à l’époque… L’ultra-nationalisme, sévère perversion mentale…
Enfin, pour les Tatars de Crimée, que dire… ? Je n’ai pas beaucoup creusé, mais :
1/ “Le président russe Vladimir Poutine a signé un décret le lundi 21 avril 2014 concernant la réhabilitation des Tatars de Crimée, en tant que peuple réprimé sous Joseph Staline. Ce décret, inclut des mesures pour le développement des autonomies culturelles nationales, pour l’accès à l’apprentissage des langues des peuples opprimés, pour le développement de leur artisanat et d’entreprises locales, et pour leur développement socio-économique5, ce qui fit dire au président turc Recep Tayyip Erdoğan que la situation des Tatars s’était améliorée depuis le rattachement de la Crimée à la Russie.” (Wikipédia)
2/ Un sondage de février 2015 demandait un an après ce que les habitants de Crimée voteraient à un nouveau référendum :
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Il y a bien moins de Tatars russophobes en un an (et en 2008, seuls 14 % voulaient quitter l’Ukraine). Un autre d’Open Democracy indiquait à la même époque :
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Notons que les Russes, évidemment, essaient d’en gagner les coeurs : on voit ici qu’ils leurs construisent une nouvelle mosquée qu’ils attendaient en vain depuis 15 ans en Ukraine, et que là les Russes ont apporté le gaz et des routes goudronnées à ce village de Tatars, et que l’école est réparée – en 23 ans d’Ukraine ils n’ont reçu que des promesses… Eh, faites-en une chanson les amis… !
On voit cependant que les Tatars sont donc moins bien russophiles que… ben les Russes.
Mais, à l’intérieur de cette minorité, il y a 2 fois plus de pro-Russie que de pro-Ukraine.
Donc, comme cela concerne la Crimée, et que je suis démocrate, je préfère écouter les habitants que les “plumes” de nos médias, et vais donc m’occuper d’autre chose…
(c’est un peu pénible, j’ai l’impression de toujours défendre les Russes, alors que je n’ai jamais dit que tout était rose là-bas…)
“Qu’importent les faits” [Devise du journalisme du XXIe siècle]
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Libération : « Ce n'est pas la chanteuse ukrainienne Jamala et sa chanson 1944 qui ont remporté l'Eurovision 2016, c'est la politique qui a battu l'art. »

Source : à lire en intégralité sur Libération, AFP, 15-05-2016
La chanteuse Jamala a remporté l'Eurovision 2016 pour l'Ukraine. Photo AFP
La chanteuse Jamala a remporté l’Eurovision 2016 pour l’Ukraine. Photo AFP
La chanteuse Jamala, Tatare de Crimée, remporte le concours avec une chanson sur la déportation de son peuple par Staline. La France est 6e.
L'Ukraine a remporté le concours Eurovision de la chanson dans la nuit de samedi à dimanche à Stockholm, devant l'Australie, préférée par les jurys professionnels, et devant le favori des parieurs, la Russie.
Le pays, meurtri par un conflit dans l'Est et l'annexion de la péninsule de Crimée par son voisin russe en 2014, aura fait de cette émission une véritable tribune politique avec le choix de Jamala.
La chanteuse de 32 ans, Tatare de Crimée, a évoqué dans «1944» la déportation de son peuple par Staline. Elle s'est inspirée des récits de son arrière-grand-mère, qui a vécu cet épisode tragique de l'histoire soviétique.
«Je voudrais vraiment chanter une chanson sur la paix et l'amour. Mais c'est ce que je souhaite à tout le monde: la paix et l'amour», a-t-elle déclaré à la remise du trophée.
«Oui !!!» a tweeté de son côté le président ukrainien Petro Porochenko.«Une prestation et une victoire incroyables! Toute l'Ukraine vous adresse un grand merci, Jamala».
Les jurys professionnels avaient d'abord plébiscité l'Australienne Dami Im, née en Corée du Sud il y a 27 ans, et très belle voix.
Mais les téléspectateurs ont offert un final haletant en donnant le plus de points à deux pays rivaux sur la scène diplomatique.
L'Ukraine a d'abord porté son total à 534 points, davantage que les 511 de l'Australie. Ne restait plus qu'à voir si la Russie en avait réuni suffisamment pour la dépasser. Mais Sergueï Lazarev a échoué, avec 491 points. […]
«Si Dieu le veut, un jour, qui sera merveilleux, nous nous retrouverons tous en Crimée, libérée de l'envahisseur russe», a de son côté écrit sur Facebook Refat Tchoubarov, le dirigeant de l'assemblée des Tatars de Crimée en saluant la victoire de l'Ukraine.
Cette victoire a été sans surprise mal accueilli côté russe, où plusieurs voix se sont élevées dimanche pour dénoncer une victoire «politique» aux dépens de leur candidat. «Ce n'est pas la chanteuse ukrainienne Jamala et sa chanson «1944» qui ont remporté l'Eurovision 2016, c'est la politique qui a battu l'art», a déclaré aux agences russes le sénateur Frantz Klintsevitch, qui a appelé au boycott par la Russie du prochain concours Eurovision, qui sera organisé en Ukraine. […]
Source :  à lire en intégralité sur Libération, AFP, 15-05-2016
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Djamala, la chanteuse qui renvoie chez eux les Petits hommes verts de Poutine

Source : Blog Comité Ukraine Libération, Renaud Rebardy, 16-05-2016
OB : on n’est jamais déçu là…
La victoire d'une chanteuse Tatare de Crimée au concours de l'Eurovision, samedi 14 mai, met à mal le discours de la Russie qui présente la Crimée comme une terre historiquement russe. C'est en ça que Djamala dérange. Au moment où quelques élus français bataillent pour la levée des sanctions contre la Russie, souvenons-nous des Tatars.
Par Renaud Rebardy, journaliste,
Une Tatare de Crimée, Djamala, a donc remporté le concours de l'Eurovision sous le drapeau de l'Ukraine. Ce faisant, elle a porté un triple message. Elle a mis à mal le discours de la Russie qui ne cesse de répéter que la Crimée est historiquement une terre russe.
Djamala, représentant l'Ukraine avec sa chanson «1944», a remporté l'Eurovision 2016. Jonathan Nackstrand / AFP
Djamala, représentant l'Ukraine avec sa chanson «1944», a remporté l'Eurovision 2016. Jonathan Nackstrand / AFP
Non : 200 millions de téléspectateurs ont pu le voir. La Crimée est avant tout une terre peuplée depuis toujours par les Tatars. C'est là que fut établi en 1 441 le Khanat de Crimée, avec sa capitale, Bakhtchissaraï.
C’est vrai, avant les Russes, il y avait les Tatars, qui ont débarqués de Mongolie, lors des grandes invasions. C’est pour cela qu’ils étaient “craints et haïs pour leurs incursions fréquentes et dévastatrices en Ukraine, Russie et Moldavie. En 1571, les Tatars de Crimée prirent et brûlèrent Moscou.” (Source)
Le souci est que Staline a déporté la plupart des Tatars hors de Crimée en effet…
1/ Bon, avant les Tatars, il y avait les Goths, qui ont donc encore plus de légitimité j’imagine…
2/ ça veut donc dire pour eux que la Crimée n’est pas Russe, mais alors, elle est encore moins Ukrainienne. Vive la Crimée indépendante ?
3/ j’imagine aussi qu’ils considèrent que l’Ouest de la Pologne est Allemand alors ?
4/ du coup, je me demande quand même si les grands singes n’auraient pas plus de Droits que les Humains quand même…
Mais depuis 250 ans, le moment où les Russes ont débarqué en Crimée, il est le lieu d'une confrontation, souvent dramatique, entre les militaires russes et la population Tatare.
Mais jamais entre des soldats hein… C’est juste des militaires russes contre des civils.
La conquête de la Crimée par l'empire russe, à la fin du 18e siècle, s'est faite d'abord au détriment des Tatars. Cela s'est reproduit en 1944, lorsque Staline a organisé la déportation collective de ce peuple, une décision sur laquelle l'Union soviétique n'est pas revenue, malgré la déstalinisation. Et cela se reproduit aujourd'hui, alors que les Tatars sont les premiers à souffrir de l'annexion.
C'est ce récit historique, celui d'une longue souffrance des Tatars, qui se trouve inscrit en filigrane dans la chanson de Djamala. Et c'est ce récit qui se révèle extrêmement embarrassant pour la Russie.
Je ne vois pas trop en quoi. Ce sont des décision criminelles de dictatures communistes de l’URSS, d’abord Géorgien (Staline) puis… ah, Ukrainien (Khrouchtchev !). Je vois mal en quoi l’Ukraine serait moins coupable que la Russie, c’était un seul pays…
Elle ne s'y est d'ailleurs pas trompée. La délégation russe a tenté de faire interdire Djamala de participation à l'Eurovision, soulignant que sa chanson est «politique», ce qui est interdit par le concours. Cela n'a pas marché. Et on connaît la suite.
Ils osent tout. Ils abusent les Russes de faire interdire une chanson politique alors que c’est interdit…
Djamala a reçu la note maximum, les fameux «12 points», attribuée par les Jurys de Pologne, San-Marin, Lettonie, Géorgie, Moldavie, Israël, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie, Macédoine, Danemark. Elle a aussi reçu la note maximum, lors du vote du public, en Pologne, San-Marin, Italie, Hongrie, République Tchèque, Finlande… Tout cela dessine un vaste élan, en Europe, qui a exprimé une solidarité avec l'Ukraine en général et les Tatars de Crimée en particulier. C'est le deuxième message que véhicule cette victoire.
Elle a aussi reçu une très bonne note du public russe, mais chut…
Au moment où l'Union européenne s'apprête à renouveler ses sanctions contre la Russie, il serait bon de l'entendre. Quelques députés, en France, tentent en effet aujourd'hui de mener campagne pour une levée des sanctions. La décision doit intervenir au niveau européen d'ici juillet prochain. Ces sanctions ont été adoptées par l'Union européenne car la Russie a annexé la Crimée, au mépris du droit international.
Quand on vous dit “Droit international” sans préciser, c’est généralement bison pour mémoire. Demandez toujours qu’on vous cite les fameuses sources.
Je rappelle que la Russie a dit la même chose dur le Droit international au moment de l’indépendance du Kosovo, mais les juges de La Haye ont jugé légal la scission, comme on l’a vu sur ce blog. CQFD
Et de ce point de vue, rien n'a changé. Au contraîre, de nombreux leaders Tatars sont arrêtés. La chaîne de télévision Tatare a été interdite, leur assemblée également.
Lever les sanctions, quelques semaines après la victoire de Jamala, ce serait une façon de faire passer nos petits calculs cyniques avant les valeurs qui sont communes à tous les participants de l'Eurovision. Ce serait aller contre cet élan de solidarité qui s'est exprimé à Stokholm et parmi les votants.
Comme faire interdire le parti communiste et élire Président du parlement le fondateur du parti néo-nazi ukrainien en 1991…
Par ailleurs, quand je pense que les spectateurs pensaient voter pour une chanson…
Ah, au fait, je rappelle que la Russie a remporté le vote du public haut la main – un détail, chut -, c’est le vote du jury de “professionnels” qui a fait basculer le résultat.
On devrait pareil pour le Brexit : 50 % des voix au peuple, 50 % aux “experts”…
eurovision
Parfois, les chansons font l'histoire, plus que les petits hommes verts armés, ceux qui sont venus installer l'ordre russe en Crimée en mars 2014. C'est le troisième message porté par la victoire de la chanteuse Tatare.
Recevant son prix, émue, elle a lancé au public quelques phrases où il était question de «paix», d’«Europe», et d'avenir… Des mots qui retrouvaient ici tout leur sens, après le sinistre discours de Vladimir Poutine du 18 mars 2014, avalisant l'annexion de la Crimée, et où il était question de revanchisme, de la «gloire» de l'armée russe et de la protection des populations russophones.
Populations russophones largement majoritaires, mais chut…
Djamala y a répondu par de la musique et une démonstration de tolérance, puisqu'elle chante en anglais et en Tatare pour l'Ukraine. On peut faire un parallèle. En ces temps où l'on prépare une autre compétition européenne, de football celle-là, le joueur Matthias Sindelar fait aujourd'hui l'objet d'un hommage de l'écrivain Olivier Guez. On redécouvre cet attaquant autrichien qui fut exceptionnel. Il s'est fait connaître par sa vivacité, mais surtout pour avoir marqué contre l'Allemagne le jour où devait être célébré l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie le 12 mars 1938.
Par la suite, il a toujours refusé de porter le maillot du IIIe Reich. La victoire de Djamala est comme un lointain écho du but de Sindelar.
Concours EuroGodwin : Comité Ukraine, 12 points ! 
Source : Libération, Renaud Rebardy, 16-05-2016
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Quand les spectateurs français de l’Eurovision se paient la tête de Poutine sur Twitter

Source : Metro news 15-05-2016
OB : Évidemment, on ne parlera pas des tweets (sic. la nouvelle source des journalistes) qui dénoncent que l’Eurovision ait viré en tribune politique…
REVUE DE TWEETS – Samedi 14 mai, France 2 diffusait l'Eurovision en direct de Stockholm. La victoire de l'Ukrainienne Jamala, avec sa chanson “1944” qui dit clairement ce qu'elle pense de l'invasion russe sur son pays, a réjoui les défenseurs de la démocratie. Et fait grogner les autres qui craignent l'incident diplomatique… pour de rire.
Jamala a apporté la victoire à l'Ukraine, et la migraine à la Russie.
Jamala a apporté la victoire à l’Ukraine, et la migraine à la Russie.
Ringard, l'Eurovision ? Au contraire, plus hype tu meurs. Le plus vieux concours européen de la chanson, énorme machine d'audience regardée par 5 millions de téléspectateurs français, juste devant “The Voice”, a pris un sérieux coup de jeune depuis la victoire de l'Autrichienne Conchita Wurst en 2014. Celle de l'Ukraine Jamala, samedi 14 mai à Stockholm, enfonce le clou : l'Eurovision est un show où la qualité artistique n'est plus une option, et où l'on peut gagner en osant un message politique, même contre la toute-puissante Russie.
Des commentaires à ne pas forcément prendre au sérieux
 Si les Twittos ont été partagés devant la pertinence des commentaires de Marianne James et Stéphane Bern, qui présentaient l’événement en direct sur France 2, ils se sont beaucoup amusés de la tête qu'a dû tirer Vladimir Poutine en voyant son grand favori, Sergey Lazarev, s'effondrer devant les votes pour l'Ukraine. Dangereux pour la paix entre les peuples, l'Eurovision ? Allons allons, tout ceci n'est que de la chanson.
Source : Metro news 15-05-2016
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Mais la palme revient à cet édito de Jeanne Emmanuelle Hutin, dans Ouest-France, plus grand quotidien français (c’est la fille du proprio, tendance catho très durs souvent dénoncés pour leurs propos rances) – que je suis obligée de citer in extenso (seul le fluo gras est de moi) :

Eurovision. Jamala, voix des Tatars de Crimée

« Merci Europe ! », lançait Jamala, sous un tonnerre d’applaudissements.
La chanteuse ukrainienne a bouleversé des millions de téléspectateurs, au point de déjouer les pronostics en remportant le concours de l’Eurovision : « Si vous chantez la vérité, cela peut vraiment toucher les gens », déclarait-elle.
Sa chanson 1944 est un vibrant hommage à la tragédie de son peuple, les Tatars de Crimée. Le 18 mai 1944, ce petit peuple musulman d’origine turque fut, en quelques jours, entièrement déporté sur ordre de Staline.
Parmi ces 250 000 à 300 000 Ta-tars, se trouvaient l’arrière-grand-mère de Jamala et ses enfants, « enfermés dans des wagons de marchandises, comme des bêtes, sans eau, sans nourriture et expédiés vers l’Asie centrale ». Beaucoup sont morts en route, dont l’un des enfants. « 1944 a changé leur vie à tout jamais. C’est une chanson pour mon arrière-grand-mère, Nazalkhan, et les milliers de Tatars de Crimée qui n’ont jamais pu retourner en Crimée. »
Cette déportation causa la mort de plus de cent mille Tatars. Ce crime est qualifié de génocide par le Parlement ukrainien. Les survivants ne purent rentrer en Crimée avant les années 1980. Nombre de leurs terres et de leurs biens ne leur sont toujours pas restitués.
Jamala est née au Kirghizistan avant que sa famille ne rentre en Crimée. Mais depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, en 2014, environ 20 000 Tatars ont fui. Jamala aussi. Elle vit en Ukraine.
Aujourd’hui, les Tatars sont à nouveau persécutés : enlèvements, arrestations, tortures, exécutions, transfert en Russie d’opposants politiques, interdiction de l’Assemblée des Tatars de Crimée (Majilis), attribution forcée de la nationalité russe, entrave à la liberté des médias, surveillance des réseaux sociaux… Qu’en sera-t-il en ces jours de commémoration ? Ce retour aux vieilles méthodes du KGB, ex-services secrets soviétiques, inquiète.
Rôôôô, dommage, elle a oublié de parler des chambres à gaz russes assassinant les enfants tatars…
La voix de la Liberté
Magnifique, on dirait du Reagan parlant des futurs membres d’al-Qaïda…
Le Parlement européen s’est emparé de la question. Le 12 mai, il a demandé « que les organes internationaux de défense des droits de l’homme aient un accès permanent et sans entrave à la Crimée, afin qu’ils puissent y contrôler la situation en matière de droits de l’homme ». Il condamne aussi l’interdiction du Majilis, les entraves à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
Pour le député européen Petras Austrevicus, le sort de la liberté se joue en Crimée : «Les Tatars sont amoureux de la liberté. Mais la Russie veut contrôler et non coopérer. Après les Tatars, qui seront les suivants ? Quand je vois des hommes politiques français aller en Crimée soutenir la politique russe, j’ai honte. »
La victoire de Jamala démontre que la cause de la liberté trouve un écho. Et que les politiciens qui passent sous silence le drame de ce peuple font fausse route. La Russie a très mal pris la victoire de Jamala et la propagande se déchaîne. Mais rien ne peut arrêter le chemin de la vérité. Ce n’est pas sur la négation des crimes passés que peut se construire la paix en Europe.
La voix de Jamala fait aussi écho à celle des peuples martyrs de Syrie, du Yémen et d’ailleurs quand elle chante : « Où est votre coeur ? L’humanité pleure, vous pensez être des dieux. Mais tout le monde meurt. N’engloutissez pas mon âme, nos âmes.[…] Nous pourrions construire un avenir où les peuples sont libres pour vivre et aimer le plus heureux des temps. » À l’espérance de Jamala se joint celle de la jeunesse du monde. Ne la décevons pas
Source : Ouest-(F)rance