lundi 16 mai 2016

Verdun et Black M : les antifas, entre totalitarisme, ridicule et indécence !

Verdun et Black M : les antifas, entre totalitarisme, ridicule et indécence !




L'antifacisme en phase terminale de décomposition ?

Mais comment un secrétaire d'Etat peut en venir à dire : « je suis choqué, ça me fait peur (…) C'est un premier pas vers le totalitarisme, vers le fascisme » ? La ministre de la culture, quand à elle, a dénoncé « un ordre moral nauséabond ». Jack Lang a affirmé que « la mairie de Verdun aurait dû maintenir le concert, et d'ailleurs c'est illégal d'interdire une manifestation artistique comme celle-là, aucune raison ne le justifiait ». Christiane Taubira a aussi apporté sa pierre en attaquant « ceux qui n'ont jamais ni fauté ni combattu sont les rois du bannissement. Ils n'ont jamais prononcé une parole de travers puisque toutes leurs paroles sont de travers », dénonçant des « idées putrides ». Cette fois-ci, je suis d'accord avec Elisabeth Levy pour qui « le chantage au fascisme ne passera pas ».

D'abord, en prenant un peu de recul, ne peut-on pas trouver étrange, pour ne pas dire inconvenant, de faire un concert pour célébrer les cent ans de la bataille la plus meurtrière de la Première Guerre Mondiale, qui a fait des centaines de milliers de morts. Pour cette simple et unique raison, n'était-il pas inopportun de faire le moindre concert ? Et ce n'est pas la figure de Black M qui va améliorer les choses : quel choix étrange étant donnés les trop nombreux propos qu'il a tenu sur la France. Pourquoi offrir une tribune à celui qui a dénoncé « cette conne de France », « ce pays de mécrants », et qui chantait en 2014 « vas-y, tire sur l'école ». Faut-il être facho pour penser que cela le disqualifie pour faire un concert à cette occasion ? Et on ne peut pas dire que j'ai déjà eu la moindre ambiguité avec l'extrême-droite.

Bien sûr, ceux qui soutenaient ce concert dénonce une reculade face à la fachosphère, mais, ne sont-ils pas plus totalitaires que ceux qu'ils dénoncent ? Après tout, en démocratie, on peut s'exprimer, et donc exprimer son opposition au choix d'organiser un tel concert pour une telle célébration. Dans leur vision du monde, il semble que leurs choix, ou ceux de leur camp, ne souffreraient ni critique, ni plus encore remise en cause : de vrais Poutine en herbe. Et quel beau signe de tolérance et d'ouverture d'esprit de Taubira d'affirmer que toutes les paroles des opposants sont de travers ! Enfin, l'accusation de fascisme est totalement indécente car le fascisme, ce n'est pas l'annulation d'un concert sous la pression populaire : leur critique relève d'un relativisme très douteux, une insulte pour les victimes du facisme.


Ces réactions délirantes font penser que ceux qui y ont recours, comme Laurent Joffrin, ont mis leur cerveau en pilotage automatique, glapissant paressement « facho » dès que l'occasion en donne très vaguement l'occasion, sans se rendre compte de l'indécence et de la bêtise qui consiste à comparer des choses totalement incomparables, sans même voir le caractère totalitaire de leurs propos.

Loi Travail : 54 % des Français(es) soutiennent le mouvement, la France paralysée...

Loi Travail : 54 % des Français(es) soutiennent le mouvement, la France paralysée...

He bien voilà une bonne chose, on voudrait nous faire croire que les Français(es) sont lobotomisé(es), voici la preuve flagrante qu'il n'en est rien ! Aussi, à toute fin utile, je vous rappelle l'appel à la grève générale du 17 mai 2016. Il faut être déterminé, ou les générations futures (pas seulement la nôtre) seront traitées comme du bétail., Regardez aux États-Unis ce qui se passe quand on laisse faire les patrons, les salariés privés de pause pipi sont obliger de porter des couches-culottes ! Ne vous laissez pas humilier, et mobilisez-vous tant qu'il est encore temps...

Pour 78 % des Français la Loi Travail ne fera pas baisser le chômage. 

La mobilisation contre la Loi Travail, pour laquelle le gouvernement a utilisé le 49.3, faiblit un peu mais ne s'arrête pas. Il faut dire que les syndicats et les manifestants ont le soutien des Français qui comprennent et approuvent les grèves et les défilés. La semaine du 16 mai 2016, et les suivantes, s'annoncent tendues avec des grèves et des manifestations à répétition.

Plus de la moitié des Français soutiennent les syndicats

Même si les mobilisations causent divers problèmes, notamment dans les transports, aux Français, ces derniers maintiennent que les syndicats ont raison de lutter contre le gouvernement. Un sondage BVA réalisé pour Orange et iTélé publié dimanche 15 mai 2016 dévoile en effet que 54 % des Français est favorable au mouvement contestataire. L'adoption forcée du texte par le gouvernement n'aura donc pas apaisé les tensions : au contraire, des actions sont déjà prévues les 17 et 19 mai 2016.

Comme depuis le début, ce sont les partis d'extrême droite et d'extrême gauche qui sont derrière les syndicats : l'approbation pour le mouvement contestataire monte à 97 % chez les partis à gauche de la gauche, et à 66 % chez les partisans du FN. Mais même chez le PS (55 %), ou chez les sympathisants de la droite (55 %) les Français sont d'accord pour dire que le gouvernement doit a minima revenir sur le texte de loi, voire le retirer.

Des grèves, des grèves et encore des grèves en France

Avec le soutien des Français en toile de fond, les syndicats ont déjà annoncé une mobilisation massive pour faire plier le gouvernement, à commencer par les manifestations prévues le mardi 17 mai et le jeudi 19 mai 2016.

A la SNCF, la contestation va encore plus loin : pour protester contre le texte de la ministre du Travail et pour peser sur les négociations en cours dans le secteur du rail, la CGT a annoncé des grèves tous les mercredis et jeudis à partir du 18 mai 2016 (et jusqu'au lendemain de la fin de l'Euro 2016, le 11 juillet 2016). Chez SUD-Rail ce sera grève tous les jours jusqu'à cette date. La RATP est également en grève dès ce lundi 16 mai 2016 jusqu'au mercredi 18.

La grève touche également le secteur routier avec le blocage des ports du Havre et de Nantes-Saint-Nazaire, ainsi que des manifestations. Les ports en général devraient être perturbés voire bloqués mardi, mercredi et jeudi de la semaine du 16 mai 2016.

Dans les airs, un mouvement se profile contre la loi Travail, tout comme chez les aéroports de Paris tandis que la grogne semble atteindre le secteur pétrolier et les raffineries.

Loin de s'essouffler, donc, la contestation semble prendre de l'ampleur après l'utilisation du 49.3 considérée par les syndicats comme le reflet du "mépris des travailleurs".

 

Source : Economiematin.fr

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Scandale Uramin : Anne Lauvergon révèle l'implication de Claude Guéant

Scandale Uramin : Anne Lauvergon révèle l'implication de Claude Guéant

L'ex-patronne d'Areva révèle des échanges secrets entre l'ancien secrétaire général de l'Élysée et le directeur de la branche mines du groupe.

Nouveau rebondissement dans le scandale Uramin. Entendue vendredi 13 mai par les juges, Anne Lauvergeon, l'ex-patronne d'Areva, met en cause Claude Guéant, dans un entretien au Journal du dimanche. Selon elle, l'ancien secrétaire général de l'Élysée a eu des rendez-vous secrets avec le directeur des mines. Anne Lauvergeon a été mise en examen vendredi pour « présentation et publication de comptes inexacts » et pour « diffusion de fausses informations » dans l'une des enquêtes sur le rachat d'Uramin en 2007.

L'ancienne patronne du spécialiste du nucléaire a cependant échappé à des poursuites pour abus de pouvoir. « Cela fait quatre ans que l'on cherche à faire peser sur moi des accusations de malhonnêteté ; aujourd'hui, que sur ce point le dossier est vide, je me sens mieux », a-t-elle réagi dans les colonnes du JDD. Les trois juges qui ont auditionné « Atomic Anne », Renaud Van Ruymbeke, Claire Thépaut et Charlotte Bilger, l'accusent d'avoir présenté des comptes inexacts pour Areva, en 2010 et 2011, pour masquer des dépréciations d'actifs liées à l'acquisition de mines d'uranium pour 1,7 milliard d'euros.

Des mines supposées inexploitables

Le géant français de l'énergie a en effet acheté Uramin, une société canadienne qui détient trois mines d'uranium en Namibie, en Centrafrique et en Afrique du Sud. Mais leur exploitation s'était vite révélée très peu rentable. Fin 2011, après le départ de sa patronne, Areva avait fini par annoncer de lourdes pertes. Au sein du groupe, c'est la direction des mines, Business Unit Mines (BU), qui était en charge des trois gisements. Selon des mails rapportés dans le dossier d'accusation, son directeur Sébastien de Montessus et Nicolas Nouveau, le directeur financier, s'inquiètent dès 2009 de « risques financiers potentiellement non couverts ». Le parquet reproche aujourd'hui à Anne Lauvergeon de ne pas avoir écouté leurs avertissements, alors qu'ils réclamaient d'importantes dépréciations sur le rachat d'Uramin.

Mais l'intéressée se défend en citant l'audition de l'ancien directeur financier du groupe, Alain-Pierre Raynaud. Ce dernier accuse la direction des mines de ne pas « avoir été à la hauteur » et de « ne pas avoir proposé de solution industrielle » mais seulement « comptables ». Pour preuve, selon lui, une des mines d'Afrique du Sud, revendue en 2013 à l'entreprise Peninsula, a été ensuite exploitée avec succès. Anne Lauvergeon a repris ce réquisitoire devant les juges. « En février, Peninsula a annoncé avoir découvert 25.000 tonnes d'uranium et peut-être dix fois plus », a-t-elle insisté.

« J'ignorais tout des échanges avec l'Élysée »

L'ancienne PDG de la multinationale française ne s'arrête pas là. Selon le JDD, Anne Lauvergeon a déclaré vendredi aux juges avoir découvert « avec stupeur » une note « confidentielle » à la lecture du dossier judiciaire. Cette note fait état d'échanges secrets entre Sébastien de Montessus, le directeur de la branche mines d'Areva, et Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée. « Dans ces documents, il aurait été question, dans le dos de la direction d'Areva, d'un projet de filialisation de la branche mines d'Areva, puis d'une introduction en Bourse, pour une privatisation », écrit le JDD.

Pour Anne Lauvergeon, qui assure qu'elle « ignorait tout de ces échanges avec l'Élysée », cette manœuvre visait à « faire entrer les Qataris ». Les dépréciations exigées par la branche mines, dirigée par Sébastien de Montessus, auraient permis de vendre la filiale plus facilement et surtout moins cher aux Qataris. Ni Claude Guéant ni Sébastien de Montessus ne se sont exprimés sur ces accusations.

 

Source : Le Point.fr

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Comment une société sans argent liquide pourrait enhardir Big Brother, par Sarah Jeong

Comment une société sans argent liquide pourrait enhardir Big Brother, par Sarah Jeong

Source : The Atlantic, le 08/04/2016

Quand l’argent devient de l’information, il peut informer sur vous.

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SARAH JEONG | 8 avril 2016

En 2014, Cass Sunstein – à une époque grand manitou de l’administration Obama – a écrit un éditorial plaidant pour une société sans argent liquide, sous prétexte que cela réduirait la délinquance urbaine. Son raisonnement ? Une nouvelle étude a trouvé un lien de causalité apparent entre utilisation du système de transfert électronique (EBT) des prestations sociales et baisse de la criminalité.

Dans le cadre du nouveau système EBT, les bénéficiaires de l’aide sociale pourraient maintenant utiliser des cartes de débit, au lieu d’être forcés à encaisser des chèques dans leur totalité – ce qui signifie qu’il y aura moins d’argent liquide en circulation dans les quartiers pauvres. Et moins il y a d’argent liquide dans les rues, concluent les auteurs de l’étude, moins il y a de criminalité.

Peut-être que les cambriolages, les larcins, et les agressions ont baissé parce qu’il y avait tout simplement moins à voler facilement. Peut-être, aussi, que les cartes de débit ont dissuadé les gens de dépenser de l’argent en drogues et autres produits du marché noir. Bien que rien ne les empêchait de retirer de l’argent liquide et ensuite de le dépenser illégalement, le fameux “Coup de pouce Sunsteinien” était à l’œuvre – le moindre petit bouleversement dans l’environnement des gens les a dissuadés de commettre des crimes.

L’année qui a suivi la publication de l’éditorial de Sunstein, lors d’un incident apparemment sans rapport, un étudiant de l’Université de Columbia a été arrêté et accusé de cinq infractions liées à la drogue, y compris possession avec intention de vendre. Apparemment, ses camarades et ses clients l’avaient payé via l’application Smartphone Paypal appartenant à Venmo.

Venmo opère toutes les transactions publiques par défaut. L’application dispose de l’équivalent d’une page d’information d’un réseau social où vous pouvez voir vos amis s’envoyer différentes sommes d’argent, souvent accompagnées d’un court descriptif et de smileys. Le supposé dealer demandait à ses clients d’écrire un descriptif marrant pour chaque transaction, et en le faisant, transformait sa page d’information (et celle des autres) en registre ouvert du trafic de drogue.

Rien n’empêchait vraiment les étudiants d’aller à un guichet automatique et retirer de l’argent pour l’utiliser à l’ancienne. Mais cela prend du temps et de l’énergie, alors que Venmo est présent juste dans votre poche. Les meilleurs et les plus brillants membres de l’Ivy League ont été encouragés à se balancer eux-mêmes.

Les meilleurs et les plus brillants membres de l’Ivy League ont été encouragés à se balancer eux-mêmes.

Dans une société sans argent liquide, l’argent a été transformé en nombres, en signaux, en courants électroniques. Pour faire court : l’information a remplacé l’argent liquide.

L’information est rapide comme l’éclair. Elle traverse les villes, les États et les frontières nationales en un clin d’œil. Elle passe à travers de nombreux types de dispositifs, circule de téléphone à téléphone, et d’ordinateur à ordinateur, au lieu d’être enfermée dans ces temples de marbre silencieux que nous appelons banques. L’information ne fait jamais de cliquetis dérangeant dans votre poche.

Partout où l’information est rassemblée et circule, deux prédateurs la suivent de près : la censure et la surveillance. Le cas de la monnaie digitale ne fait pas exception. Là où la monnaie devient une série de signaux, elle peut être censurée ; là où la monnaie devient information, elle donnera des informations sur vous.

* * *

Durant le printemps 2014, le département de la justice commençait à faire l’objet de critiques pour l’opération Choke Point (Goulot d’étranglement), une initiative destinée à décourager ou stopper l’activité des prêteurs sur salaire. Les finalités furent, à première vue, positives, mais les moyens hautement contestables.

A ce moment-là, le besoin de protection du consommateur n’était que trop évident, mais le prêt sur salaire était légal et l’est encore. Donc le département de la justice s’est montré créatif et a demandé aux banques et aux organismes de paiement de se plier aux politiques du gouvernement et de faire la police de manière dynamique pour les activités à haut risque. Il a été demandé aux banques de volontairement fermer toutes les sortes d’activités marchandes que les bureaucrates du gouvernement considéraient comme suspectes. Le prix de la résistance était une enquête approfondie du département de la justice. En décembre 2013, le département de la justice avait émis cinquante citations à comparaître à des banques et organismes de paiement.

Les protestations les plus véhémentes contre l’opération Choke Point sont venues des activistes pro-armes, comme l’industrie des armes à feu et des munitions qui avait été labellisée à “haut risque”. Mais les armes n’étaient qu’une industrie parmi un étrange mélange de cibles. Les ventes de tabac, le télémarketing, la pornographie, les services d’escortes, les services de rencontres, les jeux en ligne, les marchands de monnaie, les décodeurs du câble, et les “produits racistes” étaient tous explicitement listés sur le site de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) [agence fédérale américaine dont la principale responsabilité est de garantir les dépôts bancaires, NdT] en tant que “catégories marchandes associées à une activité à haut-risque”.

Les critiques de l’opération Choke Point ont vu l’initiative comme une police des mœurs, plutôt que comme une campagne de protection du consommateur. Beaucoup des industries visées – comme la pornographie – pourraient être vues comme moralement peu recommandables. Et dans de nombreux cas – comme pour les armes – de tels jugements moraux étaient hautement politisés. Un commentateur a écrit : “Alors que les cliniques pratiquant l’avortement et les groupes environnementaux sont probablement en sécurité sous l’administration Obama, si ce genre de choses perdurent, elles seront vulnérables aux mêmes tactiques si une administration différente adopte cette même approche de voyou face aux entreprises qu’elle désapprouve.”

Pour beaucoup de conservateurs, l’opération Choke Point était une nouvelle offensive libérale dans la guerre culturelle, une attaque dissimulée contre le second amendement. Il n’y a jamais eu de preuve que les armes était l’objectif premier de l’opération Choke Point, mais l’indignation s’est maintenue, alimentée par un nombre alarmant d’histoires de vendeurs d’armes à feu lâchés par les compagnies de carte de crédit ou voyant soudainement leurs comptes bancaires fermés.

De la même façon, les acteurs du porno ont commencé à rapporter qu’ils étaient lâchés par le système financier de façon similaire, avec la banque Chase qui fermait les comptes bancaires personnels de “centaines de professionnels du divertissement pour adulte” au printemps 2014. Mais les effets troublants de l’opération Choke Point ne se seraient pas arrêtés là.

* * *

Eden Alexander s’est sentie malade au printemps 2014. Cela a commencé lorsqu’elle a souffert d’une sévère réaction allergique à un médicament qui lui avait été prescrit. Ensuite, lorsqu’elle a cherché des soins médicaux, les fournisseurs de soins ont refusé de la traiter, en supposant que le problème était l’utilisation de drogues illicites.

Alexander est une actrice porno. Selon elle, elle a été profilée et discriminée, et n’a pas réussi à obtenir de soins médicaux. A la fin, elle a développé une infection aux staphylocoques. Elle ne pouvait plus travailler, et elle luttait pour prendre soin d’elle-même, sans parler de ses factures médicales, son appartement, son loyer, ses chiens.

Ses amis et ses soutiens – beaucoup étaient également dans l’industrie du divertissement pour adulte – ont commencé une campagne de crowdfunding sur la plateforme GiveForward, espérant couvrir ses frais médicaux. Ils avaient récolté des milliers de dollars lorsque la campagne a été fermée et les paiements gelés.

GiveForward a dit que sa campagne avait violé les conditions de service de leur organisme de paiement, WePay : “Les conditions de WePay indiquent que vous ne pouvez pas accepter de paiements ou utiliser le service pour des choses en rapport avec l’industrie pornographique.”

Quelques heures après qu’Alexander a reçu la notification par email, et posté à ce sujet sur Twitter, elle a dû être amenée à l’hôpital en ambulance.

A différents points de la chaîne, toutes les transactions sont bloquées par des goulets d’étranglement créés par les principaux acteurs tels que Visa, Mastercard et Paypal.

La réaction initiale sur les médias sociaux a été de supposer qu’Alexander avait encore une fois fait l’objet de discriminations, et que la campagne de récolte de fonds avait été fermée à cause de l’ostracisme lié à son activité. Il s’avéra toutefois que l’un de ses soutiens avait offert en échange de photos nues des donations pour Alexander, sur Twitter. (Bien sûr, cela soulève seulement la question de savoir comment WePay a découvert ce tweet, et s’ils avaient l’habitude de surveiller les conversations sur Twitter pour toutes les campagnes où ils étaient utilisés.)

La suspension des paiements d’Eden Alexander a irrité les personnes bien intentionnées à son égard et ses soutiens. Comment pourrait-il être si difficile d’envoyer à Alexander une petite somme d’argent ? Nous vivons dans un monde où existent de multiples plateformes de crowdfunding, et chaque année amène une nouvelle récolte d’applications de transfert d’argent via téléphone mobile. Dans la société sans liquidités, les paiements sont censés circuler plus librement et facilement que jamais.

Bien sûr, l’abondance de services et d’applications mis en avant masquent l’infrastructure qui rend l’opération Choke Point possible en premier lieu. Les transactions empruntent des circuits à travers différentes couches enchevêtrées de vendeurs, d’organismes et de banques. A divers points de la chaîne, toutes les transactions sont bloquées via des obstacles créés par les principaux acteurs tels que Visa, Mastercard et Paypal : ils constituent les goulots d’étranglement d’après lesquels l’opération Choke Point a pris son nom.

Les goulots d’étranglement sont des sociétés privées qui ne sont pas seulement sujettes à la réglementation du gouvernement au niveau comptable, mais qui ont démontré une dérangeante volonté de se plier aux demandes extra-légales – si cela renforce les barrages financiers contre les organisations lanceuses d’alertes comme WikiLeaks ou le site internet Backpage, qui héberge des publicités de travailleurs du sexe, et prétendument aussi des publicités pour des trafiquants du sexe. Un peu de pression, et l’entier système financier lâche le dernier paria désigné par le gouvernement. L’opération Choke Point exploite cette tendance à grande échelle.

Il est probablement juste de dire que le gouvernement fédéral n’a jamais ciblé Eden Alexander, et que son hospitalisation était une conséquence prévisible de cette simple liste de points établie par la FDIC – la liste qui a placé la “pornographie” avec “l’escroquerie des consolidations de dettes” et “des produits garantissant l’enrichissement”.

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Mais des déclarations ultérieures faites par WePay ébauchent une relation de cause à effet entre l’opération Choke Point et l’arrêt de la campagne de crowdfunding d’Alexander, révélant l’ampleur potentielle des répercussions de telles initiatives. « WePay fait face à un examen approfondi de la part de ses partenaires et des réseaux de cartes de paiement dans le cadre de l’application d’une politique, surtout lorsqu’il s’agit d’un contenu adulte, » a écrit un représentant dans un article de blog. « Nous devons faire respecter ces politiques ou faire face à des amendes significatives ou au risque de la fermeture de centaines de milliers de marchands sur notre service. Nous sommes terriblement désolés que ces politiques s’ajoutent aux difficultés qu’Eden affronte. »

Là où le paternalisme se transmet directement par un téléphone arabe bureaucratique, des conséquences peu enviables ou mêmes inhumaines sont à prévoir. Lorsque l’on s’intéresse à la liste du FDIC des industries “à hauts risques”, il est surprenant d’y trouver certaines opérant dans des secteurs carrément illégaux (ex. des “escroqueries” et des “pyramides de Ponzi”) ou profitant de vices légaux – paris, vente de tabac et pornographie.

Le système de Transfert de Bénéfice Electronique est largement bénin, et est effectivement une tentative d’offrir des services bancaires aux “non-bancarisés” – ce qui en soi pourrait amplement bénéficier à tout un segment de la population, actuellement dépendante de salaires journaliers et d’opérations monétaires en liquide. Cependant, il existe aussi une plus grande tendance, nous pousser vers un monde où une société sans argent liquide offre au gouvernement de nouvelles formes de coercition, de surveillance et de censure.

Une société sans argent liquide augure un monde de contrainte, de contrôle et de surveillance, dont les Américains les plus pauvres sont aujourd’hui pourvus en abondance.

EBT a poussé les plus vulnérables vers la société sans numéraire ; l’opération Choke Point a utilisé les possibilités de la société sans argent liquide pour faire appliquer ce que ses partisans considéraient comme un projet de protection des consommateurs, et ce que ses critiques ont vu comme une campagne contre le vice. Choke Point s’est propagé à travers la société, évaluant certaines industries comme « à haut risque », la FDIC a fait pression sur le secteur financier pour surveiller et sanctionner des activités légales. Finalement, cet effet a rejailli sur WePay, qui a fini par priver Eden Alexander de sa collecte de fonds.

L’épreuve d’Alexander a été rendue possible par notre marche apparemment inévitable vers la société sans argent liquide. Où les paiements électroniques règnent en maîtres absolus, les goulots d’étranglement deviennent plus importants que jamais. Nous n’avons pas toujours eu d’argent liquide en effet, les systèmes de crédit précèdent l’utilisation de l’or et l’argent comme monnaie. Mais il est juste de dire que nous voyons un avenir sans précédent dans lequel la totalité de l’activité financière sera prisonnière d’un même système comptable, celui qui peut être à la fois contrôlé et influencé par une administration étatique puissante et tentaculaire.

La société sans argent liquide augmente le risque pour les personnes vulnérables d’être en butte aux difficultés qu’Eden Alexander a rencontrées. Il semble bizarre à première vue qu’un système de protection des consommateurs aboutisse à ce qu’Alexander a subi. Mais la protection des consommateurs et la lutte contre le vice vont dans le même sens : c’est purement et simplement du paternalisme et tout particulièrement un encadrement paternaliste des pauvres.

Et lorsqu’il s’agit de lutte contre le vice ce sont particulièrement les pauvres qui ont le plus à souffrir – ils sont tenus à des normes plus élevées que d’autres et sont contrôlés et punis, s’ils s’en écartent. Les bénéficiaires de l’assistance sociale doivent subir un long et intrusif dépistage de drogues. Des femmes (souvent des femmes de couleur) qui marchent dans des lieux « de prostitution » sont harcelées ou même arrêtées parce qu’elles ont simplement des préservatifs dans leur sac à main.

Une société sans argent liquide promet un monde de contrainte, de contrôle et de surveillance – toutes choses dont les Américains les plus pauvres sont aujourd’hui pourvus en abondance, bien sûr. Pour le plus vulnérable, la société sans argent liquide n’offre essentiellement rien de neuf, elle élargit seulement la portée de l’actuel État bureaucratique paternaliste.

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Les pauvres peuvent être touchés de façon disproportionnée, mais la société sans argent liquide affecte tout le monde. Les techno-libertaires relativement privilégiés ont donc longtemps craint la société sans argent liquide, la voyant comme un musée de cire électronique, une des nombreuses érosions de la vie privée de l’ère numérique. Cette crainte a donné lieu à un certain nombre d’innovations, de l’ecash de David Chaum (décrit dans son article de 1985 « Sécurité sans identification : des systèmes de transaction pour rendre Big Brother dépassé »), à l’ultra-médiatique protocole Bitcoin.

La crypto-monnaie n’est pas vraiment une priorité fédérale et, tant que c’est le cas, cela peut être un moyen de paiement officieux viable quand les organismes de paiement instituent des blocus.

Chaum s’est concentré sur le contournement des moyens de surveillance de l’argent numérique ; le pseudonyme du créateur du bitcoin (ou les créateurs), Satoshi Nakamoto, s’est attaché à enlever aux tiers de confiance le pouvoir d’empêcher ou de renverser des transactions – le même pouvoir qui permet la sorte de censure financière incitée par l’opération Choke Point. Ces crypto monnaies sont des tentatives de créer des ouvertures et des poches de liberté à l’intérieur du futur monde sans argent liquide.

Leur succès a été, au mieux, douteux. Je n’ai pas besoin de vous parler de la viabilité d’ecash. Si vous en avez entendu parler, vous la connaissez déjà ; si non, cela vous dit tout. Quant au bitcoin, plus largement adopté, la monnaie numérique a été touchée par une réglementation toujours plus sévère, concentrée sur les plateformes d’échange de bitcoins qui permettent d’échanger du bitcoin contre de la monnaie officielle. Cette tendance à la régulation a recréé les mêmes blocages et goulots d’étranglement que Satoshi Nakamoto avait tout d’abord cherché à contourner.

La crypto-monnaie n’est pas vraiment une priorité fédérale et, tant que c’est le cas, cela peut être un moyen de paiement officieux viable quand les organismes de paiement instituent des blocus. Les fournisseurs de moyens de paiement ont bloqué les accès pour WikiLeaks à la suite du Cablegate ; finalement l’organisation a été financée principalement par le bitcoin. Et quand Visa et Mastercard ont arrêté de fournir leurs services à Backpage en 2015, les travailleuses du sexe se sont aussi tournées vers le bitcoin.

* * *

En juin 2015, Thomas Dart, le shérif du comté de Cook – le plus grand comté de l’Illinois, qui inclut la ville de Chicago – a écrit une lettre ouverte aux principaux processeurs de paiement. « En tant que Shérif du comté de Cook et père et citoyen impliqué, j’écris pour demander que votre institution renonce immédiatement à permettre vos cartes de crédit d’être utilisées pour placer des annonces publicitaires sur des sites web comme Backpage.com. »

Backpage est un site Web qui héberge des petites annonces, y compris des annonces d’escortes. Il est tellement connu qu’il a été appelé « le plus grand site d’escortes de l’Amérique. » Selon plusieurs organisations contre le trafic sexuel, c’est aussi un havre pour l’esclavage sexuel. Quelques travailleuses du sexe disent cependant que les empêcher de faire de la publicité revient à les exposer à des dangers. « Avoir la possibilité de faire de la publicité en ligne permet aux travailleuses du sexe de filtrer plus soigneusement les clients potentiels et de travailler à l’intérieur, » écrit Alison Bass. « La recherche montre que quand les travailleuses du sexe ne peuvent pas faire de publicité en ligne et filtrer les clients, elles sont souvent forcées d’aller dans la rue, où il est plus difficile de dépister les clients violents et de négocier des rapports sexuels protégés (c’est-à-dire avec des préservatifs). Elles vont aussi plus probablement devoir dépendre de souteneurs exploiteurs pour trouver des clients. »

Les nuances de ce débat n’ont jamais été discutées par un organe législatif ou même une cour de justice. Visa et Mastercard ont immédiatement plié face à la lettre de Dart et le service de Backpage a été arrêté, rendant la publicité presque impossible pour les travailleuses du sexe (et aussi, dit-on, pour les trafiquants).

La censure financière pourrait se généraliser, sans la barrière légale de tout droit ou garantie véritables.

La lettre ouverte de Dart ressemblait à l’opération Choke Point, mais d’une façon beaucoup plus floue quoique plus menaçante. Si Dart avait fait une action en justice contre Backpage, il aurait sans nul doute échoué devant le tribunal. Le shérif avait déjà perdu un procès contre Craigslist en 2009 à propos de leurs annonces de services érotiques. Bien que Dart se soit clairement identifié comme le Shérif du comté de Cook, en réalité il n’a jamais dit qu’il allait imposer une loi contre Visa, Mastercard ou même Backpage. La lettre a fait référence à la loi fédérale contre le blanchiment d’argent et à l’existence présumée de trafic sexuel sur le site web, mais c’était en substance une missive composée pour semer la peur, l’incertitude et le doute. Comme l’opération Choke Point, c’était une demande d’action volontaire, plus qu’une plainte au pénal, avec acte d’accusation ou injonction.

Peut-être que si Visa ou Mastercard avaient bataillé, Dart aurait donné suite à ses menaces voilées de la façon dont le ministère de la Justice a publié des citations à comparaître aux banques défaillantes et aux processeurs. Mais il est impossible de le savoir, car les deux entreprises ont immédiatement capitulé.

En décembre 2015, une cour d’appel fédérale en Illinois a accordé une injonction à Backpage contre Dart. L’avis, écrit par l’estimé Richard Posner, attaquait Dart pour avoir tenté « de s’opposer au libre cours des idées et opinions par “l’imposition réelle ou la menace du pouvoir de l’État ou d’une sanction” » en violation du Premier amendement.

Au tribunal, Visa a prétendu que « à aucun moment Visa n’a perçu le Shérif Dart comme une menace, » et qu’il avait simplement fait un choix volontaire d’arrêter de travailler avec Backpage. Mais, en juin, le directeur de communication de Dart avait envoyé un courriel informant Visa que le bureau du shérif allait tenir une conférence de presse sur Backpage et le trafic sexuel et que « bien entendu le ton de la conférence de presse changera considérablement si vos cadres jugent bon de rompre les liens avec Backpage et ses imitateurs. » Les mails internes entre les salariés de Visa à l’époque ont mentionné le courriel de conférence de presse de Dart comme « un chantage ».

Pour le juge Posner, les tactiques de Dart étaient déconcertantes. Elles pourraient être facilement reproduites, selon la formule « d’une contrainte gouvernementale illégale, incontrôlée, imparable, anarchique… couplée à des menaces de dénonciation de l’activité que le fonctionnaire veut détruire, car la cible de la dénonciation, réticente à reconnaître qu’elle se soumet aux menaces, au lieu de cela, attribuera l’abandon de son activité à la découverte qu’elle heurte ses principes moraux. »

Posner ne l’a pas mentionné dans sa note, mais la même tactique avait été appliquée quelques années auparavant, lorsque le sénateur Joseph Lieberman avait convaincu les fournisseurs de services de paiement de fermer les accès à Wikileaks, au moment de la publication des télégrammes diplomatiques du département d’État américain.

La septième décision sur le dispositif Backpage est une importante jurisprudence sur le Premier amendement, un correctif indispensable dans une période de blocage financier toujours plus fréquent. Mais une grande partie de la décision sur l’affaire est fondée sur la mise en évidence des tactiques maladroites du shérif Dart, sur la pression évidente que les salariés de Visa ont qualifié par écrit de « chantage ». Qu’arrive-t-il dans le cas d’une affaire plus subtile atterrissant devant un juge aux penchants moins libéraux ?

De la même façon que la monnaie papier s’évapore de nos poches et que le pays entier – et même le monde – sont peu à peu plongés dans une société sans argent liquide, la censure financière pourrait devenir invasive, libérée de tous droits légaux ou garanties significatifs.

* * *

En janvier 2011, peu de temps après la mise en place du blocus financier de WikiLeaks, le fondateur de WePay a posté un Demandez-moi tout sur Reddit, appelant son entreprise l’« anti-Paypal ». Il a écrit qu’il était particulièrement inquiet de la facilité avec laquelle PayPal a gelé des comptes recueillant des fonds pour de bonnes causes.

Cela s’est passé un mois ou deux après que les organismes de paiement – y compris PayPal – ont choisi de bloquer WikiLeaks. D’une manière prévisible, un commentateur a posé une question directe sur WikiLeaks.

« Théoriquement, vous pouvez utiliser WePay pour recueillir de l’argent de personnes dans vos cercles sociaux et en faire don à qui vous voulez, » a-t-il écrit en réponse. « Ceci dit, nous avons intentionnellement fait profil bas et nous nous sommes contentés d’observer. … Nous sommes fiers de ne pas avoir gelé de comptes, mais dans des cas extrêmes comme WikiLeaks, il y a toujours un risque d’y être contraints par les autorités. »

Quatre ans plus tard, la société a semblé avoir décidé qu’une collecte de fonds pour couvrir les frais d’hospitalisation d’une travailleuse du sexe constituait un cas extrême comme WikiLeaks.

Source : The Atlantic, le 08/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

‘Yats’ n’est plus notre homme, par Robert Parry

'Yats' n'est plus notre homme, par Robert Parry

Source : Consortiumnews.com, le 11/04/2016

Le 11 avril 2016

Exclusif : Plusieurs semaines avant le coup d’État ukrainien de 2014, la secrétaire d’État adjointe américaine Nuland avait déjà choisi Arseniy Yatsenyuk pour être le prochain dirigeant, mais désormais, “Yats” n’est plus notre homme, écrit Robert Parry.

Par Robert Parry

Dans leur rapport sur la démission du Premier ministre ukrainien Arseniy Yatsenyuk, les grands journaux américains ont ignoré ou déformé le trop fameux appel téléphonique intercepté avant le coup de 2014 dans lequel elle déclarait “Yats est notre homme !”

Bien que le coup de téléphone de Nuland initia beaucoup d’Américains à l’encore obscur Yatsenyuk, sa date – quelques semaines avant l’éviction du président ukrainien élu, Viktor Ianoukovitch – n’a pas facilité la fable que Washington voulait imposer, celle du peuple ukrainien se soulevant de lui-même pour chasser un dirigeant corrompu.

La secrétaire d'État adjointe aux affaires européennes, Victoria Nuland, qui soutint le coup ukrainien et aida à choisir les chefs issus de cette opération.

La secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes, Victoria Nuland, qui soutint le coup ukrainien et aida à choisir les chefs issus de cette opération.

Au lieu de cela, la conversation entre Nuland et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, ressemblait plutôt à celle de deux proconsuls choisissant les politiciens ukrainiens qui devaient diriger le nouveau gouvernement. Nuland dénigra également l’approche moins agressive de l’Union européenne d’un bref “Que l’UE aille se faire foutre !”

Plus important encore, l’appel intercepté, mis sur YouTube au début février 2014, montrait clairement que ces officiels américains de haut rang étaient en train de préparer – ou au moins de collaborer à – un coup d’État contre le président démocratiquement élu d’Ukraine. C’est pourquoi le gouvernement et les médias américains ordinaires ont, depuis, jeté cette discussion fort éclairante dans le grand trou noir de la mémoire.

Lundi, en écrivant sur le discours de Yatsenyuk de dimanche durant lequel il annonçait sa démission, ni le Washington Post, ni le Wall Street Journal n’ont mentionné la conversation entre Nuland et Pyatt.

Le New York Times mentionna l’appel mais égara ses lecteurs en suggérant que l’appel est venu après le coup et pas avant. Cela transforme l’appel en une discussion de deux officiels discutant de qui pouvait devenir Premier ministre et fait oublier qu’ils étaient en train de comploter pour abattre un gouvernement en faveur d’un autre déjà prévu.

L’article du Times, signé par Andrew E. Kramer, disait : “Avant la nomination de M. Yatsenyuk au poste de Premier ministre en 2014, un enregistrement fuité d’une conversation téléphonique entre Victoria J. Nuland, une secrétaire d’État adjointe des États-Unis et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey R. Pyatt, sembla souligner le soutien de l’Occident à sa candidature. “Yats est notre homme”, déclara Mme Nuland.”

Le Premier ministre ukrainien Arseniy Yatsenyuk. (Photo credit: Ybilyk)

Le Premier ministre ukrainien Arseniy Yatsenyuk. (Photo credit: Ybilyk)

Notez bien que si vous ne saviez pas que cette conversation a eu lien fin janvier ou au début du mois de février 2014, vous ne pourriez pas savoir qu’elle précédait le coup d’État du 22 février 2014. Vous imagineriez que ce n’était qu’un bavardage positif pour Yatsenyuk comme candidat à ce poste.

Vous ne sauriez pas non plus que la conversation entre Nuland et Pyatt était centrée sur la façon de “monter ce truc” ou “faire accoucher ça”. Ce sont des commentaires sonnant a priori comme des preuves que le gouvernement des États-Unis était occupé à un “changement de régime” en Ukraine, sur la frontière russe.

La conclusion “sans coup d’État”

Mais le manque de précision de Kramer sur la nature et la date de cet appel correspond à une longue suite de prises de position tendancieuses du New York Times sur sa couverture de la crise ukrainienne. Le 4 janvier 2015, presque un an après le coup soutenu par les États-Unis, le Times publia un article “de fond” déclarant qu’il n’y eut jamais de coup de d’État. Il s’agit juste de l’affaire du président Ianoukovitch décidant de partir pour de bon.

Cette conclusion s’explique en partie par l’oubli [volontaire] de l’appel de Nuland et Pyatt qui prouve l’idée de complot. Elle a été coécrite par Kramer, ce qui démontre qu’il était au moins au courant du “Yats est notre homme” bien qu’elle fut absente du grand article de l’année dernière.

À la place, Kramer et son corédacteur, Andrew Higgins, se donnèrent beaucoup de mal pour ridiculiser toute personne qui prendrait en considération cet appel et en arriverait à la conclusion fort malvenue d’un coup d’État. Si vous le faisiez, vous ne seriez qu’un abruti qui s’est laissé tromper par la propagande russe.

« La Russie a attribué la destitution de M. Ianoukovitch à ce qu’elle décrit comme un coup d’État violent, “néofasciste”, soutenu et même orchestré par l’Occident et travesti en soulèvement populaire, » ont écrit Higgins et Kramer. « En dehors de la bulle de propagande russe, la ligne du Kremlin n’a guère été prise au sérieux. Mais presque un an après la chute du gouvernement de M. Ianoukovitch, les questions demeurent posées sur comment et pourquoi il s’est complètement effondré si rapidement. »

L’article du Times a conclu que Ianoukovitch « n’a pas été renversé parce que ses alliés l’avaient abandonné, et les officiels occidentaux ont été comme tout le monde surpris par la débâcle. La désertion des alliés, alimentée en grande mesure par la peur, a été accélérée par la saisie par les manifestants d’un grand stock d’armes à l’ouest du pays. Mais tout aussi important, l’examen des dernières heures montre la panique dans les rangs gouvernementaux créée par les propres efforts de paix de M. Ianoukovitch. »

Le président destitué Viktor Ianoukovitch.

Le président destitué Viktor Ianoukovitch.

Pourtant, on pourrait se demander à quoi ressemble un coup d’État selon le Times. En effet, le coup d’État ukrainien avait les mêmes caractéristiques que les classiques changements de régime réalisés par le CIA en Iran en 1953 et au Guatemala en 1954.

Le processus de ces coups d’État est maintenant historiquement bien connu. Des agents secrets du gouvernement américain ont diffusé une propagande malveillante visant le dirigeant, suscité le chaos politique et économique, conspiré avec des leaders politiques rivaux, répandu la rumeur de pires violences à venir et ensuite – lorsque les institutions politiques se sont effondrées – assisté au départ précipité du dirigeant apeuré, quoique dûment élu.

En Iran, le coup d’État a réinstallé le Shah autocrate qui a régné depuis avec une poigne de fer pendant le quart de siècle suivant ; au Guatemala, le coup d’État a conduit à plus de trois décennies de régimes militaires brutaux et au massacre de quelque 200 000 guatémaltèques.

Les coups d’État ne doivent pas forcément impliquer des chars de l’armée occupant les places publiques, bien que ce soit une variante qui suit la plupart des mêmes étapes initiales, sauf que l’armée participe à la fin. Le coup d’État militaire était une méthode courante en particulier en Amérique latine dans les années 60 et 70.

“Révolutions de couleur”

Mais la méthode préférée ces dernières années a été la « révolution de couleur », qui opère derrière la façade d’un soulèvement populaire « pacifique » et avec une pression internationale sur le leader ciblé pour qu’il fasse preuve de retenue, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour arrêter le coup d’État. Malgré sa retenue, le chef est toujours accusé de violations flagrantes des droits de l’homme, ce qui justifie d’autant mieux son renvoi.

Plus tard, le dirigeant évincé peut changer d’image ; au lieu d’un tyran cruel, il est ridiculisé pour ne pas avoir montré une détermination suffisante et laissé sa base de soutien fondre, comme c’est arrivé avec Mohammad Mossadegh en Iran et Jacobo Arbenz au Guatemala.

Mais la réalité de ce qui est arrivé en Ukraine n’a jamais été difficile à saisir. Nul besoin non plus de faire partie de « la bulle de la propagande russe » pour la comprendre. George Friedman, fondateur de la société de renseignement international Stratfor, a qualifié le renversement de Ianoukovitch de « coup d’État le plus évident de l’histoire ».

C’est ce qui apparaît si vous considérez les faits. La première étape du processus a consisté à créer des tensions autour de la question de sortir l’Ukraine de l’orbite économique de la Russie et de l’inclure dans celle de l’Union européenne, un plan défini par les néoconservateurs américains influents en 2013.

Le 26 septembre 2013, Carl Gershman, président du National Endowment for Démocraty (Fondation nationale pour la démocratie), un important bailleur de fonds des néoconservateurs depuis des décennies, dans un article du journal néoconservateur Washington Post, a appelé l’Ukraine « le plus grand trophée » et une étape intermédiaire majeure vers le renversement du président russe Vladimir Poutine.

À l’époque, Gershman, dont la NED est financée par le Congrès des États-Unis à hauteur d’environ 100 millions de dollars par an, finançait des dizaines de projets en Ukraine en formant des militants, en payant des journalistes et en organisant des groupes commerciaux.

Concernant un trophée encore plus important – Poutine –, Gershman a-t-il écrit : « Le choix de l’Ukraine de rejoindre l’Europe va accélérer la disparition de l’idéologie impérialiste russe représentée par Poutine. Les Russes aussi ont le choix, et Poutine peut se retrouver lui-même du côté des perdants et pas seulement dans son proche voisinage, mais à l’intérieur même de la Russie. »

A cette époque, au début de l’automne 2013, le président ukrainien Ianoukovitch envisageait la possibilité de tendre la main à l’Europe par un accord d’association. Mais il a pris peur en novembre 2013, lorsque des experts en économie à Kiev l’ont avisé que l’économie ukrainienne subirait un contrecoup de 160 milliards de dollars si elle se séparait de la Russie, son voisin oriental et principal partenaire commercial. Il y avait aussi la demande de l’Occident que l’Ukraine accepte un sévère plan d’austérité du Fonds monétaire international.

Ianoukovitch voulait plus de temps pour négocier avec l’Union européenne, mais sa décision irrita de nombreux ukrainiens de l’Ouest qui voyaient leur avenir plus lié à l’Europe qu’à la Russie. Des dizaines de milliers de manifestants ont commencé à camper place Maïdan à Kiev et Ianoukovitch a ordonné à la police de faire preuve de retenue.

Pendant que Ianoukovitch revenait vers la Russie qui offrait un prêt plus généreux de 15 milliards de dollars et du gaz naturel à prix réduit, il est rapidement devenu la cible des néoconservateurs et des médias américains qui ont décrit l’instabilité politique de l’Ukraine comme une situation tranchée entre un Ianoukovitch brutal et corrompu et un sacro-saint mouvement d’opposition « pro-démocratie ».

Un soulèvement acclamé

Le soulèvement de Maïdan a été poussé par les néoconservateurs américains, dont la secrétaire d’État adjointe aux Affaires européennes, Nuland, qui a distribué des biscuits aux manifestants de la place Maïdan et a rappelé aux chefs d’entreprise ukrainiens que les États-Unis avaient investi 5 milliards de dollars pour leurs « aspirations européennes ».

Une capture d'écran de la secrétaire d'État adjointe américaine aux Affaires européennes, Victoria Nuland, parlant à des chefs d'entreprise américains et ukrainiens le 13 décembre 2013, lors d'un événement parrainé par Chevron, dont le logo est à gauche de Nuland. Le sénateur d'Arizona, John McCain, se montre, debout sur la scène, avec des extrémistes de droite du Parti Svoboda, pour dire à la foule que les États-Unis étaient avec eux dans leur contestation du gouvernement ukrainien.

Une capture d’écran de la secrétaire d’État adjointe américaine aux Affaires européennes, Victoria Nuland, parlant à des chefs d’entreprise américains et ukrainiens le 13 décembre 2013, lors d’un événement parrainé par Chevron, dont le logo est à gauche de Nuland.
Le sénateur d’Arizona, John McCain, se montre, debout sur la scène, avec des extrémistes de droite du Parti Svoboda, pour dire à la foule que les États-Unis étaient avec eux dans leur contestation du gouvernement ukrainien.

A l’approche de l’hiver, les protestations sont devenues plus violentes. Des éléments néonazis et d’autres extrémistes de Lviv et d’autres villes ukrainiennes de l’ouest ont commencé à arriver en brigades bien organisées ou « sotins » (centaines) de cent combattants de rue entraînés. La police a été attaquée avec des bombes incendiaires et d’autres armes, tandis que les manifestants déchaînés ont commencé à s’emparer des bâtiments du gouvernement et à déployer des drapeaux nazis et même un drapeau confédéré.

Bien que M. Ianoukovitch ait continué d’ordonner à sa police de faire preuve de retenue, il était toujours représenté dans les grands médias américains comme un voyou brutal qui assassinait froidement son propre peuple. Le chaos a atteint son paroxysme le 20 février lorsque de mystérieux tireurs embusqués ont ouvert le feu, tuant deux policiers et des manifestants. Comme la police se retirait, les militants ont avancé en brandissant des armes à feu et d’autres armes. La confrontation a conduit à des pertes importantes, alourdissant le nombre de morts à environ 80, dont plus d’une dizaine de policiers.

La presse grand public et les diplomates américains ont immédiatement blâmé Ianoukovitch pour l’attaque des tireurs embusqués, bien que les circonstances restent troubles à ce jour et que certaines enquêtes aient suggéré que le tir mortel de tireurs d’élite soit venu de bâtiments contrôlés par des extrémistes du Secteur droit [parti politique ultranationaliste antirusse, NdT].

Pour atténuer la montée de la violence, c’est un Ianoukovitch ébranlé qui a signé un accord européen négocié le 21 février, dans lequel il accepte des pouvoirs réduits et une élection anticipée qui pourrait le conduire à quitter ses fonctions. A la demande du vice-président Joe Biden, il a également accepté de retirer les forces de police.

Le retrait précipité de la police a ouvert la voie aux néonazis et à d’autres combattants de la rue pour s’emparer des bureaux présidentiels et forcer Ianoukovitch et son équipe à fuir pour rester en vie. Le nouveau régime de coup d’État a été immédiatement déclaré « légitime » par le département d’État des États-Unis et Ianoukovitch recherché pour meurtre. Le favori de Nuland, Iatsenyuk, est devenu le nouveau Premier ministre.

Tout au long de la crise, la presse grand public américaine a martelé le thème des manifestants tout blanc contre un président tout noir. La police a été dépeinte comme composée de tueurs brutaux qui ont tiré sur des partisans de la « démocratie » non armés. Des grands médias, les Américains n’ont entendu que ce récit manichéen.

Le New York Times est allé jusqu’à supprimer du récit les policiers tués et simplement signaler que tous les morts de la place Maïdan avaient été tués par la police. Un classique compte rendu du Times du 5 mars 2014 résume l’histoire : « Plus de 80 manifestants ont été abattus par la police lors d’un soulèvement incontrôlable monté en flèche mi-février. »

Les médias grand public américains ont également cherché à discréditer quiconque faisait remarquer le fait évident qu’un coup d’État anticonstitutionnel venait de se produire. Un nouveau thème est apparu qui dépeint Ianoukovitch comme décidant simplement d’abandonner son gouvernement en raison de la pression morale des nobles et pacifiques manifestations de Maïdan.

Toute référence à un “coup d’État” a été rejetée comme « propagande russe ». Il y avait une détermination parallèle dans les médias américains à discréditer ou ignorer les preuves que les milices néonazis avaient joué un rôle important dans l’éviction de Ianoukovitch et dans la suppression ultérieure de la résistance anti-coup d’État dans l’est et le sud de l’Ukraine. Cette opposition des Ukrainiens de souche russe est tout simplement devenue « l’agression russe ».

Symboles nazis sur les casques portés par les membres du bataillon Azov d'Ukraine. (Filmé par une équipe de tournage norvégienne et diffusé à la télévision allemande.)

Symboles nazis sur les casques portés par les membres du bataillon Azov d’Ukraine. (Filmé par une équipe de tournage norvégienne et diffusé à la télévision allemande.)

Ce refus de discerner ce qui était en fait remarquable dans cette histoire – le déchaînement volontaire de troupes d’assaut nazies sur une population européenne pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale – a atteint des niveaux absurdes avec le New York Times et le Washington Post enterrant les références aux néonazis en fin d’articles, presque comme des réflexions a posteriori.

Le Washington Post est allé jusqu’à justifier Swastikas et autres symboles nazis en citant un commandant de milice les qualifiant de gestes « romantiques » de jeunes hommes influençables. [Lire sur Consortiumnews.com : “Ukraine’s 'Romantic’ Neo-Nazi Storm Troopers.”]

Mais aujourd’hui – plus de deux ans après ce que les responsables américains et ukrainiens aiment appeler « la révolution de la dignité » – le gouvernement ukrainien soutenu par les États-Unis s’enfonce dans le dysfonctionnement, tributaire de l’assistance du FMI et des gouvernements occidentaux.

Et, dans un mouvement peut-être maintenant plus symbolique qu’essentiel, le Premier ministre Iatseniouk se retire. Yats n’est plus notre homme.

Source : Consortiumnews.com, le 11/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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