jeudi 28 avril 2016

La Gauche Dispersée Et Divisée Mais Unie Par Et Contre François Hollande



Selon une enquête ODOXA, Martine Aubry devance Jean-Luc Mélenchon en tant que «première opposante» de gauche au gouvernement.

 Martine Aubry est considérée comme la meilleure opposante de gauche à François Hollande. La maire de Lille est désignée par 28% des sondés. Jean-Luc Mélenchon n'est pas loin, avec 27%.

Le leader du Parti de gauche a pourtant pu savourer ces derniers jours la parution d'un sondage qui le plaçait en concurrence directe avec François Hollande au premier tour.

Et si François Hollande connaissait en 2017 le même destin que Lionel Jospin, éliminé il y a 14 ans au premier tour de la présidentielle ? Ascension du FN, fortes divisions à gauche, impopularité... À un an de la fin de son mandat, ses chances d'accéder au second tour n'ont jamais semblé aussi minces.

C’est la situation à laquelle nous amènerait une candidature de François Hollande dont on sait qu’elle est mortifère.

On croyait avoir touché le fond avec Lionel Jospin. Pourtant la chute n'a fait que s'accélérer de Royal en DSK pour finir par le désastre Hollande: le naufrage du PS est consommé. Quel est le problème? Le renflouement du pédalo ne résoudrait rien.

Il est temps de se réveiller.


L'épouvantail FN


Devant l'argument du "barrage", Jean-Luc Mélenchon s'insurge : « Ils ont fait monter Mme Le Pen par tous les moyens possibles et maintenant, parce qu'elle est là, il faudrait qu'on se retire ! » s'exclame l'adversaire farouche du président sortant François Hollande, qu'il a récemment jugé « pire que Nicolas Sarkozy ». 

« C'est quoi ce pays où on interdit aux gens de se présenter ? Ce n'est pas en réduisant le choix qu'on répare la démocratie », tranche de son côté Julien Bayou, porte-parole d'Europe Écologie-Les Verts.

Le temps du « vote utile » est-il révolu ? La gauche, quinze ans après le choc du 21 avril 2002, s'avance fracturée de toutes parts à la présidentielle de 2017. Quant à la perspective d'un 21 avril bis, elle semble n'en avoir cure, plus soucieuse pour l'instant de faire barrage à Hollande qu'à Marine Le Pen.

Que penser de la baisse du chômage ?

Que penser de la baisse du chômage ?

Les chiffres du mois de mars sont spectaculaires, avec une baisse de 60 000 du nombre de chômeurs de catégorie A, permettant au solde trimestriel d'être également nettement négatif, malgré la hausse du mois dernier. Faut-il y voir les effets de la conjoncture, des mesures prises par le gouvernement ou encore l'effet des opportuns ajustements statistiques réalisés il y a quelques mois ?



Entre manipulations et vents portants ?

Les chiffres des derniers mois sont troublants, avec de fortes variations, dans un sens ou dans l'autre. Qui plus, alors que le nombre des demandeurs d'emplois de catégorie A baisse de 60 000, à 3,53 millions dans la métropole, celui incluant les catégories B et C baisse de seulement 8 700, -0,2% contre -1,7%. Sur trois mois, la baisse est plus de deux fois plus forte pour la première (-49 500) contre la seconde (-23 900). Il y a 5 454 100 demandeurs d'emplois en métropole et 5 765 700 en incluant les DOM. Ce décalage opportun, puisque ce sont les statistiques de la catégorie A qui servent d'étalon aux statistiques du chômage, rappelle opportunément les ajustements statistiques réalisées comme par hasard en plein milieu de l'été dernier, et qui ont précédé le début d'inversion de la courbe du chômage.

En outre, le gouvernement a mis en place des mesures dont l'objectif semble davantage l'amélioration des statistiques que la création d'emplois. Mals dans le brouillard statistique établi par le gouvernement, entre changements statistiques et multiplications de mesures, on ne peut pas non plus exclure que ces chiffres soient également en partie le résultat des près de 50 milliards d'euros de baisses des cotisations sociales patronales mises en place par le gouvernement, et plus encore, du léger, mais réel frémissement de notre croissance, du fait de la baisse de l'euro, du pétrole et des taux d'intérêt. Mais, quand on additionne toutes ces raisons, on en vient à se dire que l'effet structurel des mesures gouvernementales est dérisoire, étant données toutes les raisons qui poussent à une baisse…


A défaut de s'être véritablement attaqué aux causes du chômage, François Hollande préfère compter sur des dopants statistiques et législatifs ainsi que sur les meilleurs vents de la conjoncture. Il semblerait que ces calculs politiciens soient en partie fondés, même si les Français ne sont pas dupes.  

Salariés et étudiants une nouvelle fois dans la rue contre la loi travail

Salariés et étudiants une nouvelle fois dans la rue contre la loi travail

À l'heure de battre les rangs, n'oubliez pas que le chaos économique auquel nous faisons face, est DÉLIBÉRÉ, ceci pour justement pour imposer ces réformes.

Manifestez massivement, pour leur montrer que vous n'êtes plus dupes, et que vous CONNAISSEZ leur stratégie du CHOC !

Amicalement,

f.


Gérard Filoche chez J.-J. Bourdin sur la loi El... par folamour_dailymotion

Paris, 28 avr 2016 - Déterminés à obtenir le retrait d'un projet de loi travail "inacceptable", sept syndicats de salariés et d'étudiants donnent à nouveau rendez-vous dans la rue jeudi à Paris et en régions pour la quatrième fois en deux mois.

"Gagner le retrait du projet de loi travail est possible", affirme l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL) qui a appelé mercredi à "renforcer les mobilisations" à quelques jours du début du débat parlementaire, fixé au 3 mai. 

A Paris, la manifestation partira de Denfert-Rochereau à 14H00 en direction de la place de la Nation. 

La journée de jeudi, qui tombe pendant une période de congés scolaires, sera suivie d'un 1er mai également focalisé sur le projet de loi. Mot d'ordre : le retrait pur et simple d'une réforme perçue comme trop favorable aux employeurs, et facteur de précarité pour les salariés, notamment les jeunes. 

Les opposants au projet de loi entendent aussi faire du 3 mai "un nouveau temps fort" pour demander aux parlementaires de "rejeter" le texte de Myriam El Khomri. Et ils promettent d'autres rendez-vous si le projet n'est pas retiré.  

Ce texte vise à donner plus de souplesses aux entreprises, notamment en matière d'aménagement du temps de travail, et à clarifier les règles de licenciement économique. Il a déjà subi des modifications ; le gouvernement a notamment reculé sur le plafond des indemnités prud'homales. 

Mais pour les syndicats il reste une "ligne rouge" : "l'inversion de la hiérarchie des normes" permettant à un accord d'entreprise de primer sur un accord de branche même s'il est moins favorable. 

Outre les manifestations partout en France, des arrêts de travail sont aussi prévus notamment dans les transports. 

- perturbations limitées dans les transports - 

Dans le ciel comme sur les rails, les perturbations attendues devraient néanmoins être assez limitées. A Orly, 20% des vols seront annulés et à Roissy "il y aura très probablement des retards mais pas d'annulation de vols", a indiqué l'aviation civile. 

Air France prévoit d'assurer "la totalité des vols long-courriers, la totalité des vols depuis et vers Paris-Charles de Gaulle et 80% des vols domestiques de et vers Paris-Orly". La compagnie prévient toutefois sur son site que "des retards et annulations de dernière minute ne sont pas à exclure". 

Concernant les transports publics franciliens, la RATP a fait savoir que le trafic sera normal jeudi sur les lignes de métro et du RER A, mais "perturbé" sur le RER B. 

Sur cette ligne, un train sur deux sera en circulation entre la gare du Nord et Aéroport Charles de Gaulle/Mitry-Claye, ainsi que deux sur trois entre gare du Nord et Saint-Rémy Lès Chevreuse/Robinson. 

La RATP prévoit en outre un trafic "quasi normal" pour les bus et tramways. 

De son côté, la SNCF, dont le trafic a été fortement perturbé par une grève unitaire mardi, a indiqué que "plus de 90% des trains rouler(aient) sur l'ensemble du pays" jeudi. La compagnie ferroviaire prévoit un trafic normal sur les lignes internationales, les TGV, ou encore les RER C et D en région parisienne. 

La contestation a commencé le 9 mars. Au soir du 31 mars, où les défilés avaient réuni 390.000 personnes en France selon les autorités et 1,2 million selon les organisateurs, elle s'est élargie avec le mouvement Nuit debout qui continue d'occuper la place de la République à Paris et pourrait se joindre aux défilés de jeudi. 

Aux rangs des mécontents de la future réforme du travail se sont greffés les intermittents qui négocient l'avenir de leur régime d'indemnisation chômage. Présents depuis lundi au théâtre de l'Odéon à Paris, ils ont étendu leur mouvement d'occupation des salles à Strasbourg, Montpellier, Lille, Bordeaux et Caen, et menacent les festivals d'été. 

Un accord a été trouvé dans la nuit de mercredi à jeudi par les organisations de salariés et d'employeurs du spectacle sur le régime d'assurance chômage spécifique aux intermittents, une première au sein du secteur.  

Source : L'Express.fr

 

Informations complémentaires :

 

 

 

Jordanie: un mur de 150 km de long déconcerte les archéologues

Jordanie: un mur de 150 km de long déconcerte les archéologues

La récente cartographie d'un ancien mur s'étendant sur 150km en Jordanie laisse les archéologues perplexes: quand a-t-il été construit ? Qui l'a construit et dans quel but ?

Le tracé du mur vue du ciel. (Credit: APAAME_20051002_RHB-0068 © Robert Bewley, Aerial Photographic Archive for Archaeology in the Middle East)

Connu de nos jours sous le nom de "Khatt Shebib", l'existence du mur a été rapportée la première fois en 1948, par Sir Alec Kirkbride, diplomate britannique en Jordanie. Alors qu'il voyageait en avion, il vit "un mur de pierre s'étirant, sans but apparent, à travers le pays."

Les archéologues, et le projet Aerial Archaeology in Jordan (AAJ), ont étudié les restes du mur en utilisant la photographie aérienne. Les chercheurs ont découvert que le mur allait de nord-nord-ouest vers sud-sud-ouest sur une distance de 105km. La structure qu'ils ont trouvé contient des sections où deux murs s'étendent côte à côte et d'autres sections ou le mur bifurque. "Si nous ajoutons les étirements et saillies des murs parallèles, la longueur totale avoisine les 150km", écrit David Kennedy, professeur à l'Université d'Australie Occidentale, et Rebecca Banks, assistante de recherche à l'Université d'Oxford, dans un article publié dans le journal Zeitschrift für Orient-Archäologie.

Aujourd'hui, le mur est en ruines. Cependant, "même dans son état d'origine, il ne devait pas faire plus d'un mètre de haut et probablement moins de 50cm d'épaisseur", écrivent Kennedy et Banks.

Les ruines du mur s'étendent au-delà de l'horizon. (Credit: APAAMEG_20040527_RHB-0010 © Robert Bewley, Aerial Photographic Archive for Archaeology in the Middle East)

Le long de Khatt Shebib, les archéologues ont aussi trouvé les restes d'environ une centaines de "tours", mesurant 2 à 4 mètres de diamètre. Certaines d'entre elles ont été érigées après la construction du mur.

Ces tours semblent avoir eu des utilisations variées. "Certaines ont servit de refuge, comme abri pour la nuit. D'autres ont pu servir de poste d'observation. Certaines, peut-être, ont été placées pour que les chasseurs puissent se cacher jusqu'à ce que la faune des alentours soit assez proche pour l'attraper" suppose Kennedy.


Cette recherche laisse les archéologues avec une série de questions sans réponse: quand a-t-il été construit ? Qui l'a construit et pourquoi ?

Jusqu'ici, la seule information datée qu'ont les scientifiques provient de poteries trouvées dans les tours et autres sites le long du mur. En se basant sur ces artéfacts, le mur aurait été construit quelque part entre la période nabatéenne (312 avant JC à 160 après JC) et la période Umayyade (661 à 750 après JC).

Bien que l'un des royaumes ou empires qui ont régné en Jordanie sur cette longue période de temps ait pu construire le mur, la structure ne semble pas avoir été faite par un grand état. "Il est possible que des communautés locales, voyant ce que les voisins avaient fait et convaincu de son utilité, aient simplement copié la pratique" écrivent Kennedy et Banks.

La raison d'être de ce mur est aussi un mystère. Sa faible hauteur et son étroitesse indiquent qu'il n'a pas été construit pour des raisons défensives. Des traces d'agriculture ancienne sont plus visibles à l'ouest du mur qu'à l'est, ce qui suggère que la structure marquait une frontière entre les anciens fermiers et les pasteurs nomades. A moins qu'il n'ait marqué un autre type de frontière.

En fin de compte, des travaux sur le terrain sont nécessaires pour résoudre ces mystères. "La photographie aérienne ne résoudra jamais ces questions de finalité et de datation. Pour cela, nous avons besoin de faire des fouilles sur le site" écrivent Banks et Kennedy.

Une carte montrant la longueur de Khatt Shebib. Plusieurs sites archéologiques sont situés sur ou près du mur. A l'extrémité sud du mur on peut voir des sections où deux murs parallèles s'étendent au lieu d'un seul. (Dessin par R. Banks)

Source:

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Obama opposera son veto au projet de loi permettant aux familles des victimes du 11 septembre de poursuivre en justice l’Arabie saoudite

Obama opposera son veto au projet de loi permettant aux familles des victimes du 11 septembre de poursuivre en justice l'Arabie saoudite

On aura ainsi tout vu…

Tu m’étonnes que ça gueule aux États-Unis – et que notre presse en ait à peine parlé…

Ceci étant, il est vrai que l’argument des mesures en rétorsion (genre de l’Irak ?) n’est pas stupide.

Après, et tout pacifiste que je sois, je me demande à quel moment de notre Histoire est survenu l’émasculation de l’Occident (France comprise, cf. Bataclan), qui se demande comment poursuivre un État étranger “en cas de soutien à des attaques terroristes tuant ses citoyens sur son sol”, au lieu de lui déclarer la guerre…

P.S. Le projet de loi Justice Against Sponsors of Terrorism Act 

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La Maison-Blanche menace d'opposer son veto au projet de loi autorisant les poursuites sur le 11 Septembre

Par Manu Raju et Ted Barrett, CNN, le 19 avril 2016

Washington (CNN) Un projet de loi soutenu par les deux partis, pour autoriser les familles de victimes des attaques terroristes du 11 Septembre à poursuivre en justice l’Arabie saoudite, s’est trouvé en grande difficulté lundi, face à la menace d'un veto de la Maison-Blanche et à une tentative de blocage par un sénateur Républicain, selon ses déclarations à titre privé.

La décision vient au moment où les candidats à l'élection présidentielle des deux partis saisissent l'occasion de cette loi pour marquer des points auprès des électeurs de New York, avant la difficile primaire qui va s'y dérouler mardi.

Et cela a totalement dressé contre l’administration Obama, Chuck Schumer de New York, pressenti pour être le prochain leader Démocrate au Sénat.

Le département d’État et la Maison-Blanche conseillent carrément aux législateurs de ne pas poursuivre le processus législatif par crainte de conséquences dramatiques pour les États-Unis et les citoyens vivant à l'étranger, par le biais de représailles judiciaires. Le Président s'envole pour Riyad mercredi pour des pourparlers avec l’Arabie saoudite sur l'ISIS et l'Iran, dans le contexte de relations tendues entre les pays, faisant du calendrier du projet de loi un sujet beaucoup plus sensible.

Le lobbying contre la loi s'accroit tout en se heurtant à de nouvelles difficultés au Capitole, où des dirigeants politiques apprennent qu’un sénateur Républicain s'oppose à l'adoption du projet de loi, selon une source bien informée du Congrès. L’identité du sénateur n’a pas encore été révélée publiquement.

Les partisans de la mesure, pour leur part, commencent à intensifier leur campagne de lobbying.

« Si l’Arabie saoudite a participé au terrorisme, elle devrait bien sûr pouvoir être poursuivie en justice », a déclaré Schumer lundi. « Cette loi permettrait à un procès d'avoir lieu et aux victimes du terrorisme de porter plainte pour déterminer si le gouvernement saoudien a participé aux actes de terrorisme. Si les Saoudiens l'ont fait, ils devraient en payer le prix. »

En parlant aux journalistes lundi, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a riposté, mettant en garde que cela mettrait en danger la souveraineté internationale et ferait courir aux États-Unis « un risque important », si d’autres pays adoptaient une loi semblable.

« Il est difficile d’imaginer un scénario où le Président l'adopterait », a ajouté Earnest.

Le projet de loi, que Schumer et le coordinateur de la majorité au sénat, John Cornyn du Texas, soutiennent, empêcherait l’Arabie saoudite et d’autres pays présumés avoir des liens terroristes d’invoquer leur immunité souveraine devant un tribunal fédéral.

L’Arabie saoudite a longtemps nié tout rôle dans les attaques du 9 Septembre, mais les familles des victimes ont tenté à plusieurs reprises d'aller en justice, sans succès après que le pays a invoqué l’immunité légale conformément à la loi actuelle.

« Il suffirait d'ajustements mineurs de nos lois pour définir la capacité des Américains attaqués sur le sol américain à obtenir justice contre ceux qui ont financé cette attaque terroriste », a déclaré Cornyn à propos de ce projet de loi, qui offre à la Justice la possibilité de s'exercer contre les commanditaires d’actes de terrorisme.

Un blocage au Sénat

Malgré les efforts, il s'est heurté à plusieurs reprises à des difficultés au Capitole. En dernier lieu: un sénateur du Parti républicain, à titre personnel, s'oppose à l'adoption du projet de loi, un obstacle qui exigerait que le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, dépose une longue motion de procédure, pour le franchir. Il faudrait 60 votes pour surmonter l’obstacle, mais sans garantie de faire avancer la mesure tant que les objections de son collègue ne seront pas écartées.

Aucun sénateur n’a encore revendiqué avoir, à titre privé, exprimé d'objection.

Selon les règles du Sénat, n’importe quel sénateur peut confidentiellement informer le ou la chef de son parti qu'il organise le blocage d'une loi. Son nom ne sera pas rendu public, à moins qu’un sénateur ne prenne la parole au Sénat et essaye de faire avancer la loi, en forçant l’adversaire à élever une objection. Ce scénario n’est pas encore arrivé, car les négociations pour trouver un moyen de poursuivre la procédure se déroulent en coulisse.

Cornyn a dit que tandis que plusieurs sénateurs avaient à l’origine émis des objections au projet, ils s’étaient tous ravisés, sauf un ou une.

« Je pense qu'une part du problème est que d’une façon ou d’une autre cela revient à s'en prendre à l'Arabie saoudite, un allié de poids », a-t-il analysé. Il a alors défendu la loi, disant : « Ce n’est pas un projet non limitatif et l’Arabie saoudite n'est pas visée. »

La manière dont la majorité Républicaine au Congrès examine le projet n'est pas claire.

Tandis que le projet de loi a été facilement approuvé par la Commission des affaires judiciaires du Sénat en janvier avec le soutien d’une partie des sénateurs, y compris le candidat à la fonction présidentielle Ted Cruz, un Républicain du Texas, et de libéraux comme Al Franken du Minnesota, McConnell n’a pas encore pris position sur la question, selon un porte-parole.

La Chambre des députés attend l’initiative du Sénat avant de procéder à un projet de loi complémentaire, présenté par Peter King, un Républicain de New York. Le président de la Chambre, Paul Ryan, n’a pas discuté de la loi lors de son récent voyage en Arabie saoudite, selon un adjoint qui connait bien la question.

Mardi, Ryan a dit aux journalistes lors d'une conférence de presse que le projet de loi devrait être examiné soigneusement pour y déceler des effets imprévus.

Tandis que pour un sénateur, élever une objection sur un projet soutenu par les familles des victimes du 11 Septembre peut être politiquement risqué, certains alertent sur les effets plus larges qu’il pourrait avoir, s'il était adopté.

Paul Callan, l'analyste juridique de CNN, a averti que le projet pourrait avoir des incidences sur les États-Unis, si un autre pays exerçait des rétorsions contre des attaques de drone américains, par exemple.

« C’est pour cela que pendant presque 200 ans, le droit international a reconnu ce concept d’immunité souveraine selon lequel les pays ne devraient pas vraiment permettre aux différents tribunaux de poursuivre en justice d’autres pays », a dit Callan dans « Legal View » avec Ashleigh Banfield. « Il sera éliminé dans en question de relations internationales. »

Les escarmouches de la campagne électorale s’intensifient

Si l’Arabie saoudite n’a jamais été impliquée dans les attaques du 11 Septembre, 15 des 19 pirates de l’air étaient d'origine saoudienne. De plus, il y a longtemps que des liens entre la famille royale d’Arabie saoudite et al-Qaïda ont été soupçonnés, une spéculation qui n'a fait que s'intensifier, tandis que les 28 pages d’une enquête du congrès sur les attaques du 11 Septembre demeurent secrètes.

Comme la pression s'intensifie sur le Congrès afin de laisser les familles des victimes du 11 Septembre poursuivre l’Arabie saoudite en cour fédérale, les responsables saoudiens réagissent rapidement.

Dans un sévère avertissement, le ministre des Affaires étrangères saoudien, Adel al-Jubeir, a prévenu les membres du Congrès le mois dernier à Washington que son royaume vendrait près de 750 milliards de dollars d'actifs américains, y compris des bons du Trésor, si le projet était adopté, selon des sources bien informées de CNN. Un développement tout d’abord rapporté dans le New York Times.

Cornyn a, cependant, écarté la menace.

 

« Cela me semble trop défensif et je doute qu’ils puissent le faire », a-t-il répondu. « Je ne pense pas que nous devrions laisser des pays étrangers dicter ainsi la politique intérieure des États-Unis, non, cela ne me préoccupe pas du tout. »

Les candidats à la fonction présidentielle sont également restés impassibles. En tête de la primaire de New York l'ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton et le sénateur du Vermont Bernie Sander ont rapidement cherché à s’aligner sur le projet de loi de Cornyn-Schumer.

Après la déclaration de Clinton, lors d'une apparition dimanche sur ABC, qu’elle devait étudier le projet de loi et ne voulait pas prendre position, un porte-parole a déclaré par la suite qu’elle soutenait le projet de loi.

Sander, dans une déclaration dimanche soir, a annoncé qu’il soutenait le projet de loi et s'est adressé à l’administration Obama pour rendre publiques les 28 pages du rapport sur le 11 Septembre qui pourraient impliquer l’Arabie saoudite.

D’autres candidats au poste présidentiel sont descendus dans l’arène, y compris le grand favori du parti républicain, Donald Trump.

Au Joe Piscopo Show, un programme de radio new-yorkais, Trump n’a montré aucune inquiétude quant à la menace de l’Arabie saoudite de solder ses actifs américains.

« Laissez-les vendre », a-t-il dit. « Ce n'est pas grave. »

Trump ajouta : « Eh, regardez, nous protégeons l’Arabie saoudite. Nous les protégeons pour rien. Si nous ne les protégions pas, ils ne dureraient pas une semaine. »

Deirdre Walsh de CNN a contribué à ce rapport.

Par Manu Raju et Ted Barrett, CNN, le 19 avril 2016

Traduit par Jacqueline pour le site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Obama a l'intention d'opposer son veto au projet de loi permettant aux familles des victimes du 11 septembre de poursuivre en justice l’Arabie saoudite

Par Joe Tacopino, Avec Associated Press, The New York Post, 19 avril 2016

La Maison-Blanche a signalé lundi que le Président Obama opposerait son veto à une législation qui ouvrirait la voie aux familles des victimes du 9 Septembre vers un procès contre l’Arabie saoudite.

Le projet de loi soutenu par les deux partis doit encore arriver au niveau du Sénat, mais a déjà déclenché un scandale à Riyad et menace de distendre encore les liens entre Washington et son allié de longue date du golfe Persique.

« Étant donné la longue liste de préoccupations que j’ai exprimées… il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel le président adopterait le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé », a déclaré Josh Earnest, porte-parole pour la presse de la Maison-Blanche, selon le journal The Hill.

« Un pays avec une grande économie moderne comme l’Arabie saoudite ne profiterait pas d’un marché financier mondial déstabilisé, pas plus que les États-Unis. »

Mais Earnest a souligné que les inquiétudes de l’administration à propos de la loi ne concernaient pas seulement l’Arabie saoudite.

« Notre préoccupation est simplement la suivante : cela pourrait faire courir aux États-Unis, à nos contribuables, nos militaires et nos diplomates un risque important, si d’autres pays devaient adopter une loi semblable », a-t-il déclaré.

Obama arrivera à Riyad mercredi pour tenir des réunions avec le roi Salman et d’autres responsables saoudiens. On ne sait pas si la loi fera partie des discussions.

Par Joe Tacopino, Avec Associated Press, The New York Post, 19 avril 2016

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[2014] Les vingt-huit pages fantômes, par Lawrence Wright

[2014] Les vingt-huit pages fantômes, par Lawrence Wright

C’est vraiment en 2013-2014 que le sujet a commencé à ressurgir, plusieurs parlementaires se battant pour cela.

Ici un article de 2014 dans le New Yorker

Source : The New Yorker, le 09/09/2014

Le Président George W. Bush rencontre le Prince Bandar ben Sultan, l’ambassadeur saoudien aux États-Unis, le 27 août 2002, au ranch de Bush à Crawford au Texas.
Crédit Photo Eric Drapper/The White House via Getty

Par Lawrence Wright

Dans le nouveau centre souterrain pour les visiteurs, situé à l’étage inférieur du Capitole des États-Unis, se trouve une salle sécurisée où le House Intelligence Committee entrepose des documents hautement classifiés. Un de ces documents est intitulé « Découvertes, discussion et récit concernant certaines questions sensibles de sécurité nationale. » Il comporte 28 pages. En 2002, l’administration de George W. Bush a retiré ces pages du rapport  de la Commission d’enquête mixte du Congrès sur les attentats du 11 septembre. Le président Bush a dit alors que la publication de cette partie du rapport pourrait nuire aux opérations de renseignement américain, révélant « des sources et méthodes, ce qui rendrait plus difficile pour nous de gagner la guerre contre le terrorisme. »

« Rien en leur sein ne touche à la sécurité nationale, » s’oppose Walter Jones, un membre du congrès républicain de Caroline du Nord qui a lu les pages manquantes. « Elles traitent de l’administration Bush et de ses rapports avec les Saoudiens. » Stephen Lynch, un démocrate du Massachusetts, m’a dit que le document était « on ne peut plus clair » et qu’il présentait des preuves directes de la complicité d’individus et d’organismes saoudiens dans les attaques d’al-Qaïda contre l’Amérique. « L’histoire que racontent ces 28 pages a été intégralement retirée du rapport sur le 11 septembre, » maintient Lynch. Un autre membre du congrès qui a lu le document dit que la preuve du soutien du gouvernement saoudien aux détournements d’avions du 11 septembre est « très troublante » et que la « vraie question est de savoir s’il a été approuvé au niveau de la famille royale ou plus bas et si ces pistes avaient été creusées. » Aujourd’hui, dans un rare exemple de collaboration bipartisane, Jones et Lynch ont déposé ensemble une résolution qui demande à l’administration Obama de déclassifier ces pages.

Les Saoudiens ont aussi publiquement exigé la déclassification du document. « 28 pages censurées sont utilisées par certains pour calomnier notre pays et notre peuple, » a déclaré le prince Bander ben Sultan, qui était l’ambassadeur saoudien aux États-Unis au moment des attentats du 11 septembre. « L’Arabie saoudite n’a rien à cacher. Nous pouvons répondre publiquement aux interrogations, mais nous ne pouvons pas répondre à des pages fantômes. »

La tentative pour déclassifier le document arrive au moment même où une plainte, déposée il y a dix ans au nom des victimes des attentats et de leurs familles aux côtés des assureurs qui payaient les dédommagements, progresse au sein des tribunaux américains. La plainte vise des associations caritatives, des banques et des citoyens saoudiens. En 2005, le gouvernement de l’Arabie saoudite fut écarté du banc des accusés sur la base de l’immunité diplomatique, mais en juillet la Cour Suprême des États-Unis a rétabli le statut d’accusé du royaume. Les plaignants considèrent que les 28 pages détenues viendront appuyer leur accusation selon laquelle les terroristes du 11 septembre ont reçu une assistance directe de la part de représentants du gouvernement saoudien aux États-Unis. D’après les représentants des familles des victimes du 11 septembre, le président Obama a par deux fois promis la publication du document mais a, jusqu’à maintenant, manqué à ses engagements. « Le texte de ces vingt-huit pages a été tenu secret par deux présidents, les rendant par cela complices, » a déclaré Sharon Premoli, la coprésidente de l’association Familles Unies du 11 septembre pour la Justice contre le Terrorisme. « Les familles et les survivants ont le droit de connaître toute la vérité à propos du meurtre brutal de trois mille êtres chers et des blessures de milliers d’autres. »

Les partisans de la déclassification présentent un réquisitoire solide et souvent émouvant, mais d’autres rapportent des raisons impérieuses de laisser le document enterré sous le Capitole. Immédiatement après que la Commission d’Enquête Mixte du Congrès eut conclu son rapport, à la fin 2002, la Commission Nationale sur les Attentats Terroristes contre les États-Unis – plus connue sous le nom de Commission du 11 septembre – a débuté son travail, sous la houlette de Thomas Kean, ancien gouverneur du New Jersey, et de Lee Hamilton, un ancien représentant de l’Indiana au Congrès. Les questions soulevées par les 28 pages représentent une part importante des missions confiées à la commission ; en effet, son directeur, Philip Zelikow, a recruté des agents ayant travaillé pour la commission mixte sur les suites à donner au document. Selon Zelikow, leurs découvertes ne confirment pas les allégations faites par la commission mixte et les familles des victimes à travers leur plainte contre l’Arabie saoudite. Il a qualifié les vingt-huit pages de « catalogue de faits préliminaires et non vérifiés » au sujet de l’implication de l’Arabie saoudite. « Il y avait des accusations extravagantes qui demandaient à être vérifiées, » a-t-il dit.

Zelikow et son équipe n’ont finalement été capables de prouver la complicité d’aucun représentant saoudien dans les attentats. Un ancien membre de la commission sur le 11 septembre, qui est parfaitement au fait des éléments renfermés par les vingt-huit pages, s’est déclaré défavorable à leur déclassification, avertissant que la publication d’informations spéculatives et brûlantes pouvait « exacerber les passions » et nuire aux relations américano-saoudiennes.

Stephen Lynch confirme que les vingt-huit pages ont été enterrées pour préserver la relation des États-Unis avec l’Arabie saoudite. « Une partie des raisons pour lesquelles elles furent classées secret défense était qu’elles auraient entraîné une réaction violente, m’a-t-il dit. Il y aurait eu des répercussions. » Mais, treize ans plus tard, y a-t-il toujours une raison de garder le document au secret ?

La théorie derrière la plainte contre les Saoudiens remonte à la guerre du Golfe de 1991. La présence de troupes américaines en Arabie saoudite a été un événement traumatisant dans l’histoire du pays, remettant en question l’ancien accord entre la famille royale et les religieux wahhabites, dont le soutien permet à la famille Saoud de régner. En 1992, un groupe des chefs religieux les plus influents du pays a publié le Recueil de Conseils, une menace implicite d’un coup d’État mené par les religieux. La famille royale, ébranlée par la menace sur son règne, a accepté la plupart des exigences des religieux, en leur donnant plus de contrôle sur la société saoudienne. Une de leurs instructions appelait à la création d’un ministère des affaires islamiques, auquel on mettrait à disposition des bureaux dans les ambassades et consulats saoudiens. Comme le journaliste Philip Shenon l’écrit, en citant John Lehman, ancien secrétaire de la Navy et membre de la commission du 11/9, « il était bien connu dans le milieu du renseignement que le ministère des affaires islamiques fonctionnait comme la « cinquième colonne » saoudienne soutenant les extrémistes musulmans. »

L’histoire racontée dans ces vingt-huit pages commence avec l’arrivée de deux jeunes saoudiens, Naaf al-Hazmi et Khalid al-Mihdhar, à Los Angeles, en janvier 2000. Ils faisaient partie de la première vague des pirates de l’air du 11/9. Aucun ne parlait l’anglais correctement, aussi leur mission – apprendre à piloter un avion de ligne Boeing – paraissait follement improbable, surtout s’ils n’avaient aucune assistance.

Deux semaines après que Hazmi et Mahdhar furent arrivés à Los Angeles, un bienfaiteur fit soudain son apparition. Il s’agit d’Omar al-Bayoumi, un saoudien de 42 ans, qui travaillait pour une entreprise saoudienne de services aéronautiques, Dallah Avco. Alors qu’il touchait un salaire, il semblerait que, pendant ses sept années passées en Amérique, il n’ait jamais travaillé pour cette entreprise. Bayoumi avait des contacts fréquents avec l’ambassade saoudienne à Washington, ainsi qu’avec le consulat à Los Angeles. Il était largement considéré comme un espion saoudien par la communauté arabe expatriée, bien que le gouvernement saoudien niait qu’il le fût.

Avec un ami, Bayoumi quitta San Diego où ils vivaient pour rejoindre Los Angeles. Bayoumi se rendit alors au consulat saoudien où il rencontra pendant prés d’une heure un fonctionnaire du ministère des affaires islamiques, nommé Fahad al-Thumairy, qu’il considérait comme son conseiller spirituel. (En 2002, Thumairy s’est vu retiré son visa diplomatique et fut expulsé pour des liens supposés avec des terroristes.) Après cette entrevue, Bayoumi et son ami se rendirent dans un restaurant halal dans la ville de Culver City. Bayoumi dira plus tard aux enquêteurs que c’est lors de ce repas qu’il entendit deux hommes discuter en arabe avec l’accent du Golfe : Hazmi et Mihdhar. Il engagea la conversation avec eux et bientôt les invita à déménager à San Diego. Il les installa dans l’immeuble d’habitation où lui-même vivait. Comme les apprenti-pirates n’avaient pas de compte-chèques, Bayoumi paya leur caution et leur premier mois de loyer (qu’ils lui remboursèrent d’ailleurs immédiatement). Il les présenta aussi à des membres de la communauté arabe, dont peut-être l’imam d’une mosquée locale, Anouar al Awlaqi – qui devint plus tard le porte-parole le plus en vue d’al-Qaïda pour la péninsule arabique.

Un autre saoudien qui était à San Diego à ce moment-là, Oussama Basnan, se lia d’amitié avec Hazmi et Mihdhar. En l’occurrence, la femme de Basnan recevait des dons de bienfaisance de la femme du prince Bandar, la princesse Haïfa. Les paiements – qui ont atteint pas moins de 73 000 dollars sur une période de trois ans – étaient supposés financer le traitement d’un problème de santé dont souffrait la femme de Basnan. Selon des plaignants du procès contre les Saoudiens, une partie de cet argent a été utilisée pour soutenir les terroristes de San Diego. Cependant, le FBI n’a trouvé aucune preuve que l’argent ait été remis aux pirates, et la commission du 11/9 n’a trouvé aucun lien avec la famille royale.

« Nous affirmons que les prétendues « œuvres de bienfaisance », mises sur pied par le gouvernement du Royaume pour propager l’idéologie wahhabite radicale à travers le monde, furent les principales sources de financement et d’aide logistique d’al-Qaïda pendant plus d’une décennie jusqu’aux attaques du 11 septembre, » m’a dit Sean Carter, un des principaux avocats impliqués dans le procès. « Ce n’est pas une coïncidence si ces prétendues œuvres de charité étaient encadrées par le ministère des affaires islamiques qui, depuis sa création en 1993, assume la principale responsabilité dans les efforts du royaume pour diffuser l’islam wahhabite. »

Thomas Kean se rappelle enfin avoir eu la possibilité de lire ces vingt-huit pages après être devenu président de la commission du 11/9 – « tellement secrètes que j’ai dû obtenir toutes les habilitations de sécurité et aller dans les entrailles du Congrès avec quelqu’un me surveillant de près. » Il se rappelle aussi avoir pensé à ce moment-là que la plus grande partie de ce qu’il lisait n’aurait jamais dû être gardée secrète. Mais l’attention portée sur les vingt-huit pages cache le fait que beaucoup de documents importants sont encore classés secret – « des tas de choses » m’a dit Kean, dont, par exemple, les auditions de George W. Bush, Dick Cheney et Bill Clinton par la commission du 11 septembre. « Je ne vois pas une seule chose dans notre rapport qui devrait rester secrète dix ans après, » a dit Kean.

Le 11-Septembre peut bien faire désormais partie de l’histoire, mais certains des événements qui ont conduit à ce jour horrible demeurent cachés pour des considérations politiques actuelles. La communauté du renseignement ne veut pas faire la lumière sur ses défaillances une fois de plus, et sans aucun doute l’administration Obama ne veut pas de tensions supplémentaires dans ses relations avec les Saoudiens. Pendant ce temps, les forces qui ont mené à la catastrophe auparavant se renforcent une nouvelle fois. Thomas Massie, un représentant républicain du Kentucky au Congrès et soutien de la résolution à la Chambre pour la déclassification du document, me disait que le fait d’avoir lu ces vingt-huit pages l’avait amené à reconsidérer sa manière d’appréhender l’émergence d’ISIS. Cela l’avait rendu beaucoup plus réticent à apporter une réponse militaire. « Nous devons être attentifs, lorsque nous envisageons nos actions, aux répercussions qu’elles auront, » dit-il.

« C’est, d’une certaine façon, plus dangereux aujourd’hui, » observe Timothy Roemoer, qui fut membre de la Commission Mixte et de la Commission du 9/11. « Des séries de menaces, plus complexes que celles qui ont précédé le 11/9, arrivent ensemble et impliquent ISIS, al-Qaïda ainsi que des forces cyber-terroristes. Plus le peuple américain en sait sur ce qui s’est passé il y a treize ans, plus nous pouvons avoir un débat ouvert crédible sur nos besoins en matière de sécurité. » Rendre publiques les vingt-huit pages, dit-il, pourrait être un pas dans cette direction. « En espérant qu’après le choc initial et l’effroi, cela améliorera notre processus de travail. Notre gouvernement a le devoir de le faire. »

Source : The New Yorker, le 09/09/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Conspirationnisme : la paille et la poutre, par Frédéric Lordon

Conspirationnisme : la paille et la poutre, par Frédéric Lordon

Encore un grand billet de Frédéric Lordon. C’est un peu plus dur vers le premier tiers, mais ne manquez surtout pas la seconde moitié, qui coule très facilement et brillamment…

Le peuple est bête et méchant, le peuple est obtus. Au mieux il pense mal, le plus souvent il délire. Son délire le plus caractéristique a un nom : conspirationnisme. Le conspirationnisme est une malédiction. Pardon : c'est une bénédiction. C'est la bénédiction des élites qui ne manquent pas une occasion de renvoyer le peuple à son enfer intellectuel, à son irrémédiable minorité. Que le peuple soit mineur, c'est très bien ainsi. Surtout qu'il veille à continuer d'en produire les signes, l'élite ne s'en sent que mieux fondée à penser et gouverner à sa place.

Pour une pensée non complotiste des complots (quand ils existent)

 Il faudrait sans doute commencer par dire des complots eux-mêmes qu'ils requièrent d'éviter deux écueils symétriques, aussi faux l'un que l'autre : 1) en voir partout ; 2) n'en voir nulle part. Quand les cinq grandes firmes de Wall Street en 2004 obtiennent à force de pressions une réunion longtemps tenue secrète à la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur des marchés de capitaux américains, pour obtenir de lui l'abolition de la « règle Picard » limitant à 12 le coefficient de leviérisation globale des banques d'affaires [1], il faudrait une réticence intellectuelle confinant à l'obturation pure et simple pour ne pas y voir l'action concertée et dissimulée d'un groupe d'intérêts spécialement puissants et organisés – soit un complot, d'ailleurs tout à fait couronné de succès. Comme on sait les firmes de Wall Street finiront leviérisées à 30 ou 40, stratégie financière qui fera leur profits hors du commun pendant la bulle… et nourrira une panique aussi incontrôlable que destructrice au moment du retournement. Des complots, donc, il y en a, en voilà un par exemple, et il est de très belle facture.

Sans doute ne livre-t-il pas à lui seul l'intégralité de l'analyse qu'appelle la crise financière, et c'est peut-être là l'une des faiblesses notoires du conspirationnisme, même quand il pointe des faits avérés : son monoïdéisme, la chose unique qui va tout expliquer, l'idée exclusive qui rend compte intégralement, la réunion cachée qui a décidé de tout. Exemple type de monoïdéisme conspirationniste : Bilderberg (ou la Trilatérale). Bilderberg existe ! La Trilatérale aussi. Ce n'est donc pas du côté de l'établissement de ce (ces) fait(s) que se constitue le problème (comme ça peut être le cas à propos du 11 septembre par exemple) : c'est du côté du statut causal qu'on leur accorde. Ainsi donc de Bilderberg ou de la Trilatérale érigées en organisateurs uniques et omnipotents de la mondialisation néolibérale. Pour défaire le monoïdéisme de la vision complotiste, il suffit de l'inviter à se prêter à une expérience de pensée contrefactuelle : imaginons un monde sans Bilderberg ni Trilatérale, ce monde hypothétique aurait-il évité la mondialisation néolibérale ? La réponse est évidemment non. Il s'en déduit par contraposition que ces conclaves occultes n'étaient pas les agents sine qua non du néolibéralisme, peut-être même pas les plus importants. Et pourtant ceci n'est pas une raison pour oublier de parler de Bilderberg et de la Trilatérale, qui disent incontestablement quelque chose du monde où nous vivons.

Il suffirait donc parfois d'un soupçon de charité intellectuelle pour retenir ce qu'il peut y avoir de fondé dans certaines thèses immédiatement disqualifiées sous l'étiquette désormais infamante de « conspirationnistes », écarter leurs égarements explicatifs, et conserver, quitte à les réagencer autrement, des faits d'actions concertées bien réels mais dont la doctrine néolibérale s'efforce d'opérer la dénégation – il est vrai qu'il entre constitutivement dans la vision du monde des dominants de dénier génériquement les faits de domination (salariés et employeurs, par exemple, sont des « co-contractants libres et égaux sur un marché du travail »…), à commencer bien sûr par tous les faits de ligue explicite par lesquels les intérêts dominants concourent à la production, à la reproduction et à l'approfondissement de leur domination. Dans un débat public médiatique qui n'a pas son pareil pour saloper irrémédiablement n'importe quelle question, il est donc probablement sans espoir d'imaginer définir une position intermédiaire qui tiendrait ensemble et la régulation contre certains errements extravagants (jusqu'au scandaleux) de la pensée conspirationniste, et l'idée que la domination, si elle est principalement produite dans et par des structures, est aussi affaire pour partie d'actions collectives délibérées des dominants – mais faire ce genre de distinction est sans doute trop demander, et on voit d'ici venir les commentaires épais qui feront de ce propos une défense apologétique du complotisme et des complotistes…

On pourrait arguer que l'analyse sociologique ou politologique de ces actions concertées, précisément, se déploie hors des schèmes intellectuels caractéristiques du conspirationnisme : monoïdéisme, exclusivisme, attraction sans partage pour l'occulte, ignorance corrélative pour tous les effets impersonnels de structure, etc. [2] Et ce serait parfaitement exact ! C'est bien pourquoi il serait temps de faire la part des complots – comme faits avérés, puisqu'il en existe certains – et du complotisme – comme forme générale –, soit d'en appeler, en quelque sorte, à une pensée non complotiste des complots, c'est-à-dire aussi bien : 1) reconnaître qu'il y a parfois des menées concertées et dissimulées – on pourra les appeler des complots, et 2) refuser de faire du complot le schème explicatif unique de tous les faits sociaux, ajouter même que de tous les schèmes disponibles, il est le moins intéressant, le moins souvent pertinent, celui vers lequel il faut, méthodologiquement, se tourner en dernier… et ceci quoiqu'il ait parfois sa place ! Et il faudrait surtout consolider cette position intermédiaire à l'encontre de tous ceux pour qui maintenir l'amalgame des complots et du complotisme a l'excellente propriété de jeter le bébé avec l'eau du bain, en d'autres termes de garantir l'escamotage des faits de synarchie avec la disqualification de la forme « complotisme ».

Le conspirationnisme comme symptôme politique de la dépossession

Tout ceci cependant est dire à la fois trop et trop peu quand, du conspirationnisme, il est possible de prendre une vue latérale qui vient quelque peu brouiller l'image de ses habituelles dénonciations, et puis, plus encore, celle de ses frénétiques dénonciateurs. Sans doute trouve-t-on de tout à propos du conspirationnisme : des tableaux sarcastiques de ses plus notoires délires (le fait est qu'il n'en manque pas…), des revues de ses thèmes fétiches, jusqu'à de savantes (pitoyables) analyses de la « personnalité complotiste » et de ses psychopathologies. Mais d'analyse politique, point ! La puissance des effets de disqualification, la force avec laquelle ils font le tri des locuteurs, les caractéristiques sociales associées à ce tri même, la réservation de la parole légitime à certains et l'exclusion absolue des autres, procédant là aussi par un effet d'amalgame qui confond dans l'aberration mentale, puis dans l'interdiction de parler, toute une catégorie, voire un ensemble de catégories sociales, à partir de quelques égarés isolés, ceci pour faire du discours politique l'affaire monopolistique des « représentants » assistés des experts : tous ces mécanismes devraient pourtant attirer l'attention sur les enjeux proprement politiques engagés dans le « débat sur le conspirationnisme » – au lieu de quoi il n'est matière qu'à gloussements ou cris faussement horrifiés puisque, si isolées soient-elles, les saillies conspirationnistes fournissent la meilleure raison du monde à la dépossession.

Dépossession : tel est peut-être le mot qui livre la meilleure entrée politique dans le fait social – et non pas psychique – du conspirationnisme. Car au lieu de voir en lui un délire sans cause, ou plutôt sans autre cause que l'essence arriérée de la plèbe, on pourrait y voir l'effet, sans doute aberrant, mais assez prévisible, d'une population qui ne désarme pas de comprendre ce qu'il lui arrive, mais s'en voit systématiquement refuser les moyens – accès à l'information, transparence des agendas politiques, débats publics approfondis (entendre : autre chose que les indigentes bouillies servies sous ce nom par les médias de masse) etc. Décidément l'événement politique le plus important des deux dernières décennies, le référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 a montré ce que peut, pourtant dans un extraordinaire climat d'adversité, un corps politique auquel on donne le temps de la réflexion et du débat : s'emparer des matières les plus complexes et se les approprier pour produire un suffrage éclairé.

Hors de ces conditions exceptionnelles, tous les moyens ou presque de faire sens des forces historiques qui l'assaillent et surtout d'avoir part aux délibérations qui décident de son destin lui sont refusés. Or, remarque Spinoza, le quant-à-soi ne saurait connaître aucune suspension : « nul ne peut céder sa faculté de juger » (Traité politique), aussi celle-ci s'exerce-t-elle comme elle peut, dans les conditions qui lui sont faites, et avec l'acharnement du désespoir quand au surplus elle n'a que son malheur à penser. Le conspirationnisme n'est pas la psychopathologie de quelques égarés, il est le symptôme nécessaire de la dépossession politique et de la confiscation du débat public. Aussi est-il de la dernière ineptie de reprocher au peuple ses errements de pensée quand on a si méthodiquement organisé sa privation de tout instrument de pensée et sa relégation hors de toute activité de pensée. Cela, nul ne le dit mieux que Spinoza : « Il n'est pas étonnant que la plèbe n'ait ni vérité ni jugement, puisque les affaires de l'Etat sont traitées à son insu, et qu'elle ne se forge un avis qu'à partir du peu qu'il est impossible de lui dissimuler. La suspension du jugement est en effet une vertu rare. Donc pouvoir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu'à partir de là ils ne portent pas de jugement, c'est le comble de la stupidité. Si la plèbe en effet pouvait se tempérer, suspendre son jugement sur ce qu'elle connaît mal, et juger correctement à partir du peu d'éléments dont elle dispose, elle serait plus digne de gouverner que d'être gouvernée » (Traité politique, VII, 27).

L'apprentissage de la majorité (à propos de la « loi de 1973 »)

Mais plus encore que de la dépossession, le conspirationnisme, dont les élites font le signe d'une irrémédiable minorité, pourrait être le signe paradoxal que le peuple, en fait, accède à la majorité puisqu'il en a soupé d'écouter avec déférence les autorités et qu'il entreprend de se figurer le monde sans elles. Il ne lui manque qu'une chose pour y entrer complètement, et s'extraire des chausse-trappes, telle celle du conspirationnisme, dont tout débat public est inévitablement parsemé : l'exercice, la pratique, l'habitude… soit tout ce que les institutions de la confiscation (représentation, médias, experts) lui refusent et qu'il s'efforce néanmoins de conquérir dans les marges (associations, éducation populaire, presse alternative, réunions publiques, etc.) – car c'est ens'exerçant que se forment les intelligences individuelles et collectives.

Le débat sur la « loi de 1973 », interdisant supposément le financement monétaire des déficits publics devrait typiquement être regardé comme l'une des étapes de cet apprentissage, avec son processus caractéristique d'essais et d'erreurs. Bien sûr la « loi de 1973 », objet dans certaines régions de l'Internet d'une activité effervescente, a connu son lot d'embardées : depuis la vidéo à ambiance complotiste de Paul Grignon,Money as Debt, portant au jour une gigantesque conspiration monétaire – ce sont les banques privées qui créent la monnaie – dont les termes pouvaient cependant être lus dans n'importe quel manuel d'économie de Première ou de Terminale SES !, jusqu'à la lourde insistance à renommer la loi, d'abord « loi Pompidou » mais pour mieux arriver à « loi Rothschild », où certains ne verront qu'une allusion aux connexions du pouvoir politique et de la haute-finance [3] quand d'autres y laisseront jouer toutes sortes d'autres sous-entendus…

Au milieu de toutes ces scories, un principe de charité politique pourrait cependant voir : 1) ce petit miracle des non-experts se saisissant d'une question à l'évidence technique mais que ses enjeux politiques destinent au débat le moins restreint possible : la monnaie, les banques ; 2) le surgissement, peut-être désordonné mais finalement salutaire, d'interrogations sur la légitimité des taux d'intérêt, le financement des déficits publics, les figures possibles de la souveraineté monétaire, la place adéquate des émetteurs de monnaie dans une société démocratique ; 3) une intense activité polémique, au meilleur sens du terme, avec production kilométrique de textes, lancement de sites ou de blogs, controverses documentées en tous sens, etc. Tout ceci, oui, au milieu d'ignorances élémentaires, de quelques dérapages notoires et de fausses routes manifestes – certains parmi les plus acharnés à dénoncer la loi de 1973 commencent à s'apercevoir qu'ils ont poursuivi un fantôme de lièvre [4] … Mais pourtant comme un exercice collectif de pensée qui vaut en soi bien mieux que toutes ses imperfections, et dans lequel, tout sarcasme suspendu, il faudrait voir un moment de ce processus d'apprentissage typique de l'entrée dans la majorité. Sans surprise, des trébuchements de l'apprentissage les élites installées tirent parti pour refuser l'apprentissage même. On les comprend : il y va précisément de la dépossession des dépossédeurs.

À conspirationniste, conspirationniste et demi !

Mais les appeler « élites », n'est-ce pas beaucoup leur accorder ? Et que valent les élites en questions à l'aune même des critères qu'elles appliquent aux autres ? Répondre complètement à cette question exigerait de reparcourir l'interminable liste des erreurs accablantes de diagnostic, de pronostic, de conseils malavisés, innombrables foirades des experts, calamités « intellectuelles » à répétition, obstination dans l'erreur, passion pour le faux : avec une systématicité qui est en soi un phénomène, tous les précepteurs de la mondialisation néolibérale se sont trompés. Mais puisqu'il est question ici du conspirationnisme, c'est bien sur ce terrain qu'il faut les prendre. Car voilà toute la chose : à conspirationniste, conspirationniste et demi… Où il apparaît que la supposée élite y tombe aussi facilement que le bas peuple ! Qui voudrait faire du conspirationnisme un dérèglement n'aurait alors pas d'autre issue que de constater combien largement il est répandu – et que les frontières sociales sont rien moins qu'hermétiques sous ce rapport.

De ce point de vue c'est peut-être l'affaire DSK qui aura le plus spectaculairement déchiré le voile. Car jamais on n'aura vu théories du complot fleurir aussi allègrement dans les plus hautes sphères du commentariat. Les politiques, surtout du PS, sont évidemment les premiers à y choir, quitte à ce que ce soit sur le mode de la prétérition, ainsi Jean-Christophe Cambadélis dans une déclaration fameuse : « Je ne suis pas un adepte des complots mais…  [5 », suivi comme il se doit par une série de conjectures dont la conspiration est la seule conclusion logique ; Jacques Attali qui d'ordinaire sait bien voir les abîmes de la pensée conspirationniste mais, quand il s'agit de DSK, évoque d'abord l'hypothèse d'une« manipulation » [6] ; François Loncle, député PS qui assure pour sa part« qu'il n'y a pas de complot » [7] mais « un coup monté » [8], c'est très différent. « La thèse du complot se répand sur le web » titre un des articles de Libération [9] – « sur le web », n'est-ce pas, en aucun cas dans les pages du papier… Mais il faut bien l'avouer, jamais on n'aura vu « thèse du complot » si amplement exposée et si aimablement relayée dans les colonnes de la grande presse, quitte à ce que ce soit pour la discuter, voire la réfuter, en tout cas sans qu'il soit jugé indigne cette fois d'en faire la mention ou de ridiculiser ceux dans la bouche de qui elle est d'abord venue.

D'un certain conspirationnisme européiste

Les illustrations les plus spectaculaires cependant ne sont pas forcément les meilleures, et si elle a fait la démonstration édifiante de ce que valent les régulations de la classe oligarchique – à savoir rien – en situation de grande tension – par exemple quand il s'agit de sauver de l'opprobre son meilleur espoir –, l'affaire DSK demeure trop exceptionnelle pour être parfaitement significative. Autrement parlantes les pulsions conspirationnistes qui émaillent à répétition le discours de la crise européenne, à plus forte raison quand elles se donnent libre cours dans l'un des journaux les plus rigoureusement donneur de leçon anti-conspirationniste, Libération, et sous la plume de son journaliste le plus attaché à traîner dans la boue – y compris pour conspirationnisme – toute position de gauche critique de l'Europe telle qu'elle est, Jean Quatremer, auteur par exemple d'un magnifique « Quand l'euroscepticisme mène au conspirationnisme » [10].

Mais voilà : depuis que son objet chéri est en crise et attaqué de toutes parts, Jean Quatremer n'en finit pas de voir des complots partout. « Presse anglo-saxonne », « marchés financiers américains », « agences de notation », « hedge funds » : la monnaie unique européenne, pourtant plus franche que l'or, est la cible de pernicieuses entreprises de déstabilisation délibérée, orchestrées qui plus est par la plus maléfique des entités : « la finance anglo-saxonne ». Pour qui douterait qu'un esprit fondamentalement sain, puisque européen, ait pu ainsi être infecté par la maladie du complot, florilège de titres : « Les agences de notation complices des spéculateurs ? » (21 septembre 2011), « Les marchés financiers américains attaquent l'euro » (6 février 2010), « Comment le Financial Times alimente la crise » (30 mai 2010), « Moody's veut la peau du triple-A français » (21 novembre 2011), « Les banques allemandes contre la zone euro » (31 juillet 2011), « Le jeu trouble de Reuters dans la crise de la zone euro » (29 juillet 2012).

Et l'intérieur est à l'avenant de la devanture : « Il apparaît de plus en plus clair (sic) que des banques et des fonds spéculatifs américains jouent l'éclatement de la zone euro » [11] – le complot est donc d'abord anglo-saxon. C'est l'imperméabilité à tout argument rationnel qui atteste l'intention concertée de nuire : « le problème est qu'il ne sert à rien d'expliquer que la faillite de la Grèce est totalement improbable » [12], commentaire qui, au passage, prend toute sa saveur avec le recul, et plus encore après que son auteur se fut cru suffisamment clairvoyant pour décerner un « Audiard d'or » à Emmanuel Todd annonçant l'explosion de l'euro [13] – il est vrai que toute prédiction de malheur à l'encontre de l'objet chéri ne peut être, au choix, qu'une grotesque bouffonnerie ou une ignoble trahison.

En tout cas la perfidie anglo-saxonne a de puissants relais, les médias par exemple dont « le biais anti-euro (…) est difficilement contestable » [14], les agences de presse également, à l'image de Reuters et de son « jeu trouble dans la crise de la zone euro » [15]. Ainsi, par inconscience ou par malignité, on ne sait, donc par malignité, « les médias accroissent la panique des marchés ». Pour ce qui est du Financial Times en tout cas, l'explication n'est pas douteuse : « pris dans le sac du mensonge (…) il manipule l'information et colporte des rumeurs » [16] le 26 novembre 2010 – le 30 mai déjà il en était« à son second mauvais coup » [17]. Une année plus tard cependant, « les marchés financiers américains » ne sont plus les seuls agents de la cinquième colonne, ce sont les banques allemandes qui sont occupées à« mettre le feu à la zone euro » [18] – et l'ennemi est maintenant à l'intérieur. Peu importe que jusqu'ici l'Allemagne en (toutes) ses institutions ait été la figure même de la vertu, le vrai moteur de l'Europe, dont le couple avec la France patati patatère – maintenant ce sont des traîtres. La circonscription de la conspiration peut donc varier, mais pas le fait conspirationniste lui-même, puisque la construction monétaire européenne est si parfaitement conçue qu'il faut nécessairement une ligue de forces occultes pour la renverser.

Si le mal organisé est partout, il n'en a pas moins son superlatif en les agences de notation : elles sont les « complices des spéculateurs » [19].« Allons plus loin : qui a déclenché la panique sur la dette française ? Moody's justement (…) Bref encore une fois les agences viennent donner un coup de main aux spéculateurs pour déstabiliser les marchés » [20]. Il est donc temps de poser la vraie question : « Alors complot des agences de notation qui servent ainsi leurs maîtres principaux, les banques d'affaires, les hedge funds, etc. ? (…) Laurence Parisot, la patronne du Medef en est persuadée » [21]. Bien sûr il reste des amis de l'Europe, donc de Jean Quatremer, qui n'ont pas encore complètement perdu les pédales et tentent de le rattraper. Par fidélité un peu réticente mais impressionné par l'incontestable crédit européen de son interlocuteur, Quatremer cite Jean Pisani-Ferry qui lui explique que les agences ne font jamais que ratifier avec retard des anticipations de longue date incorporées dans les positions des investisseurs… Il lui fallait au moins cette poche à glace pour se persuader que « crier au complot ne sert de toute façon à rien sinon à soulager ses nerfs » [22]. Donc Jean Quatremer a d'abord très fort envie de crier au complot – si fort que ça s'entend à longueur de billets –, puis, instruit par ses précepteurs de toujours, se convainc, mais difficilement, qu'il ne sert à rien d'y céder – moyennant quoi ses nerfs ne sont qu'à demi-soulagés, raison pour laquelle il y revient sans cesse.

Hedge Funds, médias, presse anglo-saxonne, agences de presse, marchés financiers américains, agences de notation, partout des malfaisants ligués contre l'objet chéri. De cette sorte de crumble intellectuel, les agences de notation sont peut-être l'ingrédient le plus caractéristique, boucs émissaires périphériques de toute une structure qui s'exprime par elles [23] – mais qu'évidemment on ne mettra jamais en question. Car les agences de notation, comme dans une moindre mesure la presse financière, sont les agents les plus représentatifs de la finance déréglementée comme pouvoir de l'opinion – l'opinion des investisseurs s'entend, et exclusivement celle-ci, mais opinion d'une foule traversée de croyances, très faiblement régulées par la rationalité, et pourtant base de jugements, le plus souvent mimétiquement polarisés, à partir desquels des masses immenses de capitaux sont mises en mouvement. Il faudrait donc expliquer à Jean Quatremer que la finance libéralisée, si constamment encouragée par la construction européenne, c'est cela même !, que dans cet ensemble, il entre constitutivement, et non accidentellement, rumeurs, erreurs, errances, absurdités, idées fausses, informations biaisées – Jean Quatremer s'est-il jamais ému pendant toutes les belles années qu'on voie d'incertaines start-up comme des eldorados de profit, ou bien la finance structurée comme la martingale définitive contre le risque de crédit, et l'explosion des titres adossés à l'endettement des ménages comme une géniale trouvaille ? De ce point de vue, et erreur pour erreur, les marchés sont sans doute plus près du vrai en anticipant la décapilotade de l'euro, qu'ils ne l'étaient alors…

Mais dans la vision du monde de Jean Quatremer, la finance est bonne… jusqu'à ce qu'elle s'en prenne à son talisman. On lui fera néanmoins observer qu'il y a une certaine logique, et comme une justice immanente, à ce que l'Europe modèle Maastricht-Lisbonne qui a sans relâche promu la finance périsse par la finance. Car enfin qui a fait le choix de remettre entièrement les politiques économiques entre les mains de ce pouvoir déréglé qu'est la finance libéralisée ? Qui a décidé d'instituer les marchés obligataires comme puissance disciplinaire en charge de la normalisation des politiques publiques ? Qui a voulu constitutionnaliser la liberté de circulation des capitaux qui offre à ce régime son infrastructure ?

Non pas les agents du mal mais la force des structures

En fait c'est là la chose que Jean Quatremer a visiblement du mal à comprendre – déficience par quoi d'ailleurs il verse immanquablement dans le conspirationnisme, qu'il dénonçait chez les autres à l'époque où « tout allait bien » (pour lui) –, les crises s'expliquent moins par la malignité des agents que par l'arrivée aux limites des structures. Il est vrai qu'ayant toujours postulé la perfection de son objet, donc l'impossibilité de sa crise, il n'a pas d'autre hypothèse sous la main pour en penser la décomposition : celle-ci ne peut donc être que le fait des méchants (et des irresponsables : Grecs, Portugais, Espagnols…).

Or on peut dire de la construction européenne la même chose que de n'importe quelle autre configuration institutionnelle : les comportements, même destructeurs, des agents n'y sont pas le fait d'un libre-arbitre pervers mais de leurs stratégies ordinaires telles qu'elles ont été profondément conformées par l'environnement structurel dans lequel on les a plongés… quitte à ce que ces structures, laissées à leur simple fonctionnement, produisent in fine leur propre ruine : la Deutsche Bank lâche la dette italienne, non par trahison anti-européenne [24], mais par simple fidélité à la seule chose qu'elle ait à cœur : son profit – et si l'on veut des banques qui aient à cœur d'autres choses, il va falloir se pencher sur leurs statuts autrement que par fulmination et vœux pieux interposés. De même, les spéculateurs spéculent… parce qu'on leur a aménagé un terrain de jeu spéculatif ! Rumeurs et informations incertaines y prennent des proportions gigantesques parce que ce terrain de jeu même institue le pouvoir de l'opinion financière, etc.

Sans doute, poussés comme n'importe quels médias par les forces pernicieuses de la concurrence, de la recherche effrénée du scoop et de la primeur, le FT a-t-il parfois lâché trop vite quelques informations foireuses,Reuters des confidences biaisées ou mal recoupées, mais ni plus ni moins que Libération ou Jean Quatremer lui-même qui n'hésite pas, par exemple, à donner audience à des études aux bases les plus incertaines à propos de la sortie de la Grèce, tout droit tirées des bons soins de la banque UBS [25], son fournisseur attitré, dont l'objectivité et la neutralité sont d'évidence incontestables… Qu'UBS batte la campagne, qui plus est sans doute au service de ses propres positions spéculatives, la chose lui est tout à fait négligeable, l'important est qu'UBS la batte dans le bon sens.

Le monde de la finance a pour propriété que n'importe quelle information est potentiellement porteuse d'effets terriblement déstabilisants, non parce que de machiavéliques émetteurs les ont voulues ainsi mais, en dernière analyse, parce qu'elles sont saisies par les forces immenses de la spéculation qui ont le pouvoir de faire un tsunami d'une queue de cerise. Si Jean Quatremer fantasme une finance dont tous les acteurs observeraient en toutes circonstances le grand calme olympien de la rationalité pure et parfaite, il faut lui dire qu'il fait des rêves en couleur. Encore faudrait-il, pour s'en apercevoir, qu'il daigne faire quelques lectures d'histoire économique, évidemment d'auteurs qui auraient fort le goût de lui déplaire, des gens comme Minsky, Kindleberger, Keynes ou Galbraith, lesquels, instruits des catastrophes passées, n'ont cessé de montrer que la finance de marché estpar constructionpar essence, le monde du déchaînement des passions cupides, de l'échec de la rationalité et du chaos cognitif. Et qu'en réarmer les structures, comme l'Europe l'a fait avec obstination à partir du milieu des années 1980, était le plus sûr moyen de recréer ces désastres du passé.

Entre une nouvelle, aussi factuelle soit-elle, et le mouvement subséquent des marchés, il y a toujours l'interprétation – celle des investisseurs –, et c'est par cette médiation que s'introduit la folie, particulièrement en temps de crise où la mise en échec des routines cognitives antérieures alimente les anticipations les plus désancrées. L'Europe a fait le choix de s'en remettre à cette folie-là. Et Quatremer s'étrangle de rage stupéfaite qu'elle en crève… Comme rien ne peut le conduire à remettre en cause ses objets sacrés – les traités, la règle d'or, Saint Jean-Claude et son vicaire Mario –, il ne lui reste que les explications par le mal, un équivalent fonctionnel des hérétiques ou des satanistes si l'on veut. Aussi se meut-il dans une obscurité peuplée d'agents qui fomentent des « mauvais coups » et mènent« un jeu trouble », un underworld de « complices » et d'incendiaires. Si difficile soit-il de s'y résoudre, il faudra pourtant bien admettre que la construction européenne s'effondre selon la pure et simple logique qu'elle a elle-même instituée. Elle n'est pas la proie d'une conjuration du mal : elle tombe toute seule, du fait même de ses tares structurelles congénitales et sous l'effet des forces aveugles qu'elle a elle-même installées – et s'en prendre répétitivement, comme à des incubes, aux agents variés qui n'en sont que les opérateurs (Hedge Funds, banques et agences) est le passeport pour l'asile de l'ignorance.

Mais il y a des aggiornamentos trop déchirants pour être consentis aisément, et des investissements psychiques trop lourds pour être rayés d'un trait de plume, aussi faut-il attendre l'infirmation définitive par le réel pour que se produise le premier mouvement de révision – et encore… On en connaît qui persistent à croire que la défaite de 40 est la faute du Front Populaire… Entre temps tous les moyens sont bons, y compris ceux de la stigmatisation complotiste, pour ravauder comme on peut le tissu de la croyance menacée de partir en lambeaux. Si l'euroscepticisme du peuple mène au conspirationnisme, il semble que l'eurocrétinisme des élites y conduise tout aussi sûrement…

Frédéric Lordon – 24/08/2012 – La pompe à phynance

Notes

[1] Le coefficient de leviérisation désigne le multiple de dette, par rapport à ses fonds propres, qu'une banque peut contracter pour financer ses positions sur les marchés.

[2] Lire, dans l'édition de septembre du Monde diplomatique, en kiosques le mercredi 29 août, Richard Hofstadter, « Le style paranoïaque en politique ».

[3] Puisqu'avant de devenir Premier ministre, Georges Pompidou a été banquier d'affaire chez Rothschild. On remarquera tout de même que, banquier, il cesse de l'être en 1958 quand il devient directeur de cabinet de De Gaulle et que ladite loi date de 1973…

[4] Voir à ce sujet les contributions à la journée « Création monétaire » des Economistes Atterrés du 24 mars 2012, en particulier le texte d'Alain Beitone, « Idées fausses et faux débat à propos de la monnaie. Réflexion à partir de la "loi de 1973" ».

[5] 15 mai 2011.

[6] Cité in Libération, « DSK, la thèse du complot se répand sur le web », 15 mai 2011.

[7France Info, 2 juillet 2011.

[8LCI, 3 juillet 2011.

[9Libération, 15 mai 2011.

[10Libération, blog Coulisses de Bruxelles, 24 septembre 2008. Sauf indication contraire, tous les titres qui suivent correspondent à des billets de ce blog.

[11] « Les marchés financiers américains attaquent l'euro », 6 février 2010.

[12Id.

[13] « Emmanuel Todd, Audiard d'or 2011 », 1er janvier 2012.

[14] « Comment le Financial Times alimente la crise », 30 mai 2010.

[15] « Le jeu trouble de Reuters dans la crise de la zone euro », 29 juillet 2012.

[16] « Comment les médias accroissent la panique des marchés », 26 novembre 2010.

[17] « Comment le Financial Times… », op. cit.

[18] « Les banques allemandes contre la zone euro », 31 juillet 2011.

[19] « Les agences de notation complices des spéculateurs ? », 21 septembre 2011.

[20] « Moody's veut la peau du triple A français », 21 novembre 2011.

[21] « Les agences… », op. cit.

[22Id.

[23] Pour quelques développements sur cette question : « Extension du domaine de la régression », Le Monde Diplomatique, avril 2011 ; « Les gouvernement sont soumis au règne de l'opinion financière] », Marianne, 13 août 2011.

[24] « Les banques allemandes contre la zone euro », 31 juillet 2011.

[25] « C'est Hotel California : une fois entré dans l'euro, on ne peut plus en repartir », 3 octobre 2011.