mardi 19 avril 2016

Des particules pour comprendre comment ont été construites les pyramides

Des particules pour comprendre comment ont été construites les pyramides

Une équipe internationale de chercheurs va analyser des particules cosmiques recueillies à l'intérieur de la pyramide courbée (ou rhomboïdale) en Egypte.

Elle recherche des indices sur la façon dont elle fut construite et veut en apprendre plus sur cette structure vieille de 4600 ans.

Mehdi Tayoubi, président de l'Heritage Innovation Preservation Institute, a dit que des plaques mises à l'intérieur de la pyramide ont permis de recueillir des données sur des particules radiographiques, appelées muons, qui traversent l'atmosphère terrestre.

Les particules passent à travers les espaces vides, mais sont absorbées ou déviées par des surfaces dures.
En étudiant l'accumulation des particules, les scientifiques pourraient en apprendre d'avantage sur la construction de la pyramide, construite par le pharaon Snefrou. "Concernant la construction des pyramides, il n'y a pas de théorie unique prouvée ou vérifiée à 100%; ce sont toutes des théories et hypothèses" rapporte Hany Helal, Vice-Président de l'institut, "Ce que nous essayons de faire avec cette nouvelle technologie, est de pouvoir confirmer, modifier ou mettre à jour les hypothèses que nous avons sur la façon dont les pyramides furent construites".

La pyramide rhomboïdale de Dashour, juste à l'extérieur du Caire, se distingue par la pente courbée de ses faces. On suppose que ce fut la première tentative des anciens égyptiens de construire une pyramide à face lisse.

Le Projet Scan Pyramids, qui a annoncé en novembre dernier des anomalies thermiques dans la grande pyramide de Gizeh (voir l'article: Pyramides de Gizeh: découverte de mystérieuses anomalies thermiques), couple la technologie thermique avec l'analyse des muons pour tenter de percer les secrets de la construction de plusieurs anciennes pyramides égyptiennes.

D'après Tayoubi, l'équipe est sur le point de commencer les préparations pour les tests aux muons dans la plus grande des trois pyramides de Gizeh, la pyramide de Khéops: "Même si nous trouvons un seul mètre carré vide quelque part, cela nous apportera de nouvelles questions et hypothèses et peut-être que l'on pourra résoudre certaines questions de manière définitive".

Source:

Derniers articles sur l'Egypte:

110 cancéroloques en guerre contre les coûts exorbitants des traitements

110 cancéroloques en guerre contre les coûts exorbitants des traitements

Offrir les meilleurs soins possibles à tous les Français semble coûter de plus en plus cher. En décembre 2015 la Ligue contre le cancer dénonçait à juste titre dans les pages du Figaro les prix « injustes » et « exorbitants » exigés par l'industrie pharmaceutique pour des médicaments innovants qui du coup, sont accusés de menacer le système de santé et de créer des inégalités entre les malades.
A l'époque, le Pr Jean-Paul Vernant, du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière déclarait lors d'une conférence de (...)

- Actualité / , , , , , , ,

Brexit : le grossier chantage du Trésor britannique

Brexit : le grossier chantage du Trésor britannique




Plus c'est gros, plus ça braque ?

L'article du Figaro est assez ironique, utilisant le conditionnel pour son titre « Le Brexit pourrait 'appauvrir pour toujours' le Royaume-Uni ». La suite du papier est du même tonneau, notant que le gouvernement a « choisi d'adopter l'hypothèse la plus pessimiste de développements, qui reposent largement sur l'inconnu ». En effet, même un rapport de PricewaterhouseCoopers, commandé par un organisme patronal unanime contre la sortie, conluait qu' limpact pourrait atteindre 3,1 à 5,5% du PIB d'ici à 2020. Mieux, « après cette date, l'étude prévoit une disparition des effets de turbulences engendrés par un Brexit et un rattrapage progressif d'ici à 2030 d'une large partie du manque-gagner par rapport au maintien dans l'UE ». En clair, à horizon 2030, l'impact négatif serait finalement très limité !

Bref, le chiffre avancé par ce chancelier de l'échiquier qui coupe les fonds pour l'éducation et les handicapés pour baisser l'impôt sur les sociétés est seulement un exercice de communication, qui ne repose sur rien de sérieux, uniquement pour essayer de faire peur. Après la montagne de promesses de jours meilleurs jamais réalisées, les eurobéats ont compris que de nouvelles promesses positives n'ont plus aucune chance d'être crues et que le seul argument qui leur reste, c'est la peur de la sortie, quite à raconter n'importe quoi. Parce que l'UE ne convainc pas, ils veulent faire croire que ce serait pire sans, argument aussi malhonnête que dérisoire pour qui regarde la situation en Europe des pays hors de l'UE ou de la zone euro. Même la petite Islande ne veut pas rejoindre la tour de Babel continentale !


Bien sûr, ces chiffres peuvent faire peur à certains. Mais dans une époque, où, légitimement, les citoyens n'ont plus vraiment confiance dans la parole des politiques, il y a fort à parier que la ficelle soit beaucoup trop grosse pour passer. Et si le démontage du machin européen approchait ?

« Il faut cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons »

« Il faut cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons »

 

Comment Nuit debout pourrait-il éviter les écueils rencontrés par Occupy Wall Street aux États-Unis et le 15-M en Espagne ? En élargissant la base de la contestation, explique l'économiste Frédéric Lordon, et en dépassant le stade de la revendication pour dessiner un nouveau cadre, résumé dans la formule : « Non à la loi et au monde El Khomri. »

Frédéric Lordon est économiste et philosophe. Il est une des figures intellectuelles du mouvement de la Nuit debout. L'entretien a été réalisé par Il Manifesto, le quotidien communiste italien, et reproduit sur Reporterre avec l'accord de Frédéric Lordon.


Quelle est l'origine du mouvement Nuit debout et quelles en sont les racines politiques ?

Frédéric Lordon — Au départ de ce mouvement, il y a le film de François Ruffin Merci patron ! Ce film raconte l'histoire d'un salarié licencié de LVMH pour qui Ruffin et son équipe réussissent à soutirer 40.000 euros à Bernard Arnault, l'un des plus grands patrons de France, et à le contraindre à réintégrer le salarié en CDI dans le groupe ! Ce film est tellement réjouissant et donne une telle énergie que nous sommes quelques-uns à nous être dit qu'il ne fallait pas la laisser perdre, qu'il fallait en faire quelque chose. Nous nous sommes dit, surtout, qu'il y avait peut-être là comme un détonateur. La situation générale nous semblait très ambivalente : sombre et désespérante à de nombreux égards, mais en même temps très prometteuse : saturée de colères et en attente de ce qui allait les faire précipiter. Le film pouvait être le catalyseur de ce précipité. Nous avons donc organisé une soirée fin février pour débattre de ce que nous pouvions faire à partir de ce film, et de ce que nous pouvions faire tout court. Il nous est apparu que le jeu institutionnel partidaire étant irrémédiablement sclérosé, il fallait un mouvement d'un autre type, un mouvement d'occupation où les gens se rejoignent sans intermédiaire, comme il y a eu OWS [Occupy Wall Street] aux États-Unis et 15-M [le mouvement des indignés] en Espagne. L'idée est partie d'une projection publique du film place de la République, à Paris, et puis d'y agréger toutes sortes de choses. Là-dessus, la loi El Khomri arrive, qui donne un formidable supplément de nécessité et d'élan à notre initiative. Le mot d'ordre est alors devenu : « Après la manifestation, on ne rentre pas chez nous. » Et nous sommes restés.

En Italie, la faible bataille contre le Jobs Act [la réforme du marché du travail réalisée par Matteo Renzi, le président du Conseil italien] a été complètement fragmentée : précaires en CDD (ou pire) et travailleurs « autonomes » ont manifesté, assez peu, mais surtout divisés. Pourriez-vous nous expliquer le cœur mais aussi la nécessité d'une « convergence des luttes » ?

Vous faites vous-même la réponse à votre propre question. Tant que les luttes restent locales, sectorielles et dispersées, elles sont certaines d'être défaites ou d'avoir à recommencer éternellement. Tout notre travail consiste en permanence à chercher le dénominateur commun à toutes les luttes pour leur donner la force du nombre. On peut alors très facilement rassembler ainsi les salariés — et de toutes conditions, même les cadres —, les chômeurs, les précaires, mais aussi les étudiants et les lycéens, qui sont les futurs précaires. Mais on peut aussi toucher, par exemple, les agriculteurs qui, s'ils ne sont pas des salariés, n'en ont pas moins à souffrir de la logique générale du capital. Ou bien, pour les mêmes raisons, ceux qui, comme les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, s'opposent à des projets d'aménagements locaux absurdes, dictés uniquement par des logiques économiques aveugles. Nous avions surtout à cœur de faire se rejoindre et se parler des fractions de la gauche qui se tiennent ordinairement séparées et se regardent avec une certaine méfiance. En gros, d'une part les militants de centre-ville, jeunes, à niveau relativement élevé de capital scolaire et culturel, assez souvent intellectuels précaires et, d'autre part, les classes ouvrières syndiquées dont les traditions de lutte sont extrêmement différentes. Or cette jonction est décisive pour la puissance d'un mouvement social. Et plus décisive encore la jonction avec la jeunesse ségréguée des banlieues, qui a ses colères et ses luttes propres, mais que les deux autres blocs ignorent complètement. Je dis que cette jonction est la plus décisive car le jour où elle sera faite, alors oui, vraiment, le gouvernement tremblera : c'est qu'à ce moment-là, le mouvement sera irrésistible.

  
Frédéric Lordon lors d'un débat public avec David Graeber,
à Paris,mardi 12 avril. 

Vous dites « nous ne revendiquons rien » car l'objet des toutes récentes revendications n'était que des miettes. Par un renversement, la revendication devient affirmation… mais de quoi exactement ?

Toute notre entreprise vise à changer la logique des luttes. Évidemment, il faut continuer de revendiquer partout où il y a lieu de le faire ! Mais il faut avoir conscience que revendiquer est une posture défensive, qui accepte implicitement les présupposés du cadre dans lequel on l'enferme, sans possibilité de mettre en question le cadre lui-même. Or il devient urgent de mettre en question le cadre ! C'est-à-dire de passer non plus à la revendication mais à l'affirmation du cadre que nous voulons redessiner. Pour le coup, il n'y a personne auprès de qui nous pourrions « revendiquer » un autre cadre. C'est à nous de nous emparer de cette question et de le faire ! Voici alors comment nous articulons revendication et affirmation : nous disons « non à la loi et au monde El Khomri ». Nous revendiquons contre la loi mais nous affirmons que nous voulons un autre monde que celui qui réengendre sans cesse des lois comme celle-là. Tant que nous resterons dans le seul registre revendicatif, nous n'en finirons pas de devoir parer les coups les uns après les autres dans ce registre exclusivement défensif où le néolibéralisme nous a enfermés depuis trois décennies. Il faut passer à l'offensive, et passer à l'offensive, c'est cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons.

Sur la place de la République, le 13 avril

Podemos, en Espagne, répète qu'il ne faut plus parler de gauche et de droite, mais plutôt de bas et de haut, de 1 % contre le 99 %. Etes-vous d'accord ?

Je suis en désaccord complet avec cette ligne de Podemos. En France, les dénégations du clivage droite-gauche ont de très mauvais échos. On entend ça soit dans la bouche de ce que j'appelle la droite générale, à savoir la droite classique et cette nouvelle droite qu'est le parti socialiste — la droite générale, si vous voulez, c'est le parti indifférencié de la gestion de la mondialisation néolibérale —, soit à l'extrême-droite. En France, quelqu'un qui dit qu'il n'est « ni de droite ni de gauche » est immanquablement de droite, ou finira à droite. De même, je ne pense pas que les inégalités monétaires — à partir desquelles Podemos reconvertit le clivage droite/gauche en clivage 1 %-99 % — soit un thème politiquement très tranchant. Le thème des inégalités est d'ailleurs en train de devenir une espèce de consensus mou — on y retrouve jusqu'à l'OCDE et le journal libéral The Economist

La vraie question n'est pas celle des inégalités de revenus ou de fortune, c'est la question de l'inégalité politique fondamentale qu'instaure le capitalisme même : les salariés vivent sous des rapports de subordination et d'obéissance. Le rapport salarial, avant d'être au principe d'inégalités monétaires, est un rapport de domination, et ceci est le principe d'une inégalité fondamentale qui est une inégalité politique. C'est bien de cela, les gens l'ont parfaitement compris, qu'il est question avec la loi El Khomri : cette loi approfondit comme jamais l'arbitraire souverain des patrons, qui peuvent désormais faire exactement ce qu'ils veulent de la force de travail.

Sur un mur, rue de Buzenval, à Paris, en avril 2016 

C'est ça, la vraie question : la question de l'empire du capital sur les individus et sur la société tout entière. Et c'est cela la gauche : le projet de lutter contre la souveraineté du capital. Évacuer l'idée de gauche au moment où la lutte doit se radicaliser et nommer ses vrais objets — le salariat comme rapport de chantage, le capital comme puissance tyrannique — c'est à mon sens passer complètement à côté de ce qui est en train de naître après des décennies de matraquage néolibéral, et au moment où les gens sortent du KO pour commencer à relever la tête. Et c'est par là, j'en ai peur, commettre une erreur stratégique considérable.

Même si on pense à une « mobilisation permanente », pour renverser le rapport entre capital et salariat, il faut un pouvoir sur les ressources et une énorme participation à un projet de gouvernement. La mobilisation Nuit debout doit-elle aspirer à être constituante ?

C'est ce que je crois fondamentalement. Le débouché constituant s'impose à mes yeux pour deux raisons. La première est qu'il offre une solution à ce que j'appellerai la contradiction OWS/Podemos. OWS a été un très beau mouvement… mais complètement improductif. Faute de se donner des objectifs politiques et une structuration, ce mouvement s'est lui-même condamné à la dissolution et à l'inanité. À l'exact opposé, Podemos représente le débouché politique de 15-M, mais sous une forme ultra classique, au prix d'ailleurs de la trahison de ses origines : un parti classique, avec un leader classique, qui joue le jeu classique des institutions électorales… et se retrouve dans la tambouille des coalitions parlementaires comme le plus classique des partis classiques…

Comment sortir de l'antinomie entre l'improductivité et le retour à l'écurie parlementaire ? La seule réponse à mes yeux est : en se structurant non pour retourner dans les institutions mais pour refaire les institutions. Refaire les institutions, ça veut dire réécrire une Constitution. Et voici alors la deuxième raison pour laquelle la sortie par la Constitution a du sens : le combat contre le capital. Pour en finir avec le salariat comme rapport de chantage, il faut en finir avec la propriété lucrative des moyens de production, or cette propriété est sanctuarisée dans les textes constitutionnels. Pour en finir avec l'empire du capital, qui est un empire constitutionnalisé, il faut refaire une Constitution. Une Constitutions qui abolisse la propriété privée des moyens de production et institue la propriété d'usage : les moyens de production appartiennent à ceux qui s'en servent et qui s'en serviront pour autre chose que la valorisation d'un capital.

- Propos recueillis par Marta Fana pour Il Manifesto

 

Source : Reporterre.net via Agoravox.fr

Informations complémentaires :

 

 

Treize ans après avoir envahi l’Irak, les États-Unis font toujours les mêmes erreurs, par Trevor Timm

Treize ans après avoir envahi l'Irak, les États-Unis font toujours les mêmes erreurs, par Trevor Timm

Source : The Guardian, le 21/03/2016

Les préparatifs de la guerre de 2003 ont été accompagnés de beaucoup de désinformation. Mais aujourd’hui, il n’y a même plus un semblant de débat sur l’intervention militaire

Le président George W. Bush s'adresse à des soldats américains en 2003, quelques semaines avant l'invasion de l'Irak. Photograph: Jeff Mitchell/Reuters

Le président George W. Bush s’adresse à des soldats américains en 2003, quelques semaines avant l’invasion de l’Irak. Photograph: Jeff Mitchell/Reuters

Il y aura treize ans dimanche que nous avons envahi l’Irak, mais les nouvelles à la télé ne vous en parleront presque pas. Peut-être y a-t-il trop d’anniversaires de guerres ces temps-ci pour en garder la trace, ou peut-être est-ce que notre pays n’a quasiment rien retenu de la pire débâcle de politique étrangère qu’ait connue notre génération.

Le gouvernement étatsunien a célébré l’anniversaire de la guerre en Irak en annonçant qu’il allait envoyer plus d’hommes sur le terrain. Vous vous souvenez sûrement que cette guerre était censée être “finie” il y a plus de trois ans. Pourtant des milliers d’hommes y ont été renvoyés depuis fin 2014 pour combattre l’ÉI (l’État Islamique), un groupe dont la création est directement liée à la première guerre en Irak – à moins qu’on l’appelle seconde, suivant la façon de compter.

Au total, les États-Unis ont bombardé l’Irak pendant 25 ans, sous les quatre derniers présidents (vous pouvez visionner un montage vidéo montrant chacun des quatre annonçant respectivement sa campagne de bombardement, ici). Et si vous écoutez les candidats qui sont en tête pour l’investiture de chacun des partis, vous pouvez parier que cette série arrivera à cinq dès le jour de leur intronisation à la Maison-Blanche.

Donald Trump et Hillary Clinton ont tous deux appelé à une expansion de l’action militaire au Moyen-Orient, en réponse à l’ÉI. Trump a évoqué plusieurs fois “un bombardement qui ferait un enfer” de leurs champs pétroliers, bien qu’il n’ait pas eu peur de qualifier de “désastre” la guerre en Irak.

Il est difficile de savoir si Clinton a tiré quelque leçon que ce soit de la guerre en Irak. Elle a décrit son vote en faveur de la guerre, à titre de sénatrice, comme une erreur ; mais cela ne l’a pas empêchée de partir à la charge contre la Libye en 2011, pour renverser un autre dictateur, pour n’aboutir qu’à faire tomber le pays entre les mains de terroristes. Elle a poussé à une stratégie identique pour traiter le cas Bachar el-Assad.

Hillary Clinton, lors d’un événement public en novembre 2015, a fait cette franche remarque peu mentionnée dans les reportages : selon elle, les États-Unis auraient l’obligation d’envoyer des troupes au sol en réponse à l’ÉI.

Mais combien d’Américains savent qu’en fait nous avons déjà des troupes au sol qui combattent en Irak et en Syrie, malgré la promesse, réitérée 16 fois au moins par Obama, qu’il n’y aurait “pas de troupes au sol” dans cette bataille ?

C’est la leçon que l’exécutif semble avoir, plus que toute autre, tirée de l’Irak : pas de débat public sur l’entrée en guerre. En dehors des milliers de “conseillers” militaires qui sont en Irak en ce moment, du financement occulte de rebelles en Syrie, et des frappes de drones à travers le Moyen-Orient, le département de la Défense a une “force spéciale de ciblage expéditionnaire”, déployée tant en Irak qu’en Syrie en missions actives de combat.

Combien d’hommes participent réellement aux combats ? Eh bien, ils ne prennent pas la peine de nous en dire plus. Après la mort d’un marine tué ce week-end en Irak, les États-Unis ont tranquillement annoncé que plus de soldats seraient envoyés en “consultation” avec le gouvernement irakien. Mais, comme le rapportait NBC News : “Le nombre de marines n’a pas été révélé.”

Le Congrès semble avoir appris la leçon de la même façon que l’exécutif. Des centaines de congressistes ont beau avoir à jamais sali leur nom en votant pour la guerre en Irak, ils ne semblent pas avoir appris à refuser des conflits militaires dont on ne voit pas la fin. Au lieu de cela, comme pour la guerre contre l’État Islamique, ils prennent la tangente : leur échappatoire consiste à ne pas se mouiller dans le moindre vote, et à laisser l’exécutif prendre toujours plus de pouvoir en matière de guerre, tout en évitant absolument de leur côté d’en endosser la moindre responsabilité.

Et les médias, alors ? Judy Miller a perdu son boulot au New York Times, mais bien d’autres de ces reporters qui ont poussé à la guerre en Irak, en se fondant sur des sources mensongères et sur des renseignements fallacieux, ont au contraire vu croître leur influence. Alors qu’on peut certainement supposer que le New York Times est maintenant plus prudent (l’est-il ?) dans ses reportages sur la guerre, l’alarmisme dans les infos télé quant au terrorisme est probablement pire qu’en 2003 – quand Dick Cheney jubilait à “Meet the Press”, sa tribune préférée, pour asséner à l’opinion sa propagande belliciste.

Pendant les quinze jours de 2014 qui ont précédé les premières frappes de la guerre à l’État Islamique, l’observatoire progressiste des médias “Fair” a étudié les émissions d’information télévisée (TV par câble et réseaux hertziens). Il a constaté que parmi les 205 invités reçus, seuls 3% étaient opposés au lancement d’une guerre contre l’ÉI. Au cours des talk-shows du dimanche, qui constituent le degré zéro des idées reçues admises à Washington, un seul et unique intervenant parmi 89 invités pouvait être caractérisé comme “anti-guerre” quand le sujet a été abordé.

Treize ans après l’invasion de l’Irak, une chose est sûre : si vous allumez la télévision un dimanche matin et que vous y voyez un partisan de la guerre en Irak – un homme politique, un expert ou un journaliste – en train d’expliquer avec ferveur que nous devrions nous jeter dans notre prochaine guerre, pas un sourcil ne se lèvera.

Source : The Guardian, le 21/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Staline aussi voulait sa “solution finale”, par Michel Colomès

Staline aussi voulait sa "solution finale", par Michel Colomès

Source : Le Point, Michel Colomès, 13-04-2016

Si le dictateur soviétique n’était pas mort le 5 mars 1953, des millions de Russes auraient été déportés en Sibérie, simplement parce qu’ils étaient juifs.


Svetlana Alliluyeva, la fille de Staline, raconte qu’au moment de mourir celui qu’une propagande enamourée avait baptisé le petit père des peuples a ouvert une dernière fois les yeux. Son regard « à la fois fou et méchant », dit-elle, a balayé l’un après l’autre tous les dirigeants qui se trouvaient au pied de son lit et il a levé le doigt en un geste de menace qui a glacé d’effroi tous ceux qui étaient venus assister à ses derniers instants. Puis – au grand soulagement de tous –  il a rendu l’âme.
C’est l’un des passages surprenants du livre que l’historien américain Joshua Rubenstein vient de publier aux États-UnisLes Derniers Jours de Joseph Staline. Jusqu’au bout de son dernier souffle, celui qui restera comme l’un des dictateurs les plus sanglants de l’histoire aura fait régner la terreur, non seulement dans son peuple, mais surtout dans son entourage immédiat.

Des trains prévus pour les convois de déportés

Ce que rappelle ce livre, c’est aussi comment la mort a empêché le numéro un soviétique de rivaliser une fois de plus dans l’horreur avec Hitler. Tout était prêt, en effet, pour déporter en Sibérie et au Kazakhstan deux millions et demi de juifs russes. Des camps, proches du cercle polaire, avaient été construits et d’autres, agrandis. Des gardes-chiourmes avaient été engagés. Des trains prévus pour les convois de déportés. Dans les dernières semaines de sa vie, Staline, qui avait déjà envoyé au goulag deux millions et demi de personnes, dont 35 000 enfants, s’apprêtait à doubler, avec les rafles de juifs, le chiffre de ces hommes et de ces femmes promis à une mort plus ou moins lente.
En fait, comme souvent dans sa conduite impitoyable du peuple immense de l’empire soviétique, Staline avait besoin, pour ranimer l’esprit combatif de ses fidèles, d’un nouvel ennemi de l’intérieur.
Le 15 janvier 1953, la Pravda révèle qu’un complot visant à assassiner plusieurs dirigeants vient d’être découvert. Les assassins, dit le journal du pouvoir, sont les médecins qui les soignaient et, en réalité, les empoisonnaient à petit feu. Des médecins qui tous se trouvent être juifs. Dès lors, les arrestations vont se multiplier, les interrogatoires musclés se succéder et les aveux être abondamment publiés dans la Pravda. C’est ce qu’on a appelé « le complot des blouses blanches ». Même le médecin privé de Staline, le docteur Vinogradov, n’y échappera pas.

« les cosmopolites sans racines »

Mais les journaux officiels ne se contentent pas de révéler les desseins des comploteurs. La campagne antisémite, latente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est relancée dans le courant du mois de février 1953. Non seulement en URSS, mais aussi dans tous les « pays frères » contre « les cosmopolites sans racines ». Le maître du Kremlin a lui-même donné le ton en déclarant au Politburo que « tout sioniste est un agent du renseignement américain ». La préparation psychologique de la grande déportation à venir est donc bien lancée lorsque Staline meurt en quelques heures et dans des conditions qui restent encore mystérieuses, le 5 mars 1953.
Les inculpés du complot des blouses blanches seront tous libérés dans les semaines qui viennent. Et les goulags du Grand Nord prévus pour recevoir des millions de juifs resteront en partie vides. Malenkov, le successeur de Staline pour deux ans, fera même preuve d’une générosité, certes limitée, mais qui permettra de ramener dans leurs foyers plus d’un million de déportés du goulag (sur deux millions et demi) et d’abandonner un certain nombre de travaux pharaoniques, comme une nouvelle ligne de chemin de fer dans le nord de la Sibérie qui à elle seule faisait travailler dans des conditions épouvantables plus de 100 000 prisonniers.
La mort de Staline aura sans doute permis d’éviter une Shoah soviétique. Mais il faudra encore patienter quarante ans avant que ne s’écroule le système qui aurait pu mettre en œuvre cette autre solution finale. Celui que Ronald Reagan appelait fort justement « l’empire du mal ».
Source : Le Point, Michel Colomès, 13-04-2016
==================================================

Staline, Hitler, même combat. Quand l'Occident fait dans le révisionnisme

Source : Kakoi, Mattbuge, 14-04-2016
Le Point n'étant vraiment un journal de référence que pour une certaine élite parisienne, on le consulte assez peu ici. Mais un édito a attiré notre attention. Sa plume, Michel Colomès, ancien directeur de la rédaction, a manifestement eu envie de sévir pendant ses années de retraite. A 79 ans, le digne journaliste décide donc de verser de plain-pied dans le révisionnisme – mais aucune crainte ici, il s'agit de révisionnisme validé par les instances supérieures et subventionné par l'Etat. Aucune chance de voir Colomès et le Point être traînés devant les tribunaux. Ouf !
Faisant l'article du nouvel ouvrage de Joshua Rubenstein, historien américain certainement parfaitement impartial, Colomès apporte une pierre à la délirante propagande antirusse qui sévit depuis maintenant quelques années. L'édito démarre en fanfare : Staline aussi voulait sa «Solution Finale». Le ton est donné. Le département comptable des «clics» du Point a dû faire sauter le champagne. Colomès aurait réussi à faire un parallèle dès le titre avec Poutine, le caviar aurait été servi.


Petit rappel historique

Mais à défaut de réussir à placer Poutine dès le chapeau, la vieille plume était de toute évidence inspirée et nous dit d'entrée de jeu : Son regard « à la fois fou et méchant », dit-elle [Svetlana, la fille de Staline], a balayé l'un après l'autre tous les dirigeants qui se trouvaient au pied de son lit et il a levé le doigt en un geste de menace qui a glacé d'effroi tous ceux qui étaient venus assister à ses derniers instants. Puis – au grand soulagement de tous – il a rendu l'âme. Staline, la version géorgienne de Méphistophélès.
Ce qu'il y a de pratique, avec Staline, c'est qu'il est indéfendable. Ses politiques ayant causé la mort de tant d'innocents, il est possible de raconter absolument n'importe quoi.
Loin de nous l'idée de présenter Staline comme un philosémite. Nombre d'historiens s'accordent à dire qu'il rechignait à ce que Svetlana épouse un Juif. Mais Staline rechignait à tout ce qu'il n'avait pas décidé lui-même. Ni antisémite, ni philosémite, Staline était un pragmatique. «Pragmatique» : terme ambivalent en Occident, généralement positif quand il s'agit de politique libérale, négatif, quasiment synonyme d'affreux cynique, quand on en vient à des systèmes différents.
Staline a passé sa vie entouré de Juifs. Dans l'underground révolutionnaire et pendant la révolution d'abord, la plupart des meneurs s'étant trouvés être juifs. Même si la réécriture de l'Histoire dira sans doute un jour le contraire, le fait qu'il ait passé ces derniers à la moulinette des grandes purges n'avait strictement rien à voir avec leurs origines. Sa haine de Trotski non plus. Il avait d'autres griefs envers le bouillonnant théoricien de la révolution permanente soutenu par l'Occident. Et puis, un énième Juif, Kaganovitch, fut un de ses collaborateurs les plus proches et demeura à ses côtés jusqu'à la fin. Rien à voir avec le général juif allemand Von Manstein qui dissimula sa judaïté en achetant son «Von» pour mieux faire carrière dans l'univers du Troisième Reich.
Lorsque la question de la création d'un Etat juif tomba sur le tapis et que la Palestine donnait quelques maux de tête à l'Occident, Staline proposa de leur refourguer une partie de la Sibérie, le Birobidjan, région disposant toujours à l'heure actuelle du statut d'oblast autonome juif en Russie. Mais la région ne plut guère aux élites internationales qui lorgnaient sur la Palestine. Et le fait est que l'Etat d'Israël n'aurait jamais pu être créé sans l'appui de Staline.
Nécessaire inculture du journaliste
Colomès ne fait évidemment pas état de ces quelques détails d'importance. Calcul éditorial ? Sans doute pas. Le fait est que nos journalistes occidentaux font preuve d'une ignorance crasse – tolérable chez un jeune comme Benoît Vitkine, moins chez un ancien comme Colomès. Quand ce dernier mentionne le complot des «blouses blanches», la dernière manigance du vieux Joseph, il la résume ainsi : Staline avait besoin, pour ranimer l'esprit combatif de ses fidèles, d'un nouvel ennemi de l'intérieur. Colomès néglige ici plusieurs choses.
A cette époque, Staline n'a pas du tout besoin de «ranimer l'esprit combatif de ses fidèles», au contraire. Il est en train de rebattre les cartes. Comme il l'a fait quinze ans auparavant, comme Ivan le Terrible l'avait fait des siècles plus tôt, il est en train de rajeunir la troupe de ses serviteurs et de supprimer la génération précédente, devenue trop puissante. Le géorgien Beria, le russe Molotov, le juif Kaganovitch, l'arménien Mikoyane… tous sont voués à disparaître dans la broyeuse stalinienne au profit d'une nouvelle génération.
Le complot des blouses blanches (ces médecins «juifs» qui auraient voulu assassiner les leaders soviétiques) n'était d'abord qu'une énième variation des symphonies manipulatoires staliniennes, dédiées à la destruction de ses rivaux. Staline n'avait que faire des Juifs, catégorie de citoyens parmi tant d'autres en URSS, même si sa paranoïa pouvait lui faire penser qu'ils constituaient une potentielle «cinquième colonne». Mais Staline avait compris que son ennemi le plus important était devenu Béria, brillant politicien responsable de la police politique, du programme nucléaire, et qui avait été en charge, pendant la guerre… des affaires juives. Professionnel du billard à trois bandes, Staline a monté de toute pièce le complot des blouses blanches pour faire tomber Béria. Inutile de crier au complotisme, même une émission très «main stream» comme Rendez-vous avec X sur France Inter ne faisait que valider cette question. C'est dire…
Colomès semble tellement ignorer les méandres de la politique qu'il en vient même à asséner une belle ânerie : Malenkov, le successeur de Staline pour deux ans, fera même preuve d'une générosité, certes limitée, mais qui permettra de ramener dans leurs foyers plus d'un million de déportés du goulag (sur deux millions et demi) et d'abandonner un certain nombre de travaux pharaoniques, comme une nouvelle ligne de chemin de fer dans le nord de la Sibérie qui à elle seule faisait travailler dans des conditions épouvantables plus de 100 000 prisonniers.
Ce grand bienfaiteur n'est pas du tout Malenkov mais Béria, cet horrible KaGéBiste qui, le lendemain de la mort de Staline fit tout pour libérer de la main d'œuvre. Comme a pu le dire sa fille : si Béria était né aux Etats-Unis et pas en Russie, il serait devenu le PDG de General Motors.
Manipulation psychologique de l'Histoire
Mais ici on touche un des points intéressants de l'article de Colomès. Lorsqu'on lit l'article, en arrivant à la mention de ces prétendues libérations par le gros Malenkov, on a l'impression qu'il s'agit de juifs libérés. L'effet est d'autant plus fort. Staline voulait les foutre au four, et, finalement, ils ont pu s'en sortir grâce à l'intervention d'un clown. En réalité, les Juifs n'étaient qu'une minorité du système du goulag. Ils n'en représentaient qu'un faible pourcentage des détenus et qu'un faible pourcentage des libérés (comme quoi, le système soviétique était équitable). Mais peu importe, il faut tout centrer sur la minorité dominante en Occident donc recentrons.
Parlons donc «de trains», de «gardes-chiourmes», de «déportations» histoire de frapper l'imagination totalement parasitée du lecteur afin que la reductio ad hitlerum soit paufinée. Mais Colomès fait encore mieux : Dans les dernières semaines de sa vie, Staline, qui avait déjà envoyé au goulag deux millions et demi de personnes, dont 35 000 enfants, s'apprêtait à doubler, avec les rafles de juifs, le chiffre de ces hommes et de ces femmes promis à une mort plus ou moins lente. La première partie de la phrase est annihilée par la seconde. Dans les cerveaux formatés, l'amalgame se fait naturellement. Même les 35 000 enfants (sans doute russes, kazakhs, arméniens…). Même eux, dans cette phrase, deviennent juifs. Alors même que ces derniers n'ont pas été déportés puisque :
La mort de Staline aura sans doute permis d'éviter une Shoah soviétique.
Le fantasme devient histoire officielle mais le mot est lâché. «Shoah». Une shoah soviétique qui n'a pas existée, mais pour laquelle on peut sortir les violons quand même. On pourrait même croire que Colomès, Rubenstein et consorts regrettent un peu qu'elle n'ait pas existé, cette entreprise de destruction des Juifs de Russe. C'eût été finalement plus simple pour pointer du doigt la Russie et y infliger un calvaire psychologique aux générations suivantes, comme en Allemagne.
Mais en fin de compte, tout cela est très très cohérent. Cela va de pair avec la réécriture de l'Histoire entreprise depuis 1945 par Hollywood. On sait à quel point les masses européennes ont été lobotomisées pour croire de nos jours que les Etats-Unis avaient défait Hitler. L'opération de propagande est permanente. Récemment, Tarantino était allé jusqu'à s'approprier le cadavre du Führer. Il y a peu on n'a pas hésité à dire que les Ukrainiens (ces mêmes Ukrainiens au sein desquels pullulent les néonazis) avaient libéré Auschwitz. Et bientôt une comédie musicale en glucose va écumer les provinces françaises pour faire entre à coup de marteau dans la tête des enfants que la Seconde guerre mondiale se résume au génocide des Juifs et au débarquement de Normandie.
Mais voler la victoire à la Russie n'était pas suffisant. Il faut manifestement passer à l'étape supérieure, et montrer que, sans les Etats-Unis, la Russie aurait très certainement fait la même chose que l'Allemagne nazie. Les mythes s'écrivent sur le temps long. Le bourrage de crâne va continuer pendant des lustres. Le vingtième siècle doit être, dans les esprits, le siècle de la naissance de l'empire du bien. Et Colomès, enfant de la Guerre Froide, participe volontiers à cette entreprise : Mais il faudra encore patienter quarante ans avant que ne s'écroule le système qui aurait pu mettre en œuvre cette autre solution finale. Celui que Ronald Reagan appelait fort justement «l'empire du mal». Après avoir réussi à faire de Hitler et Staline des synonymes dès le titre de son article, il arrive à opérer une contradiction qui ne le choquerait pour rien au monde. En début d'article, Staline était un fou antisémite isolé, en fin de papier, nous sommes passés à l'URSS, coupable dans son ensemble. Heureusement, effectivement, que la puissance américaine, la plus destructrice de l'Histoire, était là, heureusement qu'elle est encore là ! Et vivement que les Russes s'estiment – comme les Allemands, comme les Français – coupables collectivement, on pourra alors totalement réécrire l'Histoire et se livrer au racket habituel.
Source : Kakoi, Mattbuge, 14-04-2016

Qu’y a-t-il derrière le mur de silence occidental sur la glorification de la collaboration nazie en l’Europe de l’Est ? Par Dovid Katz

Qu'y a-t-il derrière le mur de silence occidental sur la glorification de la collaboration nazie en l'Europe de l'Est ? Par Dovid Katz

Source : Dovid Katz, 29-03-2016
Dovid Katz est un éminent spécialiste de la langue yiddish et de la culture juive lituanienne. Né à New York, il a fondé et dirigé les études yiddish à Oxford pendant 18 ans (1978-1996) et, après une période à Yale (1998-1999) il s'est établi en Lituanie où il a été professeur d'études juives à l'université de Vilnius de 1999 à 2010 et y a fondé l'Institut yiddish. En 2008, il a commencé à s'opposer publiquement à la politique de l'État visant à poursuivre les survivants de l'Holocauste qui avaient résisté aux nazis, au mouvement croissant du Double génocide (qui a produit cette année la Déclaration de Prague de 2008) et à la nouvelle extrême-droite qui se prétend de centre-droite. Il a fondé le journal en ligne Defending History, et après avoir publié des articles dans le the Guardian, le Irish Times, le Jewish Chronicle, il a été renvoyé en 2010 de l'université de Vilnius, en Lituanie. Il poursuit actuellement des études sur le yiddish et sur (l'activisme contre) le révisionnisme concernant l'Holocauste est-européen et l'antisémitisme dans le contexte géopolitique est-ouest actuel. Il est le co-auteur en 2012 de la Seventy Years Declaration. Son plus récent ouvrage est Yiddish and Power (Palgrave Macmillan, 2015), et il travaille aujourd'hui sur David and Goliath: Standing Up to the New Holocaust Denial, qu'il espère terminer en 2017. Auteur prolifique de nombreux livres et articles, il souhaite écrire un livre sur les questions lituaniennes, mais il est encore à la recherche d'un éditeur. Son site personnel : www.dovidkatz.net.

Après les défilés néo-nazis du 16 février et du 11 mars derniers dans les principales villes de Lituanie, il y a eu le culte annuel letton du 16 mars en l'honneur des Waffen-SS à Riga. Pas le moindre mot de la part d'aucun ambassadeur américain, britannique, canadien ou français pour exprimer leur préoccupation. Que se passe-t-il ?


Pour paraphraser un vieux dicton yiddish sur les rois et les reines, vous en apprenez beaucoup plus d'une chape de silence des autorités étatiques que d'une liste de proclamations et de déclarations. Quel calcul géostratégique (ou erreur de calcul) pourrait être derrière la décision dissimulée de l'Occident d'accepter une révision radicale de l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, qui non seulement altère ce qu'a été l'Holocauste et glorifie les collaborateurs et tueurs est-européens locaux de Hitler, mais déconsidère le récit historique de la Grande Alliance qui a libéré l'Europe de l'hitlérisme ? Sans oublier les immenses sacrifices consentis par les alliés pour libérer l'Europe du nazisme, qui restent dans la mémoire familiale immédiate de millions de gens.
Nous avons récemment rapporté dans ces pages la manifestation néonazie du 16 février au centre de Kaunas (la capitale de la Lituanie dans l'entre-deux guerres et deuxième ville actuelle), qui arborait une banderole en l'honneur de six héros nationaux, dont cinq étaient des collaborateurs de l'Holocauste. L'article se concluait en mettant le maire de la capitale, Vilnius, au défi d'interdire ou de déplacer la prochaine parade néonazie, prévue le 11 mars au centre de cette ville. Hélas, la manifestation a eu lieu sans commentaire public de sa part, ni de celle d'un ambassadeur américain ou britannique (ou, en l'occurrence, d'aucun autre). La bonne nouvelle est que la manifestation a hissé seulement deux collaborateurs de l'Holocauste au Panthéon des héros figurant sur la banderole de tête, il n'y a eu qu'une seule immense image antisémite, et seulement quelques svastikas de style lituanien (avec des lignes ajoutées) fièrement portées face aux premières institutions gouvernementales du pays sur le trajet de la marche. Il y a eu les insultes habituelles contre les Polonais, les Russes, les LGBT et d'autres encore.
Ensuite, la bizarre cérémonie d'amour balte pour le nazisme, favorisée et autorisée par des décisions officielles dans des centres urbains lors de jours importants pour le pays, ici même, dans l'Union européenne / l'Otan, a célébré à son tour ses Ides de mars annuelles au nord, vers Riga, la capitale lettone. Là encore, le monument à la liberté au centre de cette ville a été offert en cadeau aux fidèles des Waffen SS de ce pays, qui avaient fait le serment d'être loyaux à Adolf Hitler. Leurs nombreux membres ont été recyclés comme exécutants volontaires de l'Holocauste. Tous priaient ardemment pour la victoire de Hitler en Europe. Cette année encore, divers responsables officiels du gouvernement ont pris part à la fête et l'ont encensée. De nouveau, les rares voix de protestations sont venues de Monica Lowenberg à Londres ; d'un député britannique travailliste de l'opposition, Gareth Thomas ; du centre Simon Wiesenthal Efraim Zuroff ; d'un groupe de manifestants allemands qui ont été arrêtés à la frontière, et d'un journaliste britannique qui a été emmené ailleurs par la police, avant l'événement. Même cela n'a pas provoqué un mot de protestation de l'UE contre la brutale violation des frontières intérieures de Schengen ou de la liberté de parole et de la presse.
Rien de nouveau jusqu'ici.
On n'a pas dit aux Occidentaux que des lois criminalisant efficacement les opinions dissidentes sur la Seconde Guerre mondiale – plus exactement : criminalisant l'expression de la simple vérité sur (la spécificité nazie de ) l'Holocauste – ont été adoptées par (entre autres) la Hongrie en 2010 (avec une peine d'emprisonnement maximum de trois ans), la Lituanie la même année (deux ans maximum), l'Estonie en 2012, la Lettonie en 2014 (cinq ans maximum) et l'Ukraine en 2015 (qui plafonne à dix ans d'emprisonnement). Ce sont pour la plupart des lois sur le double génocide qui frappent d'illégalité tout désaccord avec le diktat de l'État selon lequel les crimes nazis et soviétiques sont équivalents et que tous deux constituent également un génocide.
Qu'est-il arrivé aux valeurs occidentales de liberté de parole et de débat ouvert, sans parler de la simple détestation sans ambiguïté du mal raciste particulier qu'est le fascisme et le génocide nazi, pour la défaite duquel le monde libre a tant donné ? Ici en Lituanie, un des contributeurs réguliers de DefendingHistory.com, Evaldas Balčiūnas, a été traîné devant la police et les procureurs à plusieurs reprises pour ses articles protestant contre la glorification en Lituanie des collaborateurs nazis en tant que héros. Lorsqu'en 2012, le gouvernement lituanien a investi dans la ré-inhumation, avec tous les honneurs (des États-Unis), des restes de son honteux Premier ministre nazi fantoche de 1941, c'est l'ambassade américaine ici à Vilnius (incluant à cette époque – et ce n'est pas une coïncidence – un consul proche d'un haut responsable du musée de l'Holocauste de Washington DC) – qui a accompli des heures supplémentaires pour faire tomber un voile de silence empêchant que tout cela soit mentionné dans un média international important.
Cette même année, l'ambassade étasunienne à Vilnius s'est arrangée pour qu'un journaliste du New York Times ne parle au gouvernement lituanien que de son opposition à une déclaration, émanant de 70 membres du Parlement européen – dont huit Lituaniens –, qui protestaient contre les «tentatives d'altérer l'Holocauste en diminuant son caractère singulier et en la jugeant égale, semblable ou équivalente au communisme».L'ambassade a aussi fait en sorte que le journaliste soit informé par un universitaire juif américain, qui devait recevoir une haute décoration de l'État (ce n'était pas mentionné dans l'article) pour son aide à gommer, avec des paroles lénifiantes, les aspérités du révisionnisme est-européen à l'égard de l'Holocauste.
*  *  *
Donc que se passe-t-il ?
Comme beaucoup de choses apparemment compliquées dans la vie, il y a, au cœur de tout cela, un récit assez simple. C'est la stratégie visant à accepter quelque chose, même un meshugás (mot yiddish signifiant alouette, bizarrerie, obsession, idée folle) de la part de votre allié, lorsque ce meshugás a une importance cruciale pour lui. Depuis 17 ans, à Vilnius, j'ai entendu à de nombreuses reprises des diplomates occidentaux me dire de manière officieuse : «Regardez, Dovid, ces Européens de l'Est (la Nouvelle Europe) sont les seuls qui résistent réellement à la Russie, pas comme en Europe de l'Ouest (la Vieille Europe), et tout ce qu'ils veulent en retour est d'arranger leurs histoires de guerre, celles d'avant notre naissance, mais bon ! Ne vous faites pas de souci, ils vont aussi investir une fortune dans des choses juives, donc tout le monde sera content.» 
Avec le glissement en cours dans la Nouvelle guerre froide, et quelques gouvernements occidentaux eux-mêmes qui investissent dans des historiens pour aseptiser le révisionnisme (en particulier le révisionnisme purifiant les forces fascistes locales d'Europe de l'Est, qui ont fourni la plupart des nazis actuels tueurs de juifs), une extrême-droite est-européenne présentable a été en mesure de se vendre aux Occidentaux naïfs comme centriste ou centriste de droite. Mais ne vous y trompez pas. Quiconque fait des collaborateurs et des exécutants de Hitler des héros est d'extrême-droite est un danger pour les valeurs fondamentales de l'Occident, de l'Union européenne et de l'Otan. Peu importent leur suavité, leurs belles paroles, leur culture et leur capacité à offrir indéfiniment des voyages, des médailles, des honneurs, des garanties et diverses formes de largesses aux Occidentaux qui s'ennuient – les élites et ceux qui prétendent en être.
La dépendance de l'extrême-droite à la nostalgie hitlérienne, l'important révisionnisme et une théorie raciste persistante de la pureté du sang ne sont pas une surprise.
Ce qui est surprenant, c'est que ce soit poursuivi, même de manière tangentielle, par les États vraiment démocratiques et prospères qui ont rejoint l'Union européenne et l'Otan, en particulier les États baltes, qui étaient en fait des Républiques soviétiques plutôt que des satellites du Pacte de Varsovie. C'est extraordinaire qu'ils soient tous devenus d'authentiques démocraties présentant la délicieuse alternance de changements de pouvoir réguliers, pacifiques et ordonnés à la suite des choix issus des urnes.
Mais ne jamais sous-estimer la capacité des universitaires, en particulier les politologues et les types chargés des relations publiques, à venir avec du baratin géopolitique pour rendre respectable même le culte des hitlériens locaux pendant la guerre. L'argument court tout au long de ces lignes : «L'Allemagne a reconnu sa culpabilité et a payé des réparations pour le mal qu'elle a fait, mais la Russie n'a jamais accepté sa responsabilité pour ce qu'elle a fait de mal, et nos parlements ont maintenant décidé que c'était un génocide totalement équivalent à celui de Hitler. Quel grand bâton pour frapper Poutine et faire des Russes des parias permanents !» 
Mais cela ne partira pas au lavage, ni aujourd'hui ni jamais, parce que si la grande Alliance anglo-américano-soviétique qui a vaincu Hitler dans l'Histoire peut être contestée, elle ne sera jamais vaincue – parce que c'est la vérité. C'est aussi simple que de dire que les gens qui ont libéré Auschwitz ne peuvent pas être équivalents aux gens qui y ont perpétré un génocide. C'est fou et contreproductif de frapper Poutine et ses semblables sur des questions historiques à propos desquelles les Russes ont pour l'essentiel raison.
Poutine est un dictateur de plus en plus dangereux, autocrate, brutal, revanchard, et l'Occident doit être vigilant et protéger tous ses membres de l'Otan. Il y a, en fait, d'innombrables bâtons légitimes dans l'arsenal actuel de la démocratie pour le contrer honorablement.
Aucune cause n'est servie, pas d'un iota, en déformant l'Histoire, en brouillant l'Holocauste, en fermant les yeux sur la glorification, comme de supposés héros anti-soviétiques, des auteurs locaux de l'Holocauste en Europe de l'Est, en pratiquant un racisme dans le style aryen ou en admettant des exceptions à la liberté de parole et de circulation sur une question totalement historique.
Il est urgent que les grandes puissances occidentales soient un véritable ami de l'Europe de l'Est, un véritable ami qui dit : «Attendez, quelque chose ne va pas !» lorsque des gouvernements offrent le centre de leurs capitales aux néo-nazis qui saluent en héros les collaborateurs locaux du génocide (ou les ré-inhument avec tous les honneurs), lorsque des gouvernements investissent dans la répression des dissidents sur des questions d'Histoire, lorsque des gouvernements souffrent de meshugás en essayant de corriger l'histoire de l'une des plus grandes réalisations de la civilisation occidentale : vaincre Hitler en Europe.
Source : Dovid Katz, 29-03-2016