lundi 18 avril 2016

Finkielkraut : la faute significative de Nuit Debout ?

Finkielkraut : la faute significative de Nuit Debout ?

Un intellectuel renommé, populaire, controversé, plutôt alternatif, récemment devenu académicien, qui vient place de la République un soir, comme simple citoyen, avec sa femme, pour découvrir le mouvement Nuit Debout. Des excités l'en chassent en le traitant de « facho ». Peut-on encore attendre quoique ce soit de ce mouvement pour qui j'avais pourtant une vraie sympathie ?



Des « antifas » au comportement bolchévisant

Bien sûr, on peut ne pas être d'accord avec Alain Finkielkraut, ou même penser que ses manières ne sont pas toujours très respectueuses. Néanmoins, ceux qui sont les plus durs avec cet intellectuel sont souvent ceux qui défendent la pseudo loi travail, contre laquelle se sont réunis les participants de Nuit Debout. Il est vrai également que la réaction de quelques excités ne préjuge pas des convictions de la majorité de ceux qui étaient présents samedi, qui auraient peut-être été heureux de discuter ou d'écouter l'intellectuel. Mais malheureusement, cette probable minorité d'excités vient ternir l'image de ce mouvement intéressant, dont l'inspiration vient des Indignados Espagnols. Car même si je ne suis pas un spécialiste de Finkielkraut, le traiter de « facho » est un comportement indigne et malplacé.

D'abord, à ma connaissance, rien ne me semble permettre de le qualifier de la sorte. Ensuite, en adoptant un tel comportement, ce sont les excités de la place de la République qui se comportent comme des fachos en chassant un intellectuel venu discrètement, et en famille, pour les écouter. A l'écoute de l'académicien, ils ont préféré l'invective, la violence, et un dogmatisme effrayant, devenant pires que ceux dont ils dénoncent pourtant toutes les dérives. Il est tout de même malheureux que chez certains, l'opposition à ce capitalisme débridé et inhumain semble déjà les pousser dans une vision bolchevisante du débat public. Non seulement nous avons les erreurs économiques du début du 20èmesiècle, mais il semble que nous reproduisons, certes de manière marginale, les erreurs de certains de ses opposants.

Heureusement, il faut se dire que ces comportements ne sont que ceux d'une petite minorité d'excités, sans doute les mêmes qui avaient mal accueilli Etienne Chouard. Il faut espérer que la grande majorité de ceux qui viennent place de la République le font d'une manière ouverte aux autres, à leurs opinions, dans une envie de réfléchir à ce qu'il faudrait faire, mais aussi à comment le faire pour changer les choses. Le fait que Pascale Fourier y ait fait un tour est naturellement un encouragement. Et j'espère que je pourrais aller voir sur place pour juger de moi-même. Mais il est clair que l'on ne pourra pas changer le système actuel si les alternatifs ne sont pas capables de discuter ensemble et se lancent des noms d'oiseau sans la moindre raison, donnant un spectacle absolument repoussant au pays.


En fait, après ce triste épisode, Nuit Debout gagnerait à inviter Alain Finkielkraut et lui offrir la même tribune qu'à Yannis Varoufakis pour effacer la triste trace de son éviction de samedi. Ainsi, ils montreraient que les intentions du mouvement sont démocratiques et ouvertes.

Confessions d’une ex-bankstère française...

Confessions d'une ex-bankstère française...

Ce texte d'une ex-conseillère est assez exceptionnel puisqu'il dit absolument tout de la réalité de la situation du métier de bankster : des voyous, des criminels, des parasites de la sociétés qui vivent au crochet des travailleurs (LLP)

Longtemps, j'ai volé les gens. C'était ce en quoi consistait à peu près 95 % de mon temps passé au bureau. Enfin, je n'étais pas une voleuse au sens strict du terme ; j'étais une arnaqueuse de première main, mais institutionnalisée. J'étais également bien plus disciplinée, soumise. J'étais une voleuse légale, qui ne volait même pas pour son propre compte, mais pour celui de ses patrons. Ces derniers, cyniques, me donnaient des objectifs – journaliers, hebdomadaires, mensuels. Et à chaque forfait que je commettais, j'avais même droit à toutes les félicitations. Mon job était connu de tous : je bossais dans une banque.
Bien sûr, bosser dans une banque lorsqu'on sort d'un BTS assistante de gestion, c'est loin d'être la chose la plus séduisante. Pour ma part je voulais me tourner vers les maisons d'édition et aider des auteurs à être publiés. Visiblement ce n'était pas le choix qu'avait mon père pour moi. Pour lui, la banque était un domaine « plus stable », et en ce temps il était d'ailleurs l'ami d'un directeur d'agence qui avait « un siège libre pour moi ». Je ne me souviens plus de ma rémunération lorsque j'ai commencé. Je sais en revanche que le dernier conseiller à être arrivé en fin d'étude à l'agence a commencé à hauteur de 1600 euros nets par mois. Je sais aussi que mes dernières fiches de paie n'étaient guère plus hautes.

Ma vie de bureau – mon monde – était constituée de gens biens sous tous rapports, surtout dans le rapport à l'argent. Costard-cravate pour les hommes et tailleurs-parfum pour les nanas. Respect des codes et de la procédure, respect des horaires et respect des objectifs ; le tout, dans une apparente bonne ambiance. Moi, j'étais tout en bas de l'échelle. Tellement bas même, que mon ordinateur et les logiciels qui y étaient intégrés avaient plus de pouvoir que moi. On appelle ça « conseiller financier », ou conseillère, tout simplement. Il s'agit de ces personnes qui vous reçoivent dans leurs bureaux à la banque et qui vous donnent des leçons sur la manière de mener votre vie en fonction de vos ressources. Voilà ce que je faisais. Pendant 12 ans, j'ai passé mon temps à refourguer des assurances inutiles, des crédits revolving, des agios, des cartes bleues, des forfaits, à des gens qui n'avaient rien demandé.

Selon Big Browser, le blog du Monde, près de 97 % de l'argent disponible dans le monde, en réalité, n'existe pas. De fait, où se trouve-t-il ? En tant qu'insider, j'ai un début de réponse. Je sais que, lorsque vous faites un prêt, c'est votre établissement bancaire qui invente l'argent avec lequel vous paierez votre voiture, votre téléviseur, l'ordinateur ou le téléphone sur lequel vous êtes en train de lire cette story. Sachez-le : vous créez de la dette, et donc, de la richesse. Car la croissance, c'est votre dette.

Pourtant, quand j'ai commencé, je croyais fermement à mon métier. Je pensais sincèrement que je pouvais venir en aide à certaines personnes en difficulté devant la gestion de leurs comptes bancaires. C'est ce qui me motivait, réellement. Étant moi-même issue d'une famille ayant vécu quelques « contraintes » financières, je me faisais fort d'être celle qui saurait comprendre et accompagner mes clients dans leurs réflexions et leurs démarches. Mais très vite (4,5 mois à peine) j'ai été rattrapée par le vice, et sans m'en rendre compte, j'ai changé. Par mes principes d'abord, et puis par ma boîte ensuite. Car celle-ci a bien compris tout le potentiel et toute l'énergie que je pouvais dépenser pour son compte.

Il m'aura donc fallu 12 années pour m'apercevoir, comprendre et accepter le fait que je ne changerais rien, ni au monde, ni à la France. Absolument rien. Et que le jeu était faussé, truqué, dès le départ. Et ce, malgré toute la bonne volonté du monde. Quand j'ai débuté, les conseillers avaient encore un peu de liberté. Certains pouvaient encore jouir de délégations et ainsi octroyer quelques facilités à certaines personnes. Le grand changement, ce fut l'informatisation à outrance et la part de plus en plus prépondérante que prenaient les machines et les algorithmes. Les fameux algorithmes et avec eux les célèbres quotas, scoring, pourcentages et statistiques.

De fait, en rendant les turnovers – terme pour définir le fait de « renouveler le personnel » – plus fréquents, les dirigeants de la banque amenuisaient considérablement le pouvoir de l'empathie qui pouvait se nouer entre le conseiller et ses clients. Ainsi, ma relation avec eux s'est lentement dégradée. D'humain à humain, elle est dans un premier temps devenue paternaliste. « Tous les clients sont comme des enfants à qui il faut enseigner un rapport à l'argent normalisé tel que nous l'entendons », ai-je notamment entendu plusieurs fois au cours d'un colloque. Et ensuite, la relation est vite devenue conflictuelle. De plus en plus tendue, et à tous les niveaux. Les objectifs ont augmenté, les primes ont baissé et les clients ont gueulé. Normal. Néanmoins, la seule réponse que je pouvais leur apporter se résumait à ça : « Je suis désolée. Je ne peux pas intervenir et ne dispose pas des droits pour. »

À nous aussi les conseillers, il pouvait nous arriver de manifester nos désaccords. Les réactions de la part de nos supérieurs étaient alors immédiates. Ces derniers nous faisaient changer d'agence tous les deux ou trois ans, avec parfois plus de 50 kilomètres de distance entre deux affectations. De notre côté, on avait juste le droit de fermer notre gueule. De même, la rémunération des postes de conseillers n'a fait que chuter avec les années. Le tournant des années 2000 a été fatal. Les 13
e et 14e mois payés par exemple, c'est fini depuis belle lurette.

Sachez-le : vous créez de la dette, et donc, de la richesse. Car la croissance, c'est votre dette.

Les années 2010 ont, elles, sonné le glas de la décence parmi mon corps de métier. Aujourd'hui, ce sont les actionnaires qui se rincent. Avec environ + 10% par banque par rapport à 2014. Les agents pour leur part, on les utilise comme de la chair à canon. Ce sont ceux qui vont au front pour prendre les roquettes balancées par les clients mécontents. Sans surprise, nos supérieurs s'en foutent royalement. Ils n'ont jamais à subir les conséquences de leurs décisions. Nous, on est coincés dans l'étau, entre la direction qui nous contrôle en permanence et nous demande toujours plus de chiffre, et les clients qui voudraient toujours moins de frais.

Or, concilier les deux est impossible. Puisque c'est justement sur les frais facturés aux clients que les banques gagnent de l'argent. Et les frais, eux, ils n'ont jamais cessé d'être augmentés ; frais de lettre à 15 euros – ça fait cher du timbre –, frais d'attestation à 12 euros, frais de dépassement de découvert, ou encore, frais d'impayés – de loin l'un des plus cyniques. En somme, on vous explique que vous êtes punis par l'argent justement parce que vous n'en avez pas assez.

Les années passaient, bon an mal an, et tout devenait insupportable. Nos rendez-vous étaient minutés. Nous étions intimés de mettre la pression aux clients, leur insuffler une forme particulièrement sournoise de culpabilité, de peur aussi.

Puis un jour, lors de la finalisation d'un dossier d'emprunt immobilier, à la fin d'un rendez-vous, le courtier qui avait prescrit les clients et qui les accompagnait pour cet entretien, m'a pris à part. Puis il s'est penché vers moi avant de se lancer dans une tirade d'une cruauté absolue. Il m'a dit : « Vous savez, dans quelques années, vos patrons n'auront plus besoin de vous. Tout est déjà géré informatiquement. Si vous êtes encore là, c'est juste pour donner le change », a-t-il commencé. Je l'ai regardé interloquée, ne sachant trop que répondre. Il ne s'est pas démonté. « C'est pour que vos clients aient toujours cette impression que leur argent est géré par un humain, dans l'intérêt d'un autre humain. Mais vous n'avez d'ores et déjà plus la main sur la machine. Vous ne pouvez plus intervenir. Vous n'avez plus le moindre pouvoir », a-t-il renchéri, s'excusant presque de me présenter mon travail sous cet angle sinistre. Enfin, il a conclu sa démonstration par une pichenette humoristique dont j'ai le plaisir de vous faire part ici : « Le pire, c'est que le jour d'une panne informatique, vous ne serez même plus capables de faire quoi que ce soit. »

Je vous avoue que se faire renvoyer son inutilité à la face, comme ça, d'un coup, ça fait mal. Néanmoins, je me suis aussi rendu compte que c'est bien lui qui avait raison. Aujourd'hui, en agence, les conseillers bancaires ne servent plus à rien, sinon à vendre des produits inutiles pour faire empocher les frais inhérents à ces produits aux actionnaires, et accessoirement, à faire passer les colères justifiées des clients en servant de punching-ball. Ce courtier cynique n'a en réalité fait qu'accélérer le processus à l'œuvre à ce moment de ma vie : celui de ma future démission.

Comprenez bien qu'une banque, en 2016, ne vous aidera que si vous êtes déjà riches. Là, elle vous expliquera sans réserve les mécanismes vous permettant d'en redistribuer le moins possible aux plus pauvres, afin de le conserver dans son giron. Quand vous êtes pauvres au contraire, la banque vous explique qu'il est de votre devoir de payer les riches, afin de faire rouler l'économie. C'est une arnaque sur toute la ligne, et je suis désolée d'y avoir participé pendant plus d'une décennie.

J'ai donc somatisé, et ai, comme nombre de mes collègues conseillers, frôlé le burn-out. Mais nous n'étions pas tous des enfants de chœur. Je me souviens de pas mal de collègues qui enculaient le client avant de se marrer à gorge déployée, en se foutant bien et royalement de sa gueule.

« Vous savez, dans quelques années, vos patrons n'auront plus besoin de vous. Tout est déjà géré informatiquement. Si vous êtes encore là, c'est juste pour donner le change. »


Aujourd'hui, la BNP Paribas et le Crédit Agricole, mes deux anciens patrons, prévoient déjà un grand nombre de licenciements étalés sur l'année 2016. Ils parlent également de ventes d'actifs, lesquels entraîneront nécessairement de nouveaux licenciements. Tout ça, alors que leurs actionnaires n'ont jamais amassé autant d'argent que ces dix dernières années et l'histoire des paradis fiscaux ne surprend pas vraiment.

Alors pour moi, c'est terminé. J'en avais marre de gerber tous les jours en rentrant du boulot. Et si j'écris ces mots aujourd'hui, c'est par compassion envers mes anciens et anciennes collègues. Je sais qu'ils sont impuissants, et qu'ils ont peur. Et si cela peut aussi éviter à tous les épargnants de se faire dépouiller à la première crise organisée venue à l'aide d'un bail-in – comme à Chypre –, ce sera aussi bien. Si cela peut contribuer à créer un peu plus de solidarité, même infime, en rassemblant les humains indépendamment de leur fonction dans la société, idem. Alors, peut-être que nous aurons fait un pas. Un petit pas sans doute, mais un pas tout de même dans la bonne direction.

Aujourd'hui, j'ai vendu mon appartement en bordure de centre-ville pour aller m'installer à la campagne. J'ai trouvé un job à mi-temps et je passe plus de temps avec les gens, les vrais gens. Je me suis volontairement déconnectée de la frénésie du monde. Je fais pousser mes fruits et mes légumes. Après avoir volé l'argent de tous ces gens, je donne à d'autres de la nourriture, autant que je le peux.



Source: Vice

Via Le Libre Penseur sur la piste de Fawkes

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Le jeu de l'argent

Sondage : Hollande à 14% de satisfaits, son plus bas niveau depuis son élection

Sondage : Hollande à 14% de satisfaits, son plus bas niveau depuis son élection

 

François Hollande atteint en avril son plus bas niveau de popularité depuis son élection, en mai 2012. De son côté, Manuel Valls ne recueille que 25% d'opinions favorables.

Où s'arrêtera la chute de François Hollande dans les sondages ? Avec 14% de Français satisfaits, la cote de popularité du chef de l'Etat a atteint en avril son niveau le plus bas depuis son élection (-3 points par rapport à mars), selon une enquête Ifop pour le Journal du Dimanche

Manuel Valls, avec 25% de satisfaits (-2), atteint lui aussi son niveau le plus bas depuis avril 2014. 85% des Français sont mécontents de l'action du chef de l'Etat (+3).  

 

Source : L'Express.fr

Informations complémentaires :

 
 

 

“Le Baron noir” ou comment enfin comprendre la politique…

"Le Baron noir" ou comment enfin comprendre la politique…

Si vous voulez comprendre la politique (surtout si vous êtes un jeune lecteur, donc une proie de choix car non encore édifié par quelques élections où on vous aura pigeonné dans les grandes largeurs), je vous recommande VRAIMENT de vous procurer la série de Canal Plus (par exemple 26 € ici pour 7 heures de plaisir, c’est presque donné).

C’est je pense ce que j’ai vu de mieux pour décrire le système politique, que je connais assez bien désormais.

Vous y verrez à quel point la réalité de la politique à niveau un peu élevé est à l’opposé total des valeurs professées (intérêt général, droiture, honnêteté…), mais, surtout, bien plus intéressant, vous comprendrez comment on en arrive là, de petites crasses répondant à des petites crasses, de sales coups répondant à des sales coups, à un tel point qu’au bout d’un moment on n’arrive même plus à savoir qui est responsable de quoi, et qui est le méchant, ni même si finalement il y a vraiment un méchant dans l’histoire, car il leur reste toujours un fond de valeurs…

Ainsi, vous comprendrez par exemple comment François Hollande en arrive à recevoir SIX FOIS en moins d’un an un type comme Jean-Luc Bennahmias (qui est quand même l’homme politique qui se rapproche le plus d’un trou noir) au lieu de s’occuper de choses sérieuses.

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Bref, une grande production française, qui parlera à beaucoup, j’en suis sûr…

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Cinq faits réels pour comprendre “Baron noir”, la nouvelle série de Canal+

Source, Le Huffington Post, Alexandre Boudet, 08-02-2016

Kad Merad et Niels Arestrup, les deux personnages principaux de la série Baron noir. | Canalplus

Kad Merad et Niels Arestrup, les deux personnages principaux de la série Baron noir. | Canalplus

POLITIQUE – Par séquence, on se croirait presque dans un documentaire. La série “Baron noir” diffusée à partir de lundi 8 février sur Canal+ plonge avec réussite dans les arcanes du pouvoir politique. À Dunkerque où le député-maire Philippe Rickwaert (interprété par Kad Merad) règne sur son microcosme comme les partis politiques aiment à les fabriquer, mais aussi à l’Elysée où Francis Laugier (Niels Arestrup) est un Mitterrand réincarné au temps de Twitter.

Certains verront dans cette fiction le “House of Cards” à la Française. Le scénariste Eric Benzekri dit s’être davantage inspiré des “Soprano” et de “À la maison blanche”. “L’élément déclencheur de ‘Baron noir’ est venu du constat de la troublante similitude entre ce que j’ai vécu en politique et ce qui est raconté dans ces deux séries”, explique celui qui a longuement milité en politique avant d’écrire des scénarios.

Familier des syndicats étudiants, il a longtemps gravité dans les sphères socialistes “auprès de députés, de ministres et même de candidats à la présidentielle”. Mais tous les téléspectateurs n’ont pas son expérience, voici cinq clés politiques pour ne rien manquer des subtilités du scénario.

La puissance de la fédération PS du Nord

Ce n’est pas un hasard si Philippe Rickwaert est un élu du Nord. Dans l’histoire récente du Parti socialiste, ce département ouvrier est un bastion incontournable dont le rôle est central dans les Congrès. Mais un bastion qui subit une lente descente aux enfers; amorcée avec la désindustrialisation (bien mise en lumière dans la série), elle s’est accentuée avec le retour au pouvoir de la gauche en 2012.

Cette dégringolade est parfaitement illustrée par l’année 2015. Au début des années 2000, la “Fédé du Nord” comptait 10.000 membres; elle n’en avait plus que 5200 quand en juin dernier les militants ont été appelés à choisir leur président. Minée par les défaites électorales (revers aux départementales puis aux régionales), la fédération connaît une saignée au niveau des élus, qui débouche sur de graves difficultés financières. Au point que la patronne du PS local a dû lancer un appel aux dons au début du mois de février.

Les nombreux fantasmes des offices HLM

Pour financer la campagne présidentielle de son mentor Francis Laugier, Philippe Rickwaert a puisé dans les caisses de l’office HLM de la ville de Dunkerque (dont il est un dirigeant de par sa fonction de maire). Idem pour les présidents de conseils généraux à l’échelle du département. Ces offices sont, depuis longtemps, au cœur des fantasmes mais aussi parfois d’affaires politico-judiciaires de financement occulte des partis politiques.

La plus médiatique concerne les HLM de la ville de Paris à l’époque Chirac. Il n’était pas question de loyers impayés comme dans la série mais de versement d’argent en échange de l’obtention de marchés publics. Les mis en cause ont assumé avoir versé de l’argent au RPR pour financer des campagnes électorales mais la justice n’a jamais pu prouver que le parti en a profité.

L’union de la gauche à l’épreuve des législatives

Dans la foulée de l’élection présidentielle remportée par le candidat socialiste, les élections législatives doivent lui permettre d’obtenir la majorité la plus large possible pour avoir les coudées franches pendant son quinquennat. Seulement, comme ce fut le cas avec François Hollande, Francis Laugier doit composer avec les alliés du PS, notamment les écologistes.

En 2011, un deal entre Martine Aubry et Cécile Duflot avait réservé une soixantaine de circonscriptions aux écolos dont une grosse vingtaine de gagnables. Dans la série, le fief de Philippe Rickwaert aurait pu en faire partie.

Pour ces législatives, l’autre point important dont il faut se souvenir, c’est la règle tacite qui veut qu’à gauche tous les candidats se désistent au second tour en faveur du candidat le mieux placé. D’où la volonté du “Baron noir” de tout faire pour parvenir à devancer son rival au soir du premier tour.

Les vieilles passerelles entre le PS et la CFDT

Les liens entre la CFDT et le PS que l’on voit dans l’usine Clamex sont moins forts que ceux qui unissent la CGT et le Parti communiste. Il n’en demeure pas moins qu’entre le syndicat réformateur et la rue de Solferino, le courant passe très bien. Et cela ne date pas du quinquennat Hollande durant lequel l’ancien délégué de Florange Edouard Martin est devenu eurodéputé PS et lors duquel Laurent Berger est devenu le principal partenaire des ministres du Travail ou de l’Economie.

Il faut se souvenir par exemple que l’ancien numéro 2 du syndicat Jacques Chérèque (père de François Chérèque) a été ministre du gouvernement Rocard en 1988. Si l’on remonte plus loin, lors du premier mandat de François Mitterrand, on estime que 21% des membres de cabinet du gouvernement Mauroy ont eu leur carte de la CFDT. Autre proximité PS-CFDT, celle qui a rapproché le socialiste Jacques Delors et le cédétiste Edmond Maire.

Un président, deux types de conseillers

Autour de Francis Laugier (Niels Arestrup), deux conseillers au profil antagoniste se font face. Philippe Rickwaert (Kad Merad) est un élu fils d’ouvriers bien implanté dans le nord de la France. À l’inverse, Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) est une énarque issue de la haute-bourgeoisie passée par la Commission européenne qui ne s’est jamais confrontée au suffrage universel.

Une répartition qui rappelle (de manière un brin caricatural) l’entourage de François Hollande pendant la dernière présidentielle; respectivement directeur de campagne et directeur de la communication, Pierre Moscovici et Manuel Valls étaient deux proches voués à devenir ministres (ce à quoi aspire Rickwaert) quand Aquilino Morelle (rédacteur du discours du Bourget) est devenu conseiller politique de François Hollande (à l’image de Dorendeu).

Source, Le Huffington Post, Alexandre Boudet, 08-02-2016

Le-Ayrault sont fatigués, par Philippe Grasset

Le-Ayrault sont fatigués, par Philippe Grasset

Il faut la garder celle-là en effet…

Rappelons que l’armée syrienne a perdu environ 95 000 hommes, tués par des armes financées essentiellement par l’Arabie, le Qatar, la Turquie et l’Occident…

Source : De defensa, Philippe Grasset, 02-04-2016

3 avril 2016 – Celle-là aussi, je l'ai ratée ! Honte à moi, mais comme je vous l'expliquai en une autre occasion j'en rate souvent ; d'autre part et pour compléter mon explication, je précise que j'ai un peu, et même drôlement fait l'impasse sur la littérature quotidienne-Système française, remisée dans mon trou noir de l'inconnaissance. Les élites-Système françaises m'épuisent, et les débats qu'elles déclenchent, et même les ripostes de nombre de ceux qu'on pourrait qualifier d'antiSystème, ne me réconcilient pas avec l'ardeur et l'allant dont j'ai besoin. Donc, je passe outre, et parfois je rate…

Heureusement pour le cas qui nous occupe, les valeureux guerriers de Russia Insider (RI) veillaient au grain et, trois jours plus tard, nous ont sorti la pépite et ainsi me rattrapant au collet, in extremis. Ils ont diffusé un texte absolument tonitruant, mi scandalisé mi-fou-de-rire, sur notre-ministre, successeur par ascendance indirecte et il faut bien le dire un peu accidentelle, disons de la main gauche, de Vergennes et de Talleyrand.

Je me suis précipité sur les bonnes sources pour vérifier, in French dans le texte. Aucun doute, le-Ayrault, visitant Alger-la-blanche que j'eus l'heur de bien connaître comme l'on habille ses souvenirs d'une si intense nostalgie, a bien dit ce qu'on dit qu'il a dit, disons à Bouteflika pour faire bref, qui se résume à ceci : "Certes, cher ami, l'immonde Assad a libéré Palmyre et l'on ne peut pas dire que c'est entièrement mauvais et catastrophique, mais hein, il n'avait qu'à mieux défendre, avec un peu plus d'allant et de courage, ce bijou de notre-civilisation aux valeurs libérales qu'est Palmyre, et on n'aurait (notre-coalition essentiellement) pas eu à le libérer, vraiment l'armée de ce Assad est au-dessous de tout, et Assad lui-même, comme disait un philosophe de mes proches, ne mérite pas d'exister…" Je cite Le Point, source absolument pure comme de l'eau de source :

« La reprise de Palmyre est une victoire de Bachar el-Assad, mais également pour la coalition. "On ne va pas se plaindre que Palmyre ne soit plus aux mains de Daech. Palmyre, aux yeux de beaucoup, c'est un symbole", a déclaré Jean-Marc Ayrault, en visite à Alger. "Mais en même temps, quand Palmyre a été conquise par Daech (en mai 2015, NDLR), on ne peut pas dire que le régime de Damas ait été très défensif. On peut le regretter. Peut-être que, s'il y avait eu à l’époque une réaction aussi forte, on n'en serait pas là, on aurait pu éviter la prise de Palmyre", a-t-il estimé.

» La victoire des forces du régime "ne doit pas exonérer le régime de Damas" de ses responsabilités dans le conflit, a souligné le ministre des Affaires étrangères lors d'une rencontre avec la presse, après avoir rencontré les autorités algériennes, dont le président Abdelaziz Bouteflika. Alger soutient le président syrien Bachar el-Assad quand Paris répète qu'il ne peut être l'avenir de la Syrie.

» "C'est un point sur lequel nous divergeons. Eux n’en font pas un sujet prioritaire", a indiqué Jean-Marc Ayrault, qui a par ailleurs précisé n’avoir pas rencontré le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. Hasard du calendrier, Walid Mouallem effectue une visite en Algérie et se trouvait dans la capitale en même temps que son homologue français. "Je n'étais pas informé de cette visite. Les Algériens font ce qu'ils ont à faire. Je n'ai pas eu le souhait ni l'opportunité de (le) rencontrer", a déclaré Jean-Marc Ayrault. »

RI se moque longuement, totalement stupéfié par ces déclarations du ministre français, l'étrange le-Ayrault. RI a le courage de faire l'effort de rappeler comment tout s'est passé, puis de préciser que, constamment, depuis 2011, la France réduisant par tous les moyens les capacités de l'armée d'Assad et renforçant idem les rebelles devenus islamistes extrémistes et Daesh massacrant à Paris, et également prenant Palmyre ; et soudain, le voilà qui remarque, le-Ayrault, presque avec accablement devant tant de laisser-aller et de manque de conscience, que vraiment Assad et son armée ont laissé tomber Palmyre dans les mains des barbares, et qu'il était temps qu'ils les reprennent … Encore que, précisons,  « La reprise de Palmyre est une victoire de Bachar el-Assad, mais également pour la coalition… » ; or donc, de quelle coalition parle-t-il, le-Ayrault ? La sienne, celle qui est pleine de ses Rafale actifs et zélés ?

(Tiens, quelle secrète inspiration comme une réponse à l'intervention déjà faite mais ignorée de le-Ayrault nous avait fait écrire cette remarque, qui n'avait aucune nécessité directe, dans ce texte du 31 mars : « …Question du flâneur, tout à fait en passant : que sont devenus nos superbes Rafale de l'Armée de l'Air française dans toutes ces pérégrinations, eux qui étaient prêts à sauter à la gorge d'Assad à la fin août 2013 pour le punir de l'attaque chimique montée à grand frais par Prince Sultan déguisé en Assad, qui furent à grand'peine retenu par un Obama-Hamlet revenu au dernier moment sur sa décision d'attaquer ? Le silence pudique est de rigueur, la gloire de la France étant aujourd'hui dépendantes des bons points de l'UE et de sa loyale imitation de la sagesse américaniste. Il n'y avait donc pas de Rafale au-dessus de Palmyre. »)

Ainsi, l'on peut raconter ces choses, avec, en six-sept mots comme l'a fait le-Ayrault , quatre ou cinq contradictions, contre-vérités, bouffonneries assez mornes quoiqu'énormes, énormités grossières de logique violentée sans violence trop bruyante et effronteries de l'esprit totalement perverti sans trop se compromettre? Je l'entends d'ici, avec ce ton-chicon (*) comme l'on dirait dans le digne Royaume de Belgique. Il a une façon de dire qui fait que la plus formidable imposture passe comme un suppositoire bien tourné, sans trop occasionner de dégâts, sans qu'on ne remarque ni même ne ressente l'opération sur le moment.

Et ainsi me questionnai-je, dans cette journée des premières et timides douceurs d'un printemps si tardif : qu'est-ce qui fait que ces gens disent des choses aussi grosses et aussi sottes, aussi méprisantes pour la vérité-de-situation, aussi absurdes et insensées, avec ce complet désintérêt pour la cohérence du discours, pour l'ordre de la pensée ? Car c'est bien le cas dans le fait d'accuser un monstre illégitime dont vous proclamez depuis quatre ans son impuissance totale et sa très-prochaine (deux-trois semaines) chute, et qu'il faut tout faire pour réduire ses forces à néant, et dans le même souffle de l'esprit (l'esprit de Fabius souffre dans l'esprit de le-Ayrault), l'accuser, ce barbare absolu, de n'avoir pas été assez fort, assez résistant, assez courageux, assez légitime au nom de l'humanité, pour empêcher que Palmyre tombât aux mains des barbares ? Tout cela dit avec le clin d'œil-chicon, l'air de dire assez mornement "à moi, on ne la fait pas" ?

La première hypothèse est qu'ils parlent, ces gens-là, comme on mâche du chewing-gummade in USA, sans prêter non seulement la moindre attention, mais le moindre intérêt pour la signification des mots qu'ils disent. On leur a fait un petit carton : "là, si on vous pose cette question, vous répondez : bla, bla, bla…" (Pourquoi ne répondent-ils pas justement et simplement, et vraiment : "Bla bla bla…", cela serait de l'humour-chicon, et l'on rirait joyeusement.) La deuxième hypothèse est qu'ils ne savent même pas qu'ils parlent, ils sont parlés par quelque inspiration mystérieuse qui dépasse même le petit carton de leur conseiller en com', comme un automate bien remonté. La troisième hypothèse est qu'il ne s'est rien passé du tout après tout, que si vous les interrogez lors du debriefing, ils ne se rappellent de rien parce que quelque chose d'autre a parlé pour eux, même pas au travers d'eux, non, à leur place. On a cru que c'était le-Ayrault mais on se trompe : le Diable ricanant s'est substitué à lui sans qu'il y prenne garde. Le Diable est un garnement et il sait y faire ; et quand je dis "le Diable", hein, je plaisante à peine, car l'on sait bien mes tendances à conjecturer sur ces forces qui transpercent ces psychologies si faiblardes, surtout celles qui sont aussi translucides que du chicon.

(Une autre joyeuse en passant, à une question sur la présence en même temps que lui, – ces Algériens ont de ces culots, – du ministre des affaires étrangères du barbare Assad à Alger. Réponse de le-Ayrault, superbement au courant de la marche du monde : "Moi pas être au courant, et d'ailleurs si je l'avais été j'aurais fui en courant…" [« Je n'étais pas informé de cette visite. Les Algériens font ce qu'ils ont à faire. Je n'ai pas eu le souhait ni l'opportunité de (le)rencontrer »]. Ca être une leçon de diplomatie, mon fieux, du vrai bwana.)

Quoi qu'il en soit, tout s'est bien passé et, sans aucun doute, François sera content et "l'honneur de la France" diablement sauf. (Le Diable, vous dis-je.) Vraiment, la France est en train de nous interpréter une pièce d'un brio extraordinaire ; il en faut, je vous assure, pour parvenir à être, comme dit la pub' de la lessive, plus bas que bas, plus sot que sot, plus inverti qu'inverti, plus zombie que zombie, plus chicon que chicon enfin. (Le-Ayrault, ou le zombie-chicon : à retenir, cela…)

… Et dire que ce héros a son cul-chicon et maigrelet dignement carré dans le fauteuil de Vergennes ! Il est vrai qu'entretemps il y a eu une révolution (la Grande, la Seule-Vraie) et que, depuis, je vous l'assure, tout va diablement mieux, comme si le Diable s'était enfin mis sérieusement à l'œuvre… (Dans sa tombe, chèrement gagnée par une réconciliation de dernière minute avec notre Très-Sainte-Mère l'Église, j'entends le diable boiteux qui se tord de rire, libéré des contraintes de l'étiquette qu'il savait si bien utiliser. "Le-Ayrault, le Talleyrand-chicon !" hurle-t-il dans son fou-rire de spectre fantomatique qui hante le Quai d'Orsay. S'il ne l'était déjà, le diable boiteux en mourrait de rire.)

Note

(*) Le mot "chicon", absolument admis et répertorié, et d'usage universel en Belgique, est simplement un homonyme d'endive. (Il est bon qu'un Français rapatrié puis émigré sacrifie de temps à autre aux coutumes locales. Cela amadoue les autorités du cru et le rend moins suspect.) C'est, le chicon-endive, un légume plein de vertus mais qui manque, dans son aspect-simulacre autant que dans la réputation qui lui est faite, de cette pétulance, de cette vigueur qui font les belles réputations et comblent les rêves des jolies dames. Le-Ayrault est un héros-endive, dirais-je, c'est-à-dire l'équivalent type d'Artagnan-postmoderne, d'un zombie-chicon. En attendant, que ce digne "légume plein de vertus" me pardonne : je l'ai pris comme symbole et notre héros, en vérité, ne vaut pas, sur le plan de l'utilité pour la nature des choses et la bonne marche de l'horlogerie du monde, le tiers du quart d'une endive. Ainsi soit-il mais plutôt gratiné, je préfère.

Source : De defensa, Philippe Grasset, 02-04-2016

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Comme j’y suis, on a eu ça aussi cette semaine :

«Ils disent beaucoup de choses ces jours-ci et je ne vais pas le leur interdire » a répondu Hillary Clinton. « La création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar el-Assad qui est appuyé et encouragé par l’Iran et la Russie» s'est justifiée l'ancienne secrétaire d'état.

Pas mal pour un bidule créé par des Irakiens… #1984

« On avait parfaitement compris, longtemps avant George Orwell, qu’il fallait réprimer la mémoire. Et pas seulement la mémoire, mais aussi la conscience de ce qui se passe sous nos yeux, car, si la population comprend ce qu’on est en train de faire en son nom, il est probable qu’elle ne le permettra pas. C’est la raison principale de la propagande. » [Noam Chomsky]

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[2015] Pourquoi Palmyre n’a pas résisté à l’assaut de Daech

Source ; l’Express,  Catherine Gousset, 22-05-2015

Palmyre, le 19 mai 2015, à la veille de la chute de la ville aux mains du groupe Etat islamique.

Palmyre, le 19 mai 2015, à la veille de la chute de la ville aux mains du groupe Etat islamique. “L’armée syrienne a très clairement un problème d’effectifs.” Reuters/Omar Sanadik

Après quelques jours d’assaut, le groupe Etat islamique s’est emparée de la ville de Palmyre. Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie, revient sur les raisons et les implications stratégiques de cette victoire du groupe djihadiste.

Pourquoi l’armée syrienne n’a-t-elle pas été capable de résister à l’offensive de l’EI à Palmyre

J’ai moi-même été surpris de la rapidité de sa défaite. Il y a quelque jours, le gouverneur de Homs avait été envoyé dans la ville pour proclamer que tout allait bien. J’ai donc du mal à croire que le régime ait délibérément abandonné la ville dans le seul but d’en retirer des dividendes médiatiques, c’est-à-dire pour profiter de l’émotion que suscite en Occident les atteintes au patrimoine archéologique et se poser en rempart contre la barbarie de Daech. Si le régime avait laissé entrer les djihadistes dans la ville antique avant de les repousser, il aurait pu jouer les “défenseurs du patrimoine de l’humanité”, mais en perdant complètement Palmyre en quelques heures, il subit une grave humiliation et une défaite stratégique. Même aux yeux de ceux qui, en Occident, prônent une alliance avec Assad contre Daech, le régime syrien risque désormais d’apparaître comme une branche pourrie. Quelle est la valeur d’un partenaire incapable de tenir ses positions, ou ne serait-ce que de réagir de manière un tant soit peu vigoureuse?

Quelles sont les implications de la perte de Palmyre en termes militaires? 

La perte de Palmyre est considérable. La cité est un noeud routier important qui relie l’est (Deir Ezzor) à l’ouest de la Syrie: Homs, Hama et Damas. C’est la seule voie terrestre pour accéder à la dernière garnison du régime dans la région de Deir Ezzor. Le régime doit désormais se contenter de l’aviation pour ravitailler cette base. Cela va poser également des problèmes énergétiques à Damas puisque la région abrite à la fois des champs gaziers et des gazoducs et oléoducs en provenance de l’est. En perdant Palmyre, le régime perd aussi un aéroport militaire.

Enfin Il s’agit d’une région tribale. Le régime essayait d’y recruter des supplétifs. Mais les tribus recherchent avant tout des alliances qui garantissent leur protection; elles ne se préoccupent guère d’idéologie. A partir du moment où l’armée est en déroute, les dirigeants tribaux n’ont plus de raison de se rallier à elle.

Que dit alors cette défaite de l’état des forces en présence? 

L’armée a très clairement un problème d’effectifs. Les autorités de Damas savaient depuis un moment que Palmyre était menacée. Elles n’ont pas eu la capacité d’envoyer des renforts. Il se passe la même chose qu’à Idleb, tombée en mars aux mains des rebelles. L’offensive était préparée depuis des mois. On a pu un temps croire que le régime avait renoncé à défendre cette ville pour se concentrer sur la protection de Jisr al-Chogour, plus importante à ses yeux. mais Jisr al-Chogour est à son tour tombée en avril. L’armée n’a tout simplement pas assez d’hommes pour combattre (voir à ce sujet l’interview du démographe Youssef Courbage). Depuis l’année passée, on sait qu’elle a recours au recrutement forcé, parmi les sunnites. Ces nouvelles recrues sont très jeunes, peu aguerries et guère motivées, contrairement aux insurgés. Les pertes humaines dans les combats sont très lourdes, pour peu de résultats. Enfin l’aviation syrienne qui se consacre essentiellement à bombarder les zones civiles est peu performante en termes tactiques.

Palmyre est situé en pleine zone désertiqueGoogle map

Palmyre est situé en pleine zone désertique Google map

L’EI sort donc renforcé de cette bataille? 

Oui, mais il faut relativiser cette puissance. On a dit que l’EI contrôlait désormais 50% du territoire syrien. Sauf qu’il s’agit de zones en grande partie désertiques. L’EI est très à l’aise dans la guerre du désert. L’organisation est très mobile. Dans l’ouest du pays, qui concentre l’essentiel des zones habitées, c’est une autre affaire. Les zones de combats sont très statiques. A l’exception du Qalamoun, qui est le prolongement du désert syrien. Dans les zones densément peuplées, chaque village représente un obstacle puisqu’il est occupé soit par les forces du régime, soit par les rebelles. Ajoutons que l’EI a connu très récemment des revers contres les Kurdes à l’ouest de Hassaké.

Source ; l’Express,  Catherine Gousset, 22-05-2015

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[2015] L’armée syrienne impuissante et démotivée face au groupe État islamique

Source : France Inter, 23-05-2015

Palmyre est tombée entre les mains du groupe terroriste État islamique cette semaine. © Reuters - 2015 / Khaled Al Hariri

Palmyre est tombée entre les mains du groupe terroriste État islamique cette semaine. © Reuters – 2015 / Khaled Al Hariri

L’organisation terroriste contrôle désormais la moitié de la Syrie. Impuissante, désorganisée, l’armée syrienne va de défaite en défaite. La chute de Palmyre, cette semaine, constitue un sérieux revers. 

Après quatre ans de guerre civile, l’armée syrienne est épuisée. Les fronts sont trop nombreux, et depuis plusieurs semaines, les défaites militaires s’enchaînent. Les soldats de Bachar al-Assad ont perdu les villes d’Idlib et de Jisr al-Choghour dans le nord, ainsi que la cité antique de Palmyre, à l’est.

Sans oublier tous les postes-frontières tombés dans le giron des djihadistes : le dernier en date, celui de Tanaf, point de passage stratégique avec l’Irak. Le régime de Damas ne contrôle donc plus que sa frontière avec le Liban.

L’armée syrienne a perdu la moitié de ses hommes en quatre ans

L’étau se resserre sur la capitale Damas, que de nombreux cadres du régime commencent à quitter pour rejoindre Tartous ou Lattaquié, sur le littoral, une province acquise au pouvoir.

L’armée paye cher ses divisions confessionnelles et ses désertions. Avant la guerre civile, elle comptait près de 300.000 hommes, elle n’en compte plus que 150.000 aujourd’hui. Démotivés, les soldats syriens n’ont pas d’autre choix que de tuer ou d’être tués.  

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Source : France Inter, 23-05-2015

Le Pentagone a gaspillé 500 millions de dollars pour l’entraînement de rebelles syriens. Et il est sur le point de recommencer. Par Paul Mc Leary

Le Pentagone a gaspillé 500 millions de dollars pour l'entraînement de rebelles syriens. Et il est sur le point de recommencer. Par Paul Mc Leary

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

18 mars 2016

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Le président Barack Obama a autorisé un nouveau plan d’entraînement des rebelles syriens pour combattre l’État islamique, une décision qui vient quelques mois après la fermeture par le Pentagone d’un programme d’entraînement et d’équipement encore plus ambitieux qui fit partir en fumée quelques centaines de millions de dollars, sans effets probants.

Cet effort fait partie d’une offensive du Pentagone afin de tirer profit du récent élan dans la longue campagne contre l’État islamique, qui a été malmené par la coalition et les frappes aériennes russes, par les attaques terrestres de l’armée syrienne réorganisée par Moscou, et par des assauts incessants des combattants kurdes, yazidis et sunnites armés par les États-Unis. Les partisans ont perdu à peu près 22% des terres qu’ils contrôlaient en Irak et Syrie ces derniers mois, et Washington souhaite manœuvrer le plus tôt possible en direction de Raqqa, la capitale du groupe. Et en l’absence d’envoi de troupes terrestres significatives par les États-Unis ou les alliés, les dirigeants du Pentagone pensent qu’entraîner les forces locales afin de prendre le relai est la meilleure option.

Le nouveau plan promet d’être plus ciblé que le précédent, qui avait embarrassé la Maison-Blanche en ne produisant pratiquement aucun combattant. Le programme d’entraînement initial à 500 millions de dollars débuta durant l’été 2015 par un projet de déploiement d’environ 5000 rebelles vers la fin de l’année, mais à la suite de désertions et à des attaques d’autres groupes rebelles, il n’a produit qu’environ cinq combattants entraînés avant d’être interrompu en octobre.

Informé de ce nombre pendant l’audition de la Commission des services armés du Sénat américain en septembre dernier, le républicain d’Arizona, John McCain, tempêta, disant que le programme du Pentagone était “déconnecté de la réalité” de l’urgence de la situation terrestre.

Cependant, les forces d’opérations spéciales étatsuniennes ont continué depuis à travailler individuellement avec des commandants arabes syriens, les emmenant en Turquie pour les entraîner avant de les infiltrer en Syrie avec de l’équipement américain. Il y a aussi environ 50 commandos américains sur le sol syrien, aidant à diriger le combat contre l’État islamique.

Le nouveau programme d’entraînement approuvé par Obama élargira ces contacts en emmenant des groupes restreints de combattants en dehors du pays pour les former aux tactiques de l’infanterie, bien que les dirigeants ne détailleront pas le plan d’entraînement, ni où il se déroulera, ni combien de combattants confirmés ils espèrent obtenir et renvoyer sur le champ de bataille.

“C’est une partie de nos ajustements au programme d’entraînement et d’équipement basé prioritairement sur les leçons apprises,” déclara le colonel Steve Warren, porte-parole de la coalition militaire des États-Unis à Bagdad. Le Pentagone souhaite “accélérer” le programme […], dit-il, mais “la disposition de notre soutien aux forces locales sera mesuré par rapport à leur performance” à combattre ISIS.

Les forces américaines et leurs intermédiaires sur le terrain ont rencontré des difficultés à recruter pour le programme en Syrie, étant donné que les Américains requièrent que toutes les troupes entraînées le soient seulement pour combattre l’État islamique et non le régime d’Assad.

Il n’y a aucun communiqué quant au lancement du nouveau programme ou quant à son coût, mais il a le soutien complet du nouveau commandant du Commandement central américain, le général Joseph Votel, qui a essayé de tromper les espérances et les intérêts du Congrès sur la taille et la portée du programme la semaine dernière. Attestant devant la Commission des services armés du Sénat, Votel le décrit comme une “accentuation de l’effort” conçu pour augmenter les compétences d’un nombre restreint de combattants qui pourront à leur tour enseigner ces leçons à d’autres rebelles.

“Je pense qu’il est utile d’avoir des personnes formées par nous, qui ont les techniques, les capacités de communication et les ressources afin d’établir un lien avec notre puissance de frappe,” annonça Votel, éludant la possibilité des rebelles de recourir à des frappes aériennes américaines.” Nous essayons d’éviter le problème que nous avons eu la dernière fois, c’est à dire lorsque nous ne savions pas à quel groupe ils appartenaient.”

Les dirigeants militaires resteront sûrement prudents par rapport au programme, après l’humiliante tentative de former une force syrienne l’année dernière. Cela a pris plusieurs mois en procédures pour que les dirigeants américains décident qui impliquer dans le programme, provoquant sur la colline du Capitole Hill [siège du Congrès américain, NdT] des hurlements devant la lenteur du recrutement de la force, alors que l’ÉI gagnait du terrain dans le nord de la Syrie. Et les choses n’ont fait qu’empirer. En juillet, le premier groupe d’environ 50 combattants entraînés revenant en Syrie s’est vu pris en embuscade par une filière d’al-Qaïda, le Front al-Nosra. Les combattants se sont pour la plupart dispersés et les militaires américains ont été incapables de savoir ce qu’ils sont devenus, de même que leur équipement.

Alors en septembre, environ 70 autres participants au stage ont été encore une fois forcés de donner la plupart de leurs matériels et munitions américains à al-Nosra, en échange d’un retour sain et sauf à travers le territoire ennemi dans le nord de la Syrie. En décembre, les responsables américains annoncèrent que moins de 100 des rebelles qui avaient été entraînés sont toujours actifs en Syrie.

Le dernier programme d’entraînement s’occupera probablement exclusivement des arabes syriens, déclara Warren, depuis que les combattants kurdes ont prouvé leur efficacité au nord de la Syrie. Les Kurdes ont aussi causé quelques soucis à Washington, cependant, en affirmant leur volonté de travailler avec les forces russes afin d’attaquer les autres groupes rebelles, dont ceux entraînés par la CIA.

Source : Foreign Policy, le 18/03/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.