La force d’un rejet

La force d'un rejet

Je suis très fier de mes compatriotes qui se sont fortement mobilisés, et j'ai une pensée affectueuse pour nos jeunes, qui ont bien compris les enjeux du débat...

Update 01.04.2016 :
Loi travail : les plus gros bobards du gouvernement (Basta!)

Fraternellement,

l'Amourfou.

L'éditorial de Patrick Apel Muller : La pluie n'a rien arrêté, au moins un million de ­manifestants ont fait des rassemblements contre la loi El Khomri, un moment exceptionnel dans l'histoire des mobilisations syndicales. 

Le chiffre ne résume pas tout, mais il signifie que le refus de ce projet de casse des droits du travail irrigue la société et qu'il est regardé avec sympathie par la majorité de ceux qui n'osent pas faire grève par peur de la répression patronale.

L'opération badigeon de Manuel Valls n'a pas fait plus illusion que les leurres largués par des escouades d'experts patronaux célébrant en chœur la « modernité » de l'entreprise. Ils ont en eux quelque chose du docteur Don Léopold Auguste, qui avouait dans le Soulier de satin de Claudel : « Je suis pour la nouveauté, mais un nouveau qui soit absolument conforme au passé. » Le gouvernement avait tout misé sur le ralliement de la CFDT, pariant qu'il minerait la détermination des salariés et des jeunes, et étiolerait les rassemblements. « Rien ne va plus », dit-on au casino…

Le passé, Manuel Valls doit y penser quand, raide dans ses bottes, il refuse toujours de retirer le texte. Les précédents font craindre pour les semelles… L'équation est désormais clairement posée au pouvoir : soit il persiste pour contenter le Medef, croyant à la fable d'un électorat de droite le rejoignant pour célébrer son autoritarisme et l'addition se paiera encore lourdement dans les urnes ; soit il lâche le lest, qui remettrait totalement l'ouvrage sur le métier. C'est ce qu'ont exigé hier les sénateurs communistes en brandissant des pancartes rouges. Ils ne seront pas les seuls demain à relayer les revendications populaires lors de la discussion de ce projet de régression sociale. L'épreuve parlementaire pourrait tourner au chemin de croix ou à l'écartèlement entre le désir de chercher des appuis à droite et le risque de s'aliéner plus largement des députés socialistes, qu'un puissant mouvement social va bousculer. Des propositions de progrès sont mises sur la table… Paradoxe pour le tandem gouvernant qui espérait achever la gauche et ses idées, voilà qu'il les ressuscite ! « La vie est une histoire à suivre », écrivait Aragon.
 

Source : l'Humanité.fr

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Loi travail : La CGT attend « énormément de monde » dans les rues…
Crashdebug.fr : Frédéric Lordon « Nous ne revendiquons rien »

 

Le patron de la Bundesbank “pas convaincu” par la BCE

Le patron de la Bundesbank "pas convaincu" par la BCE

Tout va bien au sein de la BCE – toujours aussi pleine d’avenir comme l’euro (il faut bien un poisson d’avril – mais le reste du billet est vrai !)…

Source : Le Parisien, 19-03-2016

Le président de la Bundesbank allemande Jens Weidmann (ici le 16 février 2016 à Karlsruhe) très critique envers les mesures de la Banque centrale européenne (BCE) (AFP/Uli Deck)

Le président de la Bundesbank allemande Jens Weidmann (ici le 16 février 2016 à Karlsruhe) très critique envers les mesures de la Banque centrale européenne (BCE) (AFP/Uli Deck)

Le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, a critiqué samedi les mesures prises récemment par la Banque centrale européenne (BCE), notamment une nouvelle baisse de taux, affirmant qu’elles ne l’avaient “pas convaincu”, dans un entretien à plusieurs journaux allemands.

“Le paquet décidé [en mars par la BCE] ne m’a globalement pas convaincu (…) J’ai toujours attiré l’attention sur le fait que plus l’effet d’une politique monétaire +ultra relâchée+ durait, plus il faiblissait”, a déclaré le gouverneur de la banque centrale allemande aux journaux du groupe Funke Mediengruppe.
“Plus on accélère, plus les risques et les effets secondaires grandissent”, a mis en garde M. Weidmann, notoirement critique des politiques de soutien des prix et de l’économie mises en oeuvre par la BCE.
“Des bulles sur les marchés financiers peuvent se créer qui, en éclatant, peuvent compliquer le travail des banques centrales”, a-t-il fait valoir.
La BCE a décidé en mars de nouvelles mesures pour faire repartir l’inflation et la croissance en zone euro, en étendant son programme massif de rachats d’actifs et en annonçant un nouveau prêt géant aux banques à des conditions très avantageuses.
Dans le même temps, elle a abaissé ses taux à un plus bas historique, passant notamment son taux directeur central, baromètre du crédit en zone euro, à zéro.
M. Weidmann a également mis en garde contre l’hypothèse, évoquée par le président de la BCE Mario Draghi, que l’institution distribue de l’argent directement aux ménages pour faire repartir l’inflation, solution baptisée “hélicoptère monétaire”.
“L’hélicoptère monétaire n’est pas une manne qui tombe du ciel, au contraire elle ferait des trous gigantesques dans les bilans des banques centrales. Au final, les Etats de la zone euro et les contribuables devraient supporter les coûts”, a-t-il estimé.
Donner de l’argent aux citoyens “est une décision hautement politique qui doit être prise par les gouvernements et les politiques”, a-t-il déclaré.
“En lieu et place d’expérimentations de politique monétaire téméraires, il serait intéressant de faire une pause”, a-t-il dit.
La politique monétaire n’est pas la panacée”, elle “ne remplace pas les réformes nécessaires dans les pays et ne résout pas les problèmes de la croissance en Europe”, a estimé M. Weidmann.
La semaine dernière, le président de la BCE, Mario Draghi, avait jugé le concept “d’hélicoptère monétaire” “très intéressant”, même si “nous ne l’avons pas encore vraiment étudié”.
La notion a été forgée en 1969 par l’économiste américain Milton Friedman qui imaginait une méthode radicale pour lutter contre la déflation: un hélicoptère larguant depuis les airs des montagnes de billets sur les villes afin de gonfler le porte-monnaie des consommateurs et les inciter à dépenser plus, faisant ainsi remonter les prix.
Controversé, “l’hélicoptère monétaire” n’a encore jamais été utilisé à grande échelle dans l’histoire moderne.
Les propos de M. Draghi ont suffit à enflammer les spéculations autour de l’usage d’un tel outil, alors que les doutes grandissent quant à l’efficacité des politiques monétaires pour faire grimper les prix.

Source : Le Parisien, 19-03-2016

En vrai, le droit international humanitaire, ça existe ? Par Corinne Roussel

En vrai, le droit international humanitaire, ça existe ? Par Corinne Roussel

Merci à Corinne pour cette synthèse réalisée pour le site1

Le 27 mars 2016

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Le droit international est-il en train d’agoniser, ces derniers temps, quelque part sur un lit d’hôpital dans une zone de conflit ensanglantée du Moyen-Orient ? Le célèbre “selon que vous serez puissant ou misérable…” n’est pourtant pas prévu par les termes des Conventions de Genève, qui soumettent tous les pays aux mêmes responsabilités et limites : les guerres doivent impérativement épargner les structures civiles dont au premier chef, les structures sanitaires vitales. Malgré tout, passés les caps de la théorie et des bonnes intentions, sur le terrain, les choses se compliquent par un manque de moyens de faire appliquer la loi. Par exemple, les organismes d’enquête sur les présomptions de crimes de guerre soutenus par l’ONU tels que la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits ont besoin de l’accord des pays concernés, y compris des parties soupçonnées de crimes de guerre, pour pouvoir enquêter. Autre obstacle, les tribunaux dotés de pouvoirs suffisants manquent : la CPI peut uniquement poursuivre les ressortissants des pays signataires du Statut de Rome (sur les 193 pays membres de l’ONU, 124 États dont ni la Russie, ni les États-Unis, ni l’Arabie Saoudite, ni le Qatar, ni la Turquie, ni Israël ne font partie), et n’a de toutes façons pas compétence pour juger des États. Ces derniers relèvent de la Cour internationale de justice, mais là encore, ses compétences se limitent aux parties acceptant de se soumettre à sa juridiction. Et même dans les cas de pays signataires, la jungle des législations et leurs nombreux vides juridiques paralysent généralement les velléités de procédures de poursuites – une confusion qui, au fil des années, a conduit les pays les plus puissants à une désinvolture grandissante.

Des décennies de violations répétées des Conventions de Genève

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Depuis 92, des violations du droit humanitaire allant jusqu’à des crimes de guerre potentiels se sont multipliées sur quasiment toutes les zones majeures de conflits. On peut citer, entre de multiples autres exemples, la récente catastrophe humanitaire déclenchée par l’Arabie Saoudite au Yémen, les hôpitaux du Donbass pris pour cibles par l’armée ukrainienne, la maternité du Croissant-Rouge bombardée à Bagdad par les USA en 2003, l’invasion d’un hôpital de Ramadi, toujours en Irak et toujours par les USA en 2006, le bombardement par l’OTAN d’un hôpital de Belgrade le 21 mai 1999, les bombes à fragmentation lâchées sur un marché et un hôpital à Nis, en Serbie, le 7 mai 1999 ou encore le bombardement par les Turcs et les Américains, sous couvert d’une mission de pacification de l’ONU, de l’hôpital somalien de MSF Digfer à Mogadiscio, le 17 juin 1993.

Mogadiscio, 2011. Les attaques contre les locaux de MSF se sont tellement multipliées qu'en 2014, l'ONG a été contrainte de fermer tous ses programmes en Somalie et de quitter le pays.

Mogadiscio, 2011. Les attaques contre les locaux de MSF se sont tellement multipliées qu’en 2014, l’ONG a été contrainte de fermer tous ses programmes en Somalie et de quitter le pays.

Le cas de l’hôpital Digfer a dévoilé l’ignorance pure et simple des lois internationales par certains belligérants. Dans un rapport de MSF, la juriste de l’ONG Francoise Bouchet-Saulnier relatait cet échange, “Joëlle [la coordinatrice] avait dit au général américain, ‘vous avez attaqué un hôpital, notre maison, qui sont protégés par la Convention de Genève.’ Il a répondu que dans une opération de pacification, il n’y a pas de limites à la force qui peut être déployée. Cet hôpital était une cible militaire parce qu’il y avait des soldats à l’intérieur. L’usage de la force par les pacificateurs n’est pas soumise aux Conventions de Genève. Nous sommes ici pour ramener la paix donc il n’y a pas de restrictions quant à l’usage de la force que nous utilisons.” 

Dans le même rapport, les propos d’une autre coordinatrice se faisaient encore plus précis : “Les militaires ont annoncé qu'ils voulaient que les humanitaires quittent la capitale parce que ” ce territoire va devenir une zone de guerre, vous n'avez pas votre place ici.”  J'ai pris contact avec eux et je leur ai demandé: ” Quels sont les hôpitaux prévus pour les blessés, quel est votre plan médical ?”  Ils n'avaient pas de plan médical. Ils ne connaissaient pas les hôpitaux. (…) Ils ne connaissaient rien, même pas le B-A BA des conventions de Genève. Il y avait bien une juriste dans l'équipe de l'armée américaine qui comprenait, mais sa voix ne devait pas porter très loin. En revanche, par la suite, elle sera une personne-clé pour faire comprendre aux Américains quel bourbier ils ont créé. (…) A Mogadiscio, on s'attendait à chaque instant à se prendre un coup de kalachnikov. C'était le climat ambiant. Mais se prendre un bombardement de la part des militaires alors qu'on a tout fait dans les règles, ça, on ne l'avait pas imaginé… Si on s'attend à ce que quelqu'un respecte les conventions de Genève c'est bien les militaires, qui ont des budgets de formation et sont censés connaître ces règles !”

Yémen aujourd’hui, une zone de non-droit

Hôpital Al-Thawra , Taïz, Yémen, bombardé quelques semaines après l'hôpital Haydan de MSF. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, depuis le mois de mars 2015, la coalition saoudienne a bombardé plus de cent lieux de soins au Yémen.

Hôpital Al-Thawra , Taïz, Yémen, bombardé quelques semaines après l’hôpital Haydan de MSF. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, depuis le mois de mars 2015, la coalition saoudienne a bombardé plus de cent lieux de soins au Yémen.

En septembre 2015, un communiqué de presse du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme rapportait, “il a été allégué que presque les deux-tiers des décès de civils constatés ont été causés par les frappes aériennes de la coalition, qui seraient également responsables de presque les deux-tiers des destructions ou des dégâts infligés à des bâtiments publics civils”.  Dans une longue enquête intitulée En quoi la maison de mon frère était-elle une cible militaire ? publiée deux mois plus tard, l’ONG Human Rights Watch renchérissait avec la dénonciation d’une avalanche de frappes illégales saoudiennes au Yémen, dans ce qu’elle a décrit comme une véritable guerre contre les civils couverte par un silence de plomb : ni l’Arabie Saoudite, ni les autres membres de sa coalition (EAU, Bahreïn, Koweït, Qatar, Jordanie, Soudan, Égypte), ni aucun de leurs alliés occidentaux n’avaient – ou n’ont à ce jour –  commandé d’enquête sur les violations des droits de l’homme perpétrées dans ce pays martyr où même les services humanitaires de l’ONU voient leurs actions freinées, voire détournées, par les forces en présence.

Pour MSF au Yémen, la situation n’a guère été plus brillante que pour les autres organismes humanitaires : le 27 octobre dernier, une attaque de la coalition saoudienne à Saada s’est soldée par six morts et dix blessés ; le 2 décembre suivant, l’ONG a déploré un mort et huit blessés, dont deux membres de l’équipe soignante, lors d’une frappe aérienne dirigée contre une de ses cliniques mobiles, à Taiz ; le 10 janvier, un autre bombardement contre l’hôpital Shiara, un centre de soins d’urgence soutenu par l’organisation humanitaire faisait six morts et sept blessés dans la province de Saada et le 21 du même mois, dans la même région, une série de frappes contre le service ambulancier de l'hôpital de Gomhoury blessait des douzaines de personnes et en tuaient six, dont un chauffeur d’ambulance.

En attendant des explications qui tardent à venir, Raquel Ayora, directrice d’opérations de MSF, constate “de plus en plus, nous voyons des attaques contre des structures médicales minimisées comme “erreurs”. La semaine dernière encore, le Secrétaire aux Affaires étrangères britannique a déclaré qu’il n’y avait pas de violations du droit humanitaire international au Yémen par le royaume d’Arabie Saoudite. Ceci implique que les bombardements par erreur d’hôpitaux protégés seraient tolérables. Cette logique est très déplaisante et irresponsable”.

Dans un rappel au droit international auquel même des bastions de l’alliance atlantique comme le Guardian ont fait un écho indigné, la présidente internationale de MSF Joanne Liu a ajouté “Le bombardement mensuel d’un hôpital de MSF est-il la nouvelle norme ? Combien d’autres hôpitaux dirigés par des équipes médicales qui n’ont pas de plate-forme pour s’exprimer comme celle que MSF possède sont-ils attaqués au Yémen et dans d’autres zones de conflit ? Nous refusons d’accepter que cette tendance se poursuive, avec cette impunité totale. Nous avons besoin de garanties urgentes, de la part des belligérants, qu’ils ne prendront jamais les hôpitaux pour cibles légitimes” . 

Kunduz en Afghanistan, un bombardement américain inexpliqué 

Kunduz, Afghanistan. Sur le mur face à l'hôpital bombardé, un seul mot tagué :

Kunduz, Afghanistan. Sur le mur face à l’hôpital bombardé, un seul mot tagué : “Pourquoi ?”

Le 3 octobre 2015 entre 2h08 et 3h15 du matin, l'hôpital de MSF de Kunduz était frappé à plusieurs reprises par une série de raids aériens américains menés à 15 minutes d’intervalle. Selon MSF, les frappes ciblaient certains bâtiments avec une grande précision, dont le service de soins intensifs et les salles d’urgences. Elles ont fait au moins 42 morts. L’ONG, qui déclare avoir respecté les règles censées assurer sa protection en transmettant dès son installation les coordonnées GPS de l'hôpital à Washington, à la Coalition et aux autorités civiles et militaires afghanes, a alerté Washington et Kaboul dès le début des bombardements. Les frappes ont malgré tout continué pendant plus d’une demie-heure. A ce jour, MSF attend toujours  les conclusions de l’enquête interne que le Pentagone a assuré mener.

Si le cas de Kunduz souligne le sentiment d’impunité qui domine désormais les guerres, la Syrie est encore plus révélatrice de l’effondrement du droit international humanitaire : le15 février dernier, quatre missiles lancés lors de deux attaques espacées de quarante minutes détruisaient un hôpital dirigé par MSF en Syrie, à Ma'arat Al Numan, dans la province d’Idlib, faisant un nombre de victimes récemment porté à au moins vingt-cinq morts. Quinze maisons et structures de ces lieux densément peuplés et d’autres hôpitaux situés 100 kilomètres plus loin, à Azaz, ont également été frappés. Un tweet de l’ONG en date du 16 février donne le nombre exact des hôpitaux atteints lundi dernier : quatre avec celui de de Ma'arat Al Numan. Il ajoute qu’en tout, au moins 17 hôpitaux ont été pris pour cibles de bombardements en 2016. D’après le décompte d’un rapport publié le 18 février, c’est la 94ème attaque essuyée par MSF en Syrie depuis le 1er janvier 2015. Sans compter les nombreuses autres structures de soins syriennes non soutenues par MSF, dont on ignore le nombre des destructions subies.

Ma'arat Al Numan et l’instrumentalisation politique de la loi de la jungle

Alors que dans l’affaire de Kunduz, les responsabilités étaient clairement établies depuis le début avec un bombardement avéré des USA, le bombardement de l’hôpital d’Idlib, conjointement à ceux des autres hôpitaux non liés à MSF de cette région du nord de la Syrie, a vu un tir de barrage d’accusations réciproques entre les parties en présence, dont les USA, la Turquie, la Russie et la Syrie. Le chœur des médias occidentaux accuse la Russie, qui a fermement nié toute implication et répliqué en publiant les propos de l’ambassadeur de Syrie en Russie Riad Haddad, pour qui “C’étaient les forces aériennes américaines qui ont détruit l’hôpital. L’aviation russe n’a rien à voir avec cela, ce qui est confirmé par des renseignements reçus.” Dans une déclaration à RIA Novosti, le sénateur russe Igor Morozov a ajouté “Les données de reconnaissance démontrent que les avions coupables de ces frappes contre des infrastructures civiles ont décollé de la base américaine d’Incirlik, en Turquie, où les avions de la coalition menée par les USA et de la Turquie sont basés.”

Par ailleurs, MSF reconnaît ne pas avoir transmis les coordonnées de l'hôpital de Ma'arat Al Numan à la Russie ou à la Syrie, par crainte pour sa sécurité. “Le personnel de l'hôpital et son directeur ne savaient pas s'ils seraient mieux protégés en fournissant leurs coordonnées GPS ou pas”, a expliqué Isabelle Defourny, directrice des opérations de MSF France, pour qui le bombardement vient “probablement des Russes”. Une erreur ? Coordonnées communiquées ou non, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a répondu en niant catégoriquement un possible bombardement russe.
Quoi qu’il en soit, la question du délabrement actuel du droit humanitaire tient-elle à  l’identité de l'attaquant de Maarat Al-Numan ou plus largement, d’une part au mépris des lois affiché par les différents belligérants et d’autre part, au cynisme des instrumentalisations politiciennes des violations du droit international ?

En attendant les conclusions de la possible enquête future sur Maarat Al-Numan qu’elle s'époumone à réclamer et dont les précédents indiquent qu’elle restera probablement bloquée au stade des intentions, la présidente internationale de MSF Joanne Liu a publié une déclaration amère selon laquelle, “Aujourd’hui, en Syrie, l’anormal est désormais la norme. L’inacceptable est accepté.(…) En Syrie, le système de santé, dans le viseur des bombes et des missiles, s'est effondré.(…) Aujourd'hui, la Syrie est une machine à tuer. Nous sommes des témoins d'un échec collectif et global.”

Ce qui nous laisse face à une seule question : à quoi sert l’ONU ?

Corinne Roussel pour www.les-crises.fr

Droit international : Bombarder un hôpital est-il un crime de guerre ? Par Corinne Roussel

Droit international : Bombarder un hôpital est-il un crime de guerre ? Par Corinne Roussel

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Hôpital de Maarat Al-Numan, Syrie. Avant-après.

“Le bombardement d’un hôpital est un “accident” trop fréquent.
C’est également un crime de guerre.” – Bernard Kouchner sur Kunduz, The Guardian, octobre 2015.

Dans une réaction officielle au bombardement délibéré de l’hôpital de MSF de Ma’arrat al-Numan, le 15 février dernier en Syrie, le nouveau ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault condamnait “avec la plus grande fermeté” les attaques “délibérées” contre les structures de santé de Syrie “par le régime ou ses soutiens” et les qualifiait de “constitutives de crimes de guerre”.

Même si le pays d’origine du bombardier responsable de l’attaque reste encore à établir, au regard des Conventions de Genève, la déclaration d’Ayrault est parfaitement factuelle : les bombardements intentionnels d’hôpitaux sont en effet interdits par les lois humanitaires internationales et ce, quelle que soit l’identité des belligérants. Il n’y a pas d’exceptions – du moins en théorie. En pratique, tout dépend.

Au Yémen, l'hôpital de MSF Shiara attaqué

Le 10 janvier 2016, une structure de soins soutenue par MSF à Razeh, l’hôpital Shiara, était frappée par un projectile, avec un bilan de cinq morts et dix blessés. Selon MSF, qui a déclaré ignorer l’origine de l’attaque – une de plus dans une série de structures de santé de MSF prises pour cibles au Yémen – les coordonnées GPS de l’hôpital avaient pourtant été transmises à toutes les forces en présence. De plus, l’ONG maintenait un dialogue constant avec les belligérants pour s’assurer de leur compréhension de la sévérité de la situation humanitaire sur le terrain et de l’obligation légale de respect des lieux de soins. Selon les propos de la directrice d’opérations Raquel Ayora rapportés par CNN, “Il est impossible que ceux qui ont la capacité de mener des frappes aériennes ou de lancer des missiles n’aient pas su que l’hôpital Shiara était un structure de santé fonctionnelle, soutenue par MSF et qui fournissait des services critiques”.

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Hôpital Shiara, Yémen.

En réaction à l’attaque, la diplomatie française a publié un communiqué prudent :

“La France condamne l'attaque du 10 janvier 2015 qui a touché le centre médical géré par l'ONG Médecins sans Frontières à Razeh et fait quatre morts et dix blessés. Nous rappelons l'obligation pour toutes les parties de respecter le droit international humanitaire, conformément aux conventions de Genève et ainsi que l'a réaffirmé le conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 2216. La France appelle au rétablissement du cessez-le-feu et invite toutes les parties à la reprise du dialogue interyéménite.” (Diplomatie Française)

Pour mémoire, reprenons les termes exacts du communiqué de Jean-Marc Ayrault sur l’attaque de Ma’arrat al-Numan en Syrie :

“Je condamne avec la plus grande fermeté le nouveau bombardement délibéré visant un hôpital soutenu par Médecins Sans Frontières dans le nord de la Syrie. Six patients et un employé de l'hôpital ont trouvé la mort au cours de deux attaques distinctes sur la même cible. Huit membres du personnel sont toujours portés disparus et l'organisation fait état de dizaines de blessés. Les attaques contre les structures de santé en Syrie par le régime ou ses soutiens sont inacceptables et doivent cesser immédiatement. Elles sont constitutives de crimes de guerre. Il est indispensable que toutes les parties s'attèlent à la mise en œuvre sans délai des dispositions de la résolution 2254 du conseil de sécurité des Nations unies et, en particulier, garantissent la livraison de l'assistance humanitaire à toutes les zones assiégées ou difficiles d'accès. Il est plus qu'urgent de mettre en œuvre les engagements de cessation des hostilités pris à Munich par le groupe international de soutien pour la Syrie.”
(Diplomatie Française)

Pour revenir à l’attaque du 10 janvier contre l’hôpital yéménite Shiara, la réponse officielle américaine à cette énième agression illégale de structures hospitalières vitales a été encore plus réservée que celle de la France. Enfouies à la page 2 d’un rapport de sept pages d’USAID posté sur le site du Département d'État, sept lignes expédient, dans les termes les plus neutres, quatre attaques contre des dispensaires de MSF au Yémen, dont celle de l’hôpital Shiara, et la saisie probable par l’ONG de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, un organisme d’enquête indépendant instauré dans le cadre des Conventions de Genève et soutenu par l’ONU.

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Yémen toujours, l’hôpital Haydan de MSF bombardé par la coalition saoudienne

Le bombardement de l’hôpital Haydan de MSF par la coalition saoudienne (Arabie Saoudite, EAU, Bahreïn, Koweït, Jordanie, Soudan et Égypte, avec le soutien de la logistique et des renseignements militaires américains), le 26 octobre 2015, n’a pas rencontré beaucoup plus d’écho. Au cours des briefings officiels de presse des jours suivants l’attaque, le Département d'État s’est cantonné à un silence prudent, alors que l’Arabie Saoudite niait toute implication et que MSF l’accusait de mensonge. Le porte-parole du Département de la Défense américain, Edgar Vasquez, a néanmoins confié à Salon.com.

“Nous nous inquiétons beaucoup des rapports selon lesquels des frappes de la coalition ont touché une structure médicale de MSF. Nous appelons tous les membres de la coalition à mener une enquête sur cet incident et, s’il est confirmé, de remédier aux facteurs qui y ont mené, et même si nécessaire de mettre les responsables face à leur imputabilité.”

Depuis, en contradiction avec ses dénégations précédentes , l’Arabie saoudite a admis sa responsabilité dans le bombardement mais en a rejeté la faute sur MSF, qui n’aurait “pas fourni les bonnes coordonnées GPS”. Selon l’ONG française, l'hôpital était la seule structure à même de sauver des vies de la région. Il a été détruit à 99%.
En France, il n’y a eu aucune réaction du ministère des Affaires étrangères au bombardement de l'hôpital Haydan.

Kunduz et la question de CNN : Le bombardement d’un hôpital afghan par les USA constitue-t-il un crime de guerre ?

Pour MSF, c’est indubitablement d’une présomption de crime de guerre qu’il s’agit dans l’affaire du bombardement de l'hôpital de Kunduz par les USA. Dans un communiqué du 6 octobre 2015, Joanne Liu, présidente internationale de l’ONG, écrivait

“Cette attaque ne peut pas être balayée d'un revers de la main comme une simple erreur ou une conséquence inévitable de la guerre. Les déclarations du gouvernement afghan ont affirmé que les forces talibanes utilisaient l'hôpital pour faire feu sur les forces de la Coalition. Ces déclarations impliquent que les forces afghanes et américaines qui coopéraient ont décidé de raser un hôpital complètement fonctionnel, ce qui constitue l'aveu d'un crime de guerre” avant d’ajouter “Seule une enquête indépendante et transparente sur ce crime permettra de garantir dans le futur la protection des structures de santé et le respect de leur neutralité en zones de guerre.”

Le jour même de l’attaque, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein réclamait également une enquête “rapide, indépendante, complète et transparente” sur cet événement qu’il dénonçait comme “absolument tragique, inexcusable, et possiblement même criminel”.

Bien qu’encadrés par les guillemets d’usage dans les cas où la malveillance n’est pas prouvée, les mots “crime de guerre” brandis par MSF et les médias français, les exigences d’explications de l’ONG, la déclaration de Zeid Ra’ad Al Hussein et une demande d’enquête du ministère français des Affaires étrangères ont suscité des réactions américaines pour le moins fluctuantes : en l’espace de quatre jours, quatre versions différentes se sont succédées. Samedi, l’armée américaine disait ne pas être sûre d’avoir frappé l'hôpital, mais expliquait que des forces américaines s’étaient retrouvées sous le feu des Talibans. Dimanche, c’était une ligne de front du voisinage qui était visée et non l’hôpital, frappé par erreur. Lundi, les Afghans avaient requis des frappes américaines de soutien et mardi, c’étaient bien les Américains qui avait demandé les frappes sur requête afghane. Dans une cinquième version émise le jour de l’attaque, Sediq Sediqi, porte-parole du ministère de l’Intérieur afghan, expliquait aux caméras de presse

“Quinze terroristes se cachaient dans l’hôpital et ont tous été tués, mais nous avons aussi perdu des médecins”.

MSF a nié toute présence de terroristes dans l’hôpital et qualifié les propos de Sediqi “d’aveu de crime de guerre“.  Pour Christopher Stokes, directeur général de l’ONG,

Ces mots contredisent formellement les tentatives initiales du gouvernement américain de minimiser l’attaque comme “dommage collatéral”.

En conclusion, le général John Campbell, commandant de la mission américaine en Afghanistan, a présenté ses plus sincères condoléances sans toutefois s’excuser, le président Obama a appelé la direction de MSF pour présenter des excuses au nom des USA, le Pentagone a proposé une compensation financière aux familles des victimes, le Département d'État a écarté les demandes répétées d’une enquête indépendante de MSF et le Pentagone a promis une enquête interne.

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Hôpital de Kunduz, Afghanistan

Espérons que le bombardement de l’hôpital syrien de MSF de Ma’arrat al-Numan, perpétré “probablement par les Russes” selon la quasi-unanimité des médias français, verra aboutir la demande publique d’enquêtes indépendantes de la présidente internationale de MSF, Joanne Liu. La Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, qui n’a pas encore été saisie à ce stade, se déclare prête à fournir ses services en lien avec cette triste affaire.

Corinne Roussel pour www.les-crises.fr

[Vidéo] Paul Jorion : “Ce monde passe en mode cataclysmique”

[Vidéo] Paul Jorion : "Ce monde passe en mode cataclysmique"

Source : France Inter, Paul Jorion, 25-03-2016

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Anthropologue et économiste, célèbre pour avoir notamment anticipé la crise des subprimes en 2007, l’universitaire belge publie Le dernier qui s’en va éteint la lumière, essai sur l’extinction de l’humanité.

Partie 1/2

 

Partie 2/2


Source : France Inter, Paul Jorion, 25-03-2016