vendredi 18 mars 2016

Le ministre egyptien des Transports et l'Institut Schiller présentent le rapport sur la Nouvelle route de la soie

Le ministre egyptien des Transports et l'Institut Schiller présentent le rapport sur la Nouvelle route de la soie

Le 17 mars, un séminaire a été organisé au siège du ministère égyptien des Transports pour présenter à la presse une version en langue arabe du rapport spécial de l'Executive Intelligence Review (EIR) sur le projet de la Nouvelle route de la soie.
C'est le ministre égyptien des Transports, Saad El Geyoushi, en personne, qui a présidé l'évènement et qui a introduit Hussein Askary de l'Institut Schiller, un des auteurs du rapport.
Aussi bien lors de son propos introductif que lors de ses commentaires sur (...)

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Prélèvement de l’impôt sur le revenu : quand la source devient trouble, ce qui en sort l’est aussi...

Prélèvement de l'impôt sur le revenu : quand la source devient trouble, ce qui en sort l'est aussi...

Communiqué de Force ouvrière

À nouveau sans concerter, le gouvernement vient de préciser comment il compte transformer le recouvrement de l'impôt sur le revenu en obligeant à l'acquitter dès la perception des salaires.

Force Ouvrière rappelle son opposition au prélèvement à la source. Celui-ci contribuerait à la dissolution du principe d'égalité devant l'impôt : ce système ne concernera que les seuls salariés et retraités, sans toucher les autres catégories pour lesquels le prélèvement directement à la source est impossible.

En parallèle à un assèchement accru des moyens de l'administration fiscale, cette dernière devra faire face à des charges supplémentaires : suivi des contribuables et des tiers payeurs, multiplication des phases de recouvrement et contrôles plus difficiles.

Transférant la charge de la perception des impôts aux entreprises, les soi-disant économies réalisées sur le dos de l'administration par suppression d'effectifs engendreront de nombreuses dépenses de compensations envers les entreprises (exonérations sociales ou fiscales supplémentaires, délais pour reverser les sommes collectées, etc.).

Mais surtout des informations personnelles et familiales du salarié risquent d'être entre les mains des entreprises. Outre l'atteinte au respect de la vie privée, ce serait accroître le lien de subordination des salariés envers leur employeur.

Au final, au lieu de développer le prélèvement mensuel, source de simplification et d'efficacité, cette vieille idée de prélever l'impôt à la source ne vise que des économies imaginaires de courtes vues, qu'à réduire toujours plus la progressivité de l'impôt au profit notamment des plus hauts revenus et à préparer la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, tout ce que FO dénonce et refuse.

Ce sera plus de complexités, d'inégalités, un rendement de l'impôt plus faible et des coûts supplémentaires. Lorsque la source devient trouble, ce qui en sort l'est aussi.


Source : Humanite.fr

Informations complémentaires :

  Crashdebug.fr : Cash Investigation - Le scandale de l'évasion fiscale Crashdebug.fr : Evasion fiscale : ces « 600 milliards qui manquent à la France »
Crashdebug.fr : Canal+ : comment France 3 a récupéré le documentaire censuré par Bolloré



 

Pourquoi les Occidentaux doivent faire de la Turquie un allié, par Jean-Sylvestre Mongrenier

Pourquoi les Occidentaux doivent faire de la Turquie un allié, par Jean-Sylvestre Mongrenier

Le collabo du jour…

Source : Challenges, Jean-Sylvestre Mongrenier, 18-02-2016

Pour le géopolitologue Jean-Sylvestre Mongrenier, les pays occidentaux doivent considérer la Turquie comme un véritable partenaire et allié.

Turquie Burhan Ozbilici/AP/SIPA

Turquie Burhan Ozbilici/AP/SIPA

L'offensive russo-chiite contre les groupes syriens opposés à Bachar Al-Assad et les bombardements d'Alep ont provoqué de nouvelles vagues de réfugiés qui se précipitent sur la frontière turco-syrienne. L'opération militaire en cours et l'éradication des forces tierces, entre le régime de Damas et l'« Etat islamique », pourraient mettre sur les routes des centaines de milliers de personnes. En regard des réalités humaines et géopolitiques, la virulence des critiques à l'encontre du gouvernement turc appelle une réflexion d'ensemble.

Voilà en effet un pays, qui accueille 2,6 millions de réfugiés syriens, accusé ne pas ouvrir immédiatement ses frontières aux malheureux fuyant les bombardements russes et la politique de la terre brûlée, inspiré par le précédent tchétchène. Simultanément, il lui est reproché de ne pas fixer ces populations sur place, afin de préserver l'Europe de nouvelles arrivées. De surcroît, les « aficionados » de Poutine et Assad remettent en cause le principe même d'une aide de l'Union européenne (UE), pour permettre à la Turquie de faire face à ce drame de grande ampleur, au risque de déstabiliser ce pays clef sur le plan géopolitique. Mais peut-être est-ce là l'effet recherché, sans claire conscience de toutes les conséquences pour l'Europe.

Une puissance de statu quo

Outre le fait qu'il est simultanément demandé à la Turquie d'ouvrir grand ses frontières à l'Orient et de les cadenasser à l'Occident, d'aucuns expliquent que la question kurde relève du fantasme géopolitique. Au prétexte que les Kurdes combattent l'« Etat islamique », mais aussi les groupes rebelles non djihadistes, les dirigeants turcs devraient abandonner toute préoccupation quant à l'intégrité territoriale de leur pays, objectivement menacée par les développements de la situation. Enfin, il leur faudrait fermer les yeux sur les violations répétées de leur espace aérien par l'aviation russe. A ces conditions seulement, la Turquie pourrait être considérée comme un bon allié de l'Occident. Autisme stratégique ou mauvaise foi patentée?

D'autres vont plus loin. Ils suggèrent que la politique « néo-ottomane » de Recep. T. Erdogan et l'interférence dans les affaires syriennes seraient à l'origine de la guerre en Syrie et du chaos qui menacent le Moyen-Orient dans son ensemble. Il faut ici rappeler que ce néo-ottomanisme, théorisé par Ahmet Davutoglu, aujourd'hui Premier ministre, ne recouvrait pas une politique étrangère bien définie. Il s'agissait d'une rhétorique liée à la poussée commerciale turque sur les marchés voisins, doublée de manœuvres dans les interstices du statu quo régional, pour y développer l'influence de la Turquie. N'y voyons donc pas un grand complot ourdi en collaboration avec les Etats du golfe Arabo-Persique et les Frères musulmans: tout comme l'Arabie Saoudite, la Turquie est au plan international une puissance conservatrice (un status quo power), bousculée par les effets du « Printemps arabe », qui réagit plus qu'elle n'agit.

Quant à la Syrie, c'est la répression sanglante du pouvoir qui décida la rupture du « partenariat stratégique » développé dans la seconde moitié des années 2000. Les dirigeants turcs et syriens multipliaient alors les rencontres et affirmaient vouloir conjuguer leurs efforts, afin de fonder un grand marché commun moyen-oriental possiblement élargi à l'Iran (les puissances occidentales s'en inquiétaient). Il aura fallu cinq mois de répression sanglante et de vains appels d'Erdogan à son « frère », Bachar Al-Assad, pour que le premier ministre turc prenne enfin  acte de la situation et se mette dans le sillage des puissances occidentales, elles-mêmes à la remorque des événements.

Obsédées par les erreurs commises en Irak, ces puissances se préoccupaient plus du « jour d'après » (voir la mise sur pied du Conseil national syrien, en septembre 2011) que de mettre en place d'une zone d'exclusion aérienne en avant des frontières turques, destinée à l'abri des réfugiés et des groupes rebelles. Sur le terrain, leur soutien aura été minimal et elles n'auront pas véritablement œuvré à la chute du tyran de Damas. Nous subissons aujourd'hui les conséquences des atermoiements des gouvernements occidentaux en général, de l'Administration Obama en particulier, l'actuel président des Etats-Unis abandonnant les conflits syro-irakiens à son successeur (si les développements de la situation lui en laissent la possibilité).

A rebours de ceux qui préconisent la liquidation des alliances occidentales dans la région, laissant place à un axe géopolitique russo-chiite dominant le Moyen-Orient, il nous faut insister sur l'importance de la Turquie comme alliée et partenaire de l'Occident. La chose est évidente dans le domaine de l'immigration et de la crise des réfugiés: les Européens ne pourront prétendre reprendre le contrôle des flux migratoires sans une forte coopération avec Ankara, et cela aura un coût financier. Le poujadisme n'est pas une option stratégique et le « chacun pour soi » conduit à l'impasse: lorsque les réfugiés arrivent à nos frontières, il est déjà trop tard pour réagir.

Un nécessaire soutien occidental

Au plan géopolitique, la Turquie est un pont énergétique avec le bassin de la Caspienne, et le « corridor méridional » (le réseau de gazoducs entre Europe et Azerbaïdjan) contribuera à la sécurité énergétique de l'Europe, en diversifiant les fournisseurs de gaz. Comparable à un « balcon nord » qui surplombe la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient, ce pays est aussi riverain de la mer Noire. Il fait face à la Russie de Poutine qui transforme la Crimée, qualifiée de « bastion méridional », en une plate-forme géostratégique utilisée afin de projeter forces et puissance dans le bassin pontico-méditerranéen (voir l'engagement militaire russe en Syrie).

Bref, la Turquie retrouve la fonction de flanc-garde qui était la sienne pendant la Guerre Froide – l'hostilité de Poutine à son encontre, décuplée depuis qu'un bombardier russe a été abattu par des F-16 turcs, le 24 novembre 2015, en témoigne -, et elle constitue un Etat-tampon, confronté aux ondes de choc en provenance du Moyen-Orient, une région menacée de déflagration générale. L'éventuelle faillite de l'Etat turc, au sens de Failed State, constituerait une catastrophe géopolitique pour l'Europe, dès lors privée d'« amortisseur » sur ses frontières sud-orientales. Les contempteurs de la Turquie en sont-ils conscients?

En conséquence, le soutien à la Turquie ne doit pas être compté. L'initiative germano-turque visant à déployer des navires de l'OTAN en mer Egée, pour lutter contre les passeurs, est heureuse ; plus encore le fait que les Alliés se soient accordés sur cette question (Bruxelles, le 11 février 2016). L'opération viendra compléter le « plan d'action commun » et le dispositif financier (un fonds de 3 milliards d'euros) négocié entre l'UE et Ankara, le 29 novembre 2015, qui reste à mettre en place.

A l'encontre des manœuvres russes visant à impressionner la Turquie, la présence militaire renforcée des Alliés sur le territoire turc, et dans ses eaux, devrait matérialiser les garanties de sécurité apportées par l'OTAN: il ne faudrait pas que Moscou s'y trompe et sous-estime la force de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. En revanche, le redémarrage des négociations sur l'adhésion de la Turquie à l'UE laisse circonspect. L'islamo-nationalisme de l'AKP et les atteintes à l'Etat de droit d'une part, la fragilité du Commonwealth paneuropéen et l'état d'esprit général de l'autre, rendent invraisemblable une telle perspective.

A l'évidence, la pratique des « ambiguïtés constructives » n'est plus de mise et les doubles discours sur la relation turco-européenne alimentent l'anti-européisme. Il nous faut donc sortir du « tout ou rien », et explorer la voie d'un partenariat géopolitique de haut niveau, fondé sur la claire conscience des intérêts mutuels. Au vrai, les Turcs eux-mêmes pensent-ils encore pouvoir entrer dans l'UE? Le veulent-ils seulement? La candidature d'Ankara est surtout utilisée comme un moyen de pression sur Bruxelles et les capitales européennes (à charge pour elles de résister).

Dans le présent contexte géopolitique, la logique de guerre froide qui est à l'œuvre dans l'Est européen (la « guerre hybride » en Ukraine, la situation en Moldavie et la pression russe sur les Baltes) s'étend au Moyen-Orient, et l'Occident doit pouvoir maintenir de solides points d'appui régionaux. Encore faut-il savoir prendre en compte les intérêts de ses alliés et faire preuve d'empathie stratégique. A défaut, on mettrait en péril les alliances et ouvrirait la voie à de dangereuses puissances révisionnistes, avec d'inévitables chocs en retour et de graves conséquences géopolitiques.

Par Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l'Institut Thomas Morev

 

Source : Challenges, Jean-Sylvestre Mongrenier, 18-02-2016

J’ai révélé la vérité sur le président Erdoğan et la Syrie. C’est pour cela qu’il m’a mis en prison, par Can Dündar

J'ai révélé la vérité sur le président Erdoğan et la Syrie. C'est pour cela qu'il m'a mis en prison, par Can Dündar

Source : The Guardian, le 28/12/2015

Le régime turc a non seulement fait entrer clandestinement des armes en Syrie, mais a utilisé l’excuse de la « sûreté d’État » pour emprisonner les journalistes qui l’ont rapporté.

Le President Erdogan

‘Le Président Recep Tayyip Erdoğan ne pouvait réfuter l’article ; au lieu de cela, il a donc choisi de censurer la publication et de menacer le journaliste responsable, qui n’était autre que moi.’ Photographe : Kayhan Ozer/AP

En Turquie, un débat aussi vieux que le gouvernement lui-même revient à l’ordre du jour. Cette fois, c’est le transfert secret d’armes par le gouvernement turc vers la Syrie qui a relancé le sujet.

Au début de l’année 2014, un camion considéré comme appartenant au service de renseignement turc (MIT) fut arrêté près de la frontière syrienne. La gendarmerie et les agents secrets qui contrôlaient le convoi dégainèrent leurs armes les uns contre les autres. Là, les deux factions rivales dans le contrôle de l’État se trouvèrent face à face. Le camion fut fouillé. Sous un camouflage de boîtes de médicaments, on trouva des armes et des munitions. Le camion fut retenu un moment, mais un passage sécurisé lui fut octroyé vers la Syrie, à la suite de l’intervention des autorités gouvernementales.

Le gouvernement a immédiatement limogé le procureur et les gendarmes qui ont intercepté le convoi, et les a arrêtés. Il fut déclaré que les camions contenaient de l’aide humanitaire. Cet événement, qui a alimenté les craintes que le gouvernement du président Recep Tayyip Erdoğan ne soit en train d’intervenir dans la guerre civile en Syrie, a rapidement été étouffé.

Malgré cela, en mai 2015, Cumhuriyet, le quotidien dont je suis rédacteur en chef, se procura les enregistrements de cet événement. On y voyait clairement que le camion était chargé d’armes. Ainsi était-il avéré que le service de renseignement faisait illégalement passer des armes à la guerre civile qui faisait rage dans un pays voisin. C’était une information très importante. On a alors publié des détails de l’opération, avec des photos, et on a mis la vidéo sur notre site.

Erdoğan était dans le pétrin. Il ne pouvait pas réfuter le reportage, alors il a choisi de censurer le journal et de menacer le journaliste responsable, c’est-à-dire moi. Dans une émission en direct sur une chaîne de télé d’État, il a dit : “La personne qui a écrit cet article le paiera cher ; je ne le laisserai pas s’en tirer impuni.” Il ajouta que l’enregistrement vidéo était un “secret d’État”, et le fait de le publier un “acte d’espionnage”. De surcroît, comme pour confirmer que ce n’était pas un secret d’État mais son secret à lui, il déposa une plainte en son nom au bureau du procureur.

La peine qu’il exigeait pour moi était la double perpétuité – pour “trahison” et pour “acquisition et publication d’information confidentielle, dans le but d’espionner”. Cela annonça l’arrestation de ceux d’entre nous qui avons conscience que les désirs du président de la République sont considérés comme des ordres par les juges de la cour criminelle. Aussi, le 26 novembre, j’ai été arrêté en même temps que Erdem Gül, le chef de notre bureau d’Ankara, qui avait publié le rapport de gendarmerie “Oui, les camions avaient des armes”. Dix jours à peine avant mon arrestation, j’avais reçu de Reporters Sans Frontières un prix de la liberté de la presse, pour Cumhuriyet.

A la suite de critiques sur les arrestations, de la part d’organisations de la presse et des droits de l’homme tant en Turquie qu’à l’étranger, le ministre de la Justice déclara que “la sécurité est un domaine sensible pour tout pays” et cita en exemples les cas de Julian Assange et d’Edward Snowden. L’ambassadeur des E-U en Turquie réagit en déclarant : “Nous pourchassons ceux qui ont divulgué une information, pas ceux qui l’ont publiée.”

Ce commentaire a constitué un nouveau coup pour le régime oppressif d’Erdoğan, qui a dégringolé dans le classement de la liberté de la presse. Il a aussi suscité des questions, qui avaient de temps à autres fait surface à l’occasion de nombreux scandales, de l’affaire Iran-Contra au Watergate, des “papiers du Pentagone” [7000 pages du document United States-Vietnam Relations, 1945-1967: A Study Prepared by the Department of Defense, révélées par Ellsberg, Chomsky, Zinn et Russo via le New-York Times en 1971, NdT] à l’affaire Clive Ponting [celui-ci révéla que le navire argentin “Belgrano” avait été coulé pendant la guerre des Malouines en mai 1982 alors même qu’il quittait la zone de combat, NdT]. Quand les besoins de sécurité d’un pays entrent en contradiction avec le droit du public à être informé, où est la priorité ? Est-ce qu’une menace pour la sécurité peut donner une bonne excuse aux tentatives gouvernementales de museler la presse ? Quand le tampon “Secret d’État” jette un voile sur les sales transactions des administrations, un journaliste n’a-t-il pas le devoir de les mettre au jour ? Qui doit déterminer quelles actions servent au mieux les intérêts de la société ?

En tant que journaliste détenu en isolement dans une prison d’Istanbul, accusé d'”espionnage”, j’ai tenté de trouver des réponses à ces questions. Je parviens à la conclusion qu’aucun tampon “Secret d’État”, et qu’aucun motif de “sécurité nationale” ne justifie un crime d’État. Aussi me défendrai-je en reprenant ces mots de Winston Churchill : “La loi sur les secrets officiels a été conçue pour protéger la Défense nationale… et ne devrait pas être utilisée pour protéger des ministres qui ont fortement intérêt à titre personnel à dissimuler la vérité.”

Source : The Guardian, le 28/12/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Jean-François Colosimo : « L’alliance de la Turquie avec Daech est objective »

Jean-François Colosimo : « L'alliance de la Turquie avec Daech est objective »

Source : Le Figarovox, Eleonore de Vulpillières, 25-01-2016

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Jean-François Colosimo a accordé un entretien-fleuve à FigaroVox au sujet du rôle géopolitique de la Turquie au Proche-Orient. Il déplore le double-jeu d’Erdoğan et la passivité de l’Europe.


Jean-François Colosimo est écrivain et essayiste. Président du Centre national du livre de 2010 à 2013, il dirige désormais les éditions du Cerf. Son dernier livre, Les Hommes en trop, la malédiction des chrétiens d’Orient, est paru en septembre 2014 aux éditions Fayard. Il a également publié chez Fayard Dieu est américain en 2006 et L’Apocalypse russe en 2008. 


LE FIGARO. – On a appris les bombardements d’un village chrétien de Sharanish au nord de l’Irak, dans le cadre des opérations anti-PKK. Juste après les attentats d’Istanbul, la Turquie avait lancé une campagne de frappes aériennes contre Da’ech en Irak et en Syrie. Quel est son ennemi prioritaire, Da’ech ou les minorités?

Jean-François COLOSIMO. – Une vague de bombes qui revêt valeur d’avertissement pour l’État islamique et de gage pour les États-Unis ne saurait épuiser la question du double jeu d’Ankara dans la nouvelle crise d’Orient. Le fait de se vouloir à la fois le champion de l’Otan et le passeur de Da’ech n’engage pas d’autre ennemi prioritaire que soi-même. La Turquie est en lutte contre la Turquie. Elle combat les spectres des massacres sur lesquels elle s’est édifiée. Que les minorités, chrétiennes ou autres, souffrent au passage, c’est leur sort. Car toute l’histoire moderne du pays se conjugue dans ce mouvement de balancier perpétuel entre adversité du dehors et adversité du dedans. Et au regard duquel les changements de régime ne comptent guère.

Comment s’est opéré le basculement d’une Turquie laïque vers l’intensification de l’emprise de l’islam sur toute la société? Quel est le sort des minorités ethniques et religieuses?

Afin de comprendre la Turquie d’aujourd’hui, il faut, comme il est d’habitude en Orient, s’établir sur le temps long. Plusieurs illusions de perspective menacent en effet une claire vision: qu’il y aurait une permanence en quelque sorte éternelle de la Turquie, qu’il y aurait lieu d’opposer la Turquie laïciste de Mustafa Kemal et la Turquie islamiste de Recep Erdoğan, que l’avenir de la Turquie serait nécessairement assuré.

La Turquie contemporaine est incompréhensible sans l’Empire ottoman, lequel est lui-même incompréhensible sans l’Empire byzantin qui l’a précédé: comment passe-t-on, à l’âge moderne, d’une mosaïque multi-ethnique et pluri-religieuse à des ensembles nationaux et étatiques cohérents? Or, la décomposition de l’Empire ottoman, entamé dans les années 1820 avec l’indépendance de la Grèce, n’en finit pas de finir. Depuis la chute du communisme, de Sarajevo à Bagdad, les récents incendies des Balkans et les présents incendies du Levant attestent de sa reprise, de sa poursuite et de son caractère, pour l’heure, inachevé.

L’ennemi extérieur a été battu. Reste à vaincre l’ennemi intérieur. Ou, plutôt, les ennemis, tant ils sont nombreux et tant la fabrique nationaliste ne fonctionne qu’en produisant, à côté du citoyen-modèle, son double démonisé.

Ce processus historique, déjà long de deux siècles, explique à la fois la naissance et l’agonie de la Turquie moderne. Deux événements relevant de la logique de la Terreur encadrent son surgissement: le premier génocide de l’histoire, commis en 1915 par le mouvement progressiste des Jeunes-Turcs, soit 1 600 000 Arméniens d’Asie mineure anéantis ; la première purification ethnique de l’histoire, entérinée par la Société des Nations en 1923, consécutive à la guerre de révolution nationale menée par Mustafa Kemal et se soldant par l’échange des populations d’Asie mineure, soit 1 500 000 Grecs expulsés du terreau traditionnel de l’hellénisme depuis deux mille cinq cents ans. Une dépopulation qui a été aussi bien, il faut le noter, une déchristianisation.

La déconstruction impériale que se proposait d’acter le Traité de Sèvres en 1920, en prévoyant entre autres une Grande Arménie et un Grand Kurdistan, laisse la place à la construction de la Grande Turquie, acquise par les armes, qu’endosse le Traité de Versailles en 1923. La Turquie naît ainsi d’un réflexe survivaliste. Elle doit perpétuer sa matrice, continuer à chasser ses ennemis pour exister, sans quoi elle risque de retomber dans la fiction et l’inexistence. L’ennemi extérieur a été battu. Reste à vaincre l’ennemi intérieur. Ou, plutôt, les ennemis, tant ils sont nombreux et tant la fabrique nationaliste ne fonctionne qu’en produisant, à côté du citoyen-modèle, son double démonisé.

Qui ont été les victimes de cette politique? 

Dès l’instauration de la République par Kemal, la modernisation et l’occidentalisation se traduisent par l’exclusion. C’est vrai des minorités religieuses non-musulmanes, ce qu’il reste de Grecs, Arméniens, Syriaques, Antiochiens, Juifs, Domnehs (ou Judéo-musulmans), Yézidis, etc. C’est vrai des minorités musulmanes hétérodoxes, Soufis, Alévis, Bektâchîs, etc. C’est vrai des minorités ethniques, Kurdes, Lazes, Zazas, etc. Toute différence est assimilée à une dissidence potentielle. Toute dissidence est assimilée à un acte d’antipatriotisme. Tout antipatriotisme doit être supprimé à la racine. Tout signe distinct de culte, de culture ou de conviction doit être dissous dans une identité unique, un peuple idéal et un citoyen uniforme.

Cette guerre intérieure, que conduit l’État contre ces peuples réels au nom d’un peuple imaginaire, parcourt le petit siècle d’existence de la Turquie moderne. De 1925 à 1938, elle est dirigée contre les Kurdes à coups de bombes, de gaz et de raids militaires. En 1942, elle prend un tour légal avec la discrimination fiscale des communautés «étrangères», dont les Juifs, et la déportation dans des camps de dix mille réfractaires. De 1945 à 1974, elle s’appuie sur les pogroms populaires, à l’impunité garantie, pour liquider les derniers grands quartiers grecs d’Istanbul et leurs dizaines de milliers d’habitants tandis qu’à partir de 1989, les institutions religieuses arméniennes se trouvent plus que jamais otages d’un chantage à la surenchère négationniste. Avec les putschs de 1960, 1971, 1980, la guerre devient celle de l’armée contre la démocratie. Hors des périodes de juntes, elle est le produit du derin devlet, de «l’État profond», alliance des services secrets, des groupes fascisants et des mafias criminelles qui orchestre répressions sanglantes des manifestations, éliminations physiques des opposants et attentats terroristes frappant les mouvements contestataires: ce qui aboutit par exemple, entre les années 1980 – 2010, à décapiter l’intelligentsia de l’activisme alévi. Mais la guerre classique peut aussi reprendre à tout moment: dite «totale», puis «légale» contre le PKK d’Abdullah Öcalan avec la mise sous état de siège du Sud-Est, le pays kurde, elle présente un bilan de 42 000 morts et 100 000 déplacés à l’intérieur des frontières en vingt ans, de 1984 à 2002.

La prise de pouvoir d’Erdoğan et de l’AKP va permette un retour de l’islam au sein de l’identité turque. Elle acte en fait une convergence sociologique qui a force d’évidence démographique, accrue par la volonté de revanche des milieux traditionnels marginalisés par le kémalisme, des classes laborieuses délaissées par les partis sécularisés, de la paysannerie menacée par la modernisation mais aussi, dans un premier temps, des minorités tentées de rompre la chape de plomb étatique. La réalité va cependant vite reprendre ses droits: le fondamentalisme sunnite devient la religion constitutive de la «turquité» comme, hier, l’intégrisme laïciste. La couleur de l’idéologie change, mais ni la fabrique, ni la méthode, ni le modèle. Les minorités, abusées, trahies, redeviennent les cibles d’une construction artificielle et imposée. Mais entretemps, à l’intérieur, la société est divisée puisqu’elle compte une avant-garde artistique et intellectuelle constituée. Et à l’extérieur, la stabilité intermittente issue du Traité de Lausanne cède devant les réalités oubliées du Traité de Sèvres.

La Turquie laïciste et militaire de la Guerre froide, intégrée au bloc occidental, n’est plus qu’un fantôme, servant de leurre à une ambition néo-ottomane.

Quelles sont les ambitions géopolitiques de la Turquie dans la région proche-orientale et caucasienne?

Parallèlement à son entreprise d’islamisation de la société, Erdoğan a voulu établir la Turquie comme puissance internationale conduisant une politique autonome d’influence. La Turquie laïciste et militaire de la Guerre froide, intégrée au bloc occidental, n’est plus qu’un fantôme, servant de leurre à une ambition néo-ottomane. La Turquie veut à nouveau dominer le monde musulman proche-oriental. Or les pays arabes du Levant ont précisément fondé leur indépendance sur le rejet du joug des Turcs-ottomans, considérés comme des intrus politiques et des usurpateurs religieux et les anciennes républiques musulmanes d’URSS restent dans l’orbe de Moscou. C’est la limite de l’exercice.

Erdoğan a néanmoins voulu jouer sur tous les tableaux: comme protecteur des entités ex-soviétiques turcophones en Asie centrale et sunnites au Caucase ; comme médiateur de la Palestine et de la Syrie au Machrek ; comme allié des populations islamisées d’Albanie, du Kosovo et de Bosnie en Europe ; et même comme défenseur des Ouïghours musulmans en Chine. Le signe le plus probant de sa rupture avec l’Occident étant de s’être posé en adversaire d’Israël, jusque-là l’allié d’Ankara, à l’occasion de ses sorties verbales à Davos ou des expéditions navales présentées comme humanitaires à destination de Gaza.

Le fil rouge? Que la Turquie, sortie de l’effondrement de l’Empire ottoman, déportée à l’Ouest par une laïcisation jugée contre-nature, redevienne la première puissance du monde musulman et sunnite.

Enfin, Erdoğan a su mener une guerre souterraine visant à soumettre les pouvoirs qui pouvaient lui résister : militaire, parlementaire, judiciaire, médiatique, et même religieux.

Comment comprendre l’emprise d’Erdogan et de l’AKP, un parti islamo-conservateur, sur un pays qui semblait avoir réalisé une entreprise d’européanisation et de laïcisation depuis un siècle?

La pointe fine de la société civile, souvent remarquable, issue des anciens milieux cosmopolites d’Istanbul-Constantinople ou d’Izmir-Smyrne, tournée vers l’Europe non pas comme modèle de technicité mais de culture, reste malheureusement inefficace dans l’ordre politique. De surcroît, maladie fréquente dans les pays musulmans de Méditerranée orientale, l’opposition démocratique est éclatée, les forces progressistes étant divisées, notamment à cause de la question des minorités. Enfin, Erdoğan a su mener une guerre souterraine visant à soumettre les pouvoirs qui pouvaient lui résister: militaire, parlementaire, judiciaire, médiatique, et même religieux. L’erreur et la honte de l’Europe sont d’avoir laissé se développer son emprise tyrannique.

Nous sommes face à un engrenage et une dérive autoritaire qui ne dit pas son nom.

Il faut rappeler l’affaire Ergenekon, du nom d’un réseau supposément composé de militants nationalistes sous la coupe d’officiers militaires et démantelé par le gouvernement islamiste. Entre 2008 et 2010, à la faveur d’une instruction et d’un procès fleuve, trois cents personnes ont été arrêtées, 194 inculpées, et les condamnations aussi nombreuses ont permis de mettre au pas l’armée et de discréditer l’idéologie républicaine. Il faut rappeler les dizaines et dizaines de journalistes virés sur ordre d’en-haut, emprisonnés pour offenses à la patrie, à l’islam, au chef de l’État. Il faut rappeler les poursuites judiciaires contre l’écrivain Orhan Pamuk qui avait osé évoquer le génocide des Arméniens, contre le pianiste Fazil Say qui avait osé se déclarer athée. Mais aussi la restauration du voile dans l’espace public sous prétexte de liberté de conscience, l’hypertaxation du raki et plus généralement de l’alcool sous prétexte de lutte contre l’alcoolisme, la multiplication des mosquées sous prétexte de la moralisation de la jeunesse, etc.

Dans le même temps, le mouvement protestataire né à Istanbul après qu’Erdogan a annoncé sa volonté de détruire le Parc Gezi de Taksim, ce bastion alévi, a récemment enflammé la Turquie. La résistance qui existe est ainsi populaire et parcourue par les survivances minoritaires.

Nous sommes face à un engrenage et une dérive autoritaire qui ne dit pas son nom. Au point que, alors qu’Erdoğan fustige «les nationalismes ethniques et religieux qui menacent la Turquie» (sic), bat le rappel de la pièce de théâtre qu’il avait écrite dans les années 1970 et dans laquelle il dénonçait le complot franc-maçon, juif et communiste, qu’il avance que les musulmans ont découvert l’Amérique avant Christophe Colomb ou que l’hitlérisme a été un facteur de modernisation, qu’il se fait construire un palais de mille pièces à Ankara, c’est son mentor spirituel, l’islamiste Fethullah Gülen, qui dénonce la mainmise et la corruption de l’AKP!

Or, signe des temps, les dernières élections ont vu pour la première fois des Turcs non- kurdes voter pour des candidats kurdes, en l’occurrence ceux du parti HDP mené par Selahattin Dermitaş. Cela montre que la société entend barrer la route à la révision constitutionnelle grâce à laquelle Erdoğan veut s’attribuer les pleins pouvoirs. C’est dans ce contexte qu’est survenue l’instrumentalisation des attentats attribués à Da’ech.

C’est l’État turc qui a déverrouillé l’État islamique en lui offrant un hinterland propice au transport des combattants, à l’approvisionnement en armes, au transfert de devises, au commerce du pétrole.

Quelle position la Turquie a-t-elle adopté à l’endroit de Da’ech?

Le sommet de la politique d’islamisation d’Erdoğan est le soutien implicite de la Turquie à Da’ech, par hostilité au régime d’Assad, aux courants progressistes arabes, et par une alliance objective sur le sunnisme fondamentaliste. La Turquie s’élève enfin contre l’essor de l’identité kurde en Turquie et, de ce point de vue, son alliance avec Da’ech est objective.

C’est l’État turc qui a déverrouillé l’État islamique en lui offrant un hinterland propice au transport des combattants, à l’approvisionnement en armes, au transfert de devises, au commerce du pétrole. C’est la société turque qui souffre de ce rapprochement insensé. C’est l’Europe qui s’entête à demeurer aveugle à cette connivence mortifère.

Pour quelle raison cette ambiguïté turque n’est-elle pas dénoncée par les pays qui luttent contre l’État islamique?

Parce que l’Europe impotente, sans diplomatie et sans armée a cédé au chantage d’Erdoğan sur l’endiguement supposé des réfugiés. Argent, reconnaissance, soutien, silence: Merkel et Hollande ont tout accordé à Erdoğan. Surtout, l’Union se plie au diktat de la politique ambivalente d’Obama qui privilégie l’axe sunnite, saoudien-qatari-turc, avec pour souci premier de ne pas sombrer l’Arabie saoudite dans le chaos.

Comment une Turquie entrée dans une phase d’islamisation à marche forcée peut-elle encore espérer intégrer une Union européenne laïque? Pour quelle raison l’UE, depuis 1986, continue-t-elle à fournir des fonds structurels à un État dont il est hautement improbable qu’il entre en son sein?

La Turquie, en raison de son héritage byzantin, partagé entre l’Ouest et l’Est, a depuis toujours manifesté une volonté d’association avec l’Occident. Sa tentative d’entrer dans l’UE était liée au fait qu’une Turquie laïciste et moderne voulait être un exemple d’européanisation. Or aujourd’hui s’est opéré un renversement d’alliance vers l’Orient, et de l’occidentalisation à l’islamisation.

Comment une Turquie entrée dans une phase d’islamisation à marche forcée peut-elle encore espérer intégrer une Union européenne laïque ?

L’entrée de la Turquie dans l’UE semblait cependant peu probable et le paraît encore moins aujourd’hui pour plusieurs raisons: géographiquement, l’Europe s’arrête au Bosphore. Historiquement, l’Europe s’est affirmée à Lépante et à Vienne en arrêtant les Ottomans. Politiquement, la Turquie deviendrait le pays à la fois le plus peuplé et le moins avancé, le plus religieux et le moins démocratique de l’Union. Militairement, elle en porterait les frontières sur des zones de guerre. Mais, surtout, culturellement, philosophiquement, l’État turc, non pas les intellectuels turcs, refuse cette épreuve typiquement européenne du retour critique sur soi et sur l’acceptation d’une mémoire partagée quant au passé, à commencer par le génocide des Arméniens. Mais l’arrimage de la Turquie à l’Europe, sous la forme de partenariat privilégié, doit demeurer un objectif. Il ne passe pas par une amélioration des cadres politiques ou économiques, mais par une libération des mentalités. Ce que veut empêcher Erdoğan.

L’affrontement russo-turc est-il en passe de se durcir?

Erdoğan a osé défier Poutine sans en avoir les moyens et pour complaire aux États-Unis. L’opposition là encore est ancienne, ancrée, pluriséculaire et constitue un invariant de la géopolitique des civilisations. Un des vieux rêves tsaristes était de conquérir l’Empire ottoman afin de restaurer Byzance dont la Russie est issue. En 1915, l’annexion de Constantinople-Istanbul et sa transformation en Tsargrad, nouvelle capitale d’un Empire chrétien d’Orient couvrant des mers froides aux mers chaudes était à l’ordre du jour. Ce conflit renaît aujourd’hui: on aura ainsi vu récemment les Turcs réclamer la Crimée, redevenue russe, comme «terre de leurs ancêtres». Ou le parlement turc débattre du retour de Sainte-Sophie, la plus grande basilique du monde jusqu’à la construction de Saint-Pierre de Rome, transformée en musée sous Atatürk, au statut de mosquée qui avait été le sien sous l’Empire ottoman, tandis que les députés de la Douma votaient une motion en faveur de sa réouverture au culte orthodoxe.

Moscou est déjà l’alliée d’Assad: il ne lui resterait qu’à appuyer les Kurdes, en profitant par exemple de leurs puissants relais communs en Israël, pour menacer profondément Ankara et embarrasser durablement Washington. Erdoğan a compris trop tardivement que, eu égard à la détermination de Poutine, il avait allumé un incendie.

La France de François Hollande a substitué à sa traditionnelle politique d’équilibre en Orient une politique hostile à l’Iran et à la Syrie, ignorante des Chiites et indifférente aux chrétiens. Ce n’est pas qu’une faute de Realpolitik, c’est une faute de l’intelligence et du cœur. Ou si l’on préfère, du devoir et de l’honneur.

Comment expliquer l’incohérence de la politique étrangère de la France au Proche-Orient? Le pouvoir a-t-il une compréhension des ressorts profonds qui animent les pays de cette région? 

Ces considérations historico-religieuses échappent totalement au gouvernement français et à l’Union européenne. La France fait preuve d’un manque de compréhension flagrant des ressorts profonds de ce qui se passe au Proche-Orient. Cette incompréhension n’est jamais qu’un signe de plus de l’erreur politique et morale qu’a été le choix d’abandonner le Liban qu’avait été celui de François Mitterrand. François Hollande, encore moins avisé, professe pour des raisons gribouilles de dépendance économique, une politique d’inféodation envers les pays théoriciens et fournisseurs de l’islamisme arabe qu’il était prêt à intituler pompeusement «la politique sunnite de la France» si quelques vieux pontes du Quai d’Orsay doués de mémoire ne l’en avaient pas dissuadé.

La France de François Hollande a substitué à sa traditionnelle politique d’équilibre en Orient une politique hostile à l’Iran et à la Syrie, ignorante des Chiites et indifférente aux chrétiens. Ce n’est pas qu’une faute de Realpolitik, c’est une faute de l’intelligence et du cœur. Ou si l’on préfère, du devoir et de l’honneur.

Quant à la Turquie proprement dite, au sein de cette «politique sunnite» que dirige Washington, c’est Berlin, liée de manière décisive à Ankara par la finance, l’industrie, l’immigration, qui décide pour Paris.

Mais cet aveuglement de la gauche au pouvoir est-il si surprenant? Ce furent les socialistes d’alors, leurs ancêtres en quelque sorte, qui entre 1920 et 1923 encouragèrent les Grecs à reconquérir les rivages du Bosphore et de l’Égée avant de les trahir au profit de Mustafa Kemal, arguant qu’il fallait l’armer car son progressisme avait l’avantage sur le terrain et représentait l’avenir absolu. Et quitte à faire retomber une nouvelle fois Byzance dans l’oubli! Quel aveuglement sur la force du théologique en politique… Rien de bien neuf sur le fond, donc. Mais les massacres qui se préparent en Orient creuseront de nouveaux charniers qui, pour l’histoire, changeront cette ignorance passive en cynisme délibéré.

Source : Le Figarovox, Eleonore de Vulpillières, 25-01-2016

Selon un ministre israélien, l’ÉI “a bénéficié de l’argent turc en échange de pétrole”

Selon un ministre israélien, l'ÉI "a bénéficié de l'argent turc en échange de pétrole"

Source : Reuters, le 26/01/2016

ILe ministre de la Défense, Moshe Ya'alon, fait un signe de la main tandis qu'il s'adresse à une assemblée au cours d'un débat dont le thème était :

ILe ministre de la Défense, Moshe Ya’alon, fait un signe de la main tandis qu’il s’adresse à une assemblée au cours d’un débat dont le thème était : “Un partenariat Israël-Inde au 21ème siècle ?” – New Delhi, 19 février 2015

REUTERS/ADNAN ABIDI

Le ministre de la Défense israélien a déclaré mardi que les militants de l’État Islamique avaient été financés avec de “l’argent turc”, une affirmation qui pourrait faire obstacle aux tentatives de réconciliation entre les deux pays après des années d’aliénation.

“Il incombe à la Turquie, au gouvernement turc, à la direction turque, de décider si c’est leur volonté d’intégrer une forme de coopération pour combattre le terrorisme. A cette heure, ce n’est pas le cas,” a déclaré Moshe Yaalon aux journalistes à Athènes.

“Comme vous le savez, cela fait très longtemps que Daech (l’État Islamique) profite de l’argent turc en échange de pétrole. J’espère que cela va prendre fin,” a encore dit aux journalistes Yaalon, un ancien chef des forces armées de droite, après sa rencontre avec son homologue grec, Panos Kammenos.

La Turquie a nié avoir autorisé la contrebande de pétrole par le groupe militant islamiste qui détient des portions de territoire en Syrie et en Irak. Les États-Unis ont rejeté le mois dernier les allégations russes selon lesquelles le gouvernement turc et la famille du président Tayyip Erdogan étaient de connivence avec l’État Islamique dans la contrebande du pétrole.
Cependant, Mark Toner, le porte-parole du Département d’État, a dit le mois dernier que l’ÉI vendait du pétrole à des intermédiaires qui à leur tour le passaient en contrebande par la frontière en Turquie.

Yaalon a également dit, d’après une transcription fournie par le ministère de la Défense grec, que la Turquie avait “autorisé les djihadistes à aller et venir d’Europe en Syrie et en Irak, dans le cadre du réseau terroriste de Daech, et j’espère que cela aussi va cesser.”

Les efforts d’Israël et de la Turquie pour normaliser leurs relations ont essuyé un revers ce mois-ci lorsque le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu a déclaré qu’il n’y avait pas eu d’accord sur les demandes de compensation d’Ankara pour la mort de 10 militants turcs à bord d’un bateau d’aide humanitaire en 2010 ni sur la fin du blocus de Gaza par Israël.

De hauts responsables israéliens et turcs se sont rencontrés en décembre pour tenter d’améliorer les relations entre les deux pays, donnant l’espoir de voir des progrès dans les négociations pour l’importation de gaz naturel israélien, surtout maintenant que les relations de la Turquie avec la Russie ont empiré dans le contexte du conflit syrien.

(Rédigé par Michele Kambas et Paul Taylor ; édité par Gareth Jones)

Source : Reuters, le 26/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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