mardi 15 mars 2016

Kesha Rogers à Houston : retrouvons l'esprit du programme Apollo !

Kesha Rogers à Houston : retrouvons l'esprit du programme Apollo !

L'ancienne candidate démocrate larouchiste au sénat américain, Kesha Rogers repart à l'offensive. Afin de sortir les Etats-Unis du marasme, elle plaide aujourd'hui pour la relance immédiate des grands programmes d'exploration spatiale de la NASA. C'est une mission vaste et audacieuse et peut-être le seule antidote à l'effondrement sociétal et au désastre économique qui frappent les États-Unis, précise Rogers.
Voici la transcription d'une brève introduction prononcée devant le Johnson Space Center de (...)

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Le millet serait le chainon manquant de la transition entre les chasseurs-cueilleurs et les fermiers

Le millet serait le chainon manquant de la transition entre les chasseurs-cueilleurs et les fermiers


Une nouvelle étude a montré qu'une céréale, connue de nos jours comme graine pour oiseaux, a été transportée à travers l'Eurasie par les anciens bergers et éleveurs. Ils ont ainsi jeté les bases, en combinaison avec les nouvelles cultures rencontrées, de l'agriculture diversifiée et de l'apparition des sociétés sédentaires.

La domestication des petites graines de céréales du millet dans le nord de la Chine il y a environ 10000 ans a créé la culture parfaite pour combler le fossé entre les cueilleurs-chasseurs nomades et les sociétés agricoles organisées dans l'Eurasie néolithique.

Cela pourrait aussi apporter des solutions à la sécurité alimentaire moderne, d'après cette nouvelle recherche.

Chercheurs sur le site néolithique de Mogou, ouest de la Chine, où les céréales de l'est et de l'ouest se sont rencontrées. Courtesy Martin Jones

Cette céréale oubliée aujourd'hui à l'ouest, si ce n'est pour donner aux oiseaux, était idéale pour les anciens bergers et éleveurs qui l'on transporté à travers l'Eurasie, et mélangé avec d'autres céréales comme le blé et l'orge.

Selon les archéologues, cela a donné naissance aux cultures diversifiées, ouvrant la voie à l'apparition des sociétés urbaines complexes.

Une équipe des Etats-Unis, d'Angleterre et de Chine a suivi la propagation du grain domestiqué depuis le nord de la Chine et la Mongolie Intérieure vers l'Europe à travers le "couloir vallonné" le long des contreforts d'Eurasie.

Le millet privilégie les terrains en pente, ne demande pas beaucoup d'eau et a une courte saison de croissance: il peut être récolté seulement 45 jours après avoir été semé, là où il faut compter 100 jours pour le riz. Cela a permis une forme de culture très mobile.

 Les tribus nomades ont pu combiner la culture du millet avec la chasse et la cueillette alors qu'ils voyageaient à travers le continent entre 2500 et 1600 avant JC.
Le millet a pu être mélangé avec d'autres céréales de ces populations émergentes afin de créer des cultures diversifiées, ce qui a rallongé les saisons de croissance et apporté à nos ancêtres la sécurité alimentaire.

 Agriculteur de millet à Chifeng en Mongolie Intérieure. Martin Jones

Le besoin de mélanger différentes céréales dans différentes lieux, et les ressources en eau nécessaires, dépendaient de contrats sociaux élaborés et de l'apparition de sociétés sédentaires, de communautés stratifiées et probablement de sociétés "urbaines" complexes.

Les chercheurs estiment que l'on doit apprendre de ces anciens fermiers lorsque l'on se penche sur l'alimentation des populations de nos jours, et le millet pourrait avoir un rôle à jouer dans la protection contre les mauvaises récoltes et famines modernes. "Le millet aujourd'hui est en déclin et attire peu l'attention des scientifiques, mais c'était l'une des céréales les plus expansives en termes géographiques. Nous avons pu suivre le millet loin dans l'histoire, depuis ses origines en Chine jusqu'à son expansion à travers l'Europe et l'Inde" dit le professeur Martin Jones du University of Cambridge's Department of Archaeology and Anthropology, "ces découvertes ont transformé notre compréhension de l'agriculture et des sociétés anciennes.  Il avait été supposé que l'agriculture antique s'était concentrée dans les vallées des rivières où l'accès en eau est abondant. Cependant, les restes de millet montrent que les premières cultures se sont plutôt concentrées sur les contreforts, traçant cette première voie vers l'ouest pour ces graines "exotiques" de l'est."

Les chercheurs ont réalisé des datations au radiocarbone et des analyses des isotopes sur des grains de millet carbonisés provenant de sites archéologiques à travers la Chine et la Mongolie Intérieure, ainsi que des analyses génétiques de variétés de millet moderne, pour révéler le processus de domestication qui a eu lieu pendant des milliers d'années dans le nord de la Chine et produit l'ancêtre de tout le millet blanc moderne (j'ai traduit "broomcorn millet" par "millet blanc" mais je n'en suis pas certain) dans le monde.

  Harriet Hunt faisant pousser du millet en branche dans les serres à Colworth Science Park. Courtesy Martin Jones

"Nous voyons que le millet du nord de la Chine se situait dans l'un des plus anciens centre de domestication de céréale, se produisant sur la même échelle de temps que la domestication du riz dans le sud de la Chine et du blé et de l'orge dans l'est de la Chine" explique Jones. "La domestication est extrêmement importante dans le développement de l'agriculture antique; les hommes ont sélectionné des plantes avec des grains qui ne tombent pas naturellement et qui peuvent être récoltés; ainsi sur plusieurs milliers d'années cela a créé des plantes dépendantes des fermiers pour leur reproduction" ajoute-t-il, "cela veut dire aussi que la constitution génétique de ces cultures a changé en réponse aux changements dans leur environnement; dans le cas du millet, nous pouvons voir que certains gènes ont été "éteints" lorsqu'ils furent emmené par les fermiers loin de leur lieu d'origine."

Alors que le réseau de fermiers, bergers et éleveurs s'intensifiait le long du couloir eurasien, ils ont partagé les céréales et les techniques de culture avec d'autres fermiers, et c'est là, explique Jones, qu'a émergé l'idée de cultures diversifiées. "Les premiers fermiers pionniers voulaient cultiver en amont afin d'avoir plus de contrôle sur leur ressources en eau et être moins dépendants des variations climatiques saisonnières ou des potentiels voisins en amont." ajoute-t-il. "Mais lorsque les céréales "exotiques" sont apparues en plus de celles de la région, alors on a commencé à avoir différentes céréales poussant dans différentes zones et à différentes périodes de l'année. C'est un énorme avantage en termes de consolidation des communautés contre de possibles mauvaises récoltes, et cela a permis d'étendre la saison de croissance pour produire pus de nourriture voire des surplus."

Cependant, cela a aussi introduit un besoin plus pressant de coopération, et les débuts des sociétés stratifiées. Avec des gens faisant pousser des céréales en amont et d'autres cultivant en aval, on a besoin d'un système de gestion de l'eau, et cela n'est pas possible, tout autant que la rotation saisonnière des céréales, sans un contrat social élaboré.

Vers la fin du second et premier millénaire avant JC, de grandes implantations humaines, soutenues par l'agriculture diversifiée, ont commencé à se développer. Les plus anciens exemples de texte, comme les tablettes d'argile sumériennes de Mésopotamie, et les os d'oracle de Chine, font allusion à l'agriculture diversifiée et aux rotations saisonnières.

  Martin Jones avec du millet dans le nord de la Chine. Courtesy Martin Jones

 Mais la signification du millet n'est pas une simple transformation de notre compréhension de notre passé préhistorique.
Jones estime que le millet, ainsi que d'autres céréales à petites graines, pourraient avoir un rôle à jouer pour assurer la sécurité alimentaire dans le futur. "L'objectif lorsque l'on se penche sur la sécurité alimentaire aujourd'hui sont les cultures à haut rendement comme le riz, le maïs et le blé qui fournissent 50% de la chaine alimentaire humaine. Cependant, ce ne sont que 3 types de céréales sur plus de 50 existantes, dont la majorité sont des céréales à petites graines ou "millets". Il pourrait être temps de se demander si les millets peuvent avoir un rôle à jouer comme réponse diversifiée à l'échec des cultures et à la famine" estime Jones, "nous avons besoin d'en savoir plus sur le millet et sur la façon dont il peut faire partie de la solution concernant la sécurité alimentaire globale; nous avons encore beaucoup à apprendre de nos prédécesseurs du néolithique".


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Dans son article du 7 mars, Ambrose Evans-Pritchard, le chroniqueur ultra-conservateur du quotidien anglais Daily Telegraph, un homme qui n'a jamais caché qu'il rend service aux services secrets de sa Majesté, affirme que la déstabilisation de la présidente brésilienne entre dans sa phase finale, et que l'objectif n'est pas la lutte contre la corruption, mais la guerre anglo-américaine pour briser le groupe des BRICS.
Sous le titre « La chute de Lula marque la fin du fantasme des BRICS », (...)

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Sondage : la majorité des Français souhaite un référendum sur la sortie de la France de l’UE [pétition]

Sondage : la majorité des Français souhaite un référendum sur la sortie de la France de l'UE [pétition]

Comme quoi, malgré le diktat de la pensée unique, les gens ont bien compris le piège dans lequel nous sommes, signez la pétition ! 

 

La majorité des Français souhaite un référendum sur la sortie de la France de l'UE. Et ils voteraient alors majoritairement pour la sortie de l'Union Européenne. C'est ce qu'indique un sondage réalisé par l'université d'Edimbourg et le cercle de réflexion allemand D/part dans six pays européens dont la France (France, Allemagne, Espagne, Pologne, Irlande).

Et si ce référendum avait lieu, 62% des Français sont pour sortir de l'UE parmi ceux qui ont une opinion pour ou contre ce référendum.

Pour un référendum sur la sortie de la France de l'UE, une campagne de pétition : pour faire entendre votre voix, pour que ce soit le peuple qui décide !

Afin de permettre à cette majorité de Français de se mobiliser et de se faire entendre, dès l'automne 2015, une campagne de pétition pour un référendum sur l'UE et l'euro a été lancée (signature en ligne cliquez ici), sur proposition du PRCF, et à l'appel d'un large rassemblement de personnalités réunissant des militants communistes, des gaullistes républicains, des syndicalistes, des intellectuels, mais aussi de simples citoyens. Une campagne menée au plus près des Français, sur les marchés, à la sortie des entreprises, en porte à porte, mais également via Internet et les réseaux sociaux.

Et tous les militants qui font signer cette pétition sur le terrain le disent, confirmant les chiffres du sondage, les Français signent très facilement. Tel José, militant du PRCF dans le Nord de la France :

« En deux heures de porte à porte, dans ma cité HLM, où nous avons recueilli un excellent accueil, sur les 46 personnes avec qui j'ai pu discuter, 40 ont signé la pétition pour exiger un référendum pour la sortie de l'UE et de l'Euro. »

Ou encore ce syndicaliste ouvrier à Grenoble :

« Sur mon marché – très populaire et largement fréquenté par des travailleurs de toutes origines – à côté de chez mois, avec les copains, on a recueilli 26 signatures. Et pourtant il faisait un froid de canard. Et tous ils nous expliquaient pourquoi ils veulent un référendum, pourquoi ils veulent sortir de l'UE et de l'euro pour rétablir la démocratie, pour sauver les conquêtes sociales, l'industrie et faire reculer le chômage… La plupart m'ont dit qu'ils ne votent plus. A quoi bon puisque c'est l'Europe et les marchés financiers qui décident. Mais là, ils veulent voter, ils veulent faire entendre leur voix, ils veulent décider eux-mêmes. Pendant ce temps, des militants du PS ou de LO voyaient leur tract leur rester sur les bras. »

Bref, pour peu qu'ils en aient l'occasion, oui, les Français le disent, ils veulent voter, ils veulent décider, et ils sont pour la sortie de l'UE et de l'euro, pour briser les chaînes de l'Union européenne !

Les chiffres : 53% des Français veulent un référendum sur la sortie de la France de l'UE

Après avoir remarqué qu'il est fort étonnant qu'aucun sondage de la sorte n'ait été réalisé par les instituts de sondages français – mais si c'était le cas, les chiffres seraient-ils publiés ? – analysons les résultats des réponses concernant la France.

Le premier enseignement de ce sondage c'est que les Français rejettent massivement l'Union européenne. Ils sont 55% à vouloir moins d'Union européenne, c'est-à-dire à réclamer le retour à la souveraineté nationale. Rien d'étonnant puisqu'en 2005 c'est à plus de 53% qu'ils se sont prononcés contre le Traité constitutionnel européen et que ces dix dernières années ont pu leur prouver qu'ils avaient raison de dire NON à l'Union européenne. 35% des Français veulent renforcer l'UE et les partisans de l'intégration totale sont très minoritaires (16%). Des chiffres cohérents avec les résultats des dernières élections européennes où l'UMP, le PS, l'UDI et EELV avait rassemblé 18% des inscrits. On observera par ailleurs que ceux qui veulent réduire le pouvoir de l'UE n'ont aucun moyen de se faire entendre sans sortir de l'UE : il faut l'unanimité des 28 pour modifier les traités ! Les traités ont organisé l'irréversibilité du verrouillage ultra libéral au service de la dictature capitaliste qui s'exerce contre les peuples d'Europe.

 
Comme le revendique le PRCF, et comme l'exige la campagne de pétition qu'il a initié avec un large rassemblement, une large majorité de Français souhaitent qu'un référendum pour que la sortie de l'UE soit organisé en France. Parmi ceux qui ont un avis sur la question, 65% exigent un référendum. 18% n'ont pas d'avis ou ne se sentent pas concernés par la question. Ce faible niveau de sans avis démontre que l'Union Européenne est un problème central pour les Français, contrastant avec les niveaux record d'abstention aux européennes et confirmant le fort contenu politique et militant de cette abstention.
 
       
 
Et si ce référendum avait lieu, leur réponse serait sans appel : 62% des Français voteraient pour la sortie de l'Union européenne parmi ceux qui ont un avis pour ou contre la tenue d'un référendum.  
 
 

Bien sûr, alors que ce débat sur la sortie de l'Union Européenne demeure totalement verrouillé aujourd'hui. Par une censure totale dans les grands médias. A l'image de la censure totale, intégrale et permanente qui frappe le PRCF et ses propositions, y compris au sein de la plupart des médias se revendiquant de la gauche de gauche qui ces dix dernières années n'auront jamais ouvert leurs colonnes aux PRCF ou leurs micros (*). Par la PME FN servant opportunément au reducto ad Le Pen de quiconque propose de sortir de l'UE ou de l'euro, et ce alors même que les Le PEN et le FN ne sont pas et n'ont jamais été pour la sortie de l'UE et de l'euro, se contentant de distiller une rhétorique eurocritique pour ratisser large dans l'opinion populaire.

Les chiffres de ce sondage démontrent une fois de plus que la voix, les propositions que portent le PRCF sont bien en totale résonance, en symbiose et en conformité avec les aspirations populaires les plus larges, majoritaires qui sont celles de la classe des travailleurs. A l'image de cette pétition pour un référendum pour la sortie de l'UE et de l'Euro, pour laquelle, avec les militants du PRCF et tout ceux qui bien au-delà sont déjà engagés dans la campagne pour la faire signer, pour donner la possibilité au peuple de se faire entendre, pour que ce soit le peuple, souverain, qui décide. Tout de suite et maintenant, chacun peut s'engager, se mobiliser pour cela. En signant cette pétition, en s'en emparant pour la diffuser, pour la faire connaître, pour la faire signer à ses proches, à ses amis, à ses collègues. Pour la relayer dans ses réseaux syndicaux, politiques, associatifs, pour rendre visible cette majorité de Français qui veut un référendum. Avec cette pétition, chacun peut agir, chacun a les moyens d'agir.

Signez et faites signer la pétition pour un référendum pour la sortie de l'UE et de l'euro

JBC pour www.initiative-communiste.fr

  • N'attendez pas qu'il soit trop tard, rejoignez les militants du PRCF : Adhérez !
  • Pour une information libre et engagée, soutenez Initiative Communiste : Abonnez-vous

Source : http://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/majorite-des-francais-souhaite-un-referendum-sur-la-sortie-de-la-france-de-lue/

Résultats détaillés du sondage :

 
 
  
 
  

(*) C'est un constat qui ne souffre aucune polémique que le PRCF, ses personnalités et ses intellectuels, sont manifestement interdits de cité du côté de l'Humanité, de Politis, du Monde Diplomatique, ou encore au micro de Là-Bas si j'y suis… La censure n'est donc pas que dans les grands médias du capital, et www.initiative-communiste.fr ne peut faire autrement que de le dire.

 

Source : Agoravox.fr

Informations complémentaires :

 

DiEM échouera, DiEM perdidi, par Frédéric Lordon

DiEM échouera, DiEM perdidi, par Frédéric Lordon

1515Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 16-02-2016

Carpe diem par Eco Dalla Luna

Carpe diem
par Eco Dalla Luna

 

n'en pas douter, le lipogramme est un exercice littéraire de haute voltige – en tout cas selon la lettre sacrifiée, puisque le lipogramme consiste précisément à tenter d'écrire un texte en renonçant totalement à l'usage d'une certaine lettre. Il fallait tout le talent de Perec pour affronter la mère de tous les lipogrammes en langue française, le lipogramme en « e ». Trois cents pages de livre, La Disparition – forcément… –, sans un seul « e » (Il suffira au lecteur de s'essayer à former une seule phrase qui satisfasse la contrainte pour prendre aussitôt la mesure de l'exploit). Fidèle à la tradition oulipienne, on pourrait généraliser l'exercice et demander de faire une phrase en interdisant certains mots ou groupes de mots (lipolexe ? liporème ? liposyntagme ?). Par exemple demander à Yves Calvi de faire une phrase sans « réforme », ou à Laurent Joffrin sans « moderne », Christophe Barbier sans « logiciel » (« la gauche doit changer de logiciel » – on notera au passage cet indice du désir constant de l'éditocratie que la gauche devienne de droite que jamais personne n'enjoint la droite de « changer de logiciel »), etc. Au grand silence qui s'abattrait alors sur l'espace public on mesurerait enfin le talent exceptionnel de Perec. La langue altereuropéiste elle aussi fait face à ses propres défis lipolexiques. Qu'il ne lui soit plus permis de dire « repli national » et la voilà à son tour mise en panne.

« Le repli national », l'impossible lipolexe de l'altereuropéisme

Sous un titre – « Démocratiser l'Europe pour faire gagner l'espoir » (1) – qui n'est pas sans faire penser au Robert Hue de « Bouge l'Europe » (ou bien à un reste de stage « Power point et communication événementielle »), Julien Bayou, après avoir parcouru réglementairement les évocations de notre « passé le plus sombre », nous met en garde contre « le repli national, même de gauche », et avertit que « la dynamique d'un repli sur des agendas purement nationaux » pourrait « accélérer la défiance entre Européens ». Dans une veine très semblable, Katja Kipping, co-présidente de Die Linke se dit « totalement opposée à l'idée d'un retour aux Etats nationaux » (2). Qui serait « un retour en arrière », pour ainsi dire un repli donc – national. Or, « en tant que gauche, nous devons avoir le regard tourné vers l'avenir » – oui, c'est un propos très fort. Au passage, on se demande quelles sont, à Die Linke, les relations de la co-présidente et du président, Oskar Lafontaine qui, lui, plaide franchement pour un retour au Système monétaire européen (SME), et ce faisant regarde à l'évidence dans la mauvaise direction. Moins de surprise à propos de Yanis Varoufakis, qui répète de longue date son hostilité à toute sortie de l'euro, à laquelle il donne la forme d'un refus de « l'affreux dilemme entre d'un côté notre système actuel en pleine déconfiture, et de l'autre le retour en force de l'idéologie de l'Etat-nation voulue par les nationalistes » (3).

Ce qui frappe le plus dans ces extraits presque parfaitement substituables n'est pas tant leur stéréotypie que la force d'inertie de leurs automatismes et leur radicale imperméabilité à tout ce qui se dit par ailleurs dans le débat de l'euro – et pourrait au moins les conduire à se préoccuper d'objecter aux objections. Mais rien de tout ça n'arrivera plus semble-t-il, en tout cas dans ce noyau dur de « l'autre Europe » qui se retrouve dans le mouvement DiEM (4) de Varoufakis. Tous les liens n'ont pourtant pas été rompus partout à ce point avec la réalité extérieure du débat, et il faut reconnaître avec honnêteté qu'à la suite de l'été grec, bon nombre de ceux qui tenaient la ligne altereuropéiste avec fermeté se sont sensiblement déplacés. Non pas que le débat soit tranché ni les convergences parfaites, mais au moins les exigences dialogiques élémentaires n'ont pas toutes succombé. Pas de ce genre d'embarras à DiEM, où l'automatique de la répétition a parfois des airs de canard à la tête tranchée courant droit devant soi – « repli national ».

Ça n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de dire des choses, et depuis un certain temps déjà. D'avoir fait remarquer par exemple la parfaite ineptie de l'argument « obsidional » qui fait équivaloir sortie de l'euro et retranchement du monde : 180 pays ayant une monnaie nationale, tous coupés du monde ? L'économie française jusqu'en 2002, coupée du monde ? Le Royaume-Uni, déjà hors de l'euro, peut-être bientôt hors de l'UE ? Tellement coupé du monde !

On reste plus perplexe encore du refus borné d'entendre quoi que ce soit des différentes propositions de reconfiguration de l'internationalisme, précisément faites pour montrer qu'il y a bien des manières d'en finir avec l'euro, et parmi elles certaines qui, parfaitement conscientes du péril des régressions nationalistes, travaillent précisément à le contrecarrer. Faut-il être idiot, bouché, ou autiste – on est bien désolé d'en venir à ce genre d'hypothèse, mais c'est qu'on n'en voit guère plus d'autres – pour continuer d'ânonner aussi mécaniquement « repli national » quand on explique qu'il est urgent de développer les liens de toutes les gauches européennes, mais sans attendre une impossible synchronisation des conjonctures politiques nationales, pour préparer celui qui sera en position à l'épreuve de force et à la sortie ? Faut-il être idiot, bouché ou autiste pour continuer de glapir au péril nationaliste quand on fait remarquer que les réalisations européennes les plus marquantes (Airbus, Ariane, CERN) se sont parfaitement passées de l'euro, que si l'intégration monétaire pose tant de difficultés, rien n'interdit – sauf l'obsession économiciste qui ne mesure le rapprochement entre les peuples que par la circulation des marchandises et des capitaux – de concevoir une Europe intensifiée autrement, par d'autres échanges : ceux des chercheurs, des artistes, des étudiants, des touristes, par l'enseignement croisé des littératures, des histoires nationales, par la production d'une histoire européenne, par le développement massif des traductions, etc. ? Mais à quoi sert de répéter tout ceci : dans l'ultime redoute de « l'autre euro » qu'est DiEM, on n'entend plus rien et on ne répond plus à rien – on court tout droit (comme le canard).

Europe démocratique ou Europe anti-austérité ?

Il y a sûrement bien des réserves à garder à l'endroit du plan B, pour l'heure plan de papier dont les volontés réelles sont toujours incertaines, mais dont au moins les intentions, et les créances, internationalistes, elles, sont peu contestables. Mais peu importe, pour lui comme pour les autres, et comme pour tout le monde, ce sera le même tarif : « repli national ». Il est à craindre pourtant que l'internationalisme-contre-le-repli-national soit mal parti s'il se donne pour seul critère l'euro authentiquement démocratisé. Pour toute une série de raisons qui ont été abondamment développées ailleurs (5), l'euro démocratique n'aura pas lieu, en tout cas pas dans son périmètre actuel. Car la démocratisation de l'euro est un processus self defeating comme disent les anglo-saxons : la possibilité croissante qu'il réussisse entraîne la probabilité croissante de la fracture de l'eurozone. Et sa dynamique de succès a donc pour terminus… son échec. On voudrait d'ailleurs, comme un argument a fortiori, poser deux questions simples à Yanis Varoufakis : 1) n'a-t-il pas fait partie de ces gens qui, dès 1992 et le Traité de Maastricht, ont immédiatement vu l'indépendance de la Banque centrale européenne comme une anomalie démocratique majeure (dont on ne se guérira pas par la simple publication des minutes ou quelque autre gadget de « transparence ») ? ; et 2) pourrait-il soutenir sans ciller que les Allemands seraient prêts à abandonner bientôt le statut d'indépendance de la banque centrale ? La question subsidiaire s'ensuit aussitôt qui demande par quel miracle, dans ces conditions, l'euro des dix-neuf pourrait devenir pleinement démocratique…

Mais Varoufakis a pris une telle habitude de se mouvoir dans un entrelacs de contradictions qu'on commence à s'interroger sur les finalités réelles de son mouvement DiEM. C'est qu'en réalité il y a deux « autre-Europe-possible », qu'on fait souvent subrepticement passer l'une dans l'autre, ou l'une pour l'autre : l'Europe anti-austéritaire et l'Europe démocratique. Qu'il puisse se constituer une force politique européenne pour obtenir, au cas par cas, quelques accommodements ponctuels, peut-être même une renégociation de dette (pour la Grèce par exemple), et pouvoir ensuite clamer avoir fait la preuve que l'Europe peut échapper à la fatalité austéritaire, la chose est peut-être bien possible. Et certainement serions-nous mieux avec ces rustines que sans. Mais il faut savoir ce qu'on veut, et savoir en tout cas qu'une Europe démocratique ne consiste pas en une brassée de points de dette en moins, et qu'une faveur de déficit primaire « mais n'y revenez plus » ne remplace pas le droit à délibérer de tout – la définition la plus robuste de la démocratie (et, en passant, de la souveraineté).

Dans ces conditions, il faut dire sans ambages que toute ambition d'une « Europe démocratique » en retrait de ce critère-là – délibérer de tout – a le caractère d'une tromperie. On vante souvent la logique raisonnable du compromis, celle qui, par exemple, pour garder l'Allemagne, et « parce qu'il faut accepter de ne pas tout avoir », concèderait la banque centrale indépendante, ou bien un TSCG « détendu », ou quelque autre chose encore – qui ne voit là la destination réelle de DiEM ? Mais c'est le genre de prévisible maquignonnage qui fait bon marché des principes – derrière lesquels usuellement on s'enveloppe avec grandiloquence, avant de tout céder en rase campagne. Or le principe démocratique ne se modère pas. Ou bien tout ce qui intéresse le destin collectif du corps politique, politiques monétaire et budgétaire comprises et en tous leurs aspects, est offert à la délibération, ou bien ça n'est pas la démocratie. Ne serait-il pas cependant envisageable de trouver un groupe de pays qui, quant à eux, se retrouveraient sur cette question de principe et comprendraient formellement la souveraineté de leur ensemble de la même manière que leurs souverainetés séparées, c'est-à-dire sans restriction de périmètre ? C'est bien possible après tout. Mais ce qui est certain, c'est que ce ne seront pas les dix-neuf actuels, et notamment pas l'Allemagne. Et que, sous cette configuration réduite, à plus forte raison sans l'Allemagne, l'euro d'aujourd'hui aurait vécu.

La stratégie de la désobéissance comme vérification expérimentale

Le secteur de l'altereuropéisme qui a conservé la tête au bout de son cou – il y en a un – semble bien conscient que l'épreuve de force, sous la forme, par exemple, de la désobéissance ouverte à laquelle il appelle désormais plutôt que d'envisager la sortie « brute » et unilatérale, a toute chance de déboucher sur une rupture – au moins, de la rupture, assume-t-il maintenant la possibilité, et c'est un progrès considérable.
Ce préalable qui demande que l'abcès soit ouvert et puis qu'on voie, au lieu de claquer immédiatement la porte, on peut l'accorder tout à fait. Pour ma part je ne l'ai jamais écarté. Mais c'est que, dans l'état où était alors le débat, on en était à seulement faire entendre la possibilité de la sortie. La chose faite et l'idée d'une stratégie de la tension acquise, c'est surtout qu'on peut déjà raconter la fin de l'histoire : ça rompra. Ça rompra, car l'euro démocratique, l'Allemagne n'en veut pas – et n'en voudra pas pour encore un moment. De son point de vue à elle d'ailleurs, il n'y a dans la constitution monétaire qui porte son empreinte aucune carence démocratique. Toutes les sociétés n'ont-elles pas leurs principes supérieurs, leurs points d'indiscutable en surplomb de tout ce qui reste offert à la discussion ? L'Allemagne a les siens, et ses principes supérieurs à elle sont monétaires. C'est ainsi et nul ne pourra lui en faire le reproche. S'il y a des reproches à adresser, ils doivent aller aux inconscients qui se sont toujours refusés à la moindre analyse, qui pensent que les rapports objectifs de compatibilité, ou plutôt d'incompatibilité, sont solubles dans le simple vouloir, qui n'ont jamais mesuré de quels risques il y allait de faire tenir ensemble à toute force des complexions hétérogènes au-delà d'un certain point – notamment quand la même question, monétaire, fait à ce degré l'objet de divergences quant à l'appréciation du caractère démocratique, ou non, de son organisation : terriblement problématique pour certains, aucunement pour d'autres. Est-ce ainsi, à l'aveugle et dans le refus de toute pensée, que DiEM entreprend de « démocratiser l'euro », avec le simple enthousiasme du volontarisme en remplacement de l'analyse ?

Cependant, que la fin de l'histoire soit connue n'empêche pas de se soumettre à une sorte de devoir d'en parcourir toutes les étapes – on évite simplement de se trouver pris de court au moment (anticipé) où les choses tourneront mal… On pourrait arguer à ce propos d'une sorte de pari, mais lucide et sans grand espoir, qui laisserait sa chance au miracle : s'il y a une probabilité même infinitésimale d'un dernier sursaut, ou bien d'une conversion inouïe de l'Allemagne, rendue au point d'avoir à choisir entre elle-même et l'Europe, alors il faut la jouer. La jouer pour s'être assuré de sa position en réalité, et ne pas l'avoir laissée qu'à une conjecture – et l'on peut consentir d'autant plus à cette sorte d'acquit de conscience expérimental qu'en l'occurrence l'affaire devrait être vite pliée…

Il entre aussi dans ce « devoir » la logique plus politique du partage public des responsabilités. Car la question démocratique sera posée à tous, et chacun sera sommé de répondre : si l'on appelle démocratie la prérogative souveraine de délibérer et de décider de tout, comment l'eurozone peut-elle justifier l'anomalie patente d'y avoir soustrait des choses aussi importantes que la politique budgétaire, le statut de la banque centrale, la nature de ses missions, les orientations de sa politique monétaire, etc. ? On verra bien alors qui répond quoi à cette question. C'est-à-dire qui est vraiment démocrate et qui ne l'est pas. À ce moment précis, ceux qui ne pratiquent pas la restriction mentale quant au périmètre de la démocratie seront entièrement légitimes à ne plus vouloir appartenir au même ensemble que ceux qui la pratiquent – puisque c'est bien là l'issue qu'on anticipe : il y aura d'irréductibles opposants à la déconstitutionnalisation des politiques économiques. Aussi, revêtus de leur plein droit à vivre sous une constitution entièrement démocratique, et d'ailleurs prévenus de longue date de cette issue, les démocrates réels pourront désigner les démocrates factices, rompre avec eux, et reprendre en main leur propre destin. L'euro sera mort, mais on saura par la faute de qui.

Mais DiEM ne veut rien voir de tout ceci. Par conséquent DiEM échouera. DiEM échouera parce que l'attente du miracle ne saurait remplacer l'analyse des complexions et des tendances réelles, c'est-à-dire, en l'occurrence, l'analyse de l'impossibilité du miracle. DiEM échouera… et en prime DiEM nous fera perdre dix années supplémentaires – puisque tel est bien l'horizon qu'il se donne à lui-même pour refaire « démocratiquement » les traités. Diem perdidi ? Si seulement : decennium perdidi oui ! Et comme toujours dans ces affaires, les dépenses temporelles sont faites aux frais des populations. On reste d'ailleurs rêveur qu'un ancien ministre grec puisse épouser avec une telle légèreté les perspectives grandioses de l'histoire longue quand son propre peuple, à toute extrémité, et dont il devrait pourtant connaître l'épuisement, ne tiendra plus très longtemps.

Pourtant, à supposer que cette douce négligence temporelle n'ait pas dans l'intervalle ouvert la voie à quelque monstrueuse alternative, DiEM, s'il échouera, n'aura pas fait qu'échouer. À part son intenable promesse, il aura produit autre chose : son mouvement même. Pour sûr, le mouvement échouera – c'est en tout cas la conjecture qu'on forme ici. Mais il restera, après l'échec, le mouvement lui-même. Un mouvement européen. Or, à qui considère avec un peu de conséquence que l'internationalisme réel consiste en le resserrement aussi étroit que possible des liens autres qu'économiques, monétaires et financiers entre les peuples européens, l'idée d'une initiative politique transversale européenne ne peut pas être accueillie autrement qu'avec joie, et ceci quel que soit son destin : elle est bonne par elle-même. DiEM échouera donc, mais pas tout à fait pour rien.

Post-scriptum : du désir collectif de bifurcation

Les illusions de DiEM mises à part, il se pourrait que le paysage de la question de l'euro à gauche soit en cours de clarification. Mais qu'en est-il au sein des populations mêmes ? Quand tout lui échappe, il reste toujours à l'éditocratie la planche de salut des sondages frauduleux. Elle en aura recueilli du monde cette planche-là, lors de l'été grec 2015 : « la population ne veut pas » – c'étaient les sondages qui l'assuraient. Mais les sondages n'assurent rien d'autre que leur propre ineptie quand ils posent à brûle-pourpoint une question à des personnes dépourvues du premier moyen, notamment temporel, d'y réfléchir, individuellement et surtout collectivement. Comme on sait les sondages de janvier 2005 donnaient le TCE gagnant haut la main – malheureusement pour eux, cinq mois plus tard, après un vrai débat… Si un sondage n'a de sens qu'après (et non avant) un débat collectif, force est de constater que, de débat sur la sortie de l'euro, il n'y en aura jamais eu d'ouvert en Grèce. D'abord parce que Tsipras n'en voulait à aucun prix, ensuite parce que la minorité de la Plateforme de gauche, qui était la plus désireuse de le porter, s'est tenue à une obligation de solidarité gouvernementale et de silence jusqu'au 13 juillet 2015 – et quand personne ne propose au pays l'ouverture d'un authentique débat politique, il reste… la bouillie des sondages.

Il est bien certain qu'en France, par exemple, où la situation est infiniment moins critique qu'en Grèce, les incitations à ouvrir le débat y sont encore plus faibles. C'est que les effets de la contrainte européenne, quoique très réels, n'y ont pas pris le caractère extrêmement spectaculaire qu'ils ont revêtu en Grèce ou au Portugal, et que dans ces conditions la question de l'euro reste une abstraction au trop faible pouvoir d'« embrayage ». Mais c'est au travail politique qu'il appartient de faire « ré-embrayer », c'est-à-dire de construire les problèmes, et en l'occurrence de rendre perceptibles, on pourrait presque dire sensibles, les abstractions lointaines, et pourtant opérantes, de la monnaie européenne.

En réalité, on le sait bien, l'obstacle principal à une proposition politique de sortie de l'euro est d'une autre nature : la peur. Et plus précisément la peur de l'inconnu. C'est un affect politique très général qui sert ici d'ultime rempart à la monnaie européenne, une asymétrie qui a toujours servi de soutènement à l'état des choses, et qui voit les peuples préférer un désastre connu à un espoir assorti d'inconnu, la servitude dont ils ont l'habitude à une libération risquée. La « catastrophe », voilà alors le destin systématiquement promis à ceux qui oseraient.

À DiEM, pas moins qu'ailleurs, on n'est pas feignant de l'évocation apocalyptique – « le cataclysme qu'entrainerait la sortie de l'euro », prophétise l'économiste Julien Bayou . Il n'est pas une année depuis le début de leur crise où l'on n'ait averti les Grecs du « désastre » qui les attendait si jamais leur venait l'idée de s'extraire. Mais au juste, comment pourrait-on nommer la situation où ils ont été rendus selon les règles européennes… sinon un désastre ? 25% d'effondrement du PIB, 25% de taux de chômage, plus de 50% chez les moins de 25 ans, délabrement sanitaire, misère, suicides, etc., est-ce que ce ne serait pas par hasard le portrait-type du désastre ?

La grande force de l'ordre en place, c'est qu'il tolère les désastres accomplis dans les règles, selon ses conventions

La grande force de l'ordre en place, c'est qu'il tolère les désastres accomplis dans les règles, selon ses conventions, et qu'en réalité le pire désastre n'y recevra jamais la qualification de désastre – celle-là on la réserve à toute expérience alternative et à la première difficulté qu'elle rencontrera. L'ordre en place peut avoir échoué pendant des décennies, on n'en réclamera pas moins de la politique qui rompt avec lui qu'elle réussisse dans le trimestre, sous le regard distordu des médias bien sûr, certificateurs asymétriques des « désastres ».

Alors oui, toutes les entreprises de transformation politique en général, celle de la sortie de l'euro en particulier, doivent compter avec ces effets, et d'abord avec la peur, la préférence pour le désastre connu. Aussi faut-il que le corps politique soit porté à un point de crise intolérable, pour qu'il consente enfin à révoquer ses habitudes et à envisager de nouveau des voies inédites. Ce point d'intolérable, c'est le point où même l'asymétrie est défaite, le point où le connu est devenu si haïssable que même l'inconnu lui est préféré. Où se situe ce point, nul ne le sait – sans doute très loin, à voir ce que le peuple grec a enduré sans l'avoir encore rencontré. La réduction de la distance qui nous en sépare pourtant n'est pas laissée qu'au travail des causes extérieures. Le travail politique a aussi pour effet de le déplacer, en faisant voir comme anormal ce que l'idéologie en place donne pour normal, comme… désastreux ce qu'elle donne pour habituel, comme contingent ce qu'elle donne pour naturel. Et surtout comme possible ce qu'elle donne pour impossible.

On n'a d'ailleurs jamais si belle attestation du mensonge de l'impossibilité que lorsque c'est l'ordre en place lui-même qui, pour se sauver de l'écroulement, révoque d'un coup ses propres partages allégués du faisable et de l'infaisable. Ainsi à l'automne 2008, où l'on ne compte plus les choses faites qui quelques mois à peine auparavant auraient été déclarées délirantes – procédures extraordinaires des banques centrales, nationalisations flash et massives, oubli soudain du droit européen des aides d'Etat, etc. Mais si tout peut de nouveau être envisagé quand il s'agit pour le système de se sauver lui-même, pourquoi tout ne pourrait-il pas l'être quand il s'agit de le congédier ?

Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 16-02-2016

Frédéric Lordon, l’intransigeant colérique, par Philippe Douroux

Frédéric Lordon, l'intransigeant colérique, par Philippe Douroux

Encore un “bel article” à charge de Libération…

Un vrai concentré “d’intelligence journalistique”

Amitiés à Frédéric, indispensable

Source : Libération, Philippe Douroux, 29-02-2016,

Lordon

Le philosophe et économiste souverainiste Frédéric Lordon pratique le coup de poing idéologique et prône un «soulèvement» contre les tenants du système. De quelle nature ? Nous n'aurons pas la réponse, puisqu'il refuse tout débat, sauf quand l'exposition médiatique lui semble suffisante.

S'engueuler tout de suite, sans attendre, avant que l'envie d'écouter l'autre ne vous prenne. A quoi bon écouter, à quoi bon discuter quand on sait que l'on a raison. Frédéric Lordon a raison et il pratique, très logiquement, le coup de poing idéologique, une forme de close-combat intellectuel dont le but est de rendre l'adversaire incapable de répliquer. Professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), polémiste vivifiant, il a le physique de son discours : sec, solide et musclé. Il aurait fait merveille dans les services d'ordre qui encadraient les 1er Mai de l'extrême gauche. Mais il est né trop tard, le 15 janvier 1962, pendant que se discutaient les accords d'Evian.

Pourquoi s'intéresser à Frédéric Lordon ? Parce qu'il représente, sans doute, la quintessence extrême, le plus petit échantillon de cette manière un peu rude et parfois violente de mener le débat. Emmanuel Todd a adopté une posture similaire : on assène les arguments qui deviennent indiscutables. Résultat : on est pour ou contre. Pas de lieu commun pour un débat.

Qui est Frédéric Lordon ? Disons-le tout de suite, il refuse de participer à tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un portrait. Il refuse, en outre, de répondre aux questions, aux invitations, aux sollicitations de Libération. Le journal de Jean-Paul Sartre a trahi la cause du peuple, alors on ne parlera pas au «chantre de la modernité néolibérale».Publiquement, il explique que Libération, c'est «le caniveau»responsable d'avoir donné la parole aux économistes et d'avoir introduit, dans le débat public, Patrick Artus, Daniel Cohen, Olivier Blanchard ou Thomas Piketty et d'autres qu'il traite de «crapules»devant un parterre acquis à sa cause. Ils sont 200, peut-être plus, réunis pour un forum économique à Aix-en-Provence.

Ce refus de s'adresser à un journaliste de Libération, par ailleurs complice et responsable des turpitudes du journal pour avoir été chef du service Economie, sous l'autorité de Serge July, oblige à repartir de zéro, c'est-à-dire de son curriculum vitæ. Sur le site des Economistes atterrés, le curriculum vitæ se réduit à sa plus simple expression : «DR», pour directeur de recherches, et «CNRS», pour la case employeur. Pas grand-chose de plus sur Internet. Il faut donc extraire le curriculum vitæ déposé auprès du CNRS pour suivre son parcours, qui commence avec un diplôme d'ingénieur civil de l'Ecole des ponts et chaussées, promotion 1985. Peut-être l'envie de manier le manche de pioche vient-elle de cette époque.

Ensuite, on le retrouve sur les bancs de l'Ecole des hautes études commerciales (HEC), pour un troisième cycle, à l'Institut supérieur des affaires (ISA). Nul n'est parfait. Un DEA et une thèse de doctorat soutenue à l'EHESS, en mars 1993, l'installent comme économiste et un rattachement à la section 35 du CNRS, en 2012, l'autorise à se présenter comme philosophe. Frédéric Lordon est donc économiste, philosophe mariant les deux disciplines avec intelligence dans, entre autres, son Essai d'anthropologie économique spinoziste (1).

Mauvais procès

Après, il faut écouter ce que dit Frédéric Lordon et reconnaître qu'il fait du bien à l'heure finissante du ni droite ni gauche, du «tout le monde a un peu raison». On peut lire la page courrier des lecteurs du Figaro ou lire Lordon pour retrouver son sens de l'orientation. Les uns et les autres fournissent des points d'appui pour s'extraire des sables mouvants.

Si la lecture de ses ouvrages rebute à force d'être difficile d'accès, il se débrouille parfaitement dans les médias. Et si Frédéric Lordon ne parle pas à Libération (2), ça ne l'empêche pas de débattre sur France 2 dans Ce soir (ou jamais !), l'émission de Frédéric Taddeï, avec Thomas Piketty, alors chroniqueur à Libé, et d'accepter l'invitation de Nicolas Demorand, ancien directeur de la rédaction du journal honni, pour répondre aux questions des auditeurs pour Le téléphone sonne, sur France Inter.

Que dit Frédéric Lordon ? Qu'il faut déconstruire une Europe qui n'a plus rien de démocratique, que l'austérité tue le malade, que l'euro est mort et qu'il faut revenir au franc, à la drachme ou à la peseta, et que la France doit retrouver sa souveraineté. Dit comme ça, caricaturalement, on peut se dire qu'il s'agit de propos de tribune sans grand intérêt, proches du Front national. Ce serait un mauvais procès. Il argumente et pose le problème. «L'Europe est-elle démocratique ?» lui demande Nicolas Demorand, sur l'antenne de France Inter. «La réponse est non, nous ne sommes pas en démocratie. […] Le caractère non démocratique de la construction européenne est inscrit dans ses traités. Les traités sont l'équivalent d'un texte constitutionnel qui devrait régir l'organisation du débat politique par des représentants interposés, sans présager du résultat de cette délibération parlementaire. Or, précisément, les traités européens préjugent de ce que doit être la politique monétaire, de la politique budgétaire et ils sont irréversibles […] alors que ces dispositions devraient tomber dans le périmètre de délibérations parlementaires.» Voilà posé ce que beaucoup appellent un «déficit de démocratie». Comment en sortir ? La réponse de Frédéric Lordon tombe comme un couperet : «Les chances de réformes sont nulles.» Là, on approche de la zone dangereuse, Frédéric Lordon devient punk : «No Future». Avec cette posture, on en vient logiquement à n'avoir que des ennemis, et on assiste à un émiettement consciencieux et quasi systématique de la gauche de la gauche.

Frédéric Lordon ne s'arrête pas là. Le Monde en général, Edwy Plenel et Laurent Mauduit, cofondateurs de Mediapart sont dans le même bateau des traîtres. En d'autres temps, on parlait des «sociaux traîtres.» A l'été 2012, alors que Frédéric Lordon vient de débattre avec courtoisie au côté de Laurent Mauduit, il sort les couteaux dans un forum du Monde diplo. Pour qualifier l'ancien journaliste de Libération et du Monde, il évoque l'acteur principal «de la conversion de la gauche, je veux dire de la fausse gauche, de la gauche de droite, je veux dire de la fraction modérée de la droite au social-libéralisme».Et contre ceux qui ont retourné leur veste, il prévient : «J'ai mauvais caractère, je ne pratique par le pardon des péchés et, en plus, j'ai des archives bien tenues.» Bref, pour ceux qui n'auraient pas compris, il revendique «la colère» comme mode d'expression.

«Unanimité médiatique»

L'analyse de Thomas Piketty, déçu par un Parti socialiste qui a oublié de réaliser la réforme fiscale capable de lutter contre l'approfondissement des inégalités, fait-elle avancer le débat ? Frédéric Lordon y va à la hache. Il reconnaît l'ampleur du travail mené par l'économiste, mais rejette l'ensemble avec un argument étrange. Tout le monde salue le Capital au XXIe siècle ; il est donc suspect. Dans le Monde diplomatique, en avril 2015, Frédéric Lordon se lance dans une critique sans nuances. Dès les premières lignes, il évoque une «tromperie inséparablement intellectuelle et politique, dont le plus sûr indice est donné, en creux, par une unanimité médiatique sans précédent». Il poursuit : «Il faudrait vraiment que le monde ait changé de base pour que Libération, l'Obs, le Monde, l'Expansion et aussi le New York Times, le Washington Post, etc. communient à ce degré de pâmoison.» Voilà l'ennemi : le reste du monde.

Il ne reste donc, en définitive, que le Monde diplo, qui héberge son blog, la Pompe à phynance, avec lequel il mène un compagnonnage un peu distant, ou les Economistes atterrés avec lesquels il cultive le dedans dehors. On pourrait appeler ça le syndrome de Spinoza. Baruch Spinoza que Frédéric Lordon a longuement fréquenté et préfère finir seul, enfermé avec sa bibliothèque, exclu par la communauté juive d'Amsterdam, plutôt que de renoncer à ses idées. Personne ne donnera tort à Spinoza, mais sa solitude ne fonde pas sa raison.

Violence symbolique

De toute manière, à quoi bon débattre, encore faudrait-il que l'échange d'idées lui-même ait un sens. Il n'en a pas : «L'incrustation institutionnelle est tellement profonde que l'on n'arrivera pas à s'en débarrasser avant une décennie.» Il évoque un «soulèvement». Il faut «leur faire peur», répète-t-il sans donner plus de contenu à cette intention. Au XIXe siècle, on parlait du nihilisme. Dans les années 70, en France, en Allemagne ou en Italie, cela s'appelait le terrorisme, ou la lutte armée. Frédéric Lordon s'arrête à la violence symbolique portée par des mots dont il ne dit pas qu'ils dépassent sa pensée. On s'interrogera plus tard sur la responsabilité de l'intellectuel si des petites mains passent à l'acte en reprenant les mots d'Aragon dans Front rouge : «Descendez les flics / Camarades / Descendez les flics[…]. Feu sur Léon Blum […]. Feu sur les ours savants de la social-démocratie.» Le poète admirateur de Staline écrivait cela au début des années 30, peu de temps avant que Moscou ne valide la stratégie d'union avec la SFIO au sein du Front populaire.

Quand il dit, publiquement, «il faut leur mettre les jetons» aux gens de la finance, quand il prône «le soulèvement», lui-même semble un peu embarrassé.

Un jour qu'il entre au cinéma, il se retrouve avec Baudouin Prot, alors patron de la BNP, il songe bien à en venir aux poings, se propose de lui raser le crâne, comme il le raconte lui-même dans un colloque organisé par le Monde diplomatique, mais, finalement, il va s'installer dans la salle. Il était visiblement très en colère ce soir-là.

(1) L'Intérêt souverain. Essai d'anthropologie économique spinoziste, coll. Armillaire, aux éditions La Découverte, 250 pp., 2006, réédition Poche, augmentée d'une préface inédite, 2011.

(2) Nous avons eu un échange de mails avec Frédéric Lordon qui se termine par une injonction : «Ce dont il ne saurait être question également, c'est que la moindre partie de notre présent échange perde son caractère strictement privé.» Un off épistolaire en quelque sorte qui place son interlocuteur dans une position intenable.

Philippe Douroux

Source : Libération, Philippe Douroux, 29-02-2016,

[Vidéo] Faut-il croire au réchauffement climatique ? — Science étonnante #20

[Vidéo] Faut-il croire au réchauffement climatique ? — Science étonnante #20

Source : Science étonnante, Youtube, 27-11-2015

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Vous y croyez, vous, au réchauffement climatique ? Vraiment ?
Oui, probablement. Enfin peut-être. En tout cas c’est ce qu’on nous dit. Mais vous êtes sûrs ?
Dans cette vidéo, on va se demander si physiquement parlant, il est raisonnable de croire à l’idée du réchauffement climatique induit par l’homme.

Source : Science étonnante, Youtube, 27-11-2015