La très discrète publication des aides à la presse au titre de l'année 2015
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C’est dans un silence médiatique quasiment total que, cette année, le ministère de la Culture et de la Communication a rendu publiques les aides à la presse écrite au titre de l’année 2015, le 3 octobre dernier.
Traditionnellement, les aides à la presse font les gorges chaudes des journalistes qui examinent avec attention le montant de subsides publiques dont leurs collègues et compétiteurs bénéficient.
Cette année, cependant, seuls La Croix et les sites spécialisés « Offremedia » et « CB News » ont rendu compte de ce petit événement – intervenu assez tard dans l’année, en octobre, contre juin l’année précédente –, et qui permet de mesurer l’extrême dépendance de la presse écrite au bon vouloir du gouvernement.
Si les médias de masse n’en ont pas parlé, c’est parce que le millésime 2015 des aides à la presse présente une différence remarquable avec celui des années précédentes, qui a de quoi faire rougir les journalistes attachés à la transparence et à la vérité.
- Que s’est-il donc passé ?
Depuis un décret de 2012, le montant et le détail des aides publiques aux médias de la presse écrite les plus subventionnés sont divulgués, titre par titre, et annuellement. Preuve éclatante de l’appointement de la presse par le pouvoir politique, cette publication est combattue, depuis qu’elle existe, par les médias écrits et par leurs actionnaires.
En 2016, les médias ont eu gain de cause, en obtenant du gouvernement que la majeure partie des aides au titre de l’année écoulée, 2015, soit tout simplement enlevée de la publication du détail des aides, titre par titre.
Ainsi, les subventions sous forme d’un tarif préférentiel octroyé aux journaux pour leurs expéditions par la Poste en contrepartie d’une aide de l’État – dite « aide postale », ne sont plus ventilées journal par journal. Le ministère de la Culture et de la Communication précise que cette décision a été prise pour « apaiser les débats ».
Or, l’aide postale a représenté 130M€ en 2015 (voir la note de présentation), soit 63% des 207M€ d’aides individuelles. Seuls 37% des aides individuelles (les 77M€ restant) sont désormais ventilés titre par titre, contre 100% des aides auparavant (voir l’exemple de 2014).
- Quelles conséquences ?
Ce constat emporte plusieurs conséquences :
1°) Il n’est plus possible de savoir réellement le niveau de subvention publique dont bénéficie un titre en particulier.
Pour prendre un exemple, en 2014, le journal Le Monde a bénéficié de 13,1M€ d’aide publique, dont 3,6M€ d’aide postale, soit une proportion très significative de 27% du total.
Rapporté au nombre de publications du Monde vendues sur l’année, l’aide publique représentait 14 centimes d’euro par journal, c’est-à-dire 12% du prix du journal, vendu 1,20 euros. C'est-à-dire que les subventions publiques ont représenté en proportion, en 2014, 12% du chiffre d'affaires du Monde issu de la seule vente des journaux. Beaucoup d’entreprises aimeraient avoir un modèle économique aussi confortable.
En 2015, il n’est plus possible de connaître l’aide postale du journal Le Monde, dont la subvention (hors l’aide postale donc) n’apparaît « plus que » de 5,4M€. Il n’est plus possible d’en déduire non plus quelle proportion du chiffre d’affaires, issu de la vente des journaux, l’aide publique représente.
2°) Certains journaux ont tout simplement disparu du classement du ministère de la Culture et de la Communication en 2015 par rapport à 2014 parce qu’ils ne bénéficiaient que de l’aide postale au titre de 2014.
C’est le cas de Valeurs actuelles (961K€ d’aide postale en 2014) ou du Canard enchaîné (414K€) qui ne sont plus présents dans le classement de 2015. Or, rien ne permet d’affirmer que ces titres ne bénéficieraient plus de l’aide postale attribuée par l’État.
3°) Enfin, la disparition de l’aide postale ventilée titre par titre laisse la porte ouverte à la manipulation et au mensonge.
En effet, une manœuvre pourrait voir le jour dont le principe consisterait à afficher une baisse des aides « publiées » (dites « aides individuelles ») d’une série de grands journaux pour faire croire au rétablissement de leur indépendance financière, alors que, dans le même temps, l’aide postale dont ils bénéficient augmenterait, mais sans que le public ne le sache puisque cette aide n’est désormais plus ventilée titre par titre.
- Conclusion : la publication des aides à la presse progressivement vidée de son sens et de son intérêt
Vantant aux Français à longueur d’articles depuis des décennies les vertus du libéralisme, de la concurrence libre et non faussée et de l’effacement de l’État, les médias de la presse écrite ont sorti leurs griffes pour défendre et dissimuler les privilèges et protections que le gouvernement leur accorde, non d’ailleurs sans arrières pensées, sur le dos des Français.
En empêchant d’identifier, en 2015, quel titre a bénéficié de quelle aide postale, qui représente l’écrasante majorité des aides, les médias ont réussi à vider de son sens et de son intérêt, en grande partie tout du moins, la publication annuelle des aides à la presse.
Comme pour les statistiques du chômage, le gouvernement a donc pris le parti de tronquer artificiellement les chiffres officiels des aides à la presse. La manipulation des statistiques officielles jusqu’à, parfois, la suspension de leur publication est un classique de toutes les dictatures qui, faute de pouvoir changer la réalité, s’efforcent de la dissimuler et de la travestir aux yeux du public.
Dans son programme présidentiel, François Asselineau prévoit de rétablir les conditions et les garanties qui permettront aux médias de la presse écrite d’aiguiser à nouveau le sens critique et l’intelligence des Français, au lieu de chercher à les égarer comme c’est le cas aujourd’hui, en se comportant comme de vulgaires organes de propagande.
Source : Agoravox.fr
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