Le Conseil national du numérique demande la suspension du « mégafichier des Français »
Le Conseil national du numérique (CNNum), organe consultatif, a demandé lundi la suspension de la constitution d'un mégafichier regroupant les données personnelles des Français pour les passeports et cartes d'identité. Ce fichier baptisé «Titres électroniques sécurisés» (TES), qui a fait l'objet d'un décret du gouvernement publié fin octobre, pourrait à terme «conserver les données biométriques de près de 60 millions de Français dans une base centralisée», met en garde le CNNum dans un communiqué.
Cette instance, qui a pour mission de formuler des recommandations sur les questions liées à l'impact du numérique sur la société et sur l'économie, appelle ainsi le gouvernement à «suspendre la mise en oeuvre de ce fichier». Déplorant «l'absence de toute concertation préalable à la publication de ce décret», elle l'invite aussi à ouvrir «une réflexion interministérielle» sur le sujet.
La sécrétaire d'Etat au Numérique monte au créneau
La secrétaire d'Etat au Numérique, Axelle Lemaire, déplore quant à elle un «dysfonctionnement majeur» dans la constitution en catimini de ce mégafichier. «Ce décret a été pris en douce par le ministre de l'Intérieur, un dimanche de la Toussaint, en pensant que ça passerait ni vu ni connu», révèle Axelle Lemaire dans le quotidien l'Opinion. «Je vais en parler au président, mais croyez-vous que je pèse, face au ministre de l'Intérieur, au garde des Sceaux et au Premier ministre ?», a ajouté la responsable qui, selon l'Opinion, n'a pas réussi à obtenir de rendez-vous place Beauvau pour exposer son point de vue.
La CNIL et le CNNum demandent une concertation
De son côté, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) prône également un débat parlementaire sur le nouveau fichier regroupant les données personnelles de quasiment tous les Français, qui soulève des craintes pour les libertés publiques. «C'est une affaire sérieuse, importante, qui touche tous les Français. Je crois nécessaire qu'il y ait une décision collective sur un sujet aussi sensible, non seulement par son contenu mais par son existence même», déclare Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL.
Selon le CNNum, ce fichier, qui suscite des inquiétudes, laisse «la porte ouverte à des dérives aussi probables qu'inacceptables» et est «propice aux détournements massifs de finalités». Il réunit dans une seule base les données (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales...) des détenteurs d'un passeport et d'une carte d'identité nationale.
De son côté, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a plaidé pour un débat parlementaire sur le nouveau fichier. Celui-ci ne comporte aucune fonctionnalité d'identification à partir de ses seules données biométriques, mais la CNIL redoute également l'évolution possible de l'utilisation d'un tel fichier et les risques de détournement de ses données.
« Une sorte de monstre »
Plusieurs voix se sont déjà élevées pour déplorer la création d'un «mégafichier de 60 millions de Français». Le sénateur socialiste Gaëtan Gorce, membre de la CNIL, a déploré que le gouvernement ait décidé de créer «une sorte de monstre» et le président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme, Michel Tubiana, a redouté un possible «hackage du fichier» par des pirates informatiques.
Interpellé mercredi à l'Assemblée par le député Lionel Tardy (Les Républicains) qui regrettait l'absence de débat au Parlement, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a assuré que toutes les garanties avaient été prises et a défendu une simplification administrative.
Source(s) : Leparisien.fr avec AFP
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