L'avenir incertain du CETA après la signature du traité, par Jean-Pierre Stroobants
Source : Le Monde, Jean-Pierre Stroobants, 30.10.2016
Officiellement signé dimanche, le traité de libre-échange entre l'UE et le Canada devra maintenant être ratifié par les Parlements nationaux et régionaux des pays de l'Union.
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen (avec les correspondants européens)
Marquée « pas de chance ». La signature officielle du CETA, le traité global de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, a dû être une fois encore retardée, dimanche 30 octobre, à la suite d'un incident technique survenu après le décollage de l'avion du premier ministre canadien, Justin Trudeau. L'appareil a dû rebrousser chemin pour être réparé. Et à son arrivée au Conseil européen, à Bruxelles, le dirigeant canadien a pu constater que l'euphorie n'était pas de mise : quelques centaines de manifestants avaient badigeonné de rouge la façade et le service d'ordre. Une dizaine de protestataires ont été appréhendés après avoir pénétré dans le sas de sécurité de l'immeuble.
C'est donc finalement sur le coup de 14 heures qu'a été entériné cet accord décrit comme « historique » par tous les participants au cours d'une réunion baptisée « sommet », davantage en raison de sa portée symbolique que de son contenu. Les chefs d'Etat européens étaient absents − ils avaient marqué leur accord par une procédure écrite à la fin de la semaine − et représentés par le président du Conseil, Donald Tusk.
L'opposition farouche de la Wallonie et de son ministre-président, Paul Magnette, avait entraîné un premier report de la réunion euro-canadienne, initialement prévue jeudi. Les institutions européennes voulaient dès lors faire absolument oublier au plus vite cet échec. D'où l'organisation très inhabituelle, un dimanche midi, de cette séance de signature, que rien ne justifiait vraiment. Hormis la volonté d'occuper, de part et d'autre, le terrain médiatique.
« Le libre-échange et la mondialisation protègent »
Lors de la conférence de presse qui a suivi la signature, M. Trudeau, M. Tusk et M. Juncker, le président de la Commission européenne, ont souligné tous les bienfaits présumés du CETA et de l'accord de « partenariat stratégique » qui lui est associé : fin des barrières douanières, relance des investissements, création d'emplois « de meilleure qualité », défense des services publics et de la protection de l'environnement, etc. « Je suis vexé qu'on ait pu penser que nous voulions sacrifier les droits des travailleurs », a ajouté M. Juncker.
Interrogés sur les oppositions à ce traité et à d'autres qui pourraient suivre − toute mention du TTIP, ou Tafta, qui pourrait unir un jour Américains et Européens a été évitée −, les trois dirigeants ont adopté un ton modéré. « Le libre-échange et la mondialisation protègent, mais peu de gens le comprennent et le croient, a déclaré M. Tusk. Il faut les convaincre. » « Je ne critique pas ceux qui ne cessent de nous critiquer. Mais ceux qui sont dans la rue doivent entendre et, si possible, écouter aussi. Nous n'avons rien cédé sur nos principales valeurs », a renchéri M. Juncker.
Concernant les vives réticences exprimées par la Wallonie, M. Trudeau a habilement botté en touche, ne répondant pas à l'affirmation selon laquelle le CETA pourrait être le « cheval de Troie » du TTIP. M. Tusk juge, lui, que le débat engendré par M. Magnette a même été « profitable », forçant à délivrer des « informations crédibles » aux citoyens.
M. Juncker en revanche s'est emporté. S'il s'est dit « reconnaissant » envers M. Magnette pour avoir remercié la Commission pour son rôle positif dans la négociation, il a concentré le tir sur le Centre démocrate humaniste, associé au pouvoir en Wallonie. Le président de celui-ci, Benoît Lutgen, avait dénoncé les menaces exercées sur les francophones belges et le comportement « délinquant » de la Commission. « Nous n'avons jamais menacé », a affirmé M. Juncker, qui a invité la Belgique à « réfléchir à son mode de fonctionnement institutionnel pour ce qui est les relations internationales ».
38 assemblées doivent se prononcer
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