Etats-Unis : pourquoi Donald Trump mise tout sur la finance dérégulée, par Romaric Godin
Source : La Tribune, Romaric Godin, 14/11/2016
En faisant de la dérégulation financière et de son complément les baisses d’impôts sa priorité, le nouveau président des Etats-Unis veut doper rapidement la croissance. Mais c’est un jeu risqué qui pourrait préparer la prochaine crise en oubliant de régler les questions essentielles des inégalités sociales et territoriales et de la baisse de la productivité.
Le président élu des Etats-Unis, Donald Trump, a donc désormais une priorité : la dérégulation bancaire. C’est du moins ce qu’il a affirmé vendredi 11 novembre dans un entretien au Wall Street Journal en évoquant des modifications substantielles à la loi Dodd-Frank, cette loi qui a établi des régulations en 2010 au secteur financier pour tirer les leçons de la crise de 2007-2008. Les valeurs bancaires ne s’y sont pas trompées et ont fortement progressé en Bourse depuis l’élection du milliardaire à la Maison Blanche le 8 novembre dernier.
Se réconcilier avec le parti Républicain
Il peut sembler pour le moins paradoxal que celui qui avait fustigé durant la campagne les liens entre Hillary Clinton et Wall Street devienne, à peine élu, le champion de la finance. Mais, en réalité, Donald Trump ne s’est jamais caché de vouloir en finir avec la régulation financière. En réalité, il n’a guère le choix. Elu du parti républicain, mais choisi de facto contre le parti républicain et sur un programme qui tranchait avec la majorité de ce parti, il va devoir construire dans les premiers mois de son mandat l’unité de ce parti afin de pouvoir compter sur la majorité du Congrès. Or, un des points essentiels de la paix avec le pouvoir législatif sera la question budgétaire. Si Donald Trump a pu, pour convaincre les populations fragilisées de la Rust Belt, tenir un message keynésien de relance, ce message ne reflète nullement le rapport de force au sein du parti républicain.
Un plan de relance très incertain
Donald Trump aura clairement du mal à financer par le déficit des dépenses publiques supplémentaires. Les seuls dérapages budgétaires que les Républicains accepteront seront ceux finançant les baisses d’impôts. Ce seront donc ces baisses d’impôts qui auront la priorité et, partant, les dépenses publiques seront nécessairement serrées. Le plan de relance des infrastructures de 1.000 milliards de dollars devra donc attendre. Le programme de Donald Trump ne s’en est jamais caché : ce programme doit être financé par les recettes supplémentaires récoltées par l’accélération des forages pétroliers et par la réduction fiscale accordée aux entreprises qui rapatrient leurs bénéfices aux Etats-Unis. Tout ceci incite à la prudence sur la réalité d’un tel plan qui, de surcroît, à l’image du fantomatique plan Juncker en Europe, doit s’appuyer sur l’investissement privé. Le plan de relance à la Trump promet donc d’être lent et pas forcément utile : dans ce type de plan, les investissements se concentrent sur les projets les plus rentables qui auraient pu être financées par l’argent privé.
Tout miser sur la croissance
L’impact sur la croissance de ce plan s’annonce donc faible, du moins en début de mandat. Or, Donald Trump a besoin de croissance pour remplir les caisses de l’Etat et asseoir son pouvoir sur le Congrès et dans l’opinion. Son modèle de ce point de vue doit être George Bush Junior, lui aussi élu en 2000 malgré une majorité relative de voix face à Al Gore, mais qui a gagné (dans le contexte très particulier néanmoins de l’après-11 septembre) une large popularité par la suite. Or, pour créer rapidement de la croissance, la formule utilisée pourrait être la même que dans les années 2000 : déréguler la finance. Donald Trump explique qu’en amendant la loi Dodd-Frank, il favorisera le crédit, notamment envers les plus fragiles. C’est exactement la logique qui a conduit à la crise des subprimes. Le crédit a été utilisé comme levier de croissance de substitution au creusement des inégalités.
Revenir à l’avant-crise
En baissant les impôts et en dérégulant la finance, Donald Trump espère revenir à l’avant-crise en termes de croissance. Les baisses d’impôts viendront alimenter encore les flux financiers et la spéculations et doper les bénéfices des banques.Son idée serait alors que les recettes issues de cette croissance portée par la finance viennent remplir les caisses de l’Etat fédéral pour financer le plan de relance des infrastructures. La logique est belle sur le papier et on comprend l’engouement des opérateurs boursiers qui rêvent tous d’un retour au printemps 2007, lorsque la bulle financière était à son apogée et qui correspond à leur âge d’or. Mais est-elle réaliste ? Rien n’est moins sûr. L’histoire montre que le développement tiré par le secteur financier ne réduit guère les inégalités, tant sociales que géographiques. Surtout, elle ne conduit guère à des investissements raisonnés, mais souvent au contraire à un sous-investissement dans le domaine productif. L’essor de la dérégulation financière dans les pays développés s’est accompagné d’un ralentissement de l’investissement et de la productivité.
La logique du parti Républicain plutôt que la régulation financière
Un protectionnisme possible en comptant sur la finance ?
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