dimanche 30 octobre 2016

Pourquoi les élections en Islande nous concernent aussi

Pourquoi les élections en Islande nous concernent aussi

Birgitta Jonsdottir

Si l'opposition menée par le Parti Pirate l'emporte aujourd'hui, l'Islande pourrait devenir la "Suisse des data", accueillir Snowden, et démontrer qu'il est possible de réformer une constitution de façon citoyenne.

D'accord l’Islande est un tout petit pays riquiqui. En termes de population, c’est  l’équivalent de la ville de Nice : 320.000 habitants. Pourtant, les élections qui se tiennent en Islande, ce samedi, sont lourdes d’enjeux, y compris pour nous. Car l’Islande joue souvent le rôle de “labo de l’Europe” (et hop, un peu de pub)

Si la coalition d’opposition conduite par le parti des Pirates l’emporte face à la droite, comme les sondages le prédisent, trois grands changements pouvant avoir des répercutions internationales seraient mis en oeuvre : 

1. L’asile et la nationalité pour Snowden

L'Islande pourrait accorder le droit d'asile, voire la nationalité à Edward Snowden, actuellement réfugié en Russie. La responsable du parti Pirate, Birgitta Jonsdottir est une ancienne porte-parole de WikiLeaks. L'organisation milite depuis longtemps pour que le lanceur d’alerte américain, qui a révélé l'ampleur de la surveillance des télécommunications et d'internet par les Etats-Unis, soit accueilli dans l’île.

Birgitta Jonsdottir elle-même s’est bagarrée au parlement ("Althing") pour que la nationalité islandaise soit accordée à Snowden : elle juge qu’il serait mieux protégé que s'il accédait au simple droit d’asile. L'Althing, contrôlé par la droite, a bloqué sa proposition.

Selon Birgitta Jonsdottir, tout le monde aurait intérêt à voir Snowden devenir Islandais, à commencer par Washington et Moscou, dont les relations déjà très difficiles n’ont pas besoin d’être envenimées par la présence de l’ancien contractant de la CIA et de la NSA sur le sol russe. A noter que la députée islandaise avait déjà milité avec succès pour que soit accordée, en 2005, la nationalité islandaise au champion d’échec américain Bobby Fischer. Ce dernier était poursuivi par les Etats-Unis depuis 1992 pour avoir violé l’embargo contre la Yougoslavie en y disputant un match contre son vieil adversaire Boris Spassky.

2. Le retour de la constitution citoyenne

 La victoire du parti pirate et de ses trois alliés (parti gauche-vert, alliance  sociale-démocrate, avenir radieux) remettrait sur les rails le projet de constitution “citoyenne”. L’initiative constitutionnelle participative engagée en 2009 avait fait rêvé dans de nombreux pays, avant d’être étouffée par le retour de la droite en 2013.

La réforme de la constitution était l’une des première revendications des manifestants qui, munis de casseroles, avaient afflué fin 2008, dans le chaos de la crise financière, sur Austurvöllur (la petite place qui jouxte l'Althing). Ils demandaient "une vraie séparation des pouvoirs, d’empêcher les élus d’agir dans leur propre intérêt, de protéger les ressources naturelles..." comme me l'avait expliqué la député Birgitta Jonsdottir, alors députée anarchiste. Sous la pression, le gouvernement avait démissionné et le projet de Constitution avait été mis sur les rails, suivant un processus ultra-participatif : une journée de brain-storming impliquant des centaines de citoyens, puis l’élection d’une assemblée constituante de 25 Islandais "ordinaires", puis la possibilité de proposer des amendements sur internet, et enfin un référendum qui avait permis d'approuver le texte. En était résulté une constitution solide et peu contestée sur le fond. Restait à le faire voter deux fois par le parlement, comme l’exige la constitution actuelle : avant et après une élection législative.  Les retards législatifs et l’élection d’avril 2013 avait eu la peau du projet. 

3. Transformer l’Islande en "Suisse des data"

C’est un vieux projet nourri par WikiLeaks et par les Pirates : faire de l’Islande un paradis des data, afin d’empêcher les gouvernements et leurs services de renseignement de faire leur marché dans nos données personnelles, comme s’ils étaient chez eux.

D'un point de vue économique, loger des data en Islande aurait du sens : il y a de l’énergie à revendre et la température oscille entre “fraîche” et  “glaciale” (ce qui permet de refroidir facilement les centres de données).

Pourquoi l'opposition est bien placée pour gagner

L’Islande, contrairement à une idée reçue, est un pays sociologiquement de droite. Le parti de l’Indépendance (celui des pêcheurs, historiquement) et le Parti du progrès (celui des paysans) contrôlaient jusqu'en 2009 tous les gouvernements, depuis les années 30. Mais la crise de 2008, qui a dévasté l’économie du pays, a changé la donne. La gauche a pris le pouvoir, la droite l'a repris quatre ans plus tard, avant d’être discréditée de nouveau par le scandale des Panama Papers. Le Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson, dont le nom apparaît dans les listes des Islandais ayant ouvert des comptes offshore, a dû démissionner sous la pression de la rue. D'où ces élections anticipées.  

Le parti des Pirates, fondé par des militants de l’internet libre et conduit par la poétesse Birgitta Jonsdottir a réussi en quatre ans à attirer de nombreux militants. Son programme : sauver la constitution citoyenne, mettre fin à la corruption, accorder l’asile à Snowden et lever les restrictions sur l’usage des Bitcoins dans l’économie. Il s'est allié avec trois autres partis (Sociaux démocrates, Gauche-verts, Avenir radieux) pour peser plus face à la droite. 

Selon les derniers sondages, les partis de l’Indépendance et le parti du Progrès devraient perdre la majorité dans l’Althing, le plus vieux parlement du monde. S’ils ne trouvent pas de troisième parti pour gouverner (chacun pense au tout jeune Vidreisn, parti de la Réforme), alors la coalition formée par quatre partis de gauche prendra les manettes.

Source : Tempsreel.nouvelobs.com

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