mardi 27 septembre 2016

Les taux à zéro : béquilles ultralibérales ?

Les taux à zéro : béquilles ultralibérales ?

Bien sûr, les taux bas ont bien des avantages, dont celui de relancer l'économie, et finalement la réduction du coût de l'argent pour tous. Mais alors que les taux sont au plus bas depuis des décennies, on pourrait presque se demander si les problèmes qu'ils posent ne pourraient pas finir, au final, par dépasser tout ce qu'ils ont pu apporter depuis quelques années.



Euphorisants monétaires dangereux et inégalitaires ?

Depuis plusieurs années, je défends les politiques d'assouplissement monétaire, le moyen de relancer des économies qui en ont bien besoin, entre forts taux de chômage et pouvoir d'achat en berne. Après tout, la politique monétaire est bien la deuxième arme économique de l'Etat, avec le budget, pour agir et on ne peut pas dire que la conjoncture des dernières années n'impose pas d'utiliser à fond les marges de manœuvre qui existent. Déjà, se pose le problème de l'indépendance des banques centrales dans la plupart des Etats, qui sort du cadre démocratique un des instruments les plus puissants de l'action publique, seul le Japon ayant eu le bon sens de garder la banque centrale dans le périmètre politique. On a toujours un doute sur les motivations de leurs décisions, notamment la BCE.

Mais après tout, par leur contribution à la timide, imparfaite et insuffisante reprise économique, on peut considérer que les politiques monétaires des banques centrales bénéficient à tous, favorisant la création d'emplois et un léger mieux global. En allant plus loin, on peut même dire que l'effondrement des taux est une évolution sociale, puisque la chute du coût de l'argent pourrait en partie redistribuer les cartes, en réduisant les revenus du capital, donnant une bouffée d'air à ceux qui empruntent. Mais cette lecture est peut-être un peu idyllique. Déjà, comme sous Alan Greenspan, les banques centrales semblent être les otages des marchés, car, à force de pouvoir les déstabiliser par leurs choix, ne finissent-elles pas par calquer pas leurs politiques sur les désirs des marchés ?

C'est ce qui est troublant avec les records boursiers qui ont suivi les annonces de la Fed ces derniers jours. Plus globalement, certains s'interrogent sur le bilan des politiques de la BCE, même s'il ne faut pas oublier qu'une banque centrale ne peut pas tout quand des pays s'auto-infligent une austérité dévastatrice depuis des années et ouvrent leurs frontières à tout ce qui vient des autres pays. Au final, on peut se demander si ces politiques profitent vraiment à la collectivité. D'abord, malgré l'effet sur les revenus du capital, je serais curieux d'avoir une évaluation complète des bénéfices de l'assouplissement monétaire. Cela ne profite-t-il pas aux actionnaires, en finançant à bas coûts rachats d'action ou fusions et acquisitions rémunératrices. Les principaux bénéficiaires ne sont-ils pas toujours les même ?

En outre, difficile de ne pas voir dans la période actuelle une nouvelle énorme bulle financière, dont on peut déjà anticiper qu'elle finira comme les précédentes : un nouveau krach. Tous les indicateurs traditionnels d'un krach se renforcent : profits des multinationales, montant des fusions et acquisitions, inégaités, prix de l'art, et on peut y ajouter les valorisations délirantes de la nouvelle économie, dont certaines dépassent de manière extravagante toute logique économique. Bref, le léger mieux actuel devrait finir par une nouvelle crise et on sait déjà qui paiera les pots cassés une nouvelle fois. Pire, ce léger mieux, ainsi que d'autres raisons sur lesquelles je reviendrai, apporte de l'eau au moulin ultralibéral, limitant la remise en cause des politiques menées depuis pourtant bien trop longtemps.


Bien sûr, il reste difficile de s'opposer aux politiques monétaires actuelles car, moins accommodantes, on sait qui en pâtirait, mais finalement, en prenant un peu de recul, on se demande si les bénéficiaires ne sont pas avant tout toujours les mêmeset si les miettes laissées à la majorité des citoyens ne sont pas une façon d'anesthésier quelque peu les velléités de changement.

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