La pire sécheresse en Méditerranée orientale depuis 900 ans, par Ellen Gray
Source : Global Climate Change, le 01/03/2016
Par Ellen Gray,
Equipe des Actualités des Sciences de la Terre de la NASA
Depuis janvier 2012, des tons bruns montrent la diminution des stocks d’eau au cours de la période 2002-2015 en région Méditerranée. Les unités sont en centimètres. Les données satellites proviennent de GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), une mission commune entreprise par la NASA et l’agence spatiale allemande. Crédit: NASA/ Goddard Scientific Visualization Studio.
Une nouvelle étude de la NASA conclut que cette récente sécheresse, qui a commencé en 1998 dans la région du Proche-Orient comprenant Chypre, Israël, la Jordanie, le Liban, la Palestine, la Syrie et la Turquie, est probablement la pire depuis les neufs derniers siècles.
Les scientifiques ont reconstitué l’histoire de la sécheresse en Méditerranée par l’étude des cernes ou anneaux de croissance des arbres dans un effort plus large pour comprendre le climat de la région et l’évolution du cycle de l’eau dans cette région. Les cernes fins indiquent les années de sécheresse tandis que les cernes épais montrent les années où l’eau était abondante.
Outre l’identification des années de sécheresse, l’équipe scientifique a découvert des régularités dans la distribution géographique des sécheresses qui fournissent une “empreinte” afin d’en identifier les causes sous-jacentes. Ensemble, ces données montrent l’ampleur de la variation naturelle des sécheresses en Méditerranée, et permettront aux scientifiques de différencier celles amplifiées par le réchauffement global provoqué par l’homme. Cette recherche fait partie du travail en cours de la NASA afin d’améliorer les modèles informatiques qui simulent le climat actuel et futur.
“La magnitude et la signification du changement climatique exige de comprendre véritablement l’étendue totale de la variabilité du climat naturel,” a affirmé Ben Cook, auteur principal et climatologue pour les études spatiales à l’Institut Goddard de la NASA et au Lamont Doherty Earth Observatory à l’Université Columbia à New York.
“Si nous regardons les évènements récents et que nous commençons à observer des anomalies situées à l’extérieur de cette étendue de variabilité naturelle, alors nous pouvons affirmer avec confiance que cette série d’évènements particuliers était en quelque sorte due au changement climatique provoqué par l’homme,” a-t-il expliqué.
Cook et ses confrères ont utilisé l’enregistrement des anneaux de croissance des arbres appelé l’Atlas des Sécheresses du Vieux Monde afin de mieux comprendre la fréquence et la sévérité des sécheresses méditerranéennes qui ont sévi dans le passé. Les cernes d’arbres vivants et morts ont été collectés dans toute la région : Afrique du Nord, Grèce, Liban, Jordanie, Syrie et Turquie. Associés avec les enregistrements existants d’autres cernes provenant d’Espagne, du sud de la France et de l’Italie, ces données ont été utilisées afin de reconstituer, géographiquement et à travers le dernier millénaire, les régularités des sécheresses. Les résultats ont été validés pour un article dans le Journal of Geophysical Research-Atmospheres, publié par l’Union Américaine de Géophysique.
Entre les années 1100 et 2012, l’équipe a trouvé des sécheresses dans l’enregistrement des anneaux de croissance qui correspondaient à celles décrites dans des documents historiques rédigés à cette époque. Selon Cook, l’étendue des périodes de pluies extrêmes et de sécheresses est assez large. Cependant, cette sécheresse récente qui sévit au Proche-Orient depuis 1998 est 50% plus sèche que les autres sur les 500 dernières années, et 10 à 20% plus sèches que les autres sur les 900 dernières années.
Une telle zone couverte a permis à l’équipe scientifique d’observer non seulement des variations dans le temps, mais aussi des changements géographiques à travers la région.
En d’autres termes, lorsque la Méditerranée orientale est en situation de sécheresse, y a-t-il aussi une sécheresse à l’Ouest ? La réponse est oui, dans la plupart des cas, a certifié Kevin Anchukaitis, co-auteur et climatologue à l’Université de l’Arizona à Tucson. “Pour les sociétés modernes ainsi que certainement pour les anciennes civilisations, cela signifie que si une région souffre des conséquences de la sécheresse, ces conditions seront susceptibles de se répandre à travers le bassin méditerranéen,” a-t-il déclaré. “Ce n’est pas forcément possible de trouver de meilleures conditions climatiques dans une région plutôt qu’une autre. Vous avez alors une rupture potentielle à grande échelle des systèmes d’agriculture ainsi qu’un conflit possible pour les ressources en eau.”
De plus, l’équipe scientifique a trouvé que lorsque la partie septentrionale de la Méditerranée — Grèce, Italie, les côtes françaises et espagnoles — avait tendance à s’assécher lorsque la partie orientale de l’Afrique du Nord était sous les précipitations, et vice versa. Ces relations est-ouest et nord-sud ont aidé l’équipe à comprendre quelles conditions atmosphériques et océaniques ont, en premier lieu, conduit à des périodes d’assèchement ou de précipitations.
Les deux modèles importants qui influencent les périodes de sécheresse se produisant en Méditerranée sont l’Oscillation Nord-Atlantique et le Modèle Est-Atlantique. Ces modèles de flux d’air décrivent la manière dont les vents et le temps ont tendance à se comporter en fonction des conditions océaniques. De même, ils possèdent des phases périodiques qui sont enclines à guider les précipitations en dehors de la Méditerranée et qui apportent un air plus chaud et plus sec. Le résultat de ce manque de pluie et de températures plus hautes, qui augmentent l’évaporation des sols, conduit aux sécheresses.
“La Méditerranée est l’une des zones qui est unanimement projetée dans des modèles climatiques comme allant s’assécher à l’avenir, en raison de l’impact de l’homme sur le changement climatique,” a affirmé Yochanan Kushnir, un climatologue au Lamont Doherty Earth Observatory qui n’était pas impliqué dans les recherches. “Cet article montre que ce comportement, durant cette récente période de sécheresse, est différent de ce que nous observons dans le reste de l’enregistrement,” a-t-il expliqué ; ce qui veut dire que la région du Levant peut déjà ressentir les effets du réchauffement de la planète induit par l’homme.
L’enregistrement de la variabilité des sécheresses sur une durée de 900 ans à travers la Méditerranée est une contribution importante qui sera utilisé pour affiner les modèles informatiques employés pour prévoir les risques de sécheresse pour le siècle qui arrive,” a confirmé Kushnir.
Lire l’article dans :
Journal of Geophysical Research-Atmospheres
Source : Global Climate Change, le 01/03/2016
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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