dimanche 1 mai 2016

Naevius Sutorius Macro

Naevius Sutorius Macro

En ce premier mai, un hommage indirect bien mérité via un peu d’Histoire…  :)

Source : La toge et le glaive, 27-07-2012

Vendredi 27 juillet 2012

Macron.

Il ne vous aura pas échappé que mes sujets de prédilection dans l’Histoire romaine concernent la période des Julio-Claudiens, et plus particulièrement le règne de Tibère : ce n’est pas pour rien que c’est par sa biographie que j’ai inauguré ce blog. Je compte bien m’attaquer prochainement à la République, aux Rois, au Bas-Empire, etc… Mais, pour aujourd’hui, j’ai eu envie de rédiger une courte notice biographique sur Macron, le préfet du prétoire de Caligula, celui-là même qui aurait assassiné mon cher Tibère. Et je me sens suffisamment en forme pour maintenir à son égard une neutralité toute professionnelle, et réussir à achever ce billet sans écrire une seule fois les mots “raclure” et “salaud”. (Ah, zut : c’est perdu…)

L'empereur Tibère, mon chouchou... (Musée du Louvre)

L’empereur Tibère, mon chouchou… (Musée du Louvre)

Je parle d’une courte notice biographique, parce qu’on ne sait finalement pas grand chose de Macron. De son nom Latin Quintus Naevius Cordus Sutorius Macro, il serait né aux alentours de 21 av. J.-C., à Alba Fucens, une ville romaine située au pied du Monte Velino. Des fouilles archéologiques ont mis au jour des inscriptions attestant qu’avant de devenir préfet du prétoire, Macron avait officié en tant que préfet des vigiles (équivalents des pompiers). On peut donc en déduire qu’il était vraisemblablement d’origine modeste, mais on n’en sait pas davantage…

Alba Fucens : vue des ruines romaines et du château.

Alba Fucens : vue des ruines romaines et du château.

Il apparaît dans les écrits à l’occasion de son intervention devant le Sénat, en 31, lorsque l’Empereur Tibère l’emploie pour se débarrasser de son préfet du prétoire, le redoutable Séjan. Celui-ci, exerçant une forte influence sur Tibère, avait profité de sa réclusion volontaire à Capri pour devenir le vrai maître de Rome et, éliminant un à un tous les éventuels successeurs, nourrissait l’ambition de monter sur le trône. Or, Tibère avait enfin ouvert les yeux sur la vrai nature de son protégé, et il avait percé à jour le double jeu de Séjan. C’est dans circonstances qu’apparaît Macron, en qui Tibère voit l’un des rares hommes de confiance qu’il lui reste : il le charge de lire devant le Sénat une lettre, dans laquelle il s’en prend violemment à Séjan, provoquant sa disgrâce et ordonnant son arrestation. Pendant tout ce temps, Macron est à la manœuvre : ayant écarté les gardes prétoriens, c’est lui qui dirige les cohortes des vigiles qui procèdent à l’arrestation, puis à l'exécution du scélérat. De même, il ordonne l’épuration qui suit, faisant assassiner toute la famille de Séjan, plusieurs sénateurs et des chevaliers proches du condamné. Nommé par Tibère, il prend la place laissée vacante, et devient à son tour préfet du prétoire.

Tibère vieillissant, Macron se rapproche du dernier petit-fils adoptif vivant de l’Empereur, le futur Caligula. Suétone, Dion Cassius et Tacite rapportent notamment qu’il aurait poussé sa propre femme, Ennia Nevia, dans le lit du jeune homme : il faut dire que celui-ci lui avait promis de l’épouser, s’il devenait un jour Empereur. Le mari, bafoué mais complaisant, avait donc tout à y gagner… Tibère, pas dupe, avait d’ailleurs bien perçu le manège de Macron puisqu’il lui lança : “Tu as raison d’abandonner le soleil couchant pour t’empresser au soleil levant.” (Dion Cassius, Histoire Romaine, LVIII – 28.) Sa méfiance était plus que fondée, comme nous allons le voir…

En mars 37, Tibère est victime d’un malaise, dans sa villa du Cap Misène. Tout le monde le croit mort, et Caligula se fait acclamer Empereur par la garde. Un peu trop précipitamment puisque Tibère reprend conscience, et qu’il n’en finit pas de mourir… C’est la débandade : Macron imagine déjà la réaction du vieil homme, si jamais il en réchappait, et sa colère envers Caligula et ses partisans, devant la rapidité avec laquelle ils l’ont enterré ! Selon Tacite, Macron aurait alors donné l’ordre que Tibère soit étouffé sous des linges – mais les historiens modernes contestent cette version, et accréditent plutôt la thèse d’une mort naturelle.

“Le dix-septième jour avant les calendes d’Avril, sa respiration s’arrêta et on crut qu’il avait accompli sa destinée mortelle ; et déjà, dans un grand concert de félicitations, Caligula sortait pour prendre possession de l’Empire, quand soudain on annonce que Tibère recouvre la parole et la vue et demande qu’on lui apporte de la nourriture pour réparer sa défaillance. C’est la consternation générale : on se disperse à la hâte, chacun prend un air d’affliction ou d’ignorance ; Caius (Caligula), muet et figé, tombait de la plus haute espérance et attendait les dernières rigueurs. Macron, sans se troubler, donne l’ordre d’étouffer le vieillard, sous un amas de couvertures et de quitter les lieux. Telle fut la fin de Tibère, dans la soixante-dix-huitième année de son âge.” (Tacite, Annales, VI, 50)

Suétone, toujours aussi modéré, incriminait quant à lui Caligula en personne, qui aurait joyeusement étouffé son grand-père avec un oreiller. Mais on connaît la partialité de cet auteur…

La Mort de Tibère. (Tableau de Jean-Pierre Laurens.)

La Mort de Tibère. (Tableau de Jean-Pierre Laurens.)

Une fois Tibère définitivement refroidi, restait encore à ouvrir son testament : ce fut Macron qui se chargea de lire le document devant le Sénat. Le vieux Tibère avait institué comme héritiers à parts égales Caligula et Tiberius Gemellus, son petit-fils par le sang (fils de Drusus II). Mais le premier se débarrassa rapidement du deuxième, accusé de complot et exécuté en 37.

Pièce de monnaie à l'effigie de Caligula et Gemellus.

Pièce de monnaie à l’effigie de Caligula et Gemellus.

Jusqu’ici, Macron avait servi les intérêts de Caligula, même dans les moments difficiles. Il était donc confiant, persuadé que son protégé lui serait reconnaissant du soutien qu’il lui avait apporté, et escomptant sans doute une promotion rapide pour les services qu’il lui avait rendus. C’était mal connaître Caligula. Les historiographes anciens sont unanimes pour mettre la disgrâce de Macron sur le compte de l’ingratitude de l’Empereur. Philon assure qu’il ne supportait pas les remontrances que le préfet lui adressait en permanence, tant sur sa conduite que sur son gouvernement.

Lorsque Caligula le voyait venir, il disait à ceux qui l’entouraient : “Pas de sourire, faisons la tête ! Voilà le sermonneur, la franchise personnifiée, celui qui se mêle d’être le pédagogue d’un adulte et d’un empereur, tout juste maintenant que le temps en a écarté et congédié ceux qu’il avait depuis sa première jeunesse.” (Philon, Contre Flaccus, 15)

Il est possible que Caligula ait été exaspéré par les réprimandes de Macron. Mais en réalité, la raison de sa disgrâce me paraît bien plus prosaïque… Il semblerait que Macron, plutôt traditionaliste, ait montré une certaine désapprobation vis-à-vis du virage monarchique à l’Orientale amorcé par Caligula, qui s’éloignait en cela des règnes d’Auguste et de Tibère. Caligula craignait-il que Macron, qui avait contribué à le porter sur le trône, soit suffisamment puissant pour tenter de le renverser ? Le “cas Séjan“, malgré son dénouement, avait montré l’importance prise par le préfet du prétoire, et Caligula ne pouvait pas risquer que son allié se retourne contre lui… L’attitude d’Ennia Naevia, toujours amante de Caligula et, si l’on en croit les auteurs antiques, aussi avide de pouvoir que son mari, n’arrangeait pas les choses. Petit à petit, l’Empereur prit ses distances, attaquant même publiquement Macron. Jusqu’au moment où il décida de se défaire du couple terrible, décidément trop encombrant.

Caligula. (Photo Flickr Indy-catholic.)

Caligula. (Photo Flickr Indy-catholic.)

Source : La toge et le glaive, 27-07-2012

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