Emmanuel Macron, "Nuit debout"… même combat ! Par Renaud Dély
Source : Le Nouvel Obs, Renaud Dély, 11-04-2016 L'écho recueilli par l'envol du ministre de l'Économie comme la sympathie suscitée par le rassemblement de la place de la République illustrent un même besoin de rupture. Et de nouveauté. Peut-on se mettre “en marche” tout en passant la “nuit debout” ? Certes, l'exercice nécessite une grande souplesse et paraît pour le moins compliqué… Pourtant, en ces temps de “convergence des luttes”, un mot d'ordre s'impose : Macron – “Nuit debout”, même combat ! Sans doute le ministre de l'Economie comme les militants rassemblés nuitamment place de la République à Paris n'apprécieront-ils guère le parallèle. Il y a tout de même quelque chose de frappant à observer le développement simultané des deux initiatives politiques qui germent en ce début de printemps. Leurs partisans auront beau réfuter toute gémellité, et même toute forme de parenté, l'envol d'Emmanuel Macron et l'enracinement du mouvement “Nuit debout” sont bel et bien jumeaux. Car “En Marche” et “Nuit debout” sont les deux faces d'une même médaille, les deux thermomètres d'un même diagnostic : celui de l'épuisement d'un système politique dont la représentativité, et la légitimité même, sont jour après jour plus contestés.
Dans le collimateur : le “vieux monde”Après quatre ans de hollandisme, la gauche sociale-démocrate est épuisée, et les gauches, radicales ou écologistes, ne sont pas en meilleur état. Au-delà de ce seul camp, et de ce seul pouvoir, les partis politiques sont largement désertés et les syndicats tout aussi dépeuplés, la montée de l’abstention assèche la démocratie parlementaire, la démocratie sociale tourne à vide, bref, l’ensemble des institutions représentatives sont remises en cause et c’est toute la société qui apparaît bloquée. L'ascenseur social est en panne, la précarité se développe, et toute une génération de jeunes, entrepreneurs ou salariés, semblent condamnés à être sacrifiés sur l'autel d'une mondialisation mal maîtrisée. C'est face à cette perspective que se dressent de concert Emmanuel Macron et “Nuit debout”. Le locataire de Bercy veut faire sauter les vieux clivages d'antan et les étiquettes surannées sans rapport avec la réalité politique et sociale présente, rassembler réformateurs de gauche comme de droite, changer de paradigme pour gouverner autrement,
oser ce que ses prédécesseurs n'ont jamais tenté,
bref bousculer un système sclérosé pour rendre à la politique sa raison d'être : l'efficacité, et même, tout bonnement, l'utilité. Les squatteurs de la République, eux, rêvent d'accoucher d'un autre système qui dépasserait la logique productiviste du capitalisme et mettrait à bas les rapports de domination et d'aliénation du salariat pour esquisser les contours d'un nouveau monde.
Les médias sautent sur l’occasionL'attitude des médias contribue un peu plus à renforcer la gémellité des deux phénomènes. Car l'un comme l'autre sont largement surmédiatisés. Pour l'heure, “Nuit debout” n'a pas grand chose à voir avec les mobilisations massives impulsées par les Indignés espagnols. Et nul ne sait ce que pèse vraiment dans les urnes un Emmanuel Macron qui ne s'est encore jamais présenté à une élection.
Il n'empêche qu'avide de nouveauté, et redoutant de rater l'émergence d'un vrai phénomène, la presse s'est emparée des deux événements avec une fébrilité qui en dit long sur sa fragilité.
Les médias sont aujourd'hui tellement faibles et décriés qu'ils pullulent sous les tentes de la place de la République comme dans le sillage du ministre de l'Economie de peur de se voir reprocher un jour prochain d'avoir négligé un phénomène supposé s'adresser directement aux “vrais gens” par-delà les canaux et représentants traditionnels. “Il y a crise lorsque l'ancien monde meurt et que le nouveau ne peut pas naître”, disait Antonio Gramsci.A ce titre, les démarches d'Emmanuel Macron comme de Nuit debout sont d’inspiration gramscistes. C’est bien un combat culturel qu’ils engagent l’un comme l’autre pour apporter une bouffée d’air frais à même de changer un vieux système à bout de souffle. Pas sûr que le ministre de l'Economie en vienne pour autant à camper place de la République. Ou que les activistes de “Nuit debout” adhèrent en masse au mouvement “En marche”. Pourtant, si le slogan en vogue de “convergence des luttes” se concrétisait par l'alliance des révoltes juvéniles de Macron et de “Nuit debout”, le vieux monde (politique) aurait du souci à se faire…
Renaud Dély Source : Le Nouvel Obs, Renaud Dély, 11-04-2016 |
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