lundi 7 mars 2016

La paix sur la Terre ? Pas avant que les États-Unis n’arrêtent de vendre des armes et de faire la guerre, par Dan Simpson

La paix sur la Terre ? Pas avant que les États-Unis n'arrêtent de vendre des armes et de faire la guerre, par Dan Simpson

Intéressant article d’un ancien ambassadeur américain en Afrique, Dan Simpson

Source : Pittsburgh Post-Gazette, 30-12- 2015

Par Dan Simpson / Pittsburgh Post-Gazette

En examinant les surenchères du gouvernement des États-Unis à la fin de l’année 2015, j'en viens à la conclusion que nous sommes une nation meurtrière, chez nous comme à l'étranger.

Le secteur de notre société qui profite le plus de cette attitude, encore une fois, chez nous et à l’étranger, est l’industrie de l’armement. Chez nous, elle vend des armes qui sont utilisées, pratiquement sans contrôle, pour décimer des groupes de personnes innocentes, y compris dans les églises et dans les écoles. Nos législateurs fédéraux et étatiques corrompus et sans scrupules manquent de courage et de cervelle pour y mettre un terme. Et cela ne concerne pas seulement la National Rifle Association ; il s’agit aussi des fabricants et des marchands d’armes qui financent la NRA afin qu’ils puissent exercer une influence à Washington et dans les capitales des États.

À l’étranger, nous sommes considérés comme des tueurs. D’autres pays ne peuvent que prier leur dieu ou leurs dieux pour que les États-Unis ne décident pas de leur faire subir leur volonté, que ce soit d’imposer une forme de gouvernement qu’ils devraient selon nous adopter ou d’invoquer une faute qu’ils auraient commise comme excuse pour déverser des bombes sur eux ou envoyer des drones pour tuer leurs dirigeants.

Qu’on le veuille ou non, c’est notre réputation. La plupart des étrangers que je rencontre pensent que nous sommes fous. Pratiquement tous pensent que nous sommes un danger pour la communauté internationale.

Certains de nos prétendus alliés prennent notre défense dans une tentative d’exercer une sorte de contrôle sur nos tendances homicides. Je mets les Britanniques dans cette catégorie.

Certains pays veulent juste garder leurs distances avec nous et, surtout, ne pas dépendre de nous pour quoi que ce soit. L’Inde en est un exemple. Le gouvernement américain et des vendeurs d’armes privés ont travaillé pendant des années pour faire de l’Inde un gros client pour les armes américaines. Au lieu de cela, l’Inde a choisi de sourire aux Américains, mais de continuer à acheter ses armes en Russie — la Russie dirigée par Vladimir V. Poutine le mal famé, par opposition à l’Amérique dirigée par l’adorable Barack H. Obama. Se pourrait-il que l’Inde soit consciente que les armes américaines sont toujours accompagnées de conseillers militaires américains pour former et soutenir leurs clients étrangers ?

Alors, où en sommes-nous, alors que 2015 tire à sa fin ?

Nous sommes en Afghanistan, où nous avons commencé en 2001 juste après les attentats du 11 septembre. Nous sommes en Irak, où le président George W. Bush nous a emmenés sur des postulats mensongers en 2003 pour se faire réélire comme un président de temps de guerre.

Nous avons perdu 2 332 soldats en Afghanistan au cours des 14 dernières années — six autres la semaine dernière — et 4 425 en Irak. Nous maintenons toujours des milliers de soldats dans chacun de ces pays, notre tribut pour avoir mis en place des gouvernements qui ne peuvent pas assurer leur pérennité. Les forces spéciales américaines ont seulement aidé les Irakiens à reprendre Ramadi, ville pour laquelle nous avons déjà combattu, cette fois des mains du groupe État islamique. La dernière fois, c’étaient les Sunnites qui se soulevaient là-bas. En Afghanistan, nous nous battons à nouveau pour conserver des lieux qui seraient autrement tombés entre les mains des Talibans et qui peuvent, en fait, tomber entre leurs mains malgré nos efforts.

Pourquoi faisons-nous cela ? Je pensais que l’argument de Ronald Reagan en 1986, à savoir que si nous ne combattions pas les communistes au Nicaragua, nous aurions à les combattre à Harlingen au Texas, était tout aussi moribond que les charlatans qui nous gouvernaient à cette époque. Est-ce que quelqu’un croit vraiment que si Ramadi en Irak ou Sangin en Afghanistan sont dans des mains « amies » cela fait une différence pour les Américains ? Rien que de poser la question revient à imaginer que le gouvernement Abadi en Irak ou le gouvernement Ghani en Afghanistan seraient des mains « amies », un phantasme de Washington à peu près aussi crédible qu’une publicité de campagne de Ted Cruz ou d’Hillary Clinton.

Je suppose que les efforts de M. Obama pour arriver au bout de son mandat sans voir l’Afghanistan ou l’Irak s’effondrer dans un chaos total, peuvent être mis sur le compte de quelque trouble obsessionnel compulsif ou d’une forme de loyauté de campagne électorale envers son ancienne adversaire démocrate, Hillary Clinton. Cela fait longtemps que nous aurions dû reconnaître que nous avons fait tout ce que nous pouvions en Afghanistan et en Irak, et ramener nos troupes au pays.

Qu’avons-nous fait d’autre ? Nous avons saccagé la Libye. Mouhammar Kadhafi était une vermine égocentrique, même s’il a fini par abandonner son programme nucléaire militaire. Mais ce qui a pris sa place, grâce, pour une bonne part, aux décisions du gouvernement de M. Obama, y compris Mme Clinton, ce sont deux gouvernements, chacun se revendiquant comme « national », et de nombreuses milices locales sans foi ni loi, parmi lesquelles il faut à présent compter l'État islamique. C’est également une migration incontrôlée vers l’Europe.

Pour soutenir l’Arabie Saoudite, notre alliée et notre principale acheteuse d’armes, nous avons aidé à la destruction du Yémen. Les Saoudiens l’ont bombardé jusqu'à le renvoyer à l’âge de pierre et je n’ai pas encore entendu quiconque à la Maison-Blanche ou au Pentagone affirmer qu’il n’y a pas de pilotes américains dans les cockpits saoudiens. Le Yémen était déjà le pays le plus pauvre du Moyen-Orient.

L’implication des États-Unis dans le conflit yéménite nous a également plongés au cœur du conflit interne à l’Islam entre Sunnites et Chiites. Nous n’avons aucune raison au monde de nous impliquer dans un conflit interne à l’Islam. La raison de notre implication réside dans les promesses de suivi faites par les fabricants d'armes américains après l'achat d’équipement par l'Arabie saoudite. Je ne pense pas que nous leur ayons vendu les épées qu’ils emploient pour couper les têtes des accusés.

Les États-Unis ont, de même, utilisé l’absence de gouvernement en Somalie et la vénalité du gouvernement de Djibouti afin d’établir un avant-poste militaire dans le pays. Dorénavant, il y a des milliers de soldats américains, des bombardiers de combat et une base de drones là-bas, sans aucune raison valable. Cela représente une intervention en Afrique inutile et alimentée par le Pentagone

Nous devrions ramener nos troupes à la maison. Tant que nous ne le ferons pas, il n’y aura aucune paix sur Terre. Ne soyons pas des assassins.

Dan Simpson, ancien ambassadeur des États-Unis, est un éditeur associé de Post-Gazette

Source : Pittsburgh Post-Gazette, le 30 décembre 2015.

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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