jeudi 24 décembre 2015

Déchéance De Nationalité : François Hollande Entre Couac et Front National





Hollande croule sous les critiques, favorisant le FN, incapable de gérer les affaires de manière sereine... Le président de la République est chahuté dans toute la presse après ses tergiversations sur la réforme constitutionnelle.


Pataquès au sommet


Une ministre de la Justice qui mange son chapeau, une gauche qui s’étrangle, une droite républicaine embarrassée et un Front national qui jubile ! Beau tableau que celui apparu après la décision du président de la République de finalement présenter une réforme constitutionnelle incluant le projet de déchéance de la nationalité française pour tout binational condamné pour terrorisme.

Au lendemain de l’annonce, par la garde des Sceaux Christiane Taubira, que la question de déchéance de nationalité ne figurait pas dans le projet soumis au conseil des ministres, François Hollande a surpris tout le monde et chargé Manuel Valls de défendre une mesure, bien que symbolique, promise devant le Congrès et réclamée par la droite et l’extrême-droite mais ouvertement critiquée par une bonne partie de la gauche. Après avoir visiblement tergiversé, le président de la République opère un repositionnement spectaculaire vers la droite, emboîtant une ligne sécuritaire désirée par une majorité de Français.

En ne réagissant pas à l’emballement médiatique né de l’interview de Christiane Taubira à une radio algérienne, l’exécutif a été tout aussi clair. L’histoire dira si la ministre a tenté, depuis Alger, un coup de force pour modifier la ligne politique du gouvernement Valls ou si, véritablement, la mesure de déchéance ne figurait pas dans le texte au moment où elle s’est exprimée. Mais en n’apportant pas un démenti immédiat mardi, Valls et Hollande ont un peu plus fragilisé une Christiane Taubira honnie par la droite mais très appréciée à gauche, notamment pour sa proximité avec les frondeurs. Les jours de la Guyanaise à la Chancellerie sont-ils comptés ? En tout cas, sa crédibilité a été battue en brèche par le président et le Premier ministre qui ne l’ont même pas consultée, alors même qu’il était de sa responsabilité de défendre le texte devant la représentation nationale début février.

Prise à contre-pied, la droite n’a d’ailleurs pas manqué de tirer sur l’ambulance, conditionnant son éventuel vote du projet de réforme constitution à la démission de Christiane Taubira. Il n’y a finalement que le FN qui pavoise, ravi du pataquès provoqué par un sujet sur lequel l’extrême-droite a toujours nourri bien des fantasmes.

Quand le FN vote Hollande


Le coup de théâtre d’hier illustre bien la méthode Hollande. Son habileté mais aussi, surtout, ses limites. Une virtuosité strictement politicienne qui conviendrait plus à un premier secrétaire du parti socialiste qu’à un chef d’État. Lors de son discours au Congrès, le président a proposé cette mesure forte de déchéance de la nationalité, reprise directement du programme de la droite.

Sans doute tablait-il sur un rejet par le Conseil d’État. Or, celui-ci coupe la poire en deux : d’un côté, cette mesure "pourrait se heurter" à un principe fondamental de la République, qui interdit de priver un Français de naissance de sa nationalité. Mesure "de portée pratique limitée", peu dissuasive pour les terroristes, ajoutent les sages du Conseil d’État. Mais d’un autre côté, la plus haute instance administrative française admet que la sanction proposée "répond à un objectif légitime" et son impact supposé modeste "n’a pas paru au Conseil suffisant pour lui permettre de conclure qu’elle ne sera pas opportune". Raté ! Comment faire, alors que cette mesure fait polémique, y compris dans le gouvernement ? Ségolène Royal demandait hier à Hollande de ne pas y renoncer. Alors qu’on s’étonnait de son silence sur un projet de loi qu’elle va devoir présenter au parlement, Christiane Taubira annonçait, prenant ses désirs pour des réalités, qu’Hollande avait décidé d’abandonner cette mesure. Qui plus est, à l’étranger, au micro d’une radio algérienne ! Cris d’orfraies de toute la droite. Pour Éric Ciotti, Hollande "a menti à la représentation nationale, il n’est pas digne d’exercer cette responsabilité qui nécessite courage et vérité". Cris de triomphe à gauche de la gauche.

Mais dès hier, des rumeurs font état d’un nouveau revirement de l’Élysée. Manuel Valls, à la sortie du conseil, confirme que la disposition sur la déchéance de nationalité est incluse dans le texte de révision de la Constitution. Brusquement tout s’inverse. La droite applaudit, le PS qui s’était montré critique se tait. La gauche de la gauche reprend des couleurs : Mélenchon ne "voit pas comment combattre l’extrême droite en reprenant son programme. La seule fois où on a retiré la nationalité collectivement, c’était sous Vichy". Bon résumé de Florian Philippot : "Le gouvernement préfère Marine à Christiane. Encore une victoire idéologique". En effet, au moment où la France a besoin d’une plus grande cohésion, cette disposition, inscrite dans la Constitution, institue deux catégories de Français, les binationaux et les autres. Alors que les appels à la démission de Christiane Taubira se multipliaient, le Front National annonçait que ses parlementaires allaient voter la réforme de la Constitution. La boucle est bouclée. Dramatiquement. Sinistrement.

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