jeudi 23 avril 2015

Loi sur le renseignement : Un mauvais coup pour l'économie



Loi sur le renseignement : ce que nous coûtera la loi



Passons rapidement sur les 2700 fonctionnaires (si j'en crois la presse), qui seront embauchés pour faire tourner le nouveau dispositif. Entre salaires, coût des retraites futures, et frais de fonctionnement, il n'est pas déraisonnable d'imaginer un coût annuel de 500 millions pour le budget de l'état. Désagréable, en ces temps de disette, mais pas déterminant non plus. Mais le pire est évidemment ailleurs.

Vous avez tous entendu parler de la fronde des hébergeurs de contenu qui ont annoncé leur intention de déménager leurs serveurs. Deux (Altern.org et Eu.org) sont déjà passé aux actes à l'heure où j'écris ces lignes, et d'autres devraient suivre. Peut-être avez vous également entendu parler de cet article du New York Times alertant ses lecteurs sur la portée de cette loi. Bref, aucun investisseur ne peut ignorer que la France devient un pays où aucun secret ne peut être réellement gardé.

En effet, la loi indique que le dispositif pourra être activé dans 7 cas de figure. Aux classiques questions de terrorisme ou de défense nationale, le législateur a ajouté que les services pourraient collecter des informations dès que "les intérêts économiques industriels et scientifiques majeurs de la France" seraient en jeu.

Nous ignorons totalement quelle est la limite légale des "intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs", mais nous vivons dans un pays où le gouvernement croit utile d'empêcher le rachat de Dailymotion par Yahoo ou un concurrent chinois: sa vision de "l'intérêt national" est donc particulièrement extensive. Autant dire que tout entrepreneur sait que son entreprise peut à tout moment être considérée comme un actif "d'intérêt majeur" justifiant une écoute du gouvernement Français.

On peut donc supposer que la réaction de tout investisseur sensé sera d'éviter la France à tout prix. Nous avions déjà de nombreux boulets aux pieds, fiscaux et réglementaires, nous allons ajouter celui de l'impossibilité de préserver le secret des affaires. Cela n'est pas neutre : aux USA, de nombreux analystes ont montré que l'affaire Prism couterait des sommes énormes à l'industrie naissante du Cloud Computing.

Mais ces coûts iront bien au delà du "Cloud Computing" ou des entreprises de nouvelle technologie : même les industriels classiques ou les services, financiers, juridiques ou autres, voudront mettre leurs données, les travaux de leurs bureaux d'étude, leurs stratégies marketing, ou leurs projets d'OPA, à l'abri de l'indiscrétion des employés de l'administration française. On peut donc imaginer que le modèle de développement international de toute entreprise à vocation mondiale cherchera à limiter l'investissement en France au strict minimum (force de vente pour le marché intérieur, logistique), mais surtout à éviter le territoire français pour toute opération à caractère sensible, toute opération financière significative (adieu, recettes fiscales...), tout centre de décision majeur, tout développement de bureau d'études à haute valeur ajoutée.

Bien sûr, tout ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Prenons un exemple : Renault ne déménagera pas son centre d'études de Guyancourt d'un coup de baguette magique. Mais le jour où cette entreprise devra arbitrer entre le développement de sa R&D sur le sol français et celle de ses filiales mondiales, la loi renseignement entrera sûrement en ligne de compte dans son choix final. Combien d'emplois directs et indirects perdus ? Nul ne peut le dire à ce jour, mais il risque d'être important.

Vous me direz que j'exagère, et que si tous les états font pareil, les entreprises devront faire avec. Seulement voilà, tous les états ne suivront pas la France. La France n'est pas le seul état ayant des visées prédatrices sur nos données, mais elle semble mener le train des nations prétendument libres pour se les approprier. Gageons que face à cela, plusieurs réactions se produiront : tout d'abord, certains états, soucieux de ramasser de nouveaux revenus, adopteront (et le feront savoir) des législations "business friendly" pour les données des entreprises, à l'instar de ce que fit la Suisse avec le secret bancaire dans les années 30. Même si ces lois ne vont pas aussi loin que cet illustre exemple historique, des classements, officiels ou officieux, des états les moins "intrusifs", devraient voir le jour, et orienter les décisions d'investissement en conséquence.

http://fr.sott.net/article/25386-Loi-sur-le-renseignement-ce-que-nous-coutera-la-loi

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