samedi 14 juin 2014

Karachi Les socialistes Couvrent l'UMP : Pourquoi?




Karachi, la note secrète qui piège les socialistes


source :  secret défense Karachi, la note secrète qui piège les socialistes



Cette lettre, datée du 17 avril 1998 et signée par le conseiller défense du chef du gouvernement, Louis Gautier, et le chef du cabinet militaire, le général Louis Le Mière, a été déclassifiée le 4 mai par la commission consultative du secret de la défense nationale, puis communiquée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire. 

Le premier ministre socialiste signale par une annotation manuscrite qu’il va consulter ses ministres Alain Richard (défense), Dominique Strauss-Kahn (économie) et Hubert Védrine (affaires étrangères), ainsi que le président de la République, Jacques Chirac. Il autorise cinq jours plus tard la poursuite des livraisons dont il avait lui-même ordonné la suspension en septembre 1997 à la suite des « interrogations sur les paiements ». 

À aucun moment, dans cette note de quatre pages, classifiée “secret défense”, que nous publions en intégralité ci-dessous, le premier ministre et son cabinet n’envisagent de donner une suite judiciaire à ces découvertes, comme l'aurait imposé à tout détenteur d'une autorité publique l'article 40 du Code de procédure pénale. « Je n’ai pas le souvenir qu’il ait été envisagé une dénonciation à la justice », confirme à Mediapart l’un des deux rédacteurs de cette note, M. Le Mière. 

  
La déclassification de ce document va désormais contraindre l’ancienne équipe Jospin, et l’ancien premier ministre en personne, à livrer leurs explications aux magistrats chargés du volet financier de l’affaire Karachi. Manifestement embarrassé, Lionel Jospin a indiqué mercredi à Mediapart qu’il ne souhaitait « pas entrer dans la discussion », ni « donner une réaction » à la presse. Et son ancien directeur de cabinet, Olivier Schrameck, qui a posé son « visa » et transmis la réponse du premier ministre sur le document, a déclaré n’avoir officiellement « aucun commentaire à faire ». 

« Comme rédacteur de cette note, je suis tenu par sa confidentialité. Mais si le juge veut m’entendre, je m’expliquerai », a répondu pour sa part Louis Gautier, aujourd’hui trésorier de la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent et président du comité des rémunérations au conseil de surveillance de la Société éditrice du Monde. Conseiller-maître à la Cour des comptes, ce dernier figure dans la short-list des candidats à la direction des services secrets extérieurs (DGSE). Saisis de faits d’abus de biens sociaux, blanchiment d’argent aggravé et recel, les juges ont chiffré à 20,3 millions d’euros les fonds versés aux intermédiaires Abdulrahman El-Assir et Ziad Takieddine, avant le premier tour de l’élection présidentielle de 1995. Soupçonnés d’avoir financé la campagne électorale d’Édouard Balladur, les deux hommes, imposés à la dernière minute par le gouvernement dans le contrat pakistanais, avaient été évincés de ce marché, en juillet 1996, sur instructions du président Chirac. 

Des « retours illicites et condamnables souvent organisés pour le financement des partis »


Le document du cabinet Jospin que nous révélons aujourd’hui montre que les socialistes, arrivés au pouvoir en 1997, ont été immédiatement associés à la décision de l’ancien président de la République. En faisant silence sur ce grave secret du financement de la droite, le gouvernement socialiste a payé le prix fort de la cohabitation. Il a d’ailleurs pris lui-même des mesures visant à neutraliser le dossier pakistanais. 
« À la mi-septembre 1997, à la suite d’interrogations sur les paiements associés au contrat d’armement français vers le Pakistan, les exportations de matériel de guerre à destination de ce pays ont été gelées sur instruction de votre cabinet, écrivent MM. Gautier et Le Mière au premier ministre. Toutes les délivrances d’autorisation d’exportations des matériels de guerre (AEMG) ont été arrêtées et toutes les demandes d’agrément préalable ont été ajournées. » 

Dans sa première partie, la note des conseillers de Jospin décrit le « système » des “frais commerciaux extérieurs”, les FCE, appellation bureaucratique des commissions, qui « fait courir le risque de retours au profit de bénéficiaires français ». « Ces retours illicites et condamnables, souvent organisés pour le financement des partis politiques, sont à l’origine de suspicions sur un certain nombre de grands contrats dont certains signés dans les dernières années », indiquent-ils. 

C’est le chapitre consacré à « l’évolution de la situation au Pakistan » qui aborde sans détour le dossier explosif des sous-marins : « Deux sujets de malversation financière sont apparus à propos de l’exportation de matériel de guerre au Pakistan. Le premier, soulevé par les autorités pakistanaises, concerne le projet de vente d’avion Mirage 2000-5 qui mettrait en cause un trafic d’influence au profit de la famille Bhutto et le deuxième est relatif aux circuits financiers greffés sur des contrats DCNI, en particulier celui de trois sous-marins Agosta 90B. » 

À la suite du gel des exportations militaires pour le Pakistan, le cabinet de Lionel Jospin a tenu deux réunions interministérielles à Matignon, le 25 novembre 1997 et le 13 février 1998, pour examiner « les risques de contentieux sur les contrats en cours » et les « préoccupations des industriels ». Objectif : le maintien ou non du blocage. Plusieurs ventes d’armes font ainsi l’objet d’un examen approfondi du gouvernement (Mirages 2000-5, torpilles F17...), mais c'est le contrat des trois sous-marins Agosta construits par la Direction des constructions navales (DCNI) qui focalise l’attention. 

Selon la note déclassifiée, « le cabinet du ministre de la défense (Alain Richard – ndlr), a été interrogé sur les commissions versées pour ce contrat », et il a « fait parvenir des éléments de réponse signés par le directeur des relations internationales de la Délégation générale pour l’armement ». Ces éléments, manifestement très précis, ne font pas partie des documents communiqués aux juges… 

Selon les auteurs de la note, le directeur de cabinet du ministre de la défense atteste « que les circuits de financement suspects avaient été définitivement taris » et que « les commissions du type FCE ont été en grande majorité déjà versées ». Ce dernier point est d’ailleurs confirmé par les investigations judiciaires actuelles. En effet, 85 % des commissions du réseau El-Assir/Takieddine avaient été versées au moment du blocage chiraquien. 

Des « conséquences délicates pour nous »...


Evoquant « le préjudice très important qu’entraînerait l’inexécution d’un contrat de 5 milliards de francs », les conseillers de Jospin soulignent, dans un aveu implicite, « la difficulté de justifier cette interruption faute de pouvoir en indiquer les véritables motifs ». C’est pourquoi Louis Gautier et Louis Le Mière préconisent de « poursuivre l’exécution du contrat », après l’accord des ministres concernés, et la « consultation du président de la République qui est lui-même intervenu dans cette affaire après son élection pour interdire la poursuite de certaines pratiques ». 





Lionel Jospin note à la main ses remarques sur la première page du document (cliquez ci-contre pour agrandir), qui est daté du 17 avril 1998 : « Vu OS / LG (Olivier Schrameck et Louis Gautier – ndlr) M’en parler. – en parler avec AR, DSK, HV (Alain Richard, Dominique Strauss-Kahn et Hubert Védrine – ndlr) – en parler avec le Président ». Le premier ministre signe d’un paraphe « LJ ». Cet écrit prouve donc que trois ministres, poids lourds du gouvernement, ont été consultés par M. Jospin. 



Le 22 avril 1998, Olivier Schrameck, directeur de cabinet du premier ministre, transmet finalement la décision prise par Matignon via une note manuscrite (cliquez ci-contre pour agrandir) : « Après avoir parlé au président de la République et comme celui-ci le préconise, le Premier ministre ne s’oppose pas à l’octroi de ces autorisations, en vous demandant de veiller strictement à ce qu’aucune rétrocession de commission ne soit possible. » 
Cette préconisation globale vise tous les contrats en cours avec le Pakistan. Mais comme on l’a vu sur le document, les commissions des sous-marins Agosta, « en grande majorité déjà versées », passent, elles, par pertes et profits pour les caisses de l’État, comme pour la justice. 

Dans une note datant de 1997 au ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, dévoilée par Mediapart en février 2011, l’embarras socialiste devant l’affaire pakistanaise était déjà perceptible. 
« Le gouvernement pakistanais aurait décidé de lancer une offensive politique “mains propres” qui pourrait avoir des conséquences délicates pour nous, écrivait alors Pierre Sellal, directeur de cabinet de M. Védrine. L'affaire de la vente de sous-marins Agosta qui ferait l'objet d'une enquête pourrait en effet impliquer d'anciens ministres de la défense (MM. Pierre Joxe et Léotard) et M. Nicolas Bazire. Il faut se préparer à évoquer l'affaire à un niveau élevé avec les Pakistanais pour obtenir de leur part une certaine retenue. » 
Une annotation manuscrite, figurant sous une flèche pointant la phrase où sont cités MM. Joxe, Léotard et Bazire, précisait en outre : « Si cela progresse, il faudra les prévenir. » De fait, Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d’Édouard Balladur et ami intime de Nicolas Sarkozy, est aujourd’hui mis en examen dans ce dossier. M. Léotard, au cœur des négociations occultes, devrait être entendu. Quant à M. Joxe, ministre de la défense entre 1991 et 1993, son rôle semble s’être limité à l’ouverture de discussions officielles avec le Pakistan en 1992. 

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