lundi 12 août 2013

La Politique Française Objet d’Un Profond Désaveu Symbolisé par l' Effondrement de François Hollande


Déjà Vu


Déjà Vu - NYTimes.com

La IIIe République a duré 70 ans, mais on s’en souvient plutôt pour sa désastreuse performance durant l’Entre-deux-guerres lorsqu’une succession de gouvernements – pas moins de 34, pour être exact – refusèrent avec opiniâtreté de reconnaître que le monde était alors en changement.

Son manque d’adaptation, d’abord à la Grande Dépression, puis au réarmement de l’Allemagne, n’a pas seulement souligné la faiblesse d’une classe bien établie et corrompue, mais a également creusé un fossé qui, dans les années 1930, sera comblé par les extrêmes de gauche et de droite. Certes, les parallèles historiques sont toujours risqués, mais il demeure néanmoins stupéfiant d’entendre les échos de la IIIe République résonner dans la France d’aujourd’hui. Au sein de l’Europe, la France semble avoir perdu sa place de partenaire égal au côté de l’Allemagne, une évolution inquiétante étant donné que pendant près d’un demi-siècle, l’entente franco-allemande a servi de fondement de la stabilité européenne.

Mais les vrais problèmes de la France sont en France. Et le premier d’entre eux est la peur du changement. Il ne s’agit pas d’une peur nouvelle. Face aux manifestations de masse contre leurs propositions de réformes économiques et sociales, les gouvernements précédents, eux, avaient reculé. Le président François Hollande, dont le gouvernement socialiste est aux affaires depuis maintenant 13 mois, a créé son propre malheur en promettant le changement sans douleur – ou plutôt la douleur pour les riches, mais pas pour le gigantesque secteur public qui est le principal obstacle au changement.

Jusqu’à présent, le constat est le suivant : une France qui renoue avec la récession sans infléchissement de la courbe du chômage, un exode des plus riches et un accroissement de méfiance à l’encontre du gouvernement. À cette étape de son quinquennat, François Hollande affronte le taux de popularité le plus bas de tous les Présidents depuis l’instauration de la Ve République par Charles de Gaulle en 1958. Son pari étant d’inverser à temps le déclin économique de la France afin d’être réélu en 2017. En politique, tout est possible. Mais dans un pays accoutumé à un règne présidentiel fort, le cœur du problème se situe plutôt dans la perception de la faiblesse de François Hollande et de la confusion au sein de son gouvernement. Si la conséquence de tout cela résidait dans un regain de popularité pour l’UMP, qui a perdu le pouvoir avec Nicolas Sarkozy l’année dernière, le système politique, en soi, demeurerait stable. Mais d’importantes divisions sont apparues au sein de la droite, s’ajoutant au sentiment de vivre dans une nation à la dérive.

En effet, l’une des caractéristiques de la Ve République est que, lorsque l’Assemblée Nationale et le Sénat adoptent définitivement une loi, l’humeur du pays est bien plus souvent déterminé par la manière dont le Président projette son pouvoir et sa personnalité. Et si l’hyperactif Nicolas Sarkozy avait, par son omniprésence, réussi à rebuter un grand nombre de Français, François Hollande, lui, est considéré au mieux comme un manager battaillant avec une équipe indisciplinée. De plus, il n’a pas choisi ses batailles judicieusement. Malgré la récente légalisation du mariage gay avec un soutien majoritaire dans le pays, cette question a soulevé une opposition conservatrice et catholique massive, aboutissant à des manifestations gigantesques dans toute la France. Il ne s’agissait pas seulement d’une opposition au mariage (et à l’adoption) gay, mais aussi d’un effort dissimulé tendant à affaiblir le gouvernement comme un tout. En d’autres termes, le vide politique est en train de se remplir des colères et des frustrations. À l’extrême-droite, le Front National de Marine Le Pen – une figure plus conciliante que son père, Jean-Marie Le Pen – récupère lentement les mécontents. À l’extrême-gauche, le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon serait plutôt une épine dans le pied de François Hollande étant donné qu’il s’apprête déjà à prendre la rue pour bloquer toutes tentatives de réformes économiques prévues pour l’automne.

Sont également à l’oeuvre des forces bien plus obscures. La mort récente d’un étudiant lors d’une bagarre de rue à Paris a braqué les projecteurs sur des groupes d’extrémistes de gauche et de droite dont la visibilité est bien moindre. La victime de 18 ans, qui fréquentait un établissement élitiste, appartenait à un groupe appelé Action Antifasciste Paris-Banlieue. Lui et trois autres membres ont affronté des skinheads proches des groupes d’extrême-droite Troisième Voie et les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires. Un leader de l’opposition conservatrice a immédiatement appelé à la dissolution de toutes les bandes extrémistes de gauche et de droite, alors que les partis de gauche se contentaient de réclamer l’interdiction des gangs d’extrême-droite. D’une façon plus inquiétante encore, le terme employé pour décrire ces gangs était « ligues », le terme adopté par les groupes fascistes et pro-Nazi qui essayèrent de renverser la IIIe République dans le milieu des années 1930. Ce mois-ci, le blog de Jean-Dominique Merchet, un journaliste disposant généralement de bonnes sources dans l’Armée, a publié un billet au titre sensationnaliste : « Cette extrême-droite qui fantasme sur un coup d’État militaire ». Merchet affirme que la controverse du mariage gay aurait bouleversé un certain nombre d’officiers supérieurs de l’Armée, dont certains seraient affiliés à un groupuscule catholique intégriste appelé Civitas. Il ajoute que certains d’entre eux seraient même révoltés par l’influence supposée des Francs-Maçons au sein du Ministère de la Défense.

Alors que personne ne prenait au sérieux cette menace d’un coup d’État, le blog de Merchet fut cependant largement relayé, grâce au journal Le Monde citant un officiel anonyme du Ministère de la Défense selon lequel « la cristallisation autour du mariage gay a libéré certains comportements et paroles, cela peut avoir des incidences sur de jeunes officiers pour qui défendre la “grande armée” contre les socialo-communistes francs-maçons est un combat ».

Encore une fois, l’idée que des Catholiques nationalistes identifieraient les Francs-Maçons (et leur penchant plutôt à gauche) à l’ennemi nous fait nous souvenir de la polarisation profonde qui a caractérisé la vie politique française dans les années 1930. Parler de IIIe République revisitée serait un peu prématuré, mais le système politique français actuel fait l’objet d’un profond désaveu. La nécessité de plus de courage et d’un leadership fort au sommet de l’Etat font urgence. Dans le cas contraire, la promesse d’un avenir meilleur restera une promesse.

http://www.enquete-debat.fr/archives/deja-vu-traduction-dun-article-du-new-york-times-du-21-juin-2013

2 commentaires:

  1. assez de ce baratin sur l'extrémisme du FN !!!

    RépondreSupprimer
  2. et assez sur les skinheads d'extreme-droite quand on sait que la victime a attaqué par-derrière le "vilain fasciste" avec une arme de poing qui s'est défendu en le faisant tomber !! La chute fut fatale soit mais ça arrive dans les bagarres.

    RépondreSupprimer

Dites ce qui vous chante...
Mais dites-le !