Le krach de l’immobilier en France a-t-il commencé ?
de Laurent Pinsolle
Cela fait bientôt trois ans que la question se pose : la France va-t-elle subir un krach immobilier comparable à celui des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Espagne ? Entre le niveau très élevé des prix et le début de baisse des derniers mois, on peut être tenté d’y croire.
Pourquoi on peut croire à un krach
C’est The Economist qui alerte depuis plusieurs années sur le niveau trop élevé des prix de l’immobilier en France. Selon leur dernière enquête, les prix seraient surévalusés de 39% par rapport aux loyers et de 34% par rapport aux salaires, ce qui marque une légère décrue néanmoins (il y a six mois, nous étions à 49% et 38% respectivement), du fait de la baisse des prix de 1,7% depuis l’an dernier. Le marché français est aujourd’hui d’assez loin le marché le plus cher d’Europe.
Les statistiques de l’hebdomadaire britannique sont inquiétantes. L’Espagne, où les prix ont baissé de 7,7% depuis un an (et 26,5% depuis 2007), apparaît encore surévaluée de 15% environ. L’Italie, où ils ont baissé de 4% depuis un an (et 11% depuis 2007) est encore légèrement surévaluée. Le marché britannique, stable depuis un an, mais en recul de 11% depuis 2007), est surévalué d’environ 15%. Enfin, l’Allemagne, où les prix ont progressé de 3,4% depuis un an, reste sous-évaluée de 17%. A noter que les prix décollent de 9% aux Etats-Unis mais qu’ils restent sous-évalués de 15%.
Bref, à part des pays émergents (Hong Kong ou Singapour) ou des pays dits développés mais riches en matières premières (Canada, Austraiie), la France semble en première ligne pour subir elle-aussi un krach immobilier significatif. Et le début de la décrue des prix pourrait bien indiquer le début de la fin. En outre, le nombre de transactions a baissé de plus de 20% en 2012, et le montant des crédits immobiliers s’est effondré de 26%. Ce sont typiquement les signes avant-coureur traditionnels d’un retournement de marché, comme le souligne Wolf Richter sur Atlantico.
Le krach est-il inévitable ?
La question qui se pose maintenant, c’est de savoir si nous nous dirigeons vers une répétition du scénario des années 1990, où les prix avaient baissé de 35% en 6 ans (une chute comparable à celle des Etats-Unis), ou si nous allons nous contenter d’un ajustement limité de 10 à 15% ? Il est toujours aussi difficile de trancher qu’il y a quatre mois entre les deux options, tant il existe des facteurs puissants, non seulement pour justifier la baisse, mais aussi pour expliquer le niveau des prix.
Bien sûr, beaucoup d’arguments plaident pour un krach. Le niveau des prix est tel qu’il justifie parfaitement un ajustement sévère, quelle que soit la méthode de calcul. En outre, comme au début des années 1990, l’économie rentre actuellement en récession, contexte idéal pour provoquer un fort ajustement du marché, en créant des besoins de liquidités qui déséquilibrent le marché. Enfin, l’effondrement des transactions et des crédits est un signe avant-coureur classique d’une crise.
Néanmoins, de nombreuses forces de rappel existent. Tout d’abord, le flot de liquidités peut globalement soutenir la demande d’actifs et donc aussi les prix. Ensuite, le niveau historiquement bas des taux d’intérêt diminue le coût final d’achat. Mieux, le taux de défaut reste extrêmement faible sur le marché français, évitant le scénario étasunien où les saisies et les reventes ont amplfiié la crise. Enfin, il y a toujours un manque fondamental de logements sur notre marché, du fait de la croissance démographique et ce manque est amplifié par la baisse des mises en chantier.
Difficile de savoir quelle sera l’ampleur de l’ajustement. Si les taux restent au plancher ou continuent à baisser, cela pourrait lilmiter la baisse, tout comme une légère reprise économique en 2014. En revanche, toute tension ou approfondissement de la crise pourraient l’amplifier.
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