lundi 31 décembre 2012
Les partis socialistes d 'Europe : Capitulation face au libéralisme et permissivité sociétale
D'un strict point de vue politique, cette année 2013 commence chez nous de façon stupéfiante. La droite est en capilotade, achevée par la pantomime Copé-Fillon mais surtout incapable de proposer la moindre « vision » de l'avenir. Le centre s'est évaporé, et Jean-Louis Borloo aura du mal à lui redonner consistance. Quant à la gauche parvenue au pouvoir, le plus extraordinaire est qu'elle ne profite pas du naufrage de ses adversaires. Au contraire, la popularité des chefs de l'exécutif - François Hollande et Jean-Marc Ayrault - décline à mesure. Bizarre, en effet. Élargissons le paradoxe à l'ensemble du Vieux Continent. Ce n'est pas le « populisme » qui balaye aujourd'hui l'Europe, c'est un grand vent de conservatisme crispé. De dureté sociale en régression sécuritaire s'installe un peu partout, ou se fortifie, ce « monstre doux » dont parlait en 2010 l'essayiste italien Raffaele Simone. Les peuples en font les frais. Ils se sentent orphelins. Ils le sont. C'est inimaginable ! Les sociétés sombrent sous nos yeux dans la précarité, l'exclusion, le chômage de masse (pensons aux chiffres français donnés ce vendredi !), l'inégalité et la logique financière qui transforment les humains en simples variables. En toute logique, les gauches devraient voir gonfler leurs voiles. Ce n'est pas le cas.
Quand on répète à l'envi que ces gauches sociales-démocrates ont « perdu-la-confiance-des-classes-populaires », on n'a pas dit grand-chose. Reste à comprendre pourquoi et comment. Je ne crois pas qu'on puisse répondre en se cantonnant à la politique au sens étroit du terme. C'est ce qu'Ulrich Beck appelle la « subpolitique » qu'il faut convoquer. Par ce néologisme, le sociologue allemand désigne le climat culturel, les idées en vogue, les pensées médiatiques dominantes, bref l'air du temps jusque dans sa frivolité. C'est là qu'une cassure s'est produite entre les sociaux-démocrates et leurs électeurs traditionnels.
Chez nous comme ailleurs en Europe, les socialistes n'ont pas mesuré la gravité d'un phénomène qui, en quelques années, a métamorphosé les représentations collectives les unissant aux plus démunis. Premier stade : l'effet de souffle de l'effondrement du communisme. Il a ringardisé l'aspiration égalitaire et ce qu'on s'est mis à appeler - péjorativement - « l'ouvriérisme ». Après 1989, il n'était plus « tendance » de s'y intéresser. Les travailleurs ont été vus comme des beaufs, des Dupont-Lajoie, voire d'indécrottables ploucs.
Les partis socialistes, les uns après les autres, ont ainsi rendu les armes face au libéralisme, sans voir venir la pathologie financière qui a métamorphosé ce dernier. Ils ont cru trouver sur le terrain des mœurs un « marqueur » de substitution. Malgré leurs ralliements (ou reniements), la permissivité sociétale les ancrait encore symboliquement à gauche. Ce fut toute l'ambiguïté du discours « libéral-libertaire ». Je suis rallié au libéralisme mais je reste de gauche, car je lutte contre « l'ordre moral », etc. Le débat actuel sur le mariage gay illustre aujourd'hui cette partie de bonneteau - et de bla-bla - qui voit le « sociétal » préféré au « social ».
Pour le reste, la presse de gauche prit l'habitude d'admirer les nouveaux champions de la finance, qu'elle traita en rock stars. Les troubadours du système adjuraient les socialistes de rompre avec la « gauche de gauche » pour entrer dans le prétendu cercle de la raison. Quant au « populo », il fut vertement accusé d'être réac. Obsédés par les classes moyennes et les bobos, les socialistes en vinrent à oublier qu'il existait encore en France près de 6 millions d'ouvriers et que ceux-ci avaient déjà intériorisé un fort sentiment d'abandon. Aux ouvriers stricto sensu, ajoutons une partie des classes moyennes et un nombre croissant de « précaires ». Cela fait beaucoup d'hommes et de femmes effectivement lâchés en rase campagne, face aux mitrailles de la finance.
Écoutez bien : ils crient au secours !
Médéric P. Maze
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