mardi 23 octobre 2012

Poutine met la pression en organisant un exercice nucléaire


Poutine et la Russie sont diablement sérieux

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Le président russe Poutine a dirigé personnellement, vendredi 19 octobre, un exercice de simulation de guerre nucléaire stratégique, avec des exercices “réels”, notamment le tir d’un missile intercontinental balistiques terrestre (ICBM), un tir d’un missile nucléaire stratégique lancé de sous-marin (SLBM) et des tirs de missiles air-sol à partir de bombardiers à capacités nucléaires. Ainsi ont été utilisés en exercice réels les trois éléments de la “triade” nucléaire, les missiles stratégiques terrestres et tirés de sous-marins, et les bombardiers stratégiques à capacité nucléaire (en général des engins guidés à têtes nucléaires, dont des cruise missiles).

Reuters donne un rapport sur l’exercice et quelques-unes des circonstances qui l’ont marqué, ce 19 octobre 2012. Il y est précisé qu’il s’agit de l’exercice nucléaire stratégique le plus important depuis la fin de l’URSS (1991), et certainement le premier du genre dans la Russie post-soviétique. Des procédures nouvelles de commandement, de contrôle et de communication (C3, éventuellement C3R si l’on y ajoute le renseignement) ont également été testées et expérimentées.



On admettra aussitôt qu’il serait bien incomplet de ne s’en tenir qu’à l’aspect technique de l’exercice, tout en admettant l’importance de cet aspect, notamment au niveau de nouvelles procédures de type C3 qui servent à donner une appréciation particulièrement importante à ce domaine technique. Mais justement, cet aspect introduit l’autre dimension, qui est politique, qui est liée à Poutine dans ce cas, puisque les procédures C3 sont aussi bien le moyen technique du rôle absolument essentiel du pouvoir politique dans une guerre nucléaire stratégique. Dans ce cas, la présence visible de Poutine, qui a été l’objet d’une grande publicité, est d’une particulière importance. Les arguments de l’opposition et de la propagande type-BAO à ce propos de la communication faite autour de la présence de Poutine (Poutine veut se donner une stature de commandant-en-chef, il veut détourner l’attention de l’opposition intérieure en mettant l’accent sur les dangers extérieurs) sont d’un intérêt marginal et d’une pauvreté courante pour ce cas, renvoyant aux habituelles agitations dans le cadre des “révolutions de couleur” et de l’“agression douce”, par rapport à la signification profonde de l’événement, – en réalité, aux différentes significations profondes de l’événement.

L’exercice et les conditions politiques qu’on décrit ont directement à voir avec la campagne qu’on dirait “de communication” que poursuit la Russie, pour “sensibiliser” ses “partenaires” (du bloc BAO) sur les dangers et les risques de la situation actuelle et des situations de chaîne crisique et de crise haute qui prévalent partout. Donc, l’exercice à un rapport avec la crise syrienne, avec le “printemps arabe” et toute cette sorte de chose. Il s’agit de rappeler d’une manière concrète à toutes les puissances impliquées dans le désordre général qui parcourt les zones stratégiques que le risque de guerre générale existe et qu’il implique au plus haut niveau le risque de guerre nucléaire stratégique. On reconnaîtra, dans ce cas, que l’exercice de présentation de l’exercice nucléaire, avec le rôle de Poutine, est une façon de poursuivre, par exemple, l’avertissement de Medvedev du mois de mai dernier sur le risque qu’un de ces conflits régionaux traités par le bloc BAO comme des exercices de communication, mi-électoraux et mi-démagogiques, mais aussi très affectifs comme on les décrit en général, autour des thème de l’humanitarisme, de la supériorité des “valeurs” et de l’impunité stratégique occidentales, ne dégénère en conflit réel, jusqu’à la dimension nucléaire. Mais on comprendra qu’il s’agit moins d’une menace que d’une tentative de plus de ramener les dirigeants politiques du bloc BAO dans la réalité des véritables rapports de puissance et de la nécessité pour tous d’établir et de renforcer une situation de stabilité ; comme si, en un sens, on pouvait attendre de cette sorte d’exercice qu’il ait la vertu de sortir les dirigeants du bloc BAO de l’espèce de paralysie hypnotisée où ils se trouvent actuellement, par rapport à leurs politiques, à leurs actes, à leurs prises de position, etc., avec la psychologie terrorisée et le comportement hypomaniaque qu’on leur connaît, tout cela étant particulièrement bien illustré par les crises libyenne et syrienne.

Sur un point particulier et spécifique, il y a également un effort de communication des Russes de cette même sorte : vis-à-vis des deux candidats aux présidentielles US, pour les convaincre que les rapports des puissances nucléaires (des deux principales puissances nucléaires stratégiques) ne sont pas un simple jeu électoral ou un outil de réaction aux différentes influences qui s’exercent sur eux, mais aussi une équation et un exercice d'équilibre de puissance qu’il faut considérer avec sérieux et avec la plus grande précaution. (Certes, ce n’est pas un hasard si l’exercice a lieu en plein milieu de la campagne électorale US.) On comprend les efforts russes à cet égard mais on doute grandement qu’ils auront quelque efficacité. La situation psychologique des directions politiques du bloc BAO nous paraît irrémédiablement, absolument embourbée dans la paralysie et l’impuissance, et le chaos qu’on lui connaît.

…D’ailleurs, peut-être les Russes pensent-ils de la sorte, au fond d’eux-mêmes, et font-ils ces efforts dans le sens qu’on décrit, en désespoir de cause, c’est-à-dire sans beaucoup d’espoir d’être entendus. Dès lors, l’exercice a une seconde fonction profonde, beaucoup plus unilatérale, beaucoup plus à proprement parler “russe”. Par exemple, elle conforte et renforce les décisions russes dans la zone de crise haute, notamment illustrées par l’annonce du déploiement des missiles sol-air S-400 en direction de la Turquie. (Voir notre texte du 20 octobre 2012.) Les caractères stratégiques de ces deux mesures (S-400 et exercice nucléaire) se complètent, pour signifier que la Russie entend peser de tout son poids stratégique, à la fois sur la situation syrienne et alentour, à la fois sur les projets déstabilisants du bloc BAO comme celui du réseau antimissiles type BMDE (dont des radars sont en train d’être installés en Turquie).

Ici, il s’agit moins de communication que de systèmes d’arme concrets, et de puissance stratégique également concrète. Que le bloc BAO, et les autres pays concernés par la crise syrienne, entendent l’avertissement ou pas importe peu ; car cette fonction d’avertissement est somme toute secondaire… Il y a simplement les faits de la puissance russe, d’une Russie qui continue à raisonner selon les données concrètes de la puissance, de ce point de vue pour garantir la sécurité nationale. Le fait est que, sur cette voie, les Russes ne cessent de durcir leur position, de la rendre plus compréhensible, de la débarrasser de toute ambiguïté. Par conséquent, ils confirment, avec cet exercice, qu’ils sont en train de perdre, si ce n’est déjà fait, toutes les illusions, les espoirs ou les faiblesses qu’il leur arriva d’avoir après la fin de la guerre froide, et encore jusqu’à une époque très récente (même après la guerre contre la Géorgie, le souci de la coopération avec certains pays du bloc BAO était très fort), sur une politique de coopération franche et féconde avec le bloc BAO. De ce point de vue, la Russie est totalement sur ses gardes, nous dit Poutine en train de surveiller les tirs d’essai des composants de la “triade” nucléaire stratégique russe. Que les pays du bloc BAO entendent ou n’entendent pas cette interprétation de la chose n’a qu’une importance très moyenne pour la direction russe ; la “chose” (la puissance stratégique russe) existe, et c’est l’essentiel à cet égard.


Mis en ligne le 22 octobre 2012 à 14H15
Dedefensa.org : Pour info : Poutine et la Russie sont diablement sérieux

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