jeudi 4 octobre 2012

Mario Monti et sa politique « de larmes et de sang ».

source image : http://inpastoalsilvio.wordpress.com/2011/11/12/padri-e-padrini/



Italie. L’imposture de Mario Monti

3 octobre par Chiara Filoni

Pour celles et ceux qui se demandent si quelque chose a changé en Italie, après neuf mois de gouvernement dit « technique » - donc non élu par la population - présidé par Mario Monti |1|, la réponse est oui. Malheureusement en pire. Si on évalue ce gouvernement sur la mission pour laquelle il a été mis en place, à savoir la résolution de la crise de la dette, les résultats sont désastreux. En décembre 2011, lors de l’installation du gouvernement Monti, les taux d’intérêt des Bons du Trésor Pluriannuels ont commencé à descendre, d’un pic à 7% avec un spread |2| de 575 points de pourcentage, à un taux de 5-6% et un spread de 380-400 points. En juillet 2012 le spread remonte à 500 points pour redescendre autour de 350-400 points en septembre. Du point de vue strictement technique, aucune raison de se réjouir : rien n’a changé. Le coût humain est à l’inverse considérable. Les Italien-ne-s subissent de plein fouet les plans anti-crise ou, comme notre ministre du Travail Fornero aime à les appeler, les mesures « de larmes et de sang ».
Le taux de croissance est estimé autour de -0,2% du PIB pour 2013 |3| (contre -1,3 en 2012), raison suffisante pour que Monti se déclare optimiste ! Pourtant, une contraction de 2,4% est encore prévue pour cette année, le ratio dette/PIB devrait atteindre 126,4% en 2013 (contre 123,4% prévu jusqu’à présent) et le déficit budgétaire 1,8% (contre 0,5% prévu) |4|. Les grandes banques d’investissements ont commencé à se prémunir du soi-disant « risque Italie ». En tête, Goldman Sachs, qui a réduit son exposition sur les titres de la dette italienne de 92% (de 2,5 milliards de dollars en mars 2011 à 191 millions au 30 juin 2012). La contrepartie de ces opérations est la couverture des titres en dérivés, qui avaient une valeur négative de 279 millions de dollars en juin 2011, alors qu’ils enregistraient en mars 2012 une valeur positive de 170 millions |5|. Selon Handeblatt, principal quotidien économique et financier allemand, d’autres « bigs » auraient également renforcé leur position à l’égard du « risque Italie » en assurant de plus en plus leurs bonds. JP Morgan aurait par exemple augmenté le pourcentage des bond italiens assurés avec des credit default swaps (CDS) de 52% à 61%, tandis que pour UBS ce pourcentage est passé de 69% à 90%.
Les politiques « de larmes et de sang »
En juillet dernier, le Parlement a ratifié le Pacte budgétaire (Fiscal Compact) et le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) imposés par l’Union Européenne. Entres autres mesures, rappelons que le Fiscal Compact oblige les pays dont la dette est supérieure à 60% du PIB à passer sous ce seuil sur vingt ans, sous peine de sanctions pécuniaires. L’Italie s’est donc engagée à une coupe budgétaire de 45 milliards d’euros, chaque année, pendant 20 ans. Une stratégie dont la population fera les frais, à commencer par les plus précaires, via une austérité permanente.
Entre autres résultats néfastes de cette politique, deux mesures ont particulièrement miné les droits des travailleurs-euses : la réforme par la ministre du Travail de l’article 18 du Statut National de travailleurs, qui interdisait le licenciement sans juste cause, rend maintenant nettement plus facile pour une entreprise de licencier ses salarié-e-s. Cette réforme s’inscrit dans la lignée de la modification par le gouvernement Berlusconi en septembre 2011 de l’article 8 de la loi 138, qui efface de fait les conventions collectives nationales (en matière de normes du travail, horaires et licenciements) qui peuvent être dérogées par des conventions d’entreprises ou territoriales (c’est-à-dire par des syndicats dits plus représentatifs sur le plan territorial ou national).
Ces deux mesures marquent une régression totale des acquis sociaux. En outre, elles sont l’application rigoureuse de la fameuse lettre secrète de Mario Draghi et de Jean-Claude Trichet à Berlusconi publiée par le journal Corriere della Sera |6|, et plus précisément des deux derniers points de la section 1 qui invitaient l’Italie à revoir complètement son système de négociation collective et à réviser les règles d’embauche et de licenciement des travailleurs.
Les deux autres sections de cette lettre qui « conseillaient » une « correction » du déficit et de la dette et une « révision de l’administration publique » prendront sans doute effet prochainement. En effet, l’approbation du pacte budgétaire, du MES et la Spending Review (révision des dépenses de l’Etat) annoncent de nouveaux revers. En la matière, la Spending Review prévoit une réduction du personnel de la Fonction publique de 10% et de 20% pour ce qui concerne le nombre de ses dirigeants, un gel des embauches de 80% à partir de 2012 et de 100% à partir de 2014. La Spending Review prévoit également l’augmentation de la TVA en 2013, prévue initialement pour 2012 (pour compenser le déficit, les régions qui dépensent le plus dans le secteur sanitaire - à savoir la majorité des régions du Sud plus le Piémont et le Lazio, qui constituent 44% de la population italienne - ont la possibilité de taxer davantage leurs citoyens), la hausse des taxes universitaires pour les étudiants ayant dépassé le nombre d’années requises pour l’obtention du diplôme, des coupes dans la recherche pour 30 millions et une réorganisation des provinces.
Pendant ce temps, entre autres victimes des politiques « de larmes et de sang », les esodati, ces anciens salariés (350 000 selon les syndicats) partis en préretraite dans le cadre d’une démission volontaire (encouragée par l’employeur) ou au cours d’une restructuration d’entreprise, se retrouvent sans pension, pris au piège de la réforme qui relève l’âge du départ en retraite à 67 ans, et attendent toujours du gouvernement Monti qu’il trouve des solutions |7|.
Et sur le front des luttes ?
Heureusement, la population commence à se faire entendre. Selon les statistiques, il y a eu une hausse de 25% des grèves cette année. On peut cependant déplorer l’absence d’un front uni contre la crise et les mesures d’austérité, à l’instar d’autres pays comme la Grèce et l’Espagne |8|. Malgré cela, un front d’opposition composé de partis de gauche et de la Fédération Italienne des Ouvriers Métallurgiques a proposé un référendum sur le rétablissement des articles 8 et 18 dans leur disposition originelle. La récolte des signatures démarre en octobre, nous croisons les doigts.
Un front commun de lutte contre la dette s’est également constitué. Les campagnes Rivolta il Debito (Retourne la dette), Smonta il debito (Démonte la dette) aux côtés d’Attac Italie et d’autres associations, ont lancé un appel commun « pour une nouvelle finance publique » |9|. L’appel plaide notamment pour :
- l’institution d’un audit public et participatif sur la dette italienne aux niveaux national et local (il y a déjà plusieurs groupes dans le territoire) avec le gel immédiat du payement des intérêts
- la re-socialisation (avec des taux d’intérêts inférieurs à ceux du marché) de la « Cassa depositi e risparmi » qui gère les investissements dans le secteur public
- une profonde réforme fiscale, en redistribuant les revenus en faveur des plus pauvres à travers la taxation des rentes financières et un contrôle démocratique des mouvements de capitaux.
Cette initiative unitaire est à saluer, et il est à espérer que le peuple italien se mobilise à nos côtés, contre la dette illégitime et contre ces politiques d’austérité qui font payer à la population les choix des gouvernements et des banques privées.

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