L' Iran n'est pas seulement au bord de la guerre avec l' OTAN , mais également déchirée en interne.
La rivalité qui règne entre les deux hommes forts du pouvoir iranien, se retrouve au second plan depuis la crise du nucléaire, mais elle n'a jamais vraiment cessé.
Les premières tensions remontent à 2007. Le président s’est fait une habitude de renvoyer les ministres proches du guide suprême dans les domaines que ce dernier contrôle implicitement, à savoir les Affaires étrangères, les Renseignements, la Défense et l’Intérieur. Pourtant, Ahmadinejad est arrivé au pouvoir grâce au soutien de Khamenei et d’une coalition d’ultraconservateurs, et avec l’appui des gardiens de la révolution [armée parallèle du régime] et les bassidjis [milice du
régime].
Relativement inconnu lors de son élection, en juin 2005, il n’avait pas de base populaire. Cependant, une fois élu président, il a commencé à prendre des mesures pour obtenir le soutien de diverses couches de la population.
L’autre source de tensions entre les deux hommes, ce sont les références permanentes que fait Mahmoud Ahmadinejad au Mahdi [l’imam caché dont leschiites iraniens attendent le retour].
Selon les partisans de Khamenei, le guide est considéré comme le remplaçant de l’imam caché en son absence, et c’est à travers lui que les gens peuvent se connecter à l’imam. Mais Ahmadinejad ne cesse de donner des nouvelles au sujet de l’imam caché, laissant entendre qu’il est directement lié à celui-ci. Alors pourquoi le pays aurait-il besoin du guide suprême – ou des religieux en général ?
Ahmadinejad, qui est appuyé dans sa démarche par son plus fidèle allié, Mashai, peut-il réussir à se débarrasser des religieux alors que l’Iran est officiellement une République islamique depuis plus de trente ans ?
Les calculs des deux hommes sont fondés sur l’idée qu’Ahmadinejad a sa propre base électorale, indépendante de Khamenei.
Prenons, par exemple, les élections parlementaires qui doivent avoir lieu en mars 2012. Les deux hommes pensent que, si les élections ne sont pas truquées – et si les réformistes n’y participent pas –, ils sont en mesure de gagner et de contrôler le Majlis [Parlement iranien]. Mais cette affirmation est erronée, car la base sociale d’Ahmadinejad, en dépit de tous ces efforts, reste faible. Beaucoup de ceux qui ont voté pour lui l’ont fait en raison de leur soutien à Khamenei. Plus important, dans la confrontation récente avec Khamenei, personne ne s’est exprimé publiquement pour défendre Ahmadinejad et tous les officiels ont au contraire réitéré leur allégeance au guide suprême.
Le président iranien essaie de contrôler le ministère des Renseignements depuis son arrivée au pouvoir, en 2005. Le ministère possède une grande quantité d’informations sur le degré de corruption des hommes politiques, sur les assassinats ciblés, sur la torture dans les prisons et sur ce qui s’est passé dans les coulisses avant et pendant le scrutin de 2009.
Peut-être Ahmadinejad voudrait-il utiliser ces informations pour discréditer ses opposants. Khamenei et ses partisans semblent prendre en compte cette possibilité, c’est pourquoi ils ont proposé de retirer ce ministère du gouvernement et de le transformer en une “organisation pour le renseignement et la sécurité” qui s
Ce qui est certain, c’est que la confrontation entre Ahmadinejad et Khamenei et leurs supporters respectifs n’en est pas une entre le peuple et l’élite régnante. Les racines de cette dispute résident dans la façon de gouverner un pays, qui est dans les deux cas arriérée et réactionnaire. Il s’agit d’une opposition entre deux factions des conservateurs. Dans le camp de Khamenei, on trouve les dirigeants de l’establishment de l’armée, de la sécurité et du renseignement, les religieux et une partie des forces bassidjis. Ils s’inquiètent du rôle de Mashai [Ahmadinejad avait été fortement attaqué à l’été 2009, car il avait refusé de limoger Mashai bien que celui-ci se soit déclaré “ami du peuple israélien”].
Les religieux sont convaincus que, si Mashai devenait président après Ahmadinejad (en 2013), comme semble le souhaiter ce dernier, il éliminerait les religieux du pouvoir. Dans le camp opposé, Ahmadinejad est soutenu par ceux qui ont bénéficié directement de ses largesses – à savoir un grand nombre d’officiers de rang moyen des gardiens de la révolution, issus de couches très pauvres de la population et dont le nombre est difficile à estimer – et par certains de ceux qui pensent que les religieux devraient quitter le pouvoir.
Où va mener ce conflit au sommet du pouvoir ? Les proches du guide suprême ont commencé à faire arrêter des membres du cercle intime d’Ahmadinejad et de Mashai. Les religieux pourraient tolérer ensuite Ahmadinejad jusqu’à la fin de son mandat, en 2013.
La querelle peut aussi devenir une guerre d’usure. Mais, quel que soit le destin d’Ahmadinejad, Khamenei sera le grand perdant. Il est celui qui a soutenu Ahmadinejad et qui a autorisé la violente répression contre les protestataires de juin 2009.
De plus, dans cette affaire, un tabou crucial a été brisé. Le président est allé ouvertement à l’encontre du guide suprême.
En 1985, Khamenei, lorsqu’il était président [il le fut de 1981 à 1989], avait essayé de faire de même à l’encontre de Khomeyni [fondateur de la République islamique et alors guide suprême], mais à l’époque il avait été marginalisé. Ahmadinejad n’a pas encore été marginalisé, mais l’arrestation de certains de ses alliés laisse penser que cela pourrait se produire. Mais Ahmadinejad a montré qu’il n’aimait pas être utilisé comme un outil par Khamenei. Il a aussi fait clairement comprendre à Khamenei qu’il n’était pas “son” président, mais le président de l’imam Mahdi.
En raison du caractère imprévisible du processus décisionnel d’Ahmadinejad, tout est possible. La confrontation entre les deux camps n’est en rien terminée.
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