samedi 17 décembre 2011

Jacques Delors sur l'Euro : c'est pas ma faute mais celle des dirigeants qui n'ont rien fait



Cela n'a pas été une bonne année pour l'euro. Et maintenant, comme d'habitude, il ne reste qu'une semaine pour arranger les choses. Alors posons la question à l'homme qui a inventé tout ça : oui, il s'agit de Jacques Delors le père de Martine Aubry (c'est comme ça chez nous).


C'était M. Delors dont les differents travaux ont produit ce que nous appelons maintenant l'euro. Il était à l'époque un personnage démoniaque pour les eurosceptiques et un génie pour les europhiles.


M. Delors est connu pour son austérité, mais l'homme n'est pas rigide ou pompeux. Son immense capacité de travail et sa vision dans la recherche de changement à propos de l'Union soviétique avant sa chute l'ont rendu populaire en France même si le fauteuil présidentiel ne lui aparaissait pas assez démocratique à son goût (une sorte de trône déguisé).


L'homme qui se targue d'être un architecte de l'Union européenne a t il tout faux ? Sans hésitation, il nie en bloc ! 
"Il s'agit d'une faute dans l'exécution, et non pas une erreur de ses  architectes".  À l'époque (en 1997) il a fait remarquer que "si vous avez une banque centrale indépendante, alors vous devez également avoir un état centralisé (au moins pour la politique monétaire)".


Il pointe du doigt aussi le problème de "surveillance". Le Conseil des ministres doit ètre capable de faire la police au sein de la zone euro et s'assurer que les États membres suivent les critères de convergence économique. Or, cela n'est jamais arrivé depuis le lancement de la monnaie unique.


Pendant longtemps, l'euro a fonctionné remarquablement bien, affirme M. Delors, apportant stabilité et croissance. Mais il y avait une réticence à répondre aux problèmes. "Les ministres des Finances ne voulaient pas voir quoi que ce soit de désagréable qu'ils auraient obligés de solutionner." Plus la crise mondiale du crédit a frappé, et plus les défauts de la construction européene ont été exposés au grand jour.


Qui veut-il le plus blâmer pour cela ? 
Il pense que "chacun doit examiner sa propre conscience". Il identifie "une combinaison de l'entêtement de l'idée germanique de contrôle monétaire et l'absence d'une vision claire de tous les autres pays".
M. Delors ajoute que la Grande-Bretagne, en restant en dehors l'euro évite donc de partager le fardeau de la crise financière, le sien (la régression de la city) lui aparaissant déja assez lourd come ça.
"
M. Delors, estime qu'au sein des 17 Etats membres de la zone euro, la réaction aux problèmes de 2008 jusqu'à à aujourd'hui a été "trop timide, et trop tardive".
"regardez ce qui s'est passé à la fin des années 1980 avec la chute du Mur de Berlin. Helmut Kohl, François Mitterrand, George Bush père et Mikhaïl Gorbatchev  ont tous beaucoup parlé et agi trop peu et trop tard". Mais en fait, "ils ont fini par réagir rapidement à cette révolution, grâce à l'intelligence dont ils faisaient preuve. Il y avait une vision et sang-froid qui fait défaut aux personnalités politique actuels".


L'euro va t il survivre ? 
M. Delors n'a pas, bien sûr, dévié de sa croyance en la monnaie unique européenne, mais il est aussi très conscient du danger en disant que tout ce risque d'arriver prochainement risque de déstabiliser la situation de l'euro-zone déja très fragile.
D'où cette réflexion contrastée :
"Jean Monnet [le père fondateur de l'Union européenne] avait coutume de dire que lorsque l'Europe traversait une crise, elle en ressortait plus forte ... mais il ya certains, comme moi, qui pense que Monnet était trop optimiste ... Je suis comme Gramsci [le philosophe marxiste italien]: J'ai le pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté ".


En ce moment, M. juges Delors juge que "même l'Allemagne" aura beaucoup de mal à se sortir du désordre. "Les marchés sont les marchés. Ils sont désormais minés par l'incertitude. Si vous vous mettez dans la position des fonds d'investissement, des compagnies d'assurance et fonds de pension, vous comprendrez qu'ils sont à la recherche d'un signal clair. "
Tous les chefs de gouvernement ont besoin de donner ce signal ensemble. Au lieu de cela, il ya "une cacophonie de déclarations".


L'euro ne peut sortir de cette crise qu'à condition que deux conditions soient remplies. "La première est que les pompiers doivent éteindre le feu. La seconde est qu'il doit y avoir une nouvelle architecture. Si vous avez une de ces choses sans l'autre, les marchés seront sceptiques. "
Le seul choix est "d'accepter un plus grand transfert de souveraineté et de se soumettre à une discipline commune".


Comment quelqu'un qui a toujours prôné la démocratie européenne, n'est-il pas plus préoccupé par la reprise en main des technocrates en Grèce et en Italie ? 
Les dirigeants eurocrates Monti et papandemos ont été parachutés sans que les électeurs aient eu leur mot à dire. Cela ne dérange pas M. Delors : 
"Ce n'est pas la première fois dans l'histoire que nous avons placé une personne non-politique pour assurer une transition. Les marchés sont rassurés qu'il ya un homme en place qui sait ce qu'il fait. Il peut calmer les nombreux antagonismes. "
Jacques Delors est un maître de toutes les subtilités de l'argumentation, et de toutes les structures institutionnelles byzantines, il parle donc avec confiance dans son jargon, mais son esprit semble accablé par des pensées plus profondes. Il voit la crise de l'euro dans le cadre de quelque chose de plus profond et plus large encore que la crise du crédit elle-même. Il croit que les principaux acteurs sociaux et économiques  ont de sérieux doutes sur les politiques européennes menées jusque là.


"On l'entend tous les jours. On l'entend dans les marchés. Ceci est renforcé par le populisme dans certains pays. Que cela nous plaise ou non, nous faisons partie de l'Occident, et l'Occident pourrait éventuellement perdre son leadership, et il est important que nous préservions les valeurs qui comptent, non seulement en Europe, mais en Grande-Bretagne et aux États-Unis - les valeurs qui sont judéo-chrétiennes - la philosophie et la démocratie grecque ainsi que le droit romain, pour finir par le Siècle des Lumières et la Révolution française ".
"Pourtant, bien évidemment, dans le même temps, nous ne pouvons pas dire au président de la Chine quoi faire. D'autres peuples veulent préserver leurs valeurs, et nous devons préserver les nôtre. C'est le grand défi du 21eme siècle."


Ainsi la crise de l'euro fait partie d'une crise occidentale plus profonde ? 
"Oui, C'est ça." répond monsieur delors sans hésiter.
bref, c'est pas moi mais les autres qui n'ont rien compris, un peu facile quand même !

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