Trop de têtes dans un régime de post-Vérité.
par Badia Benjelloun
Trop de têtes dans un régime de post-Vérité.
Le complot dans le complot, poupées russes ?
Une telle insistance sur l'interférence de la Russie dans le résultat des élections étasuniennes alors que les arguments étayant cette accusation sont très ténus sinon existants pose question.
S'agit-il d'une stratégie solidement construite ou bien n'est-elle que l'expression désespérée et/ou négligente du Ministère suprême de la Vérité. ?
Dans les deux cas, l'expulsion des diplomates russe et la fermeture de deux centres est venue attester a posteriori cette fantaisie romanesque.
A supposer un instant la véracité de la séquence alléguée des événements, hacking russe puis divulgation du contenu des données volées. L'articulation du maillon suivant reste manquante à la thèse.
Comment et en quoi les révélations de Wikileaks, essentiellement la mise en évidence de l'éviction délibérée de Bernie Sanders de la course à l'investiture, ont-elles été le facteur déterminant du choix des Déplorables ?
Autrement dit, l'impact de RT.com sur l'électorat étasunien qui s'est prononcé en faveur de Trump a-t-il été mesuré et peut-il l'être ? Il est très peu probable que les Sans Dents des Etats dévastés par la désindustrialisation forment leur opinion auprès d'une source internet certes de plus en plus consultée dans le monde mais sans l'audience des Radio Liberté et Voice of America chez les peuples des pays cibles à déstabiliser par les Yankees.
Le phénomène Sanders et l'engouement pour son discours social-démocrate mou vu depuis l'Europe mais entendu comme révolutionnaire aux Us(a) a surpris les façonneurs autorisés de l'opinion publique. Ils étaient si sûrs que leur jument, un peu fatiguée d'avoir caracolé sur plus de vingt ans pour Wall Street et le CMI au point de tomber le jour de la commémoration du 9 11, allait triompher aisément et sans gloire de ses adversaires choisis par eux pour perdre.
Donc si le complot anti-démocratique au sens plein du terme au sein du parti démocrate qui a délibérément éjecté Sanders n'avait pas été porté à la connaissance des auditeurs et des lecteurs de RT.com, la démocratie aurait triomphé en la personne de Clinton au féminin.
Et voilà le sophisme hérité des pédagogues en rhétorique embusqués dans les prytanées, dénoncer un complot devient lui-même un complot.
Tout le bruit fait autour du Joint Analysis Report a été maladroitement orchestré avec l'adhésion moyenne de la NSA qui fait office de retrait sinon de désaveu.
Il aurait été servi pour tenter d'occulter l'architecture et le financement des élections.
Extension du domaine du Royaume de la banane.
Le vrai scandale gît là où il n'est jamais évoqué.
La Cour Suprême des Usa en 2010 puis en 2014 dans deux décrets successifs a déplafonné les financements des campagnes électorales tout en leur laissant la possibilité d'être anonymes par les entreprises privées puis par les personnes physiques. Obama per se, le flegmatique, s'en était fortement ému à l'époque où il n'était pas encore relégué à la seule fonction de marcheur autour des dix-huit trous. Ce bouleversement introduit dans les règles électorales est du même ordre de grandeur que la dérégulation du fonctionnement des institutions financières obtenue sous Clinton au masculin.
Un vrai saut qualitatif dans l'opacité et la puissance illimitée de l'argent, bien et surtout mal acquis. La surface des fonds dont dispose la CIA depuis son trafic d'opium et d'héroïne en Afghanistan lui permet de faire et et défaire bien des Etats, il est bien plus large que celui des cartels qui font la loi en Colombie. Ils alimentent toute sorte de caisse, celle du parti démocrate sans doute aussi.
Cette situation est inédite dans le pays exportateur de la démocratie à coup de bombes humanitaires après avoir largement pratiqué les 'regime change' par des renversements militaires musclés puis par des révolutions colorées ou avec parapluie.
Le système apparaît en pleine lumière pour ce qu'il est, un objet disputé entre des lobbies aux intérêts souvent, mais pas toujours, partagés. Comme en un mouvement réflexif, s'est opérée une extension de la bananeraie instituée en république au sein de l'Etat fédéral qui inventa le fait d'expérience et la notion pour garantir les revenus à la Fruit Company à Panama au début du siècle dernier.
Les micro-trajectoires des door revolving, permettant au Secrétaire au Trésor de venir de la banque Morgan Stanley et de terminer sa carrière chez Goldman Sachs ou au général étoilé de pantoufler après sa retraite chez Lockheed ou Boeing finissent par dessiner une cinétique générale. Les instituts de sondage aux mains des magnats de la presse ne mesurent que ce qu'ils espèrent trouver en cherchant là où ils peuvent projeter leur éclairage. Ils en sont peut-être arrivés à conclure qu'une part des électeurs de Sanders s'est reportée sur Trump, évitant la marchandise faisandée qu'on voulait leur vendre à tout prix. Ne pouvant concevoir la réalité que comme résultante de leurs techniques de fabrication, ils ont attribué en toute sincérité et plein aveuglement ce transfert non à un effet dialectique de leur activité mais à une diablerie qui les aurait doublés.
Une de leurs dernières diableries porte la signature d'une des agences de manipulation des Usa. Les Panama Papers ne signalent pas les paradis fiscaux étasuniens.
Quelques noms sont donnés en pâture, de quoi effrayer des grosses petites fortunes qui vont se rapatrier aux sites étasuniens apparemment sous haute protection et bien meilleure discrétion. Faire apparaître dans le listing quelques milliardaires russes censés appartenir à l'entourage de Poutine permet de faire de cette même pierre un coup rehaussant la russophobie..
La lettre volée.
Nul ne songe à reprocher à Clinton au masculin la grâce accordée à son ami l'oligarque Marc Rich*, le tout dernier jour de son deuxième mandat, le 20 janvier 2001. Pourtant, peu ont ignoré les motivations clintoniennes, 450 000 dollars payés à la Fondation Clinton, 100 000 donnés pour l'élection de Clinton au féminin. C'est le FBI qui a ressorti l'affaire le 1er novembre 2016.
Ce déballage par le FBI concernant le couple Clinton, Rich plus le serveur privé utilisé pour la correspondance électronique de la Secrétaire d'Etat, quelques jours avant les élections pourrait faire supposer que le FBI travaille contre l'élection de l'ex Première Dame.
En octobre 2016 déjà, était divulgué par James Corney le transit par la messagerie privée de Huma Abedin des courriels émanant de la Secrétaire d'Etat retrouvés sur l'ordinateur du mari infidèle et pédophile.
Quand la CIA jette en pâture l'absence de preuves du piratage des serveurs de la DNC par la Russie, elle réussit partiellement son exercice de leurre. Nombre de medias ont perdu du temps à démontrer l'inconsistance de l'accusation.
Pour que ne soit pas vue « la lettre volée » que tout le monde cherche et que personne ne trouve car elle trône bien en évidence sur le rebord de la cheminée
L'œil face à la poutre sur la paille.
Stephen Walt et John Meirsheimer, deux éminents universitaires américains l'un spécialisé en relations internationales l'autre en sciences politiques, avaient eu l'audace de démontrer en 2006 l'influence considérable du Lobby israélien sur la politique étrangère des Us(a), c'est-à-dire toutes les dernières guerres décidées par l'Empire hégémonique.
Cela fut assez peu contesté et finalement digéré.
C'est un phénomène normal dont il ne faut pas s'indigner.
Ni ici ni là-bas.
Le long travail des agents du FBI dès 2000 sur un fort soupçon de l'existence d'une taupe au Pentagone a conduit à la mise au jour d'un réseau d'espionnage israélien aux échelons les plus élevés de l'administration américaine. Laurence Franklin, analyste de l'Iran au Pentagone livrait des informations sensibles à deux fonctionnaires haut gradés de l'AIPAC (L'AIPAC est gros de 100 000 adhérents et a sa propre bureaucratie). Au terme de plusieurs années, seul Larry Franklin a écopé de la prison. Ses deux agents traitants de l'AIPAC qui recevaient ses documents, Steven Rosen, directeur de recherche et Keith Weissman, directeur-adjoint des questions de politique étrangère ont été acquitté au décours d'un procès où furent convoqués comme témoins Condelezza Rice, Douglas Feith et autres néoconservateurs. Il n'avait pas été démontré par l'accusation que les informations recueillies aient nui aux Us(a) !
George Tenet, directeur de la CIA jusqu'en 2004, a été démissionné pour les échecs patents de l'agence. Il semblait connaître l'identité de la taupe israélienne très bien placée au Pentagone mais ne l'aurait jamais dénoncée. Tenet a fait peser sa démission dans la balance sous Clinton le masculin en 1998 pour que l'espion juif en faveur d'Israël Jonathan Pollard condamné à la perpétuité en 1987 ne soit pas libéré.
Il le fut.
Obama le Placide golfeur s'est prononcé pour sa libération en novembre 2015.
Un récent « scandale » met au jour la demande du lobby qui n'existe pas d'évincer des hommes politiques britanniques, les faire 'tomber', pour leur sympathie insuffisante pour l'Etat colonial.
La multiplication des têtes surmontant le corps du monstrueux système le rend acéphale.
Il avance sans vraie direction.
L'envoi de nouvelles troupes de l'Otan aux frontières de la Russie, tout comme les récentes sanctions prises à son encontre, peine à entretenir la mythologie d'une Russie prête à envahir les anciennes républiques de l'URSS.
La vieille antienne de rassembler (qui ?) autour d'une vieille peur vis-à-vis d'un ennemi extérieur ne fonctionne plus à l'échelle des Us(a) et de l'Europe.
Il faut l'imperméabilité de l'instruction publique à tout autre dogme que la religion de la shoah dans l'entité sioniste, un tout petit pays colonial légitimé par une Bible lue et interprétée par de salafistes juifs, pour qu'une telle peur efface les divergences entre ses citoyens.
C'est pourquoi il est impérieux pour le régime de Tel Aviv de l'activer en permanence.
A partir du 21 janvier pourront s'apprécier les antagonismes et les convergences des forces organisées en présence.
Les seuls vrais acteurs de cette petite histoire sont les entités structurées autour d'objectif clair avec la détermination de le réaliser- accessoirement les moyens.
Ce qui gênera d'emblée Trump sera la résistance de la Chine aux taxes douanières promises. La fluctuation du yuan, sa baisse, et les décisions de la Banque Centrale concernant les taux directeurs pris en sens contraire en moins d'une semaine témoignent au moins de son agilité monétaire face à la menace.
Badia Benjelloun
*Accusé de nombreux chefs d'inculpation, en particulier pour évasion fiscale et violation de l'embargo de l'Iran, Rich avait échappé à la justice fédérale en trouvant refuge en Suisse qui ne l'extrade pas.
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