mardi 3 novembre 2020

Procès Assange : « J’ai rarement vu une telle corruption de la procédure » – par John Pilger

Source : Consortium News, John Pilger Traduit par les lecteurs du site Les Crises Le journaliste et cinéaste John Pilger a assisté au procès d’extradition de Julian Assange depuis la galerie publique du Old Bailey de Londres. Il s’est entretenu avec Timothy Erik Ström du magazine australien Arena. Pilger et Assange, Londres 2011. (7 oct. 2011 – Photo : Oli Scarff/Getty Images Europe) Q : Ayant assisté au procès de Julian Assange, pouvez-vous décrire l’atmosphère qui règne au tribunal ? Lire la suite
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Tunisie-Ben Ali 2/2 : L’épouvantail est mort, sans le moindre regret

1- L’ahurissant entretien de Zine El Abidine Ben Ali avec le journaliste Omar Sabahou. Un jour, à la fin du mois de décembre 1984, le journaliste tunisien Omar Sabahou s’est entretenu avec le général Zine el Abidine Ben Ali, de retour de Varsovie au terme de sa mission de quatre ans comme ambassadeur de Tunisie en Pologne. Ben Ali venait d’être nommé par le président Habib Bourguiba responsable de l’appareil sécuritaire tunisien. Omar Sabahou: Comment se présente la situation en Pologne? Ben Ali, laconique: Rien à signaler. Rien ne se passe là-bas? Le journaliste s’étonne de cette réponse lapidaire et interpelle le général: «Mais c’est chaud ce qui se passe en Pologne». Ben Ali répond en souriant: «Rien de chaud ne se passe en Pologne à l’exception des femmes polonaises». Le journaliste acquiesça un sourire. Il avait d’emblée saisi la nature du passe temps favori de l’ambassadeur de Tunisie à Varsovie, alors que la Pologne était secouée d’une contestation populaire de grande ampleur menée par le mouvement Solidarnosc. Imperceptiblement, la conversation dériva vers la prostitution en Europe Orientale. Recentrant la conversation sur le politique, le journaliste demande alors à Ben Ali si le mouvement ouvrier polonais conservera sa vigueur. Ben Ali lui confesse alors son admiration pour le général Wojciech Witold Jaruzelski, dernier dirigeant du régime communiste polonais, décédé le 25 Mai 2014 à Varsovie. «Ah, son coup de filet à l’encontre des amis de Lech Walesa, le dirigeant du syndicat Solidarnosc. D’un seul coup, en une nuit, tous en prison», confia le général, admiratif. Ben Ali était un geôlier à l’état pur. Il ne disposait d’aucune autre qualification. les circonstances lui ont conféré des responsabilités qui excédaient ses capacités. Il est ainsi devenu le geôlier de tout un pays, la Tunisie. Lors des manifestations populaires qui se sont déployés le 11 janvier 2011, devant le ministère de l’intérieur à Tunis, et qui ont abouti à son éviction du pouvoir, l’unique photo qui a retenu l’attention des manifestants est celle d’un jeune homme portant une cage recouverte du drapeau tunisien. Devenue emblématique, l’image a marqué l’imagination de la foule. . 2 – Habib Bourguiba et sa méfiance à l’égard des militaires. Habib Bourguiba, le père de l’indépendance tunisienne, n’appréciait guère les militaires. Il nourrissait à leur égard une véritable méfiance, voire même une détestation depuis qu’il avait déjoué en Décembre 1982 une tentative de coup d’état ourdie contre sa personne par le chef de sa propre garde présidentielle. Ce gradé, le capitaine Kabir Al Mehrezi, avait révélé à un groupe d’officiers impliqué dans la conjuration le mot de passe qui devait leur permettre d’accéder au palais présidentiel, sans le moindre contrôle. Les conjurés se proposaient de pénétrer dans les appartements présidentiels en vue d’assassiner Habib Bourguiba dans son sommeil, en représailles à la répression qu’il avait ordonnée contre des manifestants à Bizerte peu de temps auparavant. Le complot a été déjoué par un délateur. Depuis lors, Bourguiba ne supportait plus la vue d’un général étoilé. En trente ans de règne, le «combattant suprême» n’a jamais confié la moindre responsabilité politique à un militaire… A l’exception précisément du général Zine el Abidine Ben Ali. Ben Ali a été nommé ministre de l’intérieur, puis le 2 novembre 1987, premier ministre. Une décision fatale qui débouchera sur le fameux «coup d’état médical» contre Bourguiba et au dégagement de la scène publique du «père de l’indépendance tunisienne». Peu de temps après la nomination de Ben Ali à la tête du gouvernement tunisien, Bourguiba apprenait par la voix des ondes sa destitution. Humilié et vaincu, il sera dégagé par sa propre garde du Palais de Carthage et dirigé vers son domicile à Monastir, qui deviendra sa grande prison jusqu’à la fin de sa vie. . 3 -Saïda Sassi et la propulsion de Ben Ali, un homme d’une grande fourberie Ben Ali n’était pas doté d’intelligence, mais d’une grande fourberie. Un homme de grande tromperie et menteur, redevable de sa promotion politique à Saïda Sassi, la propre nièce de Habib Bourguiba, la «Première Dame bis», sous la mandature du premier président de la Tunisie indépendante. Fille de la sœur de Bougiba, Saida a convaincu son oncle maternel des qualités du Général Ben Ali. «Un véritable lion qui sauvera la Tunisie des griffes des Islamistes malfaisants», soutenait-elle. Bourguiba a mordu à l’appât et s’est finalement persuadé que Ben Ali était l’homme de la situation. Pire, l’ensemble du peuple tunisien a cru aux promesses contenues dans la proclamation du putschiste du 7 novembre 1987. Les Tunisiens ont cru, naïvement, que l’homme qui avait pourtant trahi son président et bienfaiteur, n’allait pas trahir ses promesses, et veillera aux intérêts de la nation. Au point que la popularité de Ben Ali, la première année de son mandat, avait atteint un record inégalé. Les pauvres le percevaient comme un sauveur lorsqu’ils le voyaient débarquaient du ciel de son hélicoptère, déambulant dans leurs villages que nul responsable tunisien n’avait visité auparavant Les Islamistes se félicitaient de sa venue, lui, qui les avait libéré du cauchemar Bourguiba et de la perspective de leur pendaison. Les Libéraux pensaient que bien que militaire, il était un libéral, réformiste, qui tiendra ses promesses et aménagera de nouvelles bases de la vie politique. Les femmes, enfin, ont considéré que Ben Ali était de bon augure en s’engageant de protéger leurs acquis. En 24 ans de dictature, tous ont fini par déchanter. Atteinte d’Alzheimer, Saïda Sassi, elle, est décédée en 2007, à 86 ans, dans l’indifférence quasi générale de la population tunisienne. . 4 – Leila Trabelsi et la voracité du clan Traboulsi Leila Trabelsi a été l’unique femme que «Zine» a véritablement aimé. Du premier regard. Elle a demandé à le rencontrer pour se plaindre de son mari…. Très rapidement, NISRINE, fruit de cet amour illégitime, vit le jour. Progressivement la belle amante a réussi à conquérir le cœur de l’homme âgé, son aîné de 20 ans. Le président souhaitait ardemment un héritier mâle qui lui survive. Leila informa un jour son amant qu’elle portait dans ses entrailles les fruits de leur amour, un enfant. Fou de joie, Ben Ali en perdit la raison. Il divorça de sa femme et épousa aussitôt Leila, qui accoucha, contre toutes les attentes présidentielles, …. d’une fille, que Ben Ali prénomma Halima par référence à sa propre mère. Leila ne désespéra pas pour autant. Elle multiplia les tentatives jusqu’au jour où l’héritier tant attendu vit le jour. Fou de joie, le père, qui avait alors atteint 68 ans, fut pour son fils, à la fois, un papa gâteau, un paga gaga, un papa gâteux. Zine Al Abidine JR a été la personne que le président tunisien aima le plus au monde. Il veillait à le nourrir personnellement, à l’amuser, le promener. Il lui consacra l’essentiel de son temps, négligeant quelque peu sa fonction présidentielles, les obligations découlant de sa charge et de ses responsabilités. Son emprise sur le pays qu’il tenait d’une main de fer, se relâcha. Pis il abandonna les rênes du pouvoir à Leila et au clan familial de son épouse, le clan Trabelsi, qui mit alors le pays en coupe réglée. La Tunisie devint alors invivable: la corruption gangrénait la vie publique, la pauvreté se généralisait à grande vitesse, le pillage opéré par le clan Trabelsi devint systématique, atteignant un niveau insupportable. Ben Ali n’était plus craint. Les jeunes digitalistes de la société informelle tunisienne lui forgèrent un sobriquet «ZA’AB’A’A», constitué par les premières lettres de son nom Z.B.A, mais qui signifie paradoxalement, heureux hasard, croquemitaine. Soudain, un jour de l’hiver 2011, un jeune marchand de fruits et légumes, Mohamad Bouazizi, s’immola par le feu en signe de protestation contre la pauvreté et l’humiliation. Étincelle qui déclencha la séquence dite du «printemps arabe», son immolation se propagea à tout le pays, embrasant le dictateur déjà consumé dans la mémoire du peuple. ZA’A’B’AA, l’épouvantail est mort sans regret. . Deux papiers à soumettre à l(‘attention des lecteurs de madaniya.info en en guise de piqure de rappel pour les nouveaux adhérents au site. Suite à une réflexion d’un lecteur me reprochant d’occulter le rôle de Rached Ghannouchi (An Nahda) en Tunisie, je soumets à son attention les observations suivantes : Il est rare que l’on me prenne en défaut en matière de déontologie journalistique. Pour ne pas dire, jamais. Il convient de bien lire le passage suivant concernant Ghannouchi. Sans concession. Un texte écrit tout de même à l’apogée d’An Nahda en Tunsie et la montée en puissance des Frères Musulmans dans le Monde arabe. Je ne cours pas après la victoire. Il m’arrive souvent d’aller à contre courant de la pensée dominante. * https://www.renenaba.com/libye-an-iii-post-kadhafi-epilogue-les-laureats-du-printemps-arabe/ * https://www.madaniya.info/2017/02/15/islam-aggiornamento-rached-ghannouchi-l-automne-du-patriarche-3-3/ Pour aller plus loin sur la Tunisie sous la mandature de Ben Ali * https://www.renenaba.com/le-pays-du-jasmin-le-miroir-deforme-de-loccident/ * https://www.renenaba.com/la-politique-de-lhomme-providentiel-en-question/ * A propos de «L’or de Ben Ali» https://www.renenaba.com/or-tunisie-une-operation-de-diversion/ * La politique de l’homme providentiel en question https://www.renenaba.com/la-politique-de-lhomme-providentiel-en-question/ * La diplomatie française en vrille: Olivier Poivre d’Arvor, nouveau résident de Carthage https://www.info/2016/06/20/diplomatie-francaise-vrille-olivier-poivre-darvor-nouveau-resident-de-carthage/ * A propos des thuriféraires du régime https://www.renenaba.com/les-thuriferaires-libanais-de-la-dictature-ben-ali-sur-le-grill-tunisien/ * Pour le lectorat arabophone, ce lien https://www.al-akhbar.com/Morocco/276644/%D9%85%D8%A7%D8%AA-%D8%B2%D8%B9%D8%A8%D8%B9–%D8%BA%D9%8A%D8%B1-%D9%85%D8%A3%D8%B3%D9%88%D9%81-%D8%B9%D9%84%D9%8A%D9%87
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Le Drian au Congo par Michel Raimbaud

Le Drian au Congo Lors de sa visite au Congo-Brazzaville, le chef de la diplomatie française a appelé l'Afrique et la France « à faire bloc ensemble » face aux « tentatives de prédation ». Un discours hypocrite, selon l'ancien diplomate et essayiste Michel Raimbaud. Invité par l'inoxydable président Denis Sassou N'Guesso, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian s'est rendu en visite au Congo les 26 et 27 octobre, pour le 80e anniversaire du Manifeste de Brazzaville, publié le 27 octobre 1940 par le général de Gaulle. Il a participé à l'ouverture du colloque organisé à cette occasion sous une enseigne aussi banale que pompeuse : « De Gaulle et Brazzaville, une mémoire partagée entre la France, le Congo et l'Afrique », en toute simplicité. Le Drian, dont le visage douloureux semble porter tout le malheur du monde, à la tête d'une diplomatie dont la grandiloquence tente de masquer le sinistre, a proclamé bien haut l'ambition de donner à nouveau à l'Afrique et à la France « un destin commun ». C'est beau le travail mémoriel, après un si long oubli. Mais le retour de printemps est tardif et le discours ne mange pas de pain. En effet, il n'est guère dans l'air du temps de « ré-ancrer une France libre en Afrique ». Il y a belle lurette que « le cher et vieux pays » du grand Général, entre le retour au bercail atlantique et la dérive européiste de Mitterrand (la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir), a perdu sa liberté et laissé filer sa souveraineté. Ce que notre ambassadeur à Brazzaville a bien illustré dans le discours prononcé à la clôture du séminaire : estimant sans doute que l'association de la France à l'Afrique manquait d'ampleur et d'ambition, il s'est cru obligé de corriger la voilure en invitant « la France, l'Afrique et l'Europe » à s'appuyer sur la fameuse mémoire partagée pour « co-construire leur avenir en commun ». Ne manque plus que l'Amérique. Jean-Yves Le Drian n'est évidemment pas le concepteur de la politique étrangère de la France et il n'a jamais cherché à faire croire qu'il s'inspirait d'une vision gaullienne. Il n'a d'ailleurs jamais reçu mandat de refonder une politique africaine fortement compromise par le « désengagement » intervenu le 11 janvier 1994, lorsque Paris, cédant aux pressions des institutions de Bretton Woods et probablement des autorités de Bruxelles, avait décidé unilatéralement une dévaluation de 50% du franc CFA par rapport au franc français, sans aucune consultation des Africains. Un bon quart de siècle plus tard, l'objectif est de sauver les meubles d'une Françafrique agonisante, dont Sassou N'Guesso est l'un des derniers piliers, et de redorer dans la mesure du possible un blason défraîchi, en l'occurrence celui de la France en Afrique. Jacques Chirac aura été le dernier président à manifester une « tripe africaine », vestige du gaullisme. S'agissant d'Emmanuel Macron, les Africains (pas plus que les Arabes) ne semblent pas « être son trip », à en juger par des comportements choquants et un langage souvent incontrôlé. Le président est apparemment plus à l'aise dans un activisme qui se veut guerrier que dans la réflexion documentée, ce qui donne à sa politique étrangère un parfum d'aventure peu rassurant. Il faut croire qu'Emmanuel Macron, qui adore la fréquentation des Grands de la planète, ne considère pas que Denis Sassou N'Guesso fasse partie de ce haut du panier, puisqu'il avait boudé le président congolais durant plus de deux ans avant de le recevoir à Paris en septembre 2019. Mais au Congo, on fait manifestement grand cas du regard de Paris et du soutien de la France. Comment celle-ci aurait-elle pu être absente des commémorations d'une année de Gaulle et de la déclaration de Brazzaville ? Face à un vétéran coriace tel que Sassou N'Guesso, il était peu probable que le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, en service commandé, ose donner des leçons sur les « droits de l'homme » ou la « démocratie », tartes à la crème dont on est friand dans les capitales occidentales, mais il aura au moins pu faire écho aux entretiens précédemment évoqués. Reçu par le président congolais, il a célébré les vertus du Manifeste, bien tombé dans l'oubli sur les bords de la Seine. Il a rencontré aussi les hauts personnages et chefs d'Etat présents, ce qui lui a permis d'aborder des dossiers difficiles, tels que la laborieuse mise en œuvre de l'accord de paix en Centrafrique, la France essayant sans doute de reprendre pied dans son ex-colonie, face à la Russie. Au menu, il y avait aussi l'organisation des élections en Afrique, où plusieurs scrutins importants sont au calendrier ou en cours : on le sait, nombreux sont les chefs d'Etat qui tentent de contourner leur constitution et de passer outre la règle « imposée » des deux mandats. Sassou N'Guesso est l'un de ces présidents qui rêvent de mourir à leur poste, il n'est pas le seul : en Côte-d'Ivoire, Alassane Ouattara s'accroche, mais aussi ses collègues de Guinée, de Gambie, du Burkina Faso. Dans ces conditions, les propositions d'appui de la « communauté internationale » au processus électoral suscitent souvent des réticences. Plus souple que d'autres, souvenir oblige, la France mesure ses positions, peinant à mettre en œuvre sa doctrine de « non-ingérence ». « On ne s'en étonnera pas, le discours français est égal à lui-même, les « prédateurs » ce sont les autres, à commencer par la Russie et la Chine... » L'appel du ministre Le Drian à l'Afrique et la France « à faire bloc ensemble dans un monde marqué par la brutalité, par les tentatives de prédation, par la rivalité des puissances » a des accents belliqueux et hypocrites. On ne s'en étonnera pas, le discours français est égal à lui-même, les « prédateurs » ce sont les autres, à commencer par la Russie et la Chine, désormais la Turquie, peut-être demain le Qatar, les Emirats, voire l'Arabie, au gré des saisons et des amitiés des gouvernants parisiens. La France et ses associés européens, ou Israël, offensif sur le continent, sont pour leur part, c'est bien connu, des partenaires désintéressés. La « brutalité » ne saurait provenir de l'ancienne métropole et de ses sociétés plus ou moins rapaces, c'est celle des prédateurs et des autres, qui se disputent les richesses africaines, grosso modo tout le monde sauf la France. Vu de Paris, sont prédatrices les puissances qui concurrencent chaque jour davantage la « Françafrique », passé colonial en moins. On cite souvent la « Chinafrique » construite avec les pays qui sont sous sanctions des Etats-Unis et de l'Union européenne au nom de la « démocratie » et des « droits de l'homme ». Parallèlement aux festivités, s'est réunie (par vidéoconférence ?) la Commission mixte sino-congolaise, réactive et hyperactive dans tous les domaines, Xi Jinping évoquant de Pékin « un partenariat stratégique global », sur le principe gagnant-gagnant. Mais la Chine n'est pas le seul concurrent dangereux… Enfin et surtout, les Français n'ont pas les mêmes priorités que leurs partenaires africains, lutte anti-terroriste et flux migratoires venant en tête de liste à Paris. Reprenant le flambeau, Emmanuel Macron et son gouvernement ont mis le paquet sur le Sahel, devenu depuis la destruction de la Jamahiriya libyenne terre de djihad et fief de nombreuses organisations extrémistes. Dès 2013 la France s'engageait au Mali pour y combattre le fléau terroriste. Ayant pris soin de faire couvrir son ingérence par le Groupe des cinq et la CEDEAO, elle y est toujours présente et active, mais le terrorisme également, et de plus en plus. Pas facile de contrôler ces immenses espaces où tous les trafics fleurissent. Discuter ou ne pas discuter avec les terroristes, c'est la question. Lors de son escale à Bamako, les 25 et 26 octobre, sur le chemin de Brazzaville, Le Drian a affirmé qu'il fallait refuser de négocier avec les groupes armés, sans distinction. Ceci n'est en phase ni avec le Secrétaire général de l'ONU, ni avec l'Union africaine, ni même avec les dirigeants maliens, lesquels considèrent qu'il serait exclu de discuter avec l'EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara) mais envisageable de le faire avec le JNIM (Front d'aide à l'islam et aux musulmans). Le Drian est droit dans ses bottes. Mais il ne suffit pas de multiplier les martiales proclamations pour être crédible. Notamment si on traîne derrière soi de pesants boulets : la France a inscrit à son palmarès un rôle leader dans la dévastation et la création d'un chaos durable en Libye, et une participation acharnée dans la destruction de la Syrie, de son Etat, de son économie et la mise à mort de son peuple, y soutenant les groupes terroristes, et faisant bon accueil à leurs envoyés : elle est maintenant la cible de sanglants attentats perpétrés par des « djihadistes de retour au pays » que l'on avait laissé partir, ou par des « réfugiés politiques ». Cherchez l'erreur. Mais ceci est une autre histoire. Michel Raimbaud 31 oct. 2020 Info Ancien diplomate et essayiste, Michel Raimbaud a publié plusieurs ouvrages, notamment Tempête sur le Grand Moyen-Orient (2e édition 2017) et Les guerres de Syrie (2019).
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