Par Paul Touboul.
Quel piètre discours, contraint, martelé, raide, faussement volontariste, soutenu par un regard plus glaçant que persuasif, entendu ce 14 octobre! En bref un discours de commande.
Car Emmanuel Macron a paru lancé à la rescousse de ses troupes, lesquelles, à lâ™orée de mesures impopulaires et conscientes des remous suscités de plus en plus affichés, avaient dû sâ™en remettre à la parole de Jupiter.
Un Dieu agacé de nâ™Ãªtre pas dans son rôle, haussant le ton pour pallier les manques dâ™un discours appris, se démenant tel un maître dâ™Ã©cole peu assuré que lâ™Ã©coute suit, fixant ses vis-à -vis à lâ™image dâ™un guerrier prêt à en découdre avec toute opposition.
En fin de compte câ™est à cette opposition que le chef dâ™Ã‰tat sâ™est adressé avant tout, opposition jamais nommée mais dont les contours seraient lâ™exact contrepoint de la politique sanitaire menée à ce jour.
Une politique qui a vu se succéder un confinement généralisé au printemps face à la déferlante virale, puis en fin dâ™Ã©pidémie, le dépistage intensif des foyers de circulation virale entretenant un climat dâ™anxiété persistante face à lâ™Ã©mergence redoutée dâ™une seconde vague. Et lâ™on en est toujours là , le combat sâ™Ã©ternisant désespérément.
Alors à ces rebelles qui doutent ou pire, qui osent sâ™exprimer et proposer dâ™autres options, il est dit, par la voix présidentielle : ça suffit, il nâ™y a quâ™une politique en la matière, celle du gouvernement, et jâ™en suis la caution suprême. Que chacun se range, quâ™au lieu de lâ™Ã©parpillement dâ™individualités se rassemble une nation, une vraie, à laquelle chaque citoyen apporte sa solidarité !
Et bien sûr solidarité autour des mesures gouvernementales. Câ™est clair et aussi une autre façon de nous dire dâ™obéir.
Et comme à des élèves en salle de classe, le maitre dâ™Ã©cole nous dévide la liste des gestes barrières qui nous sont rappelés à lâ™envi sur tous les modes et en tous lieux.
Emmanuel Macron nous fait la leçon, veut se montrer persuasif, entre dans le cercle familial pour montrer que même là les mesures de protection ont leur place, nous délivre une règle des six, chiffre barrière magique sâ™appliquant à tout regroupement familial ou autre, bref ré-énonce le credo anti-covid à ceux qui auraient négligé de lire le petit livre rouge de la macronie.
Car le virus continue de nous menacer. Le chiffre de 0,3 % de mortalité nous est asséné à lâ™appui de la dangerosité du virus, et là on croit rêver. Car ce chiffre est au fond celui associé aux épidémies de grippe saisonnière. De qui se moque-ton ?
La président, imperturbable, nâ™en poursuit pas moins son propos. Le virus peut tuer. Il continue de circuler de manière inquiétante. De plus en plus de contaminés et de sujets hospitalisés. Dâ™où les mesures à venir de couvre-feu dans les régions les plus touchées, en fait la plupart des grandes métropoles.
Notre président Macron, plus père de la nation que jamais, sâ™afflige des retombées dramatiques pour les restaurants et autres lieux de réunion de lâ™horaire couperet de 21 heures.
Et nous avons alors droit à quelques conseils pour y faire face qui, à vrai dire, frisent quelque peu le ridicule. Pauvres restaurateurs en plein marasme ! pauvres cinémas et autres salles de distraction ! On les aidera, câ™est sûr. Et les jeunes, quel gâchis ! que les temps sont durs pour eux, quâ™il sâ™agisse dâ™emplois ou de vie sociale ! le président pense aussi à eux.
Le comble arrive avec le couplet sur les plus défavorisés. Car lâ™Ã©pidémie, sans vergogne, parait frapper surtout les pauvres, les précaires. Le fait est martelé. Lâ™injustice est flagrante. Heureusement le gouvernement en a conscience. Des mesures ont été prises pour venir en aide à cette population qui ne mérite pas ça.
Décidément ce virus est pire que tout. Il semble ressortir de ce constat que nous avons encore plus de raisons de le combattre. En la matière, le pouvoir se tient prêt, a les solutions.
Finalement la critique nâ™a pas sa place ici. Le président Macron semble avoir eu vent de contestations et sâ™en est agacé. Les décisions sanitaires nâ™ont pas toujours eu le meilleur accueil et des objections argumentées ont été avancées. A même été questionné le sacro-saint conseil scientifique dont lâ™objectivité a été mise en doute pour cause de conflit dâ™intérêt.
Alors, oui, câ™est dit. Que cela plaise ou non, le conseil scientifique sera reconduit. Car câ™est moi, Jupiter qui en décide. De quoi clouer le bec aux récalcitrants. Lâ™aventure covid version Macron peut se poursuivre. Ces articles pourraient vous intéresser: Couvre-feu : la Liberté, cette coquetterie dâ™un ancien monde⦠Macron décrète le grand retour de lâ™Ã‰tat dâ™urgence sanitaire La Suède et le masque : un cas à part Olivier Véran mis devant un casse-tête insoluble
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dimanche 18 octobre 2020
Police : peu de moyens et beaucoup de bureaucratie
Par Olivier Maurice.
Les policiers figurent depuis de bonnes années dans la cohorte des fonctionnaires en colère. À se demander d’ailleurs s’il existe dans ce pays des fonctionnaires qui soient réellement satisfaits de leur sort.
Pas facile d’être policier dans un pays où la jeunesse d’hier s’amusait à croire que « la France est un pays de flics, à tous les coins d’rue y en a cent, pour faire régner l’ordre public, ils assassinent impunément» et dans lequel lâ™amalgame « CRSS-SS » est quasiment une médaille dâ™honneur chez certains grands pseudo-défenseurs autodéclarés de la liberté pour qui tout ce qui est mal porte forcement une moustache, des lunettes teintées et un grand imper en cuir noir.
Il suffit de voir le nombre de candidats aux dernières élections présidentielles se réclamant héritiers ou ayant été dans leur jeunesse des farouches partisans de la haine anti-flic (ou inversement, de la haine envers la haine anti-flics) pour comprendre les interrogations des policiers à chaque élection ou à chaque remaniement. La haine de la police
Quand ce nâ™est pas de la haine, câ™est tout au moins du manque de respect, voire des provocations, des guet-apens, des lynchages, des tentatives de meurtreâ¦
Le tout dans la quasi-indifférence des médias, qui si prompts habituellement à utiliser les comparaisons hors dâ™Ã©chelle que leur donnent les divers groupes de pression, sont semblent-ils incapables de se rendre compte que 50 commissariats attaqués depuis le début de lâ™année, ça fait bien plus dâ™un par semaine ou que 65 000 violences verbales ou agressions physiques par an envers les forces de lâ™ordre, cela fait un policier ou gendarme agressé en France toutes les 8 minutes.
Il y a en France quasiment autant dâ™agressions envers les policiers que de vols avec violence, 20 % de plus que dâ™agressions sexuelles, huit fois plus que de braquages. La police, qui est supposée protéger les citoyens, est devenue une, sinon la cible des violences de notre société.
Il est sans doute correct de parler de violence policière, mais alors il faut le faire pour évoquer toute cette violence ayant pris la police pour cible privilégiée. Les échecs à répétition
Comme toujours, lâ™explication est lapidaire et binaire : soit notre société sâ™ensauvageonne, entendez par là quâ™elle dérive doucement vers une guerre tribale de sauvages importés ; soit notre société se fractionne, entendez par là que la lutte des classes, les inégalités, lâ™injustice sociale, la démission des parents, les pannes de lâ™ascenseur social, le défaut dâ™Ã©ducation, de responsabilité citoyenne, le rap et le prix des crayons sont responsables du manque de respect face à lâ™autorité publique.
En sâ™appuyant sur lâ™une ou lâ™autre des deux explications, une fois le concours de celui qui a la plus grosse gagné par lâ™une ou lâ™autre des parties, lâ™Ã©quipe au pouvoir sâ™efforce immédiatement de dépenser lâ™argent des contribuables pour prouver sa théorie.
On pourrait à la limite passer sur cette transposition de la méthode scientifique à la vie publique : les banlieues, les migrants, les pauvres, et surtout les policiers servant tour à tour de cobayes ; mais ce serait sans compter sur lâ™incroyable talent de nos bonimenteurs professionnels à faire passer nâ™importe quel échec patent pour une réussite révolutionnaire et de faire table rase des expériences des autres une fois au pouvoir et dâ™y installer les siennes. Le chaos et la désorganisation de la police
La police et dâ™ailleurs avec elle la justice, y perdent surtout un temps incroyable en paperasse, en réorganisation et en démoralisation. Prise en tenaille entre la délinquance qui sent bien la confusion qui règne chez les policiers et une hiérarchie dont lâ™unique préoccupation est de tenter de faire respecter par ses troupes toute une série dâ™injonctions contradictoires.
Il faut des résultats, mais des résultats dans tout : dans les résolutions de crimes comme dans le nombre dâ™amendes de stationnement, dans lâ™arrestation de tueurs en série comme dans celle de petits délinquants.
La police ne fait plus respecter lâ™ordre public, ne protège plus les biens et les personnes : elle tente tant bien que mal dâ™exécuter une politique décrite par des lois, les décrets et les notes de service. Les moyens et la liberté
Au bout dâ™un certain temps, ce qui arrive toujours quand on charge trop une barque. Et dans ce cas-là , il nâ™y a que deux types de solutions avouables : soit rejeter la faute sur les autres, les parents, lâ™Ã©cole, les nouvelles possibilités offertes par le monde, et en dernier lieu, lâ™irresponsabilité des citoyens⦠soit invoquer le manque de moyens.
Sâ™il y a une augmentation des crimes et des incivilités, câ™est à cause de la société en perte de repères, câ™est parce que les citoyens abusent de leur liberté et parce que lâ™on ne réglemente pas assez.
Si la politique mise en Å“uvre pour corriger cela ne marche pas, câ™est que lâ™on nâ™a pas suffisamment essayé. Si on nâ™arrive pas à tout faire, ce ne peut être quâ™une question de moyens.
Dâ™où un cercle vicieux et un enfermement dans la quadrature du cercle : davantage de délinquance, davantage de règles ; davantage de règles, davantage de police ; plus de police, pas assez de moyens ; pas assez de moyens, davantage de délinquanceâ¦
Câ™est en général alors que le nouveau ministre fraichement débarqué constate lâ™ampleur des dégâts et réussit parfois à trouver quelques miettes dans le fond de son budget pour réparer les vitres et faire déboucher les toilettes des commissariats.
Une fois le cataplasme posé sur la jambe de bois, celui-ci sâ™empresse de retourner inventer de nouvelles lois et de nouvelles priorités sans jamais envisager comment elles pourraient interférer avec lâ™existant. La planification ne marche pas
Notez que cette maladie ne frappe pas que la police. Les médecins ont récemment fait entendre leur voix face aux manques de moyens qui seraient nécessaires pour essayer de travailler alors que la population ne comprend pas leurs malheurs et se laisse aller à faire nâ™importe quoi, comme essayer dâ™avoir une vie un tant soit peu normale.
Même cause, la planification politique et même résultat, lâ™effondrement.
Tout comme les soignants ont été petit à petit transformés en petits soldats dâ™une politique de santé publique, les policiers ont été transformés en chair à canon dâ™une politique de sécurité publique qui englobe quasiment tout : de la circulation routière au nombre de personnes assises à la table des restaurants.
Cette intrusion de plus en plus profonde dans la vie des individus mobilise de plus en plus de forces de police et les détourne totalement de leur mission originelle.
Même si tout le monde comprend quâ™un policier qui met une amende à un conducteur ayant oublié son attestation dâ™assurance à la maison, câ™est en fait un policier de moins pour arrêter les délinquants professionnels et les cinglés, tout le monde préfère sâ™en prendre aux flics : les contribuables à petite mémoire car ils ont effectivement des raisons de penser que leurs impôts pourraient être mieux utilisés et le caïd car il sait quâ™il a de bonnes chances dâ™avoir devant lui un carnet à souches en uniforme.
Dans tout les cas, derrière le policier, câ™est lâ™agent de lâ™Ã‰tat que lâ™on voit, et pas la personne en charge de vous protéger et de faire régner lâ™ordre ou de faire appliquer des décisions de justice. La loi et la justice
La police est une fonction régalienne.
Cela ne signifie pas du tout que le rôle de la police soit de faire respecter la loi. En fait câ™est même totalement le contraire : son rôle est dâ™utiliser la violence afin de réprimer toutes les autres formes de violence, mais de le faire dans le cadre légal, en respectant la loi.
Câ™est une atteinte totale aux droits naturels des citoyens que dâ™en faire un instrument politique.
Câ™est également un renversement total du principe de droit et de justice.
La loi existe pour déterminer de façon claire et objective ce qui est une nuisance et ce qui ne lâ™est pas, pas pour imposer un quelconque agenda politique.
Les policiers ont comme mission de servir les citoyens, pas de répondre aux ordres dâ™autorités administratives ou politiques qui nâ™ont dâ™ailleurs comme autre mission que celle de vérifier quâ™ils nâ™outrepassent pas leurs droits et que les fonds qui leur sont attribués sont bien utilisés, pas de les commander, encore moins de les orienter. Pour une réforme libérale de la police
Il est largement temps de changer ce système qui est, comme tant de choses, en train de sâ™effondrer complètement. Les prochaines élections présidentielles mettront la sécurité au cÅ“ur du débat, et verront sans aucun doute comme dâ™habitude fleurir toute une surenchère de yaka-fokon à base dâ™augmentations dâ™impôts et de lois supplémentaires.
Peut-être émergera-t-il un candidat qui saura reprendre tout ou partie de la philosophie libérale qui a permis à tant de pays de développer des conditions de liberté et de sécurité et de ne pas tomber dans lâ™avertissement de Benjamin Franklin : « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour acheter un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité.»
Ces principes sont pourtant simples :
* la loi ordonne aux policiers et aux magistrats, pas aux citoyens ;
* la police est au service des citoyens, pas dâ™une faction ou dâ™un agenda politique ;
* nul ne peut être emprisonné, détenu ou condamné à une quelconque peine, même insigne ou financière, sans quâ™un juge ne se soit prononcé ;
* les citoyens déterminent eux-mêmes quelles forces de police les encadrent.
En dehors de cela, la police est libre dâ™user de tous les moyens qui lui sembleront nécessaires afin de servir et de protéger le plus efficacement possible la population.
De toute autre façon, lâ™inflation sécuritaire incessante conduira à lâ™effondrement du système. Il nâ™existe aucune autre option que celle dâ™une dérive autoritaire, voire dictatoriale, dont il est très improbable que lâ™Ã‰tat, le délabrement des fonctions régaliennes et la fatigue des policiers puissent assurer la tenue, si tant est que ces derniers veuillent bien se prêter à une telle tentative oppressive. Ces articles pourraient vous intéresser: Ne dites pas « ensauvagement », vous passeriez pour un facho⦠Pourquoi lâ™enquête « police-population » du ministère de lâ™Intérieur est trompeuse Christophe Castaner lâche la police⦠et lâ™Ã‰tat de droit La police peut-elle changer dâ™Ã©thique ?
http://dlvr.it/RjqhdL
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Face au terrorisme, l’État doit assurer le régalien : police, défense, justice
Par Charles Boyer.
Le vrai rôle incontestable de l’État, la raison d’être du pouvoir et des autorités, hors pensée anarchiste, sont les fonctions régaliennes : police, défense et justice. Face au terrorisme, un État fort dans ses fonctions régaliennes
Les fonctions régaliennes consistent à assurer la sécurité des biens et des personnes. Un État qui ne les assure pas est de facto dans une situation d’échec. Il ne s’agit pas de répression, il s’agit d’effectivement assurer ses missions fondamentales. Les pays les plus sûrs du monde ne sont pas nécessairement les plus répressifs.
Suite aux attaques suicides coordonnées en nombre jamais vues à Paris dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre 2015, la France se trouve en position de se demander à quel point le pouvoir et les autorités du pays remplissent leur mission régalienne.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le professionnalisme de nos forces de l’ordre. Il s’agit de savoir si les autorités ont bien leurs priorités dans le bon ordre. L’État veut tout faire et oublie le régalien
Aujourd’hui, nous avons un État mesquin qui se mêle sans aucune restriction raisonnable de nos vies dans tous leurs aspects, même les plus intimes. Sa légitimité dans presque tous ces domaines est douteuse. Mais sa mission incontestable, avec quel sérieux la remplit-il ?
Au vu du bilan terrible des attaques de la nuit dernière, je pose deux questions :
Premièrement, en dehors de la Syrie et de l’Irak eux-mêmes, quels États au monde, aujourd’hui, protègent moins bien leurs habitants de la menace EI que le nôtre ?
Deuxièmement, la réponse officielle de nos autorités aux précédentes attaques de l’EI sur notre territoire est de surveiller et d’espionner tous les habitants honnêtes de ce pays.
Cette approche massive, inspirée de la NSA américaine, est-elle la plus efficace ? Étant donné la manière dont l’ennemi a pu coordonner dans notre capitale une attaque majeure, impliquant peut-être une logistique assez sommaire et un certain nombre de communications, on se demande ce qu’apporte la surveillance massive de tous les emails de chaque Français innocent.
Certainement, il existe des approches ciblées, de terrain, de vraies approches de professionnels du régalien, qui nous protégeraient mieux que le fantasme d’une population entière totalement espionnée.
Dans les jours qui viennent, un nombre immense de questions vont être posées.
Il faut bien choisir les questions : pour l’instant nous ne savons pas quand la prochaine attaque va avoir lieu. Au vu de la performance de notre État, on peut avoir des inquiétudes sur ce point.
Une question clé et urgente est de savoir maintenant si l’ingérence de l’État dans chaque aspect, même le plus privé et le plus intime de notre vie, ne le disperse pas au point de diminuer sa capacité à remplir sa vraie mission, le régalien : police, défense, justice.
Article initialement publié en juillet 2016. Ces articles pourraient vous intéresser: Décapitation d’un enseignant : la fin d’un monde libre Terrorisme : nommer la violence pour affronter la menace L’Union européenne de la sécurité à marche forcée Comment contrer le terrorisme ?
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