mardi 1 septembre 2020

Maroc: Le coup de Skhirat, cinquante ans après. 2/2

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info. . 1 -MON CHER PEUPLE ME VOILÀ REVENU VERS VOUS. Le roi surgit. Il s’empara des cadets et retourna la situation en sa faveur. Pourquoi Ababou a-t-il épargné le Roi? Tel est le grand mystère de cette affaire. Ababou avait assiégé le site où se terrait Hassan II, mais sans passage à l’acte. Il n’a pas franchi le pas de l’emprisonner ou de le liquider. Le chef des mutins avait quitté Skhirat avec la majorité de sa troupe sans avoir procédé ni à l’arrestation du Roi, ni à celle de Mohamad Oufkir, ministre de l’intérieur, ni à celle du Colonel Ahmad Dlimi, chef de la sécurité. N’eut-il pas été préférable que ces trois hommes clés du royaume soient captifs sous son contrôle? Des otages à sa merci? Comme il l’a fait avec quatre généraux dont il réclamait l’allégeance et qu’il a embarqué à bord d’une Jeep dans sa route vers Rabat afin de leur donner le temps de la réflexion? Ababou a-t-il été saisi par le doute à un moment décisif de cette opération?Non. Ababou n’a pas hésité. Il a été au bout de son aventure sanglante, sans sourciller. Ababou ignore la pitié, la compassion ou la commisération. L’homme est impitoyable, liquidant de sang froid, bon nombre de prisonniers à Skhirat. A-t-il manqué de perspicacité? Non. L’homme est diplomé de l’Ecole de Guerre de Paris, spécialiste de la planification et des manoeuvres militaires. Il était parfaitement conscient de l’impact symbolique de la liquidation du Roi. Un tel acte aurait crée un grand vide au sein du Makhzen. Pourquoi alors Ababou a-t-il épargné Hassan II, sans lui faire le moindre mal alors que le souverain se trouvait une proie facile entre ses mains? La réponse est qu’Ababou a considéré que le Roi, otage désarmé, était dévalué déprécié, sans la moindre possibilité d’agir ou de réagir. Ababou a voulu conserver le Roi comme monnaie d’échange, dont il voulait faire usage à son gré, quitte à s’en débarrasser au moment le plus approprié, une fois sa tâche achevée. Aucun des captifs ne constituait une menace. Tout le Makhzen était tombé dans le piège de Skhirat. Tous piégés. Ababou pouvait donc tranquillement envisager la suite de sa mission. Une fois l’armée neutralisée, la 2me étape de sa conquête du pouvoir était la maîtrise des points névralgiques du pays: Le Quartier Général des Forces Armées Royales, qui commandait tous les commandements de la totalité des provinces du Royaume, le ministère de l’Intérieur, qui avait la haute main sur l’appareil sécuritaire du pays, le ministère des Postes et Télécommunications, qui contrôlait l’ensemble des communications internes et internationales, enfin le siège de la Radio Télévision marocaine, indispendable pour la communication avec l’opinion publique marocaine et internationale. Ababou prévoyait de prendre le contrôle des principaux rouages de l’état avant de retourner à Skhirat pour décider de la liste des personnalités à épargner ou à liquider. Dans son optique, le fait que le Roi soit son otage devait lui faciliter la tâche. D’où ses fermes instructions à son frère de bien garder le Roi, sa famille, la hiérarchie militaire et sécuritaire, les chefs des partis politiques avec une instruction formelle: Si Ababou n’était pas revenu à Skhirat à 20H00 locales, son frère devait liquider tous les otages sans exception. . 2- LA RUSE DU CORAN Hassan II fixa les cadets chargés de sa détention. Tous des jeunes plongés dans la perpléxité. Le Roi releva que la main de l’un d’entre eux, portant une arme, tremblait. Deux salves retentirent au loin, brisant le lourd silence. Les soldats se sont spontanément mis en état d’alerte, scrutant l’origine des tirs. Le Roi perçut leur embarras. Une bande de cadets de l’Académie militaire d’Ahermoumou n’ayant nullement conscience de leurs actes. D’une voix basse, sur un ton paternel, le Roi s’adresse alors aux cadets: «Vous êtes mes fils». Les cadets le regardèrent avec crainte et respect. Pas un n’avait aperçu le souverain auparavant. La seule figure du Roi qui leur revenait à l’esprit était celle d’un monarque majestueux, popularisée dans de grands portraits en couleur qui trônaient dans les édifices publics du royaume. Le Roi était là, devant eux, entre leurs mains. En chair et en os. Qui aurait pu imaginer qu’une chose pareille pouvait se produire? Puis un des cadets s’adresse au Roi: «Sire, le Colonel Ababou nous a dit que vous étiez en danger. Il nous a donné misison de vous protéger». Réponse du Roi: «Parfait. Nous volà en sécurité. Je suis en bonne santé. Vous serez en sécurité tant que vous serez à mes côtés». Personne ne leur avait donné instruction sur ce qu’il convenait de faire en pareille circonstance. Ils ont reçu des ordres et se bornent à les exécuter. Hassan II: Prions. Récitons la Fatiha, la mère du Coran. Le verset qui libère de tous les soucis et des peines. Puis, enchaînant, le Roi s’est mis à réciter la Fatiha la main sur la poitrine, aussitôt suivi par les cadets. Le souverain invite les cadets à répéter après lui la phrase suivante: «Mon Dieu que le Coran soit le printemps de nos cœurs, notre lumière et l’éxutoire de nos peurs». Les cadets imitèrent le Roi, en répétant la phrase. Le roi fixa à nouveau les cadets, les scrutant à nouveau avant de s’adresser à eux: «Je suis le Roi. Votre souverain. Vous, soldats, vous êtes mes subordonnés. Ne craignez rien». Puis le cadet fit subitement le salut militaire aussitôt suivi par les autres membres du groupe. Hassan II leur tendit alors sa main. Les cadets se saisirent des deux mains du Roi, qu’ils s’empressèrent de baiser en signe de respect et d’obéissance. Hassan II respira enfin profondémment. Qui contrôle désormais les cadets? Sa chance lui a-t-elle souri à nouveau après de longues heures de malchance et de malédiction? Sa majestueuse prestance a certes beaucoup contribué à restaurer son prestige auprès des mutins…De même que quelques versets du Coran. Mais la voie du salut était longue. Poursuivant son enquête, sans éveiller les soupçons, le Roi s’adressa à nouveau aux cadets: «Que sont devenus vos autres camarades? Le caporal répondit: «La majorité des cadets de l’Académie d’Ahermoumou sont fidèles à leur Roi. Mais certains officiers y sont hostiles». Le roi: Peux tu faire le tri et distinguer les mutins des fidèles? Le caporal répondit par l’affirmatif: Oui Sire. Hassan II lui ordonna alors d’aller rassembler les cadets fidèles en les informant que le Roi était sain et sauf, en prenant bien soin de scruter leurs réactions et de faire venir querlques cadets. Le roi prit là un risque calculé. Sa stratégie passait ou cassait. Le cadet est revenu en compagnie de quelques soldats pour rencontrer «Notre Sire le ROI». Puis progressivement les cadets ont commencé à s’attrouper autour de leur souverain. Gagnés par l’enthousiasme, ils se mirent à l’acclamer «Vive le Roi. Vive le Roi». Revigoré, Hassan II a retrouvé sa majesté, et, sans retard, recommença à excercer son emprise sur les cadets. Il leur tendit sa main qu’ils s’empressèrent de baiser. L’un d’eux s’est incliné à hauteur de son genoux en guise de prosternation. Puis le Roi les sermona: «Qu’avez-vous. Avez vous perdu la tête?. Etes vous devenus fous? Vous, les officiers de l’armée royale; Vous, mes enfants». Les acclamations fusèrent, ponctuées de cris «Vive le Roi». Puis usant à nouveau du subterfuge du Coran, une martingale gagnante pour le «commandeur des croyants», il invita les soldats à réciter la Fatiha en sa compagnie avant de les rappeler à leur devoir de loyauté à l’égard de leur souverain: «Vous devez me suivre. Suivez tout le temps votre Roi». Hassan II s’est rendu ensuite à la cachette d’Oufkir, et, s’adressant en français à son ministre de l’Intérieur, l’investit des pleins pouvoirs: «Général Oufkir, je vous habilite à faire usage de mes prérogatives civiles et militaires jusqu’au rétablissement de la situation et le règlement final de cette affaire». . 3 – LE SUPPLICE DU CHANTEUR ÉGYTIEN ABDEL HALIM HAFEZ. Abdel Halim Hafez dodelinait de la tête en enregistrant une chanson dans les studios de la radio-télévision marocaine. Le chanteur égyptien devait chanter le soir même au dîner d’anniversaire du Roi, dont il était l’invité, au palais de Skhirat. Les premières paroles de la chanson étaient les suivantes: Hassan apparut et Hassan étancha notre soif». Soudain Ababou déboula dans les studios et les tirs retentirent dans toutes les directions. Equipé d’écouteurs, Abdel Halim Hafez ne s’est pas rendu compte de ce qui se passait. Il continuait à chanter. Ababou se dirigea vers le chanteur égyptien, et sur un ton méprisant, le toise: C’est toi le chanteur égyptien effeminé qui vient chaque année chanter pour le Roi». Abdel Halim Hafez n’a pas saisi l’insulte. Il répond, embarrassé: «Oui. C’est bien cela, je suis Abdel Halim Hafez et le Roi m’a invité». Ababbou lui jette un regard où se même férocité et ironie: «Parfait, nous t’informons Cher Abdel Halim Hafez que le roi est mort et il t’incombe d’en informer le peuple marocain de cette nouvelle. Tiens, va lire à la radio le communiqué annonçant la fin de la monarchie et la proclamation de la République marocaine». Ababou soumet au chanteur égyptien un communiqué dans lequel il annonçait le coup d’état. Abdel Halim Hafez lit le texte. Son visage s’assombrit saisi de frayeurs et de colère. Le chanteur implore Ababou: Monsieur, Je ne suis pas impliqué dans la politique. Je suis artiste. Je chante. C’est tout. Je ne suis pas non plus marocain. Je suis chanteur égyptien. Pas besoin d’impliquer l’Egypte dans les affaires intérieures qui concernent exclusivement les Marocains. Ababou s’est mis en colère, son arme brandie, le doigt sur la gachette de son revolver. Abdel Halim Hafez s’est mis à pâlir et à implorer Ababou: «Je suis un homme malade Je le jure que je suis un homme malade. J’ai besoin de médicaments, sinon je risque la mort. Que Dieu vous préserve, mais laissez moi partir (2). Ababou n’était pas disposé à faire droit à la requête d’Abdel Halim Hafez. La tension monte d’un cran entre les deux hommes, annonciatrice d’une catastrophe toute proche. Un compositeur marocain sauvera la mise de l’Egyptien. Abdel Salam Amer se proposa de lire le communiqué. Il retint le texte par cœur et le déclama au micro de la radio. Ababou demanda aux techniciens de diffuser de la musique militaire, en prélude à la diffusion du communiqué annonciateur de la «Révolution». Les techniciens ont été saisis de perpléxité. Affectés à des progammes de variétés, ils n’avaient pas pour habitude de diffuser de la musique militaire, mais de répondre aux requêtes des auditeurs dans le cadre d’un programme célèbre dans le Monde arabe: «Ma Yatloubouhou Al Moustami’ine» (Le choix des auditeurs). Ababou réclama la chanson française «La Galette». Ah la prégnance de la pesanteur coloniale française même au sein des gradés rebelles marocains qui se proposaient d’instaurer la République. 4 – La visite surprise du frère d’Ababou de Skhirat à Rabat Su ces entrefaites et contre tout attente, le frère d’Ababou, Mohamad, arrive précipitamment de Skhirat et, tremblant de peur, se dirige tout droit vers les studios de la radio marocaine à Rabat. Ababou en colère: Pourquoi es-tu venu? Je t’avais ordonné de demeurer au palais de Skhirat jusqu’à mon retour. Mohamad répondit à son frère en français: «Le roi est apparu. Il a pris le contrôle des cadets qui l’ont suivi en l’acclamant. Plus personne ne m’obésissait. Je me suis sauvé. Le pire c’est qu’ils apprêtent à marcher sur Rabat pour nous exterminer». Ababou saisit immédiatement la gravité de la situation: «Je dois me rendre au QG des Forces Armées Royales pour régler l’affaire de là-bas. . 5- MOULAY ABDALLAH ET SA GRANGRÈNE: L’ÉPOUVANTABLE DIALOGUE ENTRE LE ROI ET SON FRÈRE À PROPOS DU CROCODILE DE MADAGASCAR. Une fois stabilisée la situation, le Roi a quitté Skhirat en compagnie de la totalité de sa famille. Il opta pour le palais de sa soeur, la princesse Lalla Fatima Al Zahra pour y passer la nuit. Du palais de sa sœur, il multiplia les directives à ses généraux -Oufkir, Hazif Al Alami et Idriss Ben Ammar- leur enjoignant de mâter les dernières poches de la rebellion Moulay Azbdallah, atteint de 4 balles au bras et à la cuisse, souffrait l’enfer. Un médecin français s’appprocha alors du Roi pour lui signaler que son frère cadet avait besoin de puissants antibiotiques, faute de quoi il risquait la grangrène et donc à terme l’amputation. Le Roi négligea les propos du médecin, qui reviendra à la charge en reformulant sa demande. Le roi se retourna vers son interlocuteur français et lui lâcha sur un ton colèrique: «Ecoutez Monsieur le Médecin, je suis occupé par quelque chose de plus important que la gangrène. Il y a un trône que je cherche à récupérer». Puis se tournant vers un soldat, le Roi lui ordonne de libérer la baionnette de son fusil. Le soldat s’exécucte. Le roi se saisit de la baionnette et la remet derechef au médecin: «Comme vous faisiez état d’un problème de gangrène, prenez cette baionnette et amputez la main du Prince (3). Moulay Abdallah a été choqué par ces propos. Les deux frères entretenaient, il est vrai, des relations de grande froideur. Abdallah n’ignorait pas ce dont son frère, le Roi, était capable en termes d’outrance. Il était consterné que son comportement ait atteint un tel degré de mépris. Puis s’adressant directement à son frère: «Te souviens-tu des jours où nous étions à Madagascar (ndlr en exil)? Te souviens-tu du jour où le crocodile s’est attaqué à toi. J’aurai dû le laisser régler son compte avec toi», lâcha tranquillement Abdallah à l’adresse de son frère. Hassan II s’est senti mal à l’aise à l’évocation de ce comportement chevaleresque de son frère cadet qui signifiait par là même son ingratitude, voitre même sa goujaterie. . 6 -HASSAN II: LE MAROC SUSCITE DES JALOUSIES Le chef des mutins Ababou a été tué au Quartier Général des Forces Armées Royales. Atteint d’une balle dans le cadre d’un échange de tirs avec le général Bouhali. Hassan II jubilait. Il était redevenu Roi, Plus ROI aujourd’hui qu’HOMME. Un semtiment d’omnipotence l’habitait. «Les criminels ne perdent rien à attendre». Ils connaitront leur juste chatiment, assure-t-il en fixant la date au 11 juillet 1971. S’adressant à son peuple, le Roi leur déclara que le «Maroc suscite des jalousies. La joie dans laquelle baigne notre peuple suscite des envieux lequels ne souhaitent pas que les Marocains en bénéficient. «Vous étiez à l’écoute de la radio. Vous avez entendu Radio Tripoli apporter son soutien aux révolutionnaires et l’armée libyenne se ranger aux côtés des démunis et des opprimés. Mon cher peuple, je vous demande de demeurer vigilant afin que les envieux et les détracteurs de notre pays n’en tirent pas profit. Mon cher peuple, Je ne suis pas homme à abuser de la parole. Tu as failli être aujourd’hui orphelin, mais Dieu nous en a préservé». A peine le discours royal terminé qu’un flot de messages des félicitations du monde entier s’abattait sur Rabat. . 7 -LE MÉPRIS D’HASSAN DU MAROC À L’ÉGARD DE SON «COUSIN» HUSSEIN DE JORDANIE Hussein de Jordanie s’est précipité au Maroc pour réconforter son «cousin» dans l’épreuve. Mais le comportement d’Hassan II a paru étrange. Autant le jordanien, descendant de la famille du prophète, témoignait de la fraternité à un monarque dans l’épreuve, autant le marocain était hautain, imbu de sa personne. Hussein de Jordanie qualifiait Hassan II de «mon cousin» quand il s’adressait au souverain chérifien. Hassan II se bornait, lui, à appeler le roi de Jordanie de son prénom «Hussein». Le Roi du Maroc considérait la Jordanie comme un Royaume démuni, tandis qu’il vivait la monarchie marocaine comme un «royaume de riches». . 8- L’APOSTROPHE DU GÉNÉRAL BOUGRINE À OUFKIR: SOUVIENS-TOI OUFKIR, IL TE TUERA, COMME ILS NOUS A TUÉ. Au 3me jour du coup d’état, une dizaine d’officier putchistes ont été éxécutés près de la région d’Al Harhoune, sur le rivage atlantique du Maroc. Revêtu de la tenue traditionnelle marocaine, Hassan II était venu en personne assister à la mise à mort de ses rivaux, accompagné de Hussein de Jordanie, qui avait revêtu, lui, la tenue militaire. Les deux rois observeront la scène, à l’aide de jumelles, depuis les collines surplombant le site. Le général Mohamad Oufkir, ministre de l’intérieur, et le Général Ben Ammar Al Alami, du haut commandement des FAR, ont été chargés de la supervision de la «liquidation des traitres». La séquence s’est déroulée en présence de la totalité du personnel du Makhzen, de la hiérarchie militaire et sécuritaire, des corps constitués du Royaume. A titre pédagogique, elle a été retransmise en direct par la radio télévision marocaine tant à l’intention de l’opinion marocaine qu’en direction de l’opinion internationale. Douze poteaux avaient été dressés. Douze militaires représentant les diverses armes des FAR (Air, Terre, Mer) avaient pris position face aux poteaux. Le géneral Hamou Ahmazoune a cherché à attirer l’attention du Roi. En vain. Hassan II considérait l’officier comme un traître dès lors qu’il avait pris langue, même sous la contrainte de la force, avec Ababou. Sa parenté avec l’épouse du Roi ne lui a été d’aucun secours. Les mains nouées autour des poteaux où ils ont été conduits à se placer, revétus de leur uniforme militaire, porteurs de leurs grades, les officiers subirent la cérémonie de dégradation militaire. Particulièrement humiliante, la dégradation obéit à un cérémonial très strict. Ce rituel implique la destitution du soldat de son grade, de ses insignes, de son poste de commandement et de sa dignité. Il implique aussi une destitution publique, qui comprend la destruction des symboles de son�statut: épaulettes arrachées des épaules, badges et insignes ôtés, épée cassée sen deux, casquettes et médailles jetées à terre et piétinées Le premier ministre Ahmad Laraki donna un coup de pied au Colonel Chelouali à et le gifla. Des ministres ont craché sur les officiers félons à leur passage. Oufkir s’avança et donna ses ordres au peloton d’exécution. Le général Bougrine apostropha alors Oufkir en ces termes, qui plus est en français: «Fais gaffe Oufkir. Il te tuera comme ils nous a tué. Ne te laisse pas faire». Oufkir n’a pas répondu à l’interjection de son ancien camarade de promotion de l’Académie d’Azrew. Fixant le peloton, Oufkir donna l’ordre en français d’ouvrir le feu: Feu. Feu». Un an après, la prophétie du général Bougrine se réalisait, Oufkir est passé à la trappe en 1972. Un an et un mois après Skhirat. . EPILOGUE: OUFKIR, UN AN APRÈS, À LA TRAPPE. Exécuteur des basses oeuvres d’Hassan II, Oufkir sera mêlé en 1965 à l’assassinat de Mehdi Ben Barka, principal opposant au roi Hassan II et cheville ouvrière de la Tricontinentale qui se déroule la même année de sa disparition à La Havane. Il sera condamné par contumace par la justice française aux travaux forcés à perpétuité. Il est ministre de l’intérieur quand échoue la tentative de coup d’état militaire de Skhirat. Fait peu connu à l’époque, Oufkir faisait déjà partie de ce premier complot. En effet les hauts gradés félons se sont mêmés aux convives avec des signes distinctifs de reconnaissance. il supprimera ses complices en jouant le rôle de l’honnête officier accusateur. Mais un an après Skhirat, Oufkir participe à une nouvelle conjuration contre le Roi, dans le complot dit des aviateurs, le 16 Août 1972. Selon une version relatée par l’écrivain Gilles Perrault dans son livre «Notre ami le roi», Oufkir a été exécuté en dehors du palais. Ahmad Dlimi, chef de la sécurité, aurait contacté le général en lui annonçant que le roi, grièvement blessé, était à sa merci dans une maison proche de l’ambassade du Liban à Rabat. Oufkir s’y serait rendu aussitôt et y aurait été abattu par Dlimi et Moulay Hafid Alaoui, l’oncle du Roi. Le cadavre aurait été ensuite transporté à Skhirat pour simuler un suicide. Hassan II a triomphé de tous ses adversaires (Mehdi Ben Barka, Mohamad Oufkir, Ahmad Dlimi), tous morts de mort violente. Mais le souverain laissera le souvenir d’unrègne calamiteux d’une grande imposture d’un «Royaume de bagne et de terreur». . NOTES 1- Mohamad Al Rayess, dans ses mémoires (page 46) intitulées «De Skhirat à Tazmamart, billets Aller Retour vers l’enfer», relate le dialogue suivant entre les frères Ababou: Le colonel jugeait préférable de se rendre à Rabat et de dégager complètement le site de Skhirat. Il fit part à son frère de son intention de libérer les diplomates et de liquider tous les prisonniers marocains. Je ne recontrerai pas de résistance à Rabat, dès lors que les hommes du Makhzen ont été éliminés, a-t-il assuré. Son frère Mohamad s’opposa à ce projet. Après débat, il a été convenu que M’Hamed prendrait le chemin de Rabat pour achever sa mission, tandis que le frère demeurera à Skhirat garder les prisonniers. 2- Abdel Halim Hafez était atteint d’une insuffisance hépatique, nécessitant constamment la prise de médicaments. Incarcéré au siège de la radio télévison marocaine, il a été contraint de conserver ses bras levés pendant 4 heures, jusqu’à son effondrement. Abdel Halim Hafez faisait partie d’un groupe de 40 artistes de diverses nationalités convié par Hassan II pour égayer l’anniversaire du souverain. Les artistes égyptiens étaient logés à l’Hotel Hilton de Rabat. Ils s’acharnaient à faire signe à l’ambassadeur d’Egypte au Maroc, Hassan Fehmi Abdel Majid, en vue de lui demander d’intercéder pour obtenir la libération d’Abdel Halim Hafez. Chadia, artiste égyptienne de renom, s’est même proposée de se rendre au siège de la radio télévision marocaine, pour récupérer son collègue captif. Le musicien Mohamad Al Mouji s’est porté volontaire pour l’accompagner. Dans cet élan de solidarité, un seul, un très grand artiste, sans doute le plus grand artiste égyptien, s’est distingué par un comportement dont le moins que l’on puisse dire est qu’il manquait de solidarité. Prenant ses distances du groupe, afin de couper court aux sollicitations dont il était l’objet, Mohamad Abdel Wahhab a ostensiblement étendu son tapis de prière et s’est plongé dans une interminable prière. Une astuce pour se tirer d’embarras. 3 – Moulay Hicham Al Alaoui: «Journal d’un prince banni: Demain le Maroc- Edition Grasset 2014, page 48.
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Insécurité : la liberté demande la tolérance zéro

Par Alain Laurent. Il ne se passe désormais plus de jours sans que les médias ne rapportent des cas d’agressions gratuites, souvent pour un « rien » mais caractérisées par le déchaînement d’une brutalité primitive inouïe, individuelle ou collective, totalement disproportionnée au regard de sa cause apparente. Chauffeurs de bus, pompiers, secouristes ou médecins, soignants des urgences, arbitres sportifs, infirmières ou employés de laboratoires médicaux, vigiles, et de plus en plus de maires (déjà 233 en 2020) : ils sont de plus en plus nombreux à être victimes de violences… « non-policières », de féroces passages à tabac ou quasi-lynchages publics s’achevant parfois par leur mise à mort. À quoi s’ajoutent des attaques de passagers de RER au mortier de feu d’artifice, des incendies d’écoles maternelles, des chauffards meurtriers qui prennent la fuite ou les Champs-Élysées mis à sac… «�Incivilités Â» : sous l’euphémisation, un déni de réalité C’est à n’y pas croire. Pour qualifier cette multiplication de sauvageries, nombre de commentateurs, de pseudo-sociologues et Macron lui-même n’ont trouvé d’autre mot que « incivilités Â». Incivilité ? Ce terme renvoie lexicalement au manquement envers des règles élémentaires de savoir-vivre ensemble, de civilité, comme des rodéos en pleine ville, des dégradations de matériel urbain ou de propriétés privées, du tapage nocturne, des altercations avec insultes et menaces, des déchets ou actuellement des masques jetés n’importe où… Donc des nuisances qui pourrissent la vie courante mais sans rapport avec les exactions criminelles évoquées plus haut. Caractériser celles-ci comme de simples incivilités, c’est se payer de mots et se moquer du monde. Il s’agit là d’euphémisations désormais fréquentes qui tendent à minorer ou même à occulter la gravité des délits commis. Dans la même veine, qui ose faire état d’une accélération de l’ « ensauvagement » (Thérèse Delpech) de la société française ou d’un déni de réalité est accusé de « paranoïa sécuritaire » d’extrême droite tandis que le « sentiment d’insécurité » des citoyens est rabaissé à l’état de « fantasme » délirant. Cette manipulation se double d’un contre-récit gauchisant où, loin de nier les faits, on en disculpe les auteurs au nom d’une idéologie de l’excuse sociale qui métamorphose les auteurs des violences en malheureuses victimes, forcément irresponsables, d’un ordre économique injuste. Au vague et banal « C’est la faute à la société » d’antan se substitue désormais un narratif plus ciblé : c’est bien sûr la faute à la société libérale et soi-disant raciste, au néolibéralisme, au maudit capitalisme mondialisé. Ce qui revient à faire des délinquants et criminels les détenteurs d’un nouveau droit humain : pouvoir violenter les autres et avoir de bonnes raisons d’agir ainsi sans avoir le moins du monde à en subir de fâcheuses conséquences ni en payer le prix. Une sorte de droit à l’impunité. Impunité : la forfaiture de la justice pénale En réalité, la cause de cette croissance exponentielle des violences en tous genres se situe dans la volonté assumée d’une justice pénale « bisounours Â» de ne pas vraiment punir leurs auteurs, ce qui ne peut que les inciter à passer à l’acte ou récidiver, sûrs qu’ils sont de ne pas risquer grand-chose de grave. En première ligne, les maires sont furieux de constater que leurs agresseurs n’écopent que de dérisoires « rappels à la loi » ou bienveillantes « mesures éducatives ». Les pillards et saccageurs des Champs-Élysées sont relaxés ou condamnés à des peines avec sursis, ou non exécutoires puisque inférieures à un an si elles sont fermes. Mises sous contrôle judiciaire et bracelets électroniques n’ont pas empêché des féminicides d’être perpétrés. De manière plus générale, quand il s’agit de délits plus graves, la règle est désormais l’aménagement par réduction automatique de peine et la libération des détenus à mi-peine. De sorte que lorsque dans les médias on avance qu’un « présumé encourt jusqu’à… », cela provoque une rigolade générale : l’intéressé n’a pas à s’inquiéter, puisque trop de magistrats interprètent systématiquement a minima des lois déjà peu sévères. S’il en va ainsi, c’est que la justice pénale se trouve sous l’emprise idéologique d’un progressisme angéliste et aveugle aux exigences des citoyens ordinaires demandeurs de paix publique et de vraies sanctions. Ce qui n’a rien de nouveau et concerne toute l’aire occidentale : en 1994, aux USA, deux disciples d’Ayn Rand, Robert Bidinotto et David Kelley, dénonçaient déjà explicitement la forfaiture du pouvoir politique dans leur Criminal Justice : The Legal System Against Individual Responsibility et pointaient la naissance de la culture de l’excuse, l’excuse-making industry. Car au-delà de magistrats idéologiquement corrompus et militants, c’est aussi la responsabilité du législateur (les majorités parlementaires et le gouvernement) qui est en cause. Qui d’autre, en effet, a promu ou en tous cas cautionné ces inepties que sont les prisons ouvertes, le refus de construire des prisons supplémentaires et décentes, et une justice restauratrice où les victimes sont pressées de se réconcilier avec leurs agresseurs et leur pardonner ? Et donc une justice pénale tout sauf dissuasive mais pousse-au-crime, qui a substitué un utilitarisme contre-productif au principe de sanctions moralement rétributrices. La mission régalienne de l’État libéral Il faut en finir avec le cliché d’une antinomie et d’une alternative fatales entre liberté et sécurité. Bien comprise, la sécurité est le moyen d’une fin plus haute et primordiale : garantir la liberté individuelle. Car à quoi bon une prospère économie de marché si l’on ne peut paisiblement aller et venir ni librement disposer de ses biens et sa propriété ? L’urgence est de rompre avec la carence irresponsable du pouvoir, donc d’une réforme radicale de la politique pénale à recentrer sur la sécurisation prioritaire de la liberté et le droit de vivre en sûreté. C’est que la régulation des sociétés ouvertes veut que plus heureusement on libéralise en tout, et plus s’impose une tolérance zéro envers toute violation des droits individuels en sanctionnant durement la moindre violence infligée aux personnes et en renforçant le simple respect des « règles de juste conduite » chères à Hayek. Ce pourquoi les plus grands des penseurs libéraux – de Locke à Mises et Rand – ont défendu l’idéal d’un indispensable État limité ou minimal recentré sur ses seules fonctions régaliennes vampirisées par un État social ruineux. Bastiat n’a-t-il pas conclu son fameux article L’État en soutenant que : L’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. 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Plan de relance : l’économie française en a-t-elle besoin ?

Par Nathalie Janson. Le suspense est à son comble suite à la décision du gouvernement de reporter la présentation du plan de relance au 3 septembre. Celui-ci fait suite au plan d’urgence de 460 milliards d’euros mis en œuvre lors du confinement pour soutenir les entreprises et les ménages suite à l’arrêt brutal d’une grande partie de l’activité économique. La décision de confiner s’est traduite en effet par un choc d’offre. Un plan d’urgence pour compenser une mesure imposée La Covid-19 illustre un cas d’externalité négative où l’intervention de l’État se justifie en raison du coût social de l’épidémie supérieur au coût privé. Les deux mesures phare de ce plan d’urgence ont été la prise en charge totale du chômage partiel à hauteur de 4,5 Smic et les prêts garantis par l’État (PGE). Aujourd’hui la prise en charge du chômage partiel s’est réduite dans de nombreux secteurs à l’exception de l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, la culture, l’événementiel, le sport. Au total 31 milliards ont été inscrits à la loi de finance rectificative sachant que 17 milliards ont été dépensés entre mi-mars et fin mai 2020. Côté PGE, 300 milliards avaient été annoncés par Emmanuel Macron le 16 mars. Le PGE est un prêt de trésorerie d’un an représentant jusqu’à trois mois de chiffres d’affaires. L’entreprise pourra ensuite choisir de le rembourser sur un horizon allant jusqu’à 5 ans. L’État garantit de 70 à 90 % du prêt. Au 24 juillet 2020, ce sont 115 milliards d’euros qui ont été accordés à près de 555 000 entreprises dont 90 % de TPE, principalement dans les secteurs du commerce (23 %), de la restauration et hébergement (15 %) et de la construction et immobilier (15 %). Ce plan d’urgence visait essentiellement à soutenir les entreprises et les ménages pour compenser l’arrêt brutal de l’activité économique imposé par l’État à une grande partie des secteurs économiques. Près de trois mois après la fin du confinement, arrive le plan de relance de 100 milliards renforcé en 2021 par le plan de relance européen avec 40 milliards pour la France. Un plan de relance pour quoi faire�? Selon les grandes lignes énoncées par Jean Castex lors de la REF organisée par le Medef la semaine dernière, on comprend que le plan de relance viserait essentiellement les entreprises avec notamment la baisse tant attendue des impôts de production de 10 milliards dès 2021 et un maintien de la baisse de l’impôt sur les sociétés à 25 % prévue à horizon 2022. Le Premier ministre promet que un quart des 100 milliards bénéficiera aux petites entreprises. Ce plan s’inscrit clairement dans le prolongement de celui initié pendant le confinement afin de favoriser l’offre accompagnée d’une volonté de stabilité fiscale. Ce plan ne s’accompagnerait donc pas d’une traditionnelle relance de la demande, même si les propos du ministre Bruno Le Maire sur la nécessité pour les Français de dépenser les 100 milliards d’euros mis de côté, résonne comme une petite musique familière. Nous en revenons toujours à cet éternel débat sur l’importance de la demande pour la relance de l’économie. La loi de Say demeure toujours aussi incomprise des politiciens français. Pour que la demande augmente, il est indispensable que les entreprises produisent et génèrent des revenus. Nous l’avons expérimenté d’ailleurs lors de la mise au chômage partiel d’une partie de la population, mesure financée par l’État pendant le confinement. Le maintien des salaires n’a pas empêché une augmentation de l’épargne en raison des incertitudes économiques. L’épargne est nécessaire pour le financement des investissements. Ce qui pose problème avec l’augmentation de l’épargne est qu’elle s’est faite au profit du financement du logement social à travers la collecte du livret A et non au profit des petites et moyennes entreprises. La question du fléchage de l’épargne est complexe et la fiscalité y joue un rôle important. Pour une libération de l’activité économique plutôt qu’une relance Au-delà de la querelle relance de l’offre versus relance de la demande, la difficulté avec ce futur plan de relance est que l’État ne va pas continuer à soutenir les entreprises au motif que la Covid a imposé des mesures drastiques ayant pénalisé les entreprises. Tout d’abord, toutes les activités économiques n’ont pas été affectées par la Covid-19, certaines ont même vu leur activité prospérer. Le virus a bouleversé l’environnement des entreprises et celles-ci doivent composer tant au niveau de leur activité qu’au niveau de l’organisation du travail avec le port du masque malheureusement imposé de façon unilatérale. La désorganisation qu’occasionne la survenance d’une telle situation est en effet dramatique et comporte son lot de perdants. Dans un tel moment de bouleversement et d’incertitude la capacité de rebond des entreprises est déterminante. L’ambiguïté avec des mesures de soutien est de créer l’illusion que l’on devrait revenir à l’état d’avant. Or il est contre-productif de véhiculer une telle idée. Les scientifiques eux-mêmes ne savent pas quand le virus sera maîtrisé, ils en apprennent chaque jour. Dans un tel contexte, la priorité devrait être davantage à la libération de l’activité économique plutôt qu’à son maintien sous oxygène. Ces articles pourraient vous intéresser: Covid-19 : évitez d’avoir des contacts autres que professionnels Les incohérences de l’État vont-elles tuer la relance ? Fin de l’État d’urgence sanitaire… ou État d’exception au quotidien ? Coronavirus : la confiance dans le gouvernement continue de s’éroder
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