jeudi 27 août 2020

Coronavirus : cette crise qui n’en finit pas

Par Paul Touboul. Nous vivons encore en ce mois d’août sous l’empire de ce coronavirus qui avait abordé nos rives en mars dernier et continue de faire la Une de l’actualité. On aurait pu penser que la phase de déconfinement nous amènerait tout naturellement vers une sortie de crise. Or, c’est un autre scénario qui se déroule sous nos yeux dont on peut lister sans peine les aspects les plus parlants. Des appels à la prudence n’ont cessé d’être lancés au prétexte que l’épidémie est loin d’être terminée et qu’une seconde vague est toujours à craindre. Une campagne de tests à tout va a été entreprise pour dépister les sujets contaminés et dessiner ainsi la cartographie d’une épidémie souterraine prête à s’embraser de nouveau. Dans le sillage d’une pensée aux abois, le port de masques dans les lieux clos a été imposé et des sanctions prévues en cas de non-respect. Les règles de distanciation physique continuent d’être prônées comme gestes-barrière déterminants. Relayant celui des morts, le comptage des contaminés détectés fait la Une des médias, participant à l’entretien d’un vécu de crise persistante. La survivance d’îlots épidémiques dans les pays voisins est complaisamment rapportée pour corroborer sans le dire la thèse d’une épidémie prête à resurgir. Les jeunes sont montrés du doigt comme de dangereux vecteurs de l’infection, laquelle, très souvent inapparente chez eux, n’en est que plus redoutable. Une peur sournoise a été instillée dans les esprits, visible dans l’espace public où nombre de comportements en témoigne. S’embrasser entre proches est désormais teinté de mauvaise conscience assumée. Force est de constater que nous ne sommes pas seuls à nous sentir en guerre permanente contre le virus. D’autre pays, en Europe ou ailleurs, sont dans le même état d’esprit. Des objections à l’alarmisme ambiant On ne peut s’empêcher de constater que l’attitude alarmiste actuelle rencontre en fait bien des objections. La courbe en cloche de l’épidémie dessinée par le nombre de contaminations en fonction du temps évolue vers un terme prochain sans montrer de nouveau rebond. Le nombre de décès attribué à la virose est ridiculement bas sans commune mesure avec les chiffres du mois d’avril. Des contaminés récemment détectés à la faveur du dépistage, rien n’indique l’ancienneté du comptage d’autant plus que les tests sont incapables de faire la distinction entre virus morts et vivants et seraient même en défaut dans 20 % des cas au bas mot. Or, aujourd’hui tout contaminé dépisté est comptabilisé nouveau malade. La persistance de clusters dans l’ouest du pays peut traduire l’invasion tardive de ces régions en lien avec la direction suivie par la nuée virale. Que le grand Paris, par son étendue et la densité de population connaisse encore des îlots actifs, la chose peut se concevoir, sans tomber pour autant dans le catastrophisme. Pourtant, les médias d’information ressassent à l’envi que les clusters ont toute chance d’être les avant-postes d’une nouvelle vague. Enfin, l’on sait maintenant que les enfants et adolescents, ayant pu rencontrer dans leur vie toutes sortes de coronavirus, sont pour la moitié d’entre eux au moins déjà immunisés contre l’actuel Covid-19. Pourquoi avoir choisi le scénario catastrophe ? Ce constat établi, restent les explications à proposer pour rendre compte de telles dérives. C’est certainement la pratique de l’exercice la plus délicate tant la dramatisation actuelle est proprement sidérante et son ampleur inédite. Et pour commencer, pourquoi avoir fait le choix du scénario catastrophe, et ce contre l’évidence des données épidémiologiques recueillies jusqu’à ce jour ? On peut comprendre que l’ampleur des chiffres de mortalité du mois d’avril en pleine phase d’invasion virale ait contribué à l’édification d’une vision tragique de l’évènement et conduit à redouter un nouveau débordement des structures hospitalières. Mais toute tragédie a une fin et l’on aurait pu s’acheminer avec soulagement vers une issue prochaine. Les services de réanimation s’étaient enfin vidés et la mortalité devenue insignifiante. Alors persister dans la guerre contre un ennemi sur le départ pose question. Car c’est bien dans cette voie que l’on s’est engagé, arguant que ce virus nouveau et par suite imprévisible, était capable de tout et donc d’évoluer selon des modes inattendus. Le principe de précaution, pourquoi ? Continuer de dévider un arsenal de mesures défensives contre toute logique apparente, sinon celle censée débusquer un mal qui court, tel est le fondement de l’action actuelle. Or, tout laisse à penser, sur le vu de l’expérience acquise un peu partout, que le confinement, considéré comme la mesure protectrice par excellence, n’est pas parvenu à influer significativement sur le profil de l’épidémie et les taux de mortalité. L’expérience suédoise jouerait même en faveur d’une politique laissant l’invasion virale se heurter in fine à la barrière d’une immunité collective. En dépit des apparences, le débat sur le sujet reste donc ouvert, ce qui rend d’autant plus incompréhensible la persistance de déclarations laissant planer la menace d’un re-confinement face à la résurgence de contaminations ici ou là. Et l’imposition de masques dans l’espace public se passe également de toute preuve scientifique. À l’évidence, dans l’incertitude, joue ici, semble-t-il, un principe de précaution. En faire trop, même si cela peut être en grande partie inutile, vaut mieux que courir le risque de pêcher par défaut. L’opinion sera toujours sensible à une débauche d’énergie face à un danger redoutable. À l’opposé, une apparence d’absentéisme est plus à risque d’être retournée à charge contre son auteur. Les agissements actuels peuvent aussi être le pendant des errements de départ où l’absence de tests de dépistage et aussi de masques en pleine phase d’invasion épidémique a fait cruellement défaut. Alors, autant se rattraper par la suite et même en rajouter pour renforcer une image d’extrême vigilance et d’autorité experte, cette dernière particulièrement mise à mal dans les premiers temps. Le maintien d’un état de crise tend à faire oublier les débuts. Nos gouvernants nous montrent, en cette période estivale, qu’ils sont toujours sur le pont, ôtant aux critiques toute opportunité de se manifester. Prolonger la situation actuelle en s’aidant de la traque de clusters viraux peut aider à revisiter positivement l’histoire de la pandémie. Une fois l’évènement passé, se maintiendra le souvenir d’un activisme de bon aloi et de dirigeants exemplaires. Pourquoi la peur domine ? Reste que le soubassement de la stratégie en cours demeure la peur. Et l’on doit d’interroger sur cette peur devenue manifeste jour après jour au point d’infiltrer la tonalité des informations, commentaires et débats et de diffuser tout naturellement vers le public. Le coronavirus fait peur à l’évidence. Pourtant son bilan ne le distingue pas particulièrement des virus respiratoires, notamment grippaux, ces derniers ayant pu frapper dans le passé avec une même violence sélectivement dirigée vers les personnes âgées ou malades. Certes on a encore à apprendre de ce Covid-19 et les données recensées en dessinent aujourd’hui une image plus claire. Il faut en outre compter sur les mutations spontanées du germe, lesquelles semblent en avoir réduit l’agressivité. Pourtant l’équation continue d’être : on ne connait pas notre ennemi, autant jouer la carte du pire. Par son ampleur, son excès même, ses éléments d’irrationalité, cette peur interroge sur notre monde soudain pris de panique face à un agent censé véhiculer la mort à tout instant, en tout lieu. Et qu’en fin de compte le risque ne s’avère guère différent de celui d’autres épidémies du passé, le fait est balayé d’un revers de main. La peur a ses propres lois, élabore un discours qui s’alimente de la même logique folle, concourt chaque jour à sa survie qui devient une fin en soi. Il y a en la matière des relents d’apocalypse. La fin de la vie humaine est en perspective. Cette vie il nous faut la défendre et chasser avec une rigueur impitoyable les semences de destruction. Pareille prise de conscience de la précarité du monde renvoie au rêve transhumaniste dans lequel versait il y a peu notre intelligence. Pourquoi faire passer la santé avant le contexte économique et social ? Ainsi, tout au long de l’épidémie, la préservation de la vie a été clamée comme objectif suprême des actions menées contre le coronavirus. Évènement unique en soi, ceux dont le métier a cette finalité, médecins et personnel soignant, ont été célébrés tels des héros engagés dans un combat titanesque. Et bien des voix, sans distinction d’appartenance, ont souligné l’aspect inédit de la décision politique qui a su mettre de côté les enjeux nationaux au seul profit de la santé des gens. Mais n’est-ce pas là une vision bornée des choses que celle de vouloir dissocier la vie en soi du contexte économique et social ? A l’évidence la pauvreté, le chômage sont associés à un risque accru de maladie et de mort prématurée. Or, le confinement a déjà eu son lot de tragédies que catalysait la misère physiologique et aussi sociale. Le suivi de pathologies chroniques a été gravement délaissé. Et le régime de contrainte persistant dans lequel nous vivons depuis plusieurs mois a enclenché une crise économique majeure dont les conséquences pourraient être désastreuses en termes de santé publique. Cette perspective, pourtant, ne semble pas émouvoir outre mesure nos décideurs toujours droits dans leurs bottes face à la crise sanitaire. Pourquoi la délation prend le dessus ? Chaque jour, les temps que nous vivons exhalent une ambiance délétère où se mêlent anxiété, incertitude face à l’avenir, peur diffuse, soupçon. Il faut y ajouter violence sourde, agressivité. Tout citoyen lambda peut aujourd’hui s’ériger en justicier pour faire respecter les gestes barrière par ceux, plus rétifs, qui se voient accusés de négligence coupable mettant en péril la vie des autres. Certains édiles ont été même jusqu’à encourager la délation. La traque des insoumis par les forces de police avec sanction financière à la clé témoigne du virage pris par le pouvoir, lequel arbore en la matière une tonalité autoritaire de plus en plus éloignée d’une gestion démocratique. Au nom de la santé la notion de débat tend à disparaitre. Nous voilà pris en charge sans avoir notre mot à dire. L’État agit pour notre bien. Toute opposition devient irrecevable. Une pensée totalitaire que l’on croyait pour longtemps bannie de l’Occident, refait surface soi-disant pour la bonne cause. Et les comportements se plient avec une docilité qui renvoie à des temps douloureux de notre histoire. Qu’en est-il de la course aux� vaccins ? Risquons-nous enfin à soulever des lièvres, que d’aucuns rangeraient dans la catégorie du complotisme. Ainsi alimenter la peur et maintenir vivant le spectre de l’épidémie ouvre forcément la voie à des solutions miracle lesquelles, il faut bien le dire, se parent aussi d’avantages financiers juteux. Big Pharma joue sa partition en coulisses. La course aux vaccins est lancée et leur fabrication prochaine annoncée comme la parade sans faille opposée dans l’avenir au virus. Peu importe que l’épidémie soit à bout de souffle et que la survenue de résurgences saisonnières reste hypothétique. Le vaccin continue d’être présenté comme l’arme radicale qui réglera tous nos problèmes. Et les États de se positionner dès maintenant auprès de grands groupes pharmaceutiques en vue de l’acquisition de doses par millions. Comprenne qui pourra ! Reste que la dramatisation actuelle de la situation montrerait là un visage fort peu ragoûtant. Des restrictions, jusqu’à quand ? Enfin le régime d’urgence sanitaire en cours a ouvert la voie à l’imposition de règles par décret, devant lesquelles chacun courbe l’échine, santé oblige. Dans ce sillage l’obéissance va de soi. Et tant pis pour les manifestations collectives de quelque nature que ce soit, qu’il s’agisse de fête ou de protestation, puisque tout regroupement d’humains véhicule un risque de propagation virale, information martelée ad nauseam. Alors la tentation peut se faire jour, à l’approche de la rentrée, de maintenir les mesures contraignantes le temps qu’il faut, ce qui permettrait d’annihiler, à cette période de l’année où s’expriment volontiers les crises sociales, toute tentation de manifestations de rue ou d’appel à la grève. Rien n’interdit de penser que nos gouvernants, au moment de fixer une date d’allègement ou de suspension des règles sanitaires actuelles, fasse plutôt le choix d’en retarder la fin, politique oblige. Force est de reconnaître que nous vivons des temps inédits où plus que jamais la manière qu’a l’Homme de régir sa relation au monde est posée. Face aux fléaux naturels, comme en bien d’autres circonstances, les connaissances acquises, passées au filtre de la prise de décision, se heurtent à la part d’inconnu qui fait de toute direction un choix parmi d’autres justifié par la lecture de l’évènement, le background scientifique, l’expérience, le pragmatisme, sans compter les facteurs subjectifs non négligeables. Il faudrait y ajouter des éléments en lien avec la société elle-même. Ce qui se passe aujourd’hui à propos de l’épidémie suscitera, à n’en pas douter, dans l’avenir des études dont le recul devrait permettre plus de pertinence. Et s’il fallait pour conclure caractériser en quelques mots le monde du coronavirus, viendraient, derrière une arrogance de façade, la fragilité et la peur de l’Homme privé de transcendance. Ces articles pourraient vous intéresser: Covid-19 : Saison 2, épisode 1 ? Retrouverons-nous un jour nos libertés perdues ? 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Maoïsme et progressisme radical : une troublante analogie 

Par Bertrand Buisson. Même si l’Histoire ne se répète jamais, on y trouve toujours de troublantes analogies. La civilisation occidentale chrétienne est aujourd’hui bouleversée par l’émergence d’un progressisme radical qui remet en cause toutes ses normes, ses valeurs et ses croyances. Mais derrière sa volonté d’émancipation face à l’ordre établi, ce mouvement dégage un véritable désir punitif qui n’est pas sans rappeler un précédent historique trop méconnu : la Révolution culturelle menée par Mao dans la Chine communiste entre 1966 et 1976. En effet, cette révolution de la jeunesse urbaine chinoise contre le pouvoir du Parti communiste a été instrumentalisée par Mao pour détruire ses rivaux au sein de l’appareil d’État. Croyant faire la révolution, ces millions de jeunes vont ainsi œuvrer avec une énergie insoupçonnée à la destruction de la civilisation chinoise. Pour le sinologue Jean-Luc Domenach1, il s’agit d’une paradoxale « rébellion répressive ». Nous allons voir qu’il existe de nombreuses analogies entre ce mouvement et le progressisme radical, tant sur leurs ressorts idéologiques que sur leurs modes opératoires. Et ces analogies sont riches en enseignements civiques. Un mécanisme idéologique semblable En lançant la «�Grande révolution culturelle prolétarienne Â» (GRCP) au printemps 1966, Mao donne pour mission aux Gardes rouges de détruire toutes les références culturelles antérieure à l’établissement du régime communiste en 1949. On retrouve cette exhortation contre ce qui sera dénommé les « quatre vieilleries Â» dans l’éditorial du Quotidien du peuple du 1er juin 19662 : La révolution culturelle prolétarienne vise à détruire de fond en comble la pensée, la culture, les mÅ“urs et les coutumes anciennes, que les classes exploiteuses utilisèrent au cours des millénaires pour empoisonner le peuple, et à créer et développer parmi les larges masses populaires une pensée, une culture, des mÅ“urs et coutumes totalement nouvelles, celles du prolétariat. Pour advenir l’ordre nouveau doit donc détruire tout ce qui l’a précédé. Dans une vision marxiste radicale, l’ensemble de la civilisation chinoise est considéré comme oppressif et corrompu. Rien ne peut ni ne doit en être sauvé. La rédemption passe par l’éradication. On retrouve ce fond idéologique par exemple dans la mouvance néo-féministe qui estime que toute notre culture est le produit d’un patriarcat oppresseur et qu’il faut donc remplacer l’intégralité des mÅ“urs anciennes régissant les rapports entre les hommes et les femmes. Mais également dans la mouvance décoloniale qui affirme que l’histoire du monde se résume par la domination des Blancs sur les racisés et qu’il faut donc effacer toutes les traces de cette histoire. L’exploitation des frustrations de la jeunesse Le ressort sociologique de la révolution culturelle repose sur la mise en opposition des jeunes et des anciens3. Ce que l’on retrouve aussi aujourd’hui avec Greta Thunberg et son « vous avez volé mes rêves et mon enfance Â» ou encore le fameux « ok boomer Â». Pour s’attaquer aux intellectuels, artistes et cadres du parti qui lui résistaient, Mao a mobilisé les millions de jeunes urbains scolarisés. Il a misé sur leur frustration de devoir subir un ordre rigide alors qu’ils étaient biberonnés aux exploits de la révolution communiste de 1949. Leur besoin de reconnaissance et leur soif de revanche étaient très forts. Il a aussi misé sur leur jeunesse puisque entièrement éduqués dans le dogme maoïste, ils n’avaient aucune autre arme intellectuelle à leur portée. Les Gardes rouges ont donc été ses partisans les plus fanatiques, voulant faire appliquer à la lettre les slogans maoïstes appris par cÅ“ur. Quelques 200 000 enseignants, intellectuels et artistes furent torturés, emprisonnés ou assassinés par eux entre 1966 et 1967. La destruction du passé Dans leur furie destructrice, les Gardes rouges s’en sont aussi pris aux objets incarnant les « vieilleries Â». Livres, monuments et antiquités sont détruits. Même les registres généalogiques sont brûlés et de nombreuses personnes doivent changer de prénom. Les rues sont débaptisées, tout comme les écoles. Les films, spectacles et musiques sont interdits. Seules quelques Å“uvres produites par les maoïstes et conformes au maoïsme sont autorisées. Cela n’est pas sans rappeler de nombreux faits d’actualité récents. Les destructions de statues aux États-Unis ou en Europe dans le cadre du mouvement « Black lives matter ». On a aussi vu les élèves du lycée Colbert de Thionville le faire rebaptiser Rosa Parks. Le chef d’œuvre du Septième art Autant en emporte le vent a été retiré du catalogue de HBO puis sa projection parisienne déprogrammée. Les romans Huckleberry Finn ou La Case de l’oncle Tom ont été retirés de programmes scolaires et de bibliothèques américaines. En 2019, des groupes antiracistes avaient fait interdire une pièce de l’auteur antique Eschyle à la Sorbonne. La Ligue de défense noire africaine a même affirmé le 30 mai que « La France de Clodion le Chevelu, de Jeanne d’Arc, de Philippe Pétain ou de Charles de Gaulle n’est plus ! Â», appelant au « renommage (sic) des rues, places et lycées Â» et réclamant que Montesquieu, Napoléon ou le général de Gaulle soient remisés dans un « musée des mauvais hommes Â». La surveillance mutuelle  Le maoïsme est allé beaucoup plus loin que le stalinisme dans le contrôle social, au point même d’effrayer certains observateurs soviétiques. En Chine, la répression n’est pas policière et secrète mais populaire et publique. Elle s’exerce notamment par les « meeting de lutte Â», qui sont des séances de critique et d’autocritique devant renforcer le conformisme idéologique. Les personnes suspectées d’être contre-révolutionnaires sont accusées publiquement et doivent subir les insultes de la foule, sous les exhortations de cadres du parti ou de gardes rouges. Chacun peut inspecter les pensées de l’autre et est appelé à être plus radical que son voisin, sous peine d’être suspecté à son tour. En ce qui concerne l’accusé, il est considéré comme coupable et ne peut que se repentir, c’est l’autocritique. Toute contestation renforce la culpabilité et le déchaînement de la foule. La pratique actuelle du « online shaming Â» (ou « humiliation en ligne ») n’est rien d’autre que des meetings de lutte numériques. On ne compte plus le nombre d’influenceurs, de personnalités ou même de simples internautes qui au moindre propos pouvant toucher un membre d’une minorité sexuelle, ethnique ou religieuse, ont subit le déchaînement des réseaux sociaux. Une fois pris dans la tourmente ils ne peuvent plus se défendre puisque noyés sous la masse des accusations et des insultes. Leur seule solution est de reconnaître qu’ils ont mal pensé. Récemment, accusé de machisme pour avoir critiqué le mouvement #MeeToo, le ministre de la Justice a été contraint d’affirmer publiquement « je suis féministe et je le dis, sans avoir à rougir, je suis féministe Â». La mort sociale Sous Mao, les accusés étaient aussi promis à l’ostracisme. Après leur critique publique, les proches étaient vivement incités à rompre tous liens avec l’accusé, sous peine d’être accusés à leur tour. Les femmes étaient incitées à divorcer, les employeurs à licencier et les voisins à ne plus leur parler. Ce mécanisme faisait pleinement partie de la « terreur démocratique Â» voulue par Mao pour inciter chacun à devenir un auxiliaire du pouvoir. Et d’ailleurs, souvent, les enfants devinrent les accusateurs de leurs propres parents, poussant le contrôle idéologique jusqu’au sein des foyers. Cette pratique de la mise à mort sociale s’est largement instaurée sur les réseaux sociaux avec la cancel culture qui est même revendiquée par les progressistes radicaux comme moyen de lutte contre la haine. Dans le cadre de l’humiliation publique, il s’agit de faire disparaître l’accusé des réseaux sociaux ainsi que de sa vie réelle. Pour la partie virtuelle, il s’agit de signaler massivement aux plateformes numériques (Facebook, Youtube, Twitter, etc.) les comptes des personnes accusées afin d’en obtenir la fermeture. Et si les plateformes ne suivent pas, la campagne d’accusation peut se retourner contre elles, au point que Facebook est aujourd’hui boycotté par les annonceurs pour ne pas avoir supprimé suffisamment de comptes d’utilisateurs suite au meurtre de George Floyd. Pour la partie réelle, il s’agit de révéler des informations sur la vie privée (doxing), comme par exemple le nom de son employeur. Le but est d’obtenir, par le déchaînement de la fureur populaire envers l’entreprise, le renvoi de l’accusé. Mais souvent, la simple accusation suffit à ruiner la vie d’une personne. Sandra Muller, l’égérie du mouvement #BalanceTonPorc lancé sur twitter en 2017, a accusé à tort son ancien patron de harcèlement. Et même si la justice a condamné l’activiste en 2019 pour dénonciation calomnieuse, la victime y a quand même perdu sa femme et son travail. La rééducation Les Gardes rouges ont envoyé 3 à 4 millions de personnes dans les Laogai, ces camps de rééducation créés par Mao en 1950 d’où un tiers des prisonniers ne revinrent jamais. Dans ces camps, les accusés-coupables devaient travailler en groupe sur leur autocritique puis étudier les citations de Mao jusqu’à ce qu’ils deviennent conformes idéologiquement. Évidemment, le fait de travailler en groupe avait pour but d’assurer la surveillance mutuelle. On retrouve ce même réflexe dans le clip de la chanteuse Angèle Balance ton quoi, sorti en 2019 afin de soutenir le mouvement #BalanceTonPorc. Il met en scène un tribunal où les hommes sont jugés pour sexisme. Les coupables y sont envoyés non pas en prison mais dans un camp de rééducation (anti-sexism academy) pour apprendre lors de séances de groupe à penser comme il faut. Le danger Si le politiquement correct d’aujourd’hui est dangereux, ce n’est pas seulement qu’il interdit de dire certaines choses mais surtout qu’il oblige à en dire d’autres. Comme l’explique Jean Pasqualini, franco-chinois incarcéré sept années dans un camp de rééducation maoïste, le but de l’autocritique « n’est pas tellement de vous faire inventer des crimes inexistants, mais de vous faire admettre que la vie ordinaire que vous meniez était pourrie, coupable et passible de châtiment, puisqu’elle ne correspondait pas à leur propre conception de la vie4». Aux yeux des progressistes radicaux, il faudrait avouer qu’en tant qu’homme vous avez forcément violé ou cautionné la culture du viol, qu’en tant que Blanc vous avez forcément des privilèges, que si vous êtes en bonne santé vous devez véhiculer la grossophobie, etc. C’est un mouvement de déracinement massif. L’historien Loris Chavanette explique : « une fois le processus de déculturation engagé, difficile de l’arrêter car c’est alors la course à la mesure la plus radicale, à la démagogie5 ». On le reconnaît lorsque la lutte antiraciste devient raciste en collant une étiquette aux Blancs, quand les antifascistes deviennent fascistes en utilisant la violence contre tout opposant ou lorsque les féministes deviennent antiféministes en voulant imposer aux femmes de se comporter comme des hommes. C’est le signal d’un tournant totalitaire dont la masse se méfie trop peu car il n’est incarné que par une petite minorité. Mais l’usage de la terreur démocratique telle qu’utilisée par Mao et ses Gardes rouges, permet de s’imposer à tous. Et comme dans le cas chinois, cette nouvelle rébellion répressive interroge sur sa capacité à servir le pouvoir en divisant et soumettant le peuple. What do you want to do ? New mailCopy * J-L. Domenach, Chine : l’archipel oublié, 1992. ↩ * Principal quotidien chinois, édité par le Parti communiste chinois. L’éditorial est tiré du dossier très complet sur la GRCP du site https://materialisme-dialectique.com/la-grande-revolution-culturelle-proletarienne/ ↩ * Tel qu’expliqué par jean-Louis Margolin dans Le livre noir du communisme, dans le passage de son chapitre sur la Chine maoïste consacré aux acteurs de la révolution pp.605-609. ↩ * Dans Prisonnier de Mao : sept ans dans un camp de travail en Chine, 1975. ↩ * « Déboulonnage de statues: « La Révolution française avait ouvert la boîte de Pandore Â» », Le Figaro, 16 juin 2020. ↩ Ces articles pourraient vous intéresser: La décroissance, cette gauche qui a renoncé au progrès Cette gauche réactionnaire en guerre contre le futur Cyberpunk 2077 : polémiques ridicules et débats d’avant-garde Minecraft fête ses 10 ans sans son créateur, trop politiquement sulfureux
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Un climat de faux jetons

Par Michel Negynas. La presse économique a récemment rapporté la décision du fonds d’investissement privé Storebrand, qui gère 83 milliards d’euros d’actifs, de se désengager de 5 sociétés pour cause de non respect de l’accord de Paris sur le climat. La Norvège Storebrand reproche aux groupes pétroliers américains ExxonMobil et Chevron, au chimiste allemand BASF, au géant minier anglo-australien Rio Tinto et au producteur américain d’électricité Southern Company d’œuvrer contre l’Accord de Paris qui vise à limiter à 2°C, voire à 1,5°C, le réchauffement climatique. L’assureur s’est désengagé� entre autres de BASF et Exxon Mobile. Il se trouve que Storebrand est un fond… norvégien ! Son homologue étatique, le fonds souverain du pays, le « Governement Pension Fund-Global Â» (ex-Petroleum Fund !) bannit lui aussi à tour de bras : l’exclusion du suisse Glencore et du britannique anglo-americain mais aussi des producteurs d’électricité allemand RWE, australien AGL Energy et sud-africain Sasol est motivée par leur présence importante dans le charbon, dont la Norvège a été longtemps un exportateur. Ils peuvent se le permettre. Les cinq millions de Norvégiens sont à la tête d’un bas de laine de 1000 milliards d’euros… gagnés en exportant du gaz, du pétrole et même du charbon. Si un débat a eu lieu ces dernières années dans la population pour savoir si c’était bien éthique de continuer, la décision a quand même été « Drill, baby drill » comme disent les Texans. Et l’exploration a repris. Le pays lorgne les gisements les plus au Nord, là où il y a des zones à l’écosystème un peu fragile ; mais bon, ils prendront des précautions. La production vise d’atteindre à nouveau les pics des années  2000. La Norvège est le troisième exportateur mondial de gaz, après les USA et la Russie. Mais selon les autorités, ils ont un gaz plus propre que les autres. Dont acte. Et c’est d’autant plus juteux de flatter la Vertitude pour la Norvège qu’elle possède aussi des possibilités importantes d’électricité d’origine hydraulique, et ainsi profite de la bêtise du Danemark et de l’Allemagne : elle achète à prix négatifs les jours de tempête, et revend très cher les nuits d’hiver sans vent. C’est tellement juteux qu’un câble sous marin d’interconnexion est prévu avec l’Angleterre. Bref, la Norvège gagne sur tous les tableaux. Les Norvégiens ont beau être luthériens en majorité, le jésuitisme leur va très bien : vertueux, mais en bon Nordiques, pragmatiques avant tout. Et les autres pays On ne peut guère partir en guerre contre l’hypocrisie norvégienne : quasiment tout le monde fait la même chose. Prenons les trois premières économies mondiales : L’Allemagne entraîne toute l’Europe dans une course folle aux ENR… mais rénove ses centrales au charbon, et négocie le gaz russe. La Chine a signé le protocole de Paris, qui n’exige rien d’elle avant 2035… Elle construit des centrales à charbon à tour de bras. Obama, lorsqu’il signait l’accord, permettait en même temps la plus formidable révolution énergétique depuis un siècle avec le gaz de schiste… En Californie, c’est le gaz et le charbon des centrales des États voisins qui sauvent un peu la sécurité d’alimentation électrique. L’ex président des Maldives se posait en victime de la montée du niveau des mers, tout en équipant ses îles d’aéroports pour accueillir les touristes… Et les people… C’est sans doute chez les people qu’on trouve les excès les plus indécents : de leurs piscines du Lubéron, ou du cap Ferret, nos vedettes de cinéma hurlent à la Vertitude, entre deux allers-retours parisiens en hélicoptère. Tel ancien ministre de l’Environnement fait du hors-bord ultra puissant en Bretagne, après avoir dévasté des zones entières de paysage avec son équipe de tournage télévisuelle héliportée lorsqu’il était un homme de spectacle… Aux États-Unis c’est pire encore : le maître en la matière est évidemment Al Gore, avec ses manoirs, son penthouse sur les docks de San Francisco, lui qui alerte sur la montée des eaux… Mais Di Caprio n’est pas mal non plus, lui qui n’hésite pas à faire l’aller-retour Cannes New York pendant le festival pour aller recevoir un prix du meilleur ambassadeur de l’environnement… Récemment, Harrison Ford, fervent thuriféraire de Greta Thunberg, a fait juste un aller-retour dans son jet privé pour chercher son fils à l’école… Et Greta Thunberg va à New York en bateau à voile, mais change de skippers entre l’aller et le retour… et eux voyagent en jet… La France imperturbable La France, dans sa logique cartésienne excluant l’ambivalence, seule au milieu de tout cela, reste droite dans ses bottes : le nucléaire c’est mal, on l’arrête. Le pétrole c’est mal, on interdit les forages en Guyane. Les métaux c’est mal, on interdit les mines. Le plastique c’est mal, on vend notre industrie chimique. Mais nous serons fiers de laisser un pays si vertueux à nos petits-enfants. Ces articles pourraient vous intéresser: Le « capitalisme vert » monétise l’air que nous respirons Fred Vargas sème la peur… et inquiète son camp ! Diviser les émissions de CO2 par 4, par 6 ou par 8 ? Quel dilemme ! Le débat confisqué du changement climatique
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