jeudi 20 août 2020

L’État panique et nos libertés s’évaporent

Par Olivier Maurice. « Il est important de rassurer les salariés » nous a expliqué Elisabeth Borne pour justifier une nouvelle mesure hautement anxiogène et banalement liberticide à ajouter à une liste déjà bien assez longue : l’obligation du port du masque en entreprise. Avec un masque sur le nez, il nous sera vraiment absolument impossible d’oublier que la France est en alerte rouge de niveau maximal, en pleine catastrophe interplanétaire, en apocalypse totale, au beau milieu de la fin du monde. Que ceux (bien trop nombreux) qui auraient été distraits et n’auraient jamais entendu parler de Covid-19, et que tous les autres qui ne prennent pas la situation au sérieux, se le disent ! Avec un masque sur le nez, il sera absolument impossible de penser à autre chose que la menace omniprésente de la bête immonde et invisible, tapie dans l’ombre,�vicieuse et implacable, prête à frapper à tout moment. L’ennemi est partout ! Il nous épie. Il nous traque. Quoi de mieux pour rassurer les salariés qu’un gouvernement qui cède à la panique ? L’ennemi du dedans Peut-être pointer du doigt le bouc émissaire tout désigné ! Dénoncer ce grain de sable responsable de tous les dysfonctionnements, cet empêcheur de planifier et de diriger en rond : la liberté. Chaque jour, on nous égrène donc le bilan dramatique de l’épidémie dû à l’inconscience et l’incompétence de la population. Bilan du nombre de personnes décédées le 18 août en France : 1670 (chiffre moyen du nombre de décès journalier), dont 17 du Covid-19 ; dont la quasi-totalité âgée de plus de 75 ans ou en très mauvaise santé. Il est donc absolument impératif de renforcer les mesures sanitaires, pour empêcher les Français de faire n’importe quoi. Parce que les Français font toujours n’importe quoi, ce sont des inconscients. Et des inconscients criminels qui plus est. Pas tous les Français, bien sûr. Pas moi : mais mon voisin. Le privilège du sermon dominical s’est démocratisé avec la dissolution du Premier Ordre. Le jugement moral, l’argument d’autorité, la dénonciation critique et les généralités accusatrices forment maintenant dans ce pays une vieille tradition populaire, une exception culturelle bien établie qui est passée rapidement du caniveau au journal de 20 heures. Ce n’est pas la plus reluisante. Every man wants to be a macho man Le gouvernement a trouvé un nouveau dada pour pérorer sur les plateaux télé sur l’air de « regardez comme on est des chefs, des vrais, des tatoués, de la race de ceux qui n’hésitent pas à prendre des décisions radicales, mêmes impopulaires et à utiliser la force s’il le faut ! » Et de devenir ainsi le premier pays au monde à instaurer une mesure dont on n’a aucune idée de l’impact : sur la productivité, l’immobilier, le commerce de proximité, les transports, la croissance, l’équilibre des comptes sociaux, la dette, les impôts… On décide dans l’urgence de manière autoritaire et autocratique et on verra bien… Personne n’est dupe. Tout le monde a bien compris que le gouvernement est totalement paniqué. S’il y a deuxième vague, il y aura de nouveau incapacité du système de santé (le deuxième au monde en termes de moyens consacrés) à gérer le flux. Il y aura donc de nouveau confinement et cette fois-ci, se sera le grand saut dans l’inconnu. La seconde option semble moins risquée sur le papier. Elle fait moins peur. Du moins tant qu’elle ne s’est pas vraiment produite. Tant que n’est pas arrivé le jour où, excédés par les injonctions contradictoires, l’incertitude économique et surtout par la montagne d’interdictions et d’obligations qui s’accumulent à chaque fois qu’un fonctionnaire ou un politicien a une crise d’angoisse, les Français demanderont des comptes. Après moi, le déluge Mais avec un peu de chance, ce sera peut-être au ministre suivant de gérer l’immense pétaudière qui va alors se déclencher. Et il ne faudra pas compter sur la Cinquième République pour sauver la situation. Son contrat social repose sur deux piliers : le système de protection sociale (le meilleur au monde que le monde entier nous envie) et l’art de vivre (dans un pays qui compte autant de fromages que de jours de l’année). Arracher des planches au second pour colmater le premier qui prend l’eau de toute part n’est sûrement pas une bonne idée, mais quand il y a urgence et quand on n’a pas vraiment le choix… Perseverare diabolicum La seule question est de savoir quelle goutte fera déborder le vase. La limitation de la liberté de se déplacer (la taxe carbone en octobre 2018) a déjà bien failli. La remise en question des jours heureux (la réforme des retraites en septembre 2019) aussi. Qui sait ce que nous réserve l’automne de cette année… Surtout que la liste est déjà plutôt longue. Dans la droite ligne des excuses précédentes (les multiples atteintes aux libertés publiques prises au nom de la lutte contre le terrorisme, contre les comportements déclarés haineux, contre la sainte laïcité…), l’excuse de l’urgence sanitaire a elle aussi enchainé une bonne litanie de restrictions et d’obligations, dont de nombreuses ont perduré, ou ont suivi la levée de l’état d’exception : * interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes * obligation de déclarer les rassemblements de plus de 10 personnes * interdiction des rassemblements nocturnes * fermeture des salles de réunion publiques (danse, jeux, expositions, salons…) * obligation du port du masque dans les lieux clos * obligation du port du masque en centre-ville et sur les marchés * obligation du port du masque en entreprise * obligation du port du masque dans les transports en commun * obligation du port du masque pour les personnels des bars et restaurants * obligation du port du masque lors des déplacements dans les bars et restaurants * obligation du port du masque pour tout rassemblement de plus de 10 personnes * interdiction de tables de plus de 10 personnes dans les restaurants * fermeture des vestiaires collectifs * limitation des écoles de musiques, conservatoires, fanfares, etc. à 15 personnes * interdiction de danser lors des soirées organisées dans les salles des fêtes municipales * limitation des crèches à 10 enfants * prime de 55 euros pour tout médecin déclarant un malade du Covid * obligation du respect des gestes barrières * interdiction de transporter du matériel de sonorisation * annulation de très nombreuses manifestations : marathons, foires, expositions, matches * limitation de la liberté de prescription * fermeture d’établissements publics * quarantaines par réciprocité * interdiction de visite aux patients hospitalisés * absence de débat public sur des lois votées sans députés Et tout cela sans que l’on n’ait la moindre idée de l’horizon auquel pourraient être suspendues ces « exceptions temporaires à la liberté qui reste la règle, l’interdiction étant l’exception Â». En route pour de nouvelles aventures La notion d’exception en France semble, à l’image des exceptions grammaticales, un peu particulière. Espérons juste que nos gouvernants cessent par eux-mêmes cette escalade liberticide avant que ne s’enchaine un peu partout la suite du couplet d’une petite chanson dont ils sont censés connaître par cÅ“ur les paroles (« Contre nous de la tyrannie… », etc.). La question qui semble actuellement agiter ceux qui relayent un peu partout les vidéos des villes allemandes, anglaises, belges ou espagnoles noires de citoyens en colère et manifestant contre le port du masque en dénonçant le matraquage liberticide, anxiogène et culpabilisateur, tourne autour de savoir si la date du 12 septembre retenue par les Gilets jaunes pourrait être une bonne idée… Résistance ou résilience, le grignotage continu des libertés publiques aura des conséquences, à commencer par la perte d’autorité d’un État qui dit bien plus qu’il n’est capable de faire : qui ne peut clairement pas passer son temps à verbaliser les employés ayant retiré leur masque pour aller aux toilettes. D’une façon ou d’une autre, par la contestation dans la rue ou par la balkanisation, il faudra bien un jour sortir de la crise et remettre l’État, maintenant en roue libre depuis trop longtemps, à sa place. 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Qui devrait organiser la prévention et la gestion d’une crise sanitaire?

Par Gaël Campan. Qu’elle soit financière ou sanitaire, la gestion de crise est dorénavant confiée aux gouvernements. Enfin, plus exactement, ils s’en sont arrogé la responsabilité et les citoyens ne s’y opposent quasiment pas. La peur déclenche un repli autocratique réflexe. Comme des enfants qui, face à un danger inconnu, se réfugient auprès de leurs parents pour chercher protection, les citoyens attendent de la tutelle gouvernementale une omniscience et une bienfaisance inconditionnelles. Les limites du centralisme Pourtant, le gouvernement souffre de handicaps insurmontables. Sa maîtrise de l’information disponible est très étroite, nécessairement limitée à celle détenue par ses membres et par ceux qu’il consulte. Il n’a pas à assumer directement les conséquences de ses erreurs de jugement, contrairement aux parents vis-à-vis de leurs enfants. Puisqu’il dépense l’argent des autres, il ne se soucie pas ou peu des usages alternatifs des fonds dépensés. Comparativement aux organisations privées, il est aussi plutôt lent, dans l’action comme dans la prise de décision. La crise de la Covid illustre parfaitement les limites d’une réponse centralisée et autocratique à un problème collectif. Dans nos sociétés ouvertes, caractérisées par la division globale du travail et de la connaissance, les informations et les ressources pertinentes pour la résolution d’un problème social donné sont disséminées chez de très nombreux individus. La force des initiatives individuelles Chacun peut alors entreprendre d’apporter sa pierre à l’édifice. Assez tôt dans la pandémie, les vétérinaires ont ainsi développé dans plusieurs pays une solution pour effectuer des tests à grande échelle. De leur côté, les médecins ont du soigner les premiers malades et certains ont développé des protocoles de soin qui se sont révélés efficaces. Leur publication sur les réseaux sociaux (en plus des revues médicales prestigieuses) a permis leur diffusion et leur mise en œuvre rapide presque partout dans le monde, et ce en dépit de barrages médiatiques et gouvernementaux extraordinaires. Il n’y a pourtant rien de choquant à ce que la communauté mondiale des médecins traitants soit mieux préparée qu’une bureaucratie d’État à juger du bien-fondé et de la dangerosité d’un traitement particulier, surtout si le principe actif est ancien et très bien connu. Eux au moins auront à rendre des comptes directement à leurs patients. De la même manière, des responsables de maisons de retraite ont réorganisé de leur propre chef leur activité avec des résultats remarquables. La connaissance et la bonne gestion de la maladie a donc émergé exclusivement d’initiatives professionnelles individuelles. Aucune solution probante, même partielle, n’est d’origine gouvernementale. Prévention et pénuries Dans cette perspective, que dire des efforts des gouvernements à s’approvisionner en masques ou en respirateurs ? Les médecins, les pharmacies et les hôpitaux sont suffisamment armés pour anticiper une demande et effectuer des commandes directement. Ils connaissent leurs fournisseurs et savent négocier leurs achats au mieux de leur intérêt mutuel. Par contraste, les gouvernements vont commander de grosses quantités par des contrats spéciaux avec un nombre limité de fournisseurs qui devront en réalité déléguer en partie leur production à d’autres. Ils risquent alors de rediriger la production des fournisseurs vers les commandes d’État (mieux payées et plus sûres) et de retarder ainsi la livraison sur les lieux de soins où le besoin est le plus aigu. Le gouvernement ne peut pas se substituer aux mécanismes de marché quand il s’agit de surmonter une pénurie. L’augmentation du prix induit par la hausse de la demande suffit pour déclencher une augmentation de la production qui finira par induire à son tour une baisse du prix. Centraliser les commandes empêche le système de prix de signaler les besoins les plus pressants et de les servir promptement. Ces articles pourraient vous intéresser: Le masque en plein air est-il vraiment utile ? La virulence du Covid-19 est-elle en train de diminuer ? Déconfinement : avons-nous raison de crier « victoire Â» ? Les multiples agences de sécurité sanitaire contre le système de santé
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Une aide « exceptionnelle » de plus, cette fois pour les kiosques

Par Xavier Fontanet. Les kiosquiers viennent de percevoir du gouvernement une aide exceptionnelle de 1500 à 3000 euros pour continuer à distribuer les journaux. L’idée n’est pas ici de juger, d’approuver ou de critiquer, la situation est difficile et l’urgence a ses raisons. Le seul point sur lequel il faut être intransigeant c’est le respect de la pluralité de l’offre éditoriale. Il n’empêche que ce coup de main ne va faire que panser les plaies et ne dispense pas de réfléchir aux causes profondes qui vident les kiosques. Pourquoi les kiosques se vident ? Ceux-ci sont soumis à au moins trois dynamiques puissantes contre leur activité. D’abord les journaux papier se distribuent de plus en plus par la poste. Ensuite, le papier est de plus en plus substitué par le numérique. Enfin, la montée de Google Amazon et Facebook siphonne aujourd’hui plus de 50 % de la publicité qui traditionnellement financait les médias (télévision, radio, journaux). Or tous les chiffres semblent indiquer que ce sont les journaux qui ont le plus souffert de cette montée en puissance des acteurs du net. Face à trois tendances aussi lourdes, il est clair que la profession de kiosquier doit trouver de nouveaux produits à distribuer ; covid ou pas, le problème est là. Il faut qu’elle trouve des produits de substitution pour continuer à vivre : livres ? nourriture ? cosmétiques de base ? boissons ? timbres ? fleurs ? confiserie ? papeterie ? souvenirs ? lunettes de soleil ? photocopies ? pourquoi pas mini galerie d’art… Avec tous les bouleversements à l’œuvre en ce moment ce serait bien le diable si il n’y avait pas une ou deux pistes prometteuses à explorer et permettant de reconvertir le kiosque. Les professions adjacentes protesteront, il n’empêche que d’une concurrence saine et accrue entre canaux de distribution ne peut émerger que du bien pour la société dans son ensemble. Le positionnement de la presse écrite Derrière le problème des kiosques se profile une autre problématique, celle du positionnement futur de la presse écrite. Un rapide retour sur le passé peut être éclairant. La publicité a été incontestablement une innovation mais elle a eu des conséquences peut-être sous estimées au départ. À partir du moment où elle représente plus de 50 % des recettes, une direction peut, sans que ce soit toujours le cas, être tentée de vendre ses lecteurs à ses annonceurs. Elle peut alors pousser la rédaction à faire du spectaculaire pour grossir les ventes. La nature humaine étant ce qu’elle est, la tentation est grande pour certains annonceurs de tenter d’influencer le contenu éditorial en échange de leurs commandes. Autre changement profond dans le système : l’État et le pouvoir politique sont entrés dans le jeu en distribuant des subventions non négligeables, ce qui n’est pas très sain ni pour les journaux ni pour la puissance publique elle même. La publicité captée par les géants du net alimente en ce moment une prolifération complètement incontrôlée des fake news et on ne voit pas ce qui va les freiner. Au même moment les recettes publicitaires perdues empêchent les médias de rémunérer correctement les journalistes alors qu’on n’a jamais eu autant besoin d’eux. Tous ces problèmes sont durs à porter par les médias mais génèrent une ouverture stratégique évidente pour eux : viser la qualité de l’information et devenir un lieu où se forme le jugement. Comment le pays accueillerait-il une proposition de loi décapante autorisant chaque citoyen à déduire de ses revenus ses dépenses d’abonnement aux médias papier, la réduction des recettes fiscales étant compensée par l’arrêt de toute aide à la presse ? Ces articles pourraient vous intéresser: Attention, Macron voudrait « réguler » les médias et l’information ! Belgique : polémique sur l’éviction d’une chroniqueuse après ses propos anti-écolo Médias : quelles sont les nouvelles références ? Et si on aidait vraiment la presse ?
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