mercredi 19 août 2020

Hong Kong : ils se battent pour leur futur et le nôtre

Par Heung-Gong-Yan1avec la contribution de Christian Michel. Quand les jeunes délaissent leurs études, leurs amours, leurs possibilités professionnelles pour défendre le futur, la société est vraiment pourrie. C’est la nuit la plus sombre chaque année à Hong Kong, mais la plus scintillante aussi, quand les habitants éteignent les lumières dans les appartements et les bureaux, et allument des bougies aux fenêtres et dans les parcs. Chaque année le 4 juin, ces petites flammes rappellent le massacre de la Place Tian’anmen. Nous savions que cette 31ème commémoration serait sans doute la dernière possible. Déjà, nous avions ignoré les tout récents décrets sur « la sécurité » lorsque par centaines de milliers nous avons occupé les stades et les places publiques, malgré les ordres braillés dans les haut-parleurs. Il y eut une minute de recueillement. Puis ce pieux devoir accompli, chacun a repris le cours de sa vie nocturne hongkongaise, trépidante et mercantile. Avec un ami, je cherchai où diner, un restaurant «�jaune Â», ces lieux pro-démocratie, pro-libéraux, où l’on peut parler librement, par opposition aux établissements « bleus Â», où se retrouvent les flics, les collabos chinois, les suppôts du régime. Il y avait cet izakaya, un resto japonais hyper « jaune Â», fréquenté par des étudiants et des activistes, niché au haut d’un immeuble commercial. C’est là, dans l’ascenseur, que j’ai reconnu sous les masques leurs jeunes visages maintenant célèbres, Agnès Chow Ting (23 ans), Joshua Wong (23 ans), et Nathan Law (27 ans). Les portes automatiques refermées sur nous, il y eut dans leurs regards un instant d’hésitation. Indic ? Camarade ? La répression crée la méfiance, c’est son but. Quelques mois plus tôt, le port du masque était interdit pour que les flics identifient les manifestants, puis il fut obligatoire, pandémie oblige, et pour que les flics tabassent les manifestants sans possibilité d’être identifiés sur les vidéos. Leur examen conclu, les trois activistes reprirent leur conversation – où ils étaient positionnés dans la manif’, qui d’autre connu y participait, comme s’il s’agissait d’une fête ou d’un grand jeu. Ils menacent le tout-puissant régime chinois, mais ces meneurs sont à peine sortis de l’adolescence, amateurs de fast-food japonais, fans de mangas et de musique. Arrivés à l’étage, ils sortirent devant moi. Ils s’éloignèrent, tous les trois petits de taille, immenses par le courage, absorbés dans leur conversation. Je compris à cet instant que nous vivions nos derniers jours de liberté. Un mois plus tard, en effet, Nathan Law dut chercher refuge à Londres, Joshua Wong et Agnes Chow sont sous le coup de poursuites judiciaires. La justice les a laissés en liberté sous caution, en attendant de les juger. Ils vivent sous constante surveillance policière. Joshua Wong est un activiste de longue date, secrétaire-général du Parti Demosistō, maintenant interdit, déjà un des porte-paroles de la Révolution des Parapluies en 2014. Agnes Chow, aussi cofondatrice de Demosistō, est accusée, entre autres « crimes », de collusion avec des agents étrangers. Ce qui montre la perversité de telles accusations, car qui sur la planète aujourd’hui, ne vivant pas sous un igloo au-delà du cercle polaire, sans connexion internet, ne tisse pas de liens avec des étrangers ? Le Parti communiste a créé autour du pays une « muraille de Chine digitale », bloquant les sites qui pourraient donner aux Chinois une information objective. Mais de quelle collusion avec quelles forces extérieures, Agnès Chow pourrait-elle être coupable ? Elle parle japonais couramment, et comme les jeunes Hongkongais, elle est fan de mangas. Mignonne, un sourire angélique toujours aux lèvres, une diction un brin zézayante, elle a son fan club nippon. Peut-être même qu’elle en influence certains là-bas en faveur de Hong Kong. Mais la réalité est qu’elle est, comme nous tous, Hongkongais, victime d’un gang, habitant le même quartier, s’en prétendant le propriétaire, imposant sa loi par la terreur – la Chine. Que faire contre l’oppression à Hong Kong ? Hong Kong aujourd’hui est un de ces tests que l’Histoire fait passer aux partisans de la paix et de la justice. Ils doivent trouver le moyen de contrer une autocratie. S’ils échouent, ils glissent vers la guerre. S’ils réussissent, l’autocrate perd pied, son prestige faiblit, et comme un chien battu, il retourne à sa niche. Mussolini en Éthiopie, Hitler à Munich, Khrouchtchev à Cuba, sont les cas emblématiques de ces deux options au siècle dernier. Quelles riposte aujourd’hui contre l’autocrate Xi Jinping ? Comme l’un de nous deux l’a écrit ici, le doux commerce sert toujours la cause de la paix ; les embargos, quotas et rétorsions commerciales punissent les peuples, et paradoxalement dédouanent les dirigeants. Ils savent maintenant qui blâmer – l’ennemi étranger – pour leurs propres erreurs. Il faut au contraire cibler les exécutants eux-mêmes. Une application de la Loi Magnitski à Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong, serait un début (et la déchoir de la Légion d’Honneur un minimum), puis étendre aussitôt cette loi à tous ceux au sein de la police et de la justice qui, par leur brutalité et arrestations arbitraires, ont violé les lois qu’ils avaient charge de faire respecter, et inclure ceux qui en Chine même, au sein du Parti, ont donné personnellement ces instructions scélérates (à ce stade, les plus hautes autorités restent hélas intouchables). Une deuxième mesure nécessaire est de renforcer la diplomatie des peuples. Continuons d’encourager les Chinois à visiter les pays occidentaux, les jeunes à y étudier, à y travailler, les artistes à y présenter leurs Å“uvres, les intellectuels à coopérer à travers les frontières, et laissons-les constater par eux-mêmes si la propagande du Parti communiste reflète la réalité qu’ils rencontrent. Si nous avons confiance en nos valeurs libérales, si nous croyons qu’elles sont vraiment universelles, elles feront le boulot toutes seules. Enfin, et c’est essentiel, il faut aider les victimes. La priorité est de leur tendre un filet de sécurité. Les États européens, suivant l’exemple du Royaume Uni, doivent absolument garantir un permis d’établissement et de travail à ceux qui voudraient quitter Hong Kong. Le geste est essentiel. Sans être agressif envers la Chine, il témoigne de notre détermination dans la défense des libertés. Peu de Hongkongais s’établiront sur notre continent, le risque politique est faible pour les gouvernements nationalistes et frileux, mais les Hongkongais qui viendront possèdent un capital culturel et une éthique de travail qui est tout à notre avantage. Il faut soutenir pratiquement, moralement, psychologiquement, ceux qui restent à Hong Kong, montrer que leur combat est le nôtre, qu’ils ne sont pas abandonnés, que leurs voix sont entendues très loin et clairement. C’est la mission des journalistes et des ONG, des réseaux sociaux, des éditeurs de livres, des universités, des églises, des multiples associations de défense des droits humains. Chacun a un rôle. Ce sont ces actions sur tous les fronts, depuis le Nobel à Soljenitsyne jusqu’à la diplomatie de Jean-Paul II, le soutien des scientifiques à Sakharov, des intellectuels à Havel, cette réaction outrée des sociétés civiles devant l’arbitraire, qui ont sapé l’autorité morale du Parti communiste de l’URSS et précipité sa chute. Les mêmes causes en Chine produiront les mêmes effets. * Heung-Gong-Yan est le pseudo d’une jeune activiste de Hong Kong ↩ Ces articles pourraient vous intéresser: Accueillons en Europe ceux qui souhaitent quitter Hong Kong Contrôle social : l’instrumentalisation du Covid-19 à la mode de Pékin La liberté est la première de nos sécurités ! Coronavirus : comment concilier sécurité et respect des libertés ?
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La lutte frénétique contre les inégalités à tout prix

Par Pierre Allemand. La lutte contre les inégalités est une activité classique pour tout politique qui veut se faire un nom et accessoirement augmenter le nombre de ses électeurs. L’État affiche et met en œuvre cette lutte, en provoquant des inégalités encore plus grandes. La chasse aux inégalités est un sport auquel se livrent en permanence un certain nombre de politiques, ainsi que certaines associations, la plus connue étant Oxfam International (Oxfam France, sa filiale française, est dirigée par Cécile Duflot qui s’est retirée de la vie politique en 2018, sans doute épuisée par la rédaction de la loi ALUR). La lutte contre les inégalités est une activité classique pour tout politique qui veut se faire un nom et accessoirement augmenter le nombre de ses électeurs. C’est en effet une belle idée devant amener à la paix sociale absolue que de faire en sorte que les individus se fondent dans une masse transparente et uniforme qui empêche absolument de les distinguer. Mais ces individus ne perdraient-ils pas du même coup leur identité même ? Par ailleurs, si l’action individuelle ne permet plus à chaque individu de s’élever au-dessus de la masse, n’est-ce pas entraîner l’uniformité au niveau le plus bas pour tout le monde�? Les différentes formes d’inégalité Le vocable inégalités recouvre un domaine très large qui n’est d’ailleurs pas souvent précisé celui qui se livre à cette chasse. On peut néanmoins distinguer trois grandes formes d’inégalités : Inégalités devant la loi C’était une forme d’inégalité qui était en usage en France, sous l’ancien régime : Â« selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir» écrivait La Fontaine dans Les animaux malades de la peste en 1698. Dans son article premier, la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a en principe mis fin à cette situation. Je dis en principe car il ne me paraît pas très égal que par exemple certains détenus le soient dans des quartiers dits VIP, ce qui montre sans conteste que ces conditions de détention sont finalement liées à l’état de puissant ou de misérable. Inégalités de revenu C’est la forme d’inégalité la plus populaire, et donc la plus dénoncée. Les protestations souvent pilotées d’ailleurs par les médias devant les salaires jugés exorbitants de certains capitaines d’industrie, en sont l’exemple le plus courant. Remarquons que ces protestations sont d’ailleurs bien moins importantes lorsqu’il s’agit du revenu des footballeurs. Il est vrai que dans ce cas, on parle de sujets bien plus sérieux, du moins pour les journalistes dits sportifs qui sont dans ce cas les pilotes peu convaincus de la protestation. Quoi qu’il en soit, l’impôt sur le revenu vient raboter fortement les gros revenus avec le système très efficace mais peu éthique de la progressivité qui est une sorte d’impôt sur l’impôt, puisque le taux d’imposition sur un euro quelconque de revenu dépend aussi de la quantité de ces euros. Inégalités de patrimoine Est-ce parce qu’elles sont moins bien connues, toujours est-il que ces inégalités-là semblent mieux acceptées par une partie de la population. Pour preuve ce sondage révélé par l’IFRAP qui constate que 80 % des Français sont hostiles aux droits de succession qui peuvent pourtant constituer un moyen puissant pour rogner progressivement les plus gros patrimoines. Du point de vue de l’éthique, il faut cependant reconnaître que ces droits constituent un impôt sur la mort particulièrement indécent. La justification des impôts cités ci-dessus est toujours la même : le prélèvement est effectué pour le compte de la collectivité. Or, du point de vue de celui qui décide du montant de l’impôt, rien n’est trop beau pour celle-ci. Par ailleurs, l’État se crée en permanence de forts besoins d’argent et n’a pas d’autre source de financement1. Notons cependant que ces arguments sont parfaitement subjectifs et n’ont aucune justification morale. L’État, fabrique des inégalités Il est un fait que les biens produits par l’État sont complètement inexistants. L’État ne produit que des services, qu’il vend curieusement à la tête du client : celui disposant d’un gros revenu paiera beaucoup plus sous forme d’impôts que celui payé au SMIC les services vendus par l’État comme l’éducation ou la sécurité. Par ailleurs, certains services comme le transport via la SNCF sont payés plusieurs fois par les clients de l’État : * une première fois lorsque le client achète son billet de train ; * une deuxième fois lorsque ce même client finance via ses impôts le prix du déficit annuel de la SNCF ; * une troisième fois lorsqu’il paye, toujours par ses impôts, l’effacement périodique de la dette de la SNCF ; * une quatrième fois lorsqu’il paye la part étatique des investissements consacrés aux transports ferroviaires. La facture totale du billet de train finit donc par être élevée. Cette situation explique pourquoi tant les gouvernements successifs que les organismes concernés freinent des quatre fers la mise en concurrence de cette activité : les premiers craignent pour la paix sociale, les seconds (syndicats, direction) savent que la Société Nationale n’est pas du tout en état de supporter cette concurrence. Mieux vaut pour les protagonistes cités de conserver les inégalités courantes… Remarquons toutefois que par un artifice consistant, en gros, à ignorer certains postes comptables, la SNCF a déclaré des bénéfices au cours de ces dernières années : 1,33 milliard en 2017, 141 millions en 2018, mais -801 millions en 2019, conséquence de la longue grève de décembre. Lorsque le client français se rend compte qu’il paye un prix exorbitant pour des services qu’il estime insuffisants, il cherche tout naturellement une solution de repli, et peut décider de quitter la France. En effet, les pays ne manquent pas qui demandent moins d’impôts et offrent des services supérieurs. Seulement, pour le pays ce départ s’accompagne de la perte d’un (souvent gros) contribuable, ainsi que d’une perte de chiffre d’affaires correspondant à une bonne partie de l’ex-revenu de l’exilé qui faisait vivre un certain nombre de personnes. Ce départ est considéré par de nombreux politiques et médias comme une atteinte inadmissible au revenu du fisc. Peu d’entre eux se placent au niveau de l’exilé, ce qui est assez improductif, car il en résulte que les remèdes envisagés à ces départs sont uniquement contraignants et ne peuvent aller très loin vers une solution. La lutte contre les inégalités de revenus montre ici ses limites. L’illusion de la gratuité L’État, ou les collectivités locales peuvent lutter contre les inégalités en multipliant les services dits gratuits dont l’objectif est de permettre aux personnes à faible revenu d’en bénéficier. Ces services sont finalement payés par les ménages aux revenus plus élevés. Par exemple, le 23 juillet 2020 les élus du Conseil de Paris ont voté à l’unanimité la gratuité des transports en ÃŽle-de-France pour les enfants parisiens jusqu’à leur majorité. Comme ces transports sont du ressort de la Région ÃŽle-de-France, la gratuité s’exprimera par le remboursement a posteriori du Pass Navigo. Ceci reviendra d’ailleurs à fabriquer une inégalité colossale entre les enfants franciliens et les enfants parisiens sur le même réseau, puisque les mineurs Parisiens pourront voyager gratuitement sur tout le réseau, chose qui sera interdite aux banlieusards. On peut parier que les élus franciliens vont essayer à leur tour de résoudre le problème en fabriquant une nouvelle inégalité entre les jeunes voyageurs franciliens et les jeunes Français en général… « Il n’y a pas de repas gratuit » disait Milton Friedman, Prix Nobel d’économie en 1976. Malheureusement, les élus franciliens n’ont sans doute qu’une connaissance limitée de l’économie réelle… Le coûts des déplacements en région parisienne (en langage à la mode les mobilités) constitue un frein naturel au développement illimité de l’agglomération. Si ce frein est supprimé, en agissant toujours vers le bas sur les prix, ce que les politiques font depuis toujours, on favorise ce développement sans mesure, avec les inconvénients de plus en plus grands qui en résultent : pollution, promiscuité dans les transports collectifs, embouteillages dans les rues, et pertes énormes de temps. On fabrique et on développe en même temps des fosses à subventions sans fond comme la RATP ou la SNCF. Si, au contraire on laissait agir ce frein, on favoriserait la naissance de petites agglomérations périphériques à dimensions plus raisonnables. Mais comme toujours les politiques ont une vision strictement limitée au temps qui les sépare des prochaines élections, et favorisent donc toujours le gigantisme et la dépense centralisée et sans limites, payée par des contribuables lointains qui n’en profiteront jamais. On fabrique ainsi de gigantesques inégalités qui peuvent créer l’émergence de mouvements spontanés du genre Gilets jaunes. L’ISF, l’IFI et les inégalités L’IFI, Impôt sur la Fortune Immobilière, a remplacé l’ISF jugé avec raison économiquement stupide. L’ISF, impôt relativement peu productif si on se place du côté des prédateurs, possède en lui-même la propriété de s’auto-neutraliser. En effet, si la pression fiscale devient trop forte, et comme déjà expliqué plus haut, l’heureux possesseur de biens dits meubles peut émigrer avec ses biens vers des pays moins fiscalement voraces, ce qui revient à illustrer le célèbre aphorisme « trop d’impôt tue l’impôt« . L’IFI est un ISF duquel on a retranché les biens meubles, ne laissant que les immeubles. C’est une redoutable machine à s’approprier les fortunes immobilières. Ainsi, sans aucune légitimité autre que la loi qu’il a lui-même faite établir, le gouvernement français peut s’attribuer en quinze ans 20 % d’une fortune immobilière de 50 millions et la moitié de celle-ci en cinquante ans. C’est un vol légal qui n’existe que dans seulement cinq pays au monde qui en compte 197 inscrits à l’ONU. La justification de cet impôt cher à la deuxième génération de Gilets jaunes  noyautée par l’extrême gauche est une punition infligée aux riches simplement pour le fait d’être riche. Bien loin de lutter contre les inégalités, cette punition consiste en réalité à assouvir une envie dévorante et une jalousie vis-à-vis de plus riche que soi. Une société qui accepte ce genre de justification se met en désaccord avec la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui constitue le principal préalable de la Constitution de la Cinquième République. En effet, parmi ces droits figure la propriété qualifiée dans ce texte d’inviolable et sacrée. Inviolable signifie qu’elle ne peut pas être accaparée, quel qu’en soit le motif, sauf à respecter la condition d’une juste et préalable indemnité. Le non-respect de cette règle qui ne peut être le fait que de gouvernements financièrement aux abois montre en réalité le véritable visage de cet impôt. Il ne s’agit, ni plus ni moins que d’une opération de racket : « j’ai la force (légale) pour moi, ainsi que la loi (que je fabrique) » dit l’État au contribuable. « Tu dois me payer le montant que je décide ». C’est la définition même de l’extorsion, punie de sept ans de prison et de 100 000 euros d’amende (Code pénal, article 312-1) lorsqu’elle est commise par un particulier. Et le fait que ce racket profite finalement à un nombre supérieur à celui des victimes mises à contribution illustre d’une façon éclatante le principe de la démocratie qui ne respecte pas les minorités, à la différence d’ailleurs du libéralisme qui fait de ce respect l’un de ses principes fondateurs. La protection des minorités est en effet au cÅ“ur de la pensée libérale, à commencer par la minorité la plus petite : l’individu. La démocratie c’est un agneau et deux loups votant ce qu’il y aura au dîner. Benjamin Franklin Le libéralisme, c’est la police qui protège l’agneau contre les deux loups. * Le Président Macron en a pourtant trouvé une autre : après avoir constaté que les emprunts inconsidérés d’argent ne seraient finalement payés par les Français qu’aux temps lointains où il ne serait plus aux commandes, a décidé d’utiliser ce moyen à outrance… ↩ Ces articles pourraient vous intéresser: Néolibéralisme, le bouc émissaire bien commode La haine comme mobile politique Comment accepter l’incertitude de la concurrence en démocratie ? La pédagogie, seul moyen de sauver notre démocratie en danger
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Inflation, mort et renouveau des diplômes 

Par Eloi de Reynal. Il est intéressant de noter l’analogie qui peut être faite entre un diplôme et un billet de banque : l’un garantit un certain niveau de compétences et de capacités intellectuelles quand l’autre garantit un certain pouvoir d’achat. Un peu d’économie L’argent comme les diplômes n’ont pas de valeur intrinsèque. Ce sont des symboles ne tirant leur crédit que de ce qu’ils représentent. En économie, oublier cette notion est fatal : distribuer de l’argent à tout le monde ne rend pas un pays plus prospère, mais diminue simplement la valeur de la monnaie. Les richesses produites dans un pays étant limitées, ou augmentant en tout cas à un rythme relativement faible, l’accroissement brutal de la masse monétaire ne peut conduire qu’à une forte inflation là où l’argent a été injecté. On le voit bien depuis 20 ans dans les marchés financiers. Les prix ont monté à des niveaux parfaitement absurdes et déconnectés de l’économie réelle suite aux politiques monétaires des banques centrales. L’intention de départ est toujours la même. Elle est bonne, bien que légèrement pusillanime sur les bords : « Il faut absolument injecter des liquidités pour sauver X (une entreprise, un pays, un groupe de personnes…) de la faillite ». L’objectif est souvent atteint, du moins sur le court terme, mais le problème est simplement repoussé. Une entreprise ou un gouvernement en difficulté pendant une crise le sont souvent par mauvaise gestion, et le principe de sélection naturelle et de destruction créatrice sont là justement pour que les meilleurs systèmes survivent, et que les moins efficaces soient remplacés ou remodelés. Un tel effet pervers inflationniste est apparu dans le système éducatif français, pour des raisons similaires. À faire en sorte que personne ne redouble jamais, et que tout le monde puisse avoir son Bac, les formations académiques ont perdu beaucoup de leur qualité et de leur valeur. L’inflation des diplômes mine le système éducatif français Entre 2000 et 2012 le nombre de diplômés bac + 5 en France a augmenté de 75 %. Le taux de réussite au bac est passé de 65 % à 96 % entre 1980 et 2020. Dans le même temps, le nombre de nouveaux diplômés d’écoles d’ingénieur a été multiplié par quatre. On pourrait se congratuler de ces statistiques étourdissantes et du fait que les Français sont de mieux en mieux éduqués, mais ces chiffres montrent une inflation peu contrôlée bien plus qu’une réalité réjouissante. Le monde est ainsi fait que la génétique est profondément injuste, et que l’intelligence qui en dépend largement ne peut ni être également répartie au sein d’une population, ni augmentée indéfiniment par l’éducation. Tout le monde ne peut pas être un bon ingénieur, commercial, manager ou chef d’entreprise. Même en travaillant très dur. Tout le monde n’a pas les capacités intellectuelles nécessaires à la compréhension et à l’innovation dans le monde professionnel. Sachant cela, il est difficile de voir autre chose que de l’inflation dans cet allongement des études et cette multiplication des diplômes. Avoir un Master ou une formation d’ingénieur ne traduit plus qu’une certaine persévérance dans l’effort, et non un niveau de compétences ou d’intelligence. La perte de valeur des diplômes est la conséquence de 30 ou 40 ans d’une philosophie éducative que l’on peut résumer en une phrase : « Il faut empêcher les élèves travailleurs et dociles mais peu intelligents de rater leurs études ». Ce qui ressemble beaucoup à la politique zéro faillite responsable en partie de l’inflation sur les marchés financiers. Jusqu’en terminale, cette philosophie implique que les élèves brillants mais peu académiques sont systématiquement sous-notés par rapport aux élèves studieux. Plus tard, lorsque les étudiants s’anonymisent dans la masse des amphithéâtres, il n’est plus possible de les noter au cas par cas et d’empêcher artificiellement les plus limités de redoubler. La seule possibilité est donc de les évaluer sur des connaissances brutes et de bêtes exercices d’application. De cette façon, n’importe qui peut réussir pour peu qu’il apprenne ses leçons. Inversement, évaluer les élèves sur leur esprit critique et la puissance de leur raisonnement serait bien plus discriminant, du fait du caractère majoritairement inné et donc inégalitaire de ces deux dernières qualités. Comme les étudiants ne sont jamais évalués que sur les sujets qu’ils sont supposés avoir appris en classe (encore une absurdité), le niveau et la teneur des cours sont modifiés pour coller à ceux des évaluations. À démocratiser l’enseignement, on le rend médiocre. Ainsi, hors prépas, le niveau de l’enseignement est ridicule et les diplômes ont une barrière à l’entrée si faible qu’ils ne représentent plus rien. Le lien diplômes/compétences est brisé. Aussi, un facteur vient aggraver sa situation déjà précaire : grâce à internet, l’accès à l’information s’est généralisé. Certains engrangent par là une grande quantité d’informations professionnellement utiles, mais dont aucun diplôme ne vient attester. Le lien compétences/diplômes est rendu par là-même obsolète. Sachant qu’une inflation trop importante se solde souvent par un effondrement monétaire avec redéfinition de la monnaie, on peut s’attendre par analogie à une refonte douloureuse du système éducatif français. D’autant que les employeurs que sont les entreprises commencent à se rendre compte de la supercherie. Après avoir demandé de plus en plus de diplômes pour un poste donné afin de répondre à l’inflation, elles sont de plus en plus nombreuses à ne plus en exiger. Le futur des diplômes et du recrutement Un chef d’entreprise décidé à embaucher un certain profil ne peut plus raisonnablement se baser sur son parcours académique. Si les habitudes de recrutement persistent, probablement par inertie, il faut s’attendre à ce que les choses changent radicalement dans les années à venir. En effet, on peut déjà observer que des certifications de niveau de langue obtenu via des organismes privés (comme le TOEIC, le TOEFL par exemple) sont beaucoup plus reconnus qu’un diplôme de langues offert par une université publique. Rien n’empêche que le phénomène de privatisation des diplômes se généralise à d’autres domaines. En ingénierie, par exemple, il est relativement facile de mesurer le niveau technique d’un candidat en un QCM d’une heure, pour peu qu’il soit bien fait. Des champs aussi divers que l’expression écrite, la clarté d’esprit ou le marketing peuvent être évalués rapidement par des tests en ligne. Les recruteurs en recherche n’auront bientôt plus qu’à puiser dans les bases de données des personnes ayant passé ces tests pour embaucher ou en tout cas présélectionner au plus juste, plutôt que de se baser sur des certifications publiques artificiellement gonflées. Conclusion La similitude de nature entre les diplômes et les monnaies nous montre que, de la même façon qu’une politique monétaire trop accommodante crée de l’inflation, un système éducatif laxiste diminue la valeur des diplômes. Ainsi, en France, le nombre de diplômés chaque année ne cesse d’augmenter, malgré un enseignement de plus en plus pauvre. Cela crée des frictions sur le marché de l’emploi car les recruteurs ne peuvent plus se fier aux anciens indicateurs de compétences et de capacités qu’étaient les diplômes. La sous-traitance des certifications à des organismes privés est déjà en cours par exemple pour les langues, où un beau score au TOEIC vaut plus qu’une licence d’anglais. Ce phénomène a toutes les chances de se généraliser à la plupart des domaines. On peut espérer raisonnablement que cela pousse les universités à augmenter leur niveau général, de la même façon que l’arrivée du TOEIC et du TOEFL a entraîné une amélioration drastique de l’enseignement de l’anglais en école d’ingénieur par exemple. Ces articles pourraient vous intéresser: Bac 2020 : la grande cuvée a bien eu lieu À quoi bon le diplôme du baccalauréat ? École : comment rouvrir ? SIRHEN au ministère de l’Éducation nationale : zéro en informatique !
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