mardi 4 août 2020

PMA pour toutes : une liberté nouvelle

Par Patrick Aulnas. L’Assemblée nationale a voté le 29 juillet 2020, en deuxième lecture, l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, mesure phare du projet de loi bioéthique examiné en deuxième lecture. Malgré une vive opposition de la droite, le texte a désormais toutes les chances de devenir loi. PMA : situation actuelle La PMA n’est possible aujourd’hui que pour les couples hétérosexuels mariés ou vivant ensemble et diagnostiqués infertiles. Différentes techniques (fécondation in vitro, insémination artificielle) peuvent être utilisées. Statistiquement, la question concerne un nombre réduit de couples : en 2015, 24 839 grossesses par PMA sont arrivées à leur terme, soit environ 3 % des naissances. Les couples de lesbiennes et les femmes seules ne peuvent donc pas bénéficier aujourd’hui de la PMA en France. La législation française apparaît sur ce point particulièrement restrictive. L’Espagne, le Portugal, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, la Finlande, le Luxembourg admettent la PMA pour les couples lesbiens et les femmes seules. L’Autriche l’admet seulement pour les couples lesbiens et certains pays comme la Hongrie, la Bulgarie ou la Grèce l’acceptent pour les femmes seules mais pas pour les couples lesbiens. Cette diversité législative résulte évidemment de l’emprise des morales traditionnelles à caractère religieux sur le sujet. Le recul des monothéismes en Europe conduit à une libéralisation progressive dans tous les pays. L’article 1er du projet de loi bioéthique Le projet de loi relatif à la bioéthique traite de plusieurs sujets (filiation, dons d’organes et de tissus, recherches sur l’embryon, etc.) mais c’est sur son article 1er que médias et opposants se sont focalisés. Il ouvre en effet l’accès à la PMA à toutes les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle et leur statut civil. Les couples lesbiens et les femmes seules pourront donc recourir à la PMA. L’article 1er a été voté dans les mêmes termes que celui adopté en octobre 2019 en première lecture. Les députés ont à nouveau rejeté la PMA post-mortem, avec les gamètes d’un conjoint décédé, et l’ouverture de la PMA aux hommes transgenres. La technique dite de la ROPA (don d’ovocytes dans un couple de femmes), a également été rejetée. La droite y voit «�un glissement vers une gestation pour autrui Â» (GPA, recours à une mère porteuse). La position de la droite est en effet constante sur les questions sociétales depuis les années 1960 : refus de toute libéralisation. Les conservateurs ont toujours eu peur des évolutions sociétales Les conservateurs se sont ainsi opposés à la légalisation de la contraception orale  dans les années 1960, à l’interruption volontaire de grossesse dans les années 1970, au pacte civil de solidarité (PACS) dans les années 1990 et au mariage homosexuel en 2013. La sociologie politique, par le biais des sondages, montre que l’électorat de droite évolue a posteriori. Qui est aujourd’hui opposé par principe moral à la contraception orale ? Très peu de monde. De même, pour l’IVG, alors que 48 % des Français y étaient favorables en 1974, ils sont désormais 75 %. Le mariage pour tous suit la même évolution : les sondages montrent que les personnes souhaitant abroger la loi Taubira de 2013 sont de moins en moins nombreuses. Chez les conservateurs, l’extension du domaine des libertés sociétales se heurte à de très anciennes normes éthiques d’origine religieuse, considérées comme le stade ultime de l’Histoire. Mais lorsque la société a évolué et que l’expérience montre que leur crainte de l’avenir est infondée, un phénomène de résilience se produit. Au lieu de chercher à imposer à tous leurs principes moraux au nom d’une vérité qui n’est que leur vérité, nombre de conservateurs s’adaptent à une liberté nouvelle qui ne remet pas en cause leurs croyances particulières. La famille traditionnelle n’est nullement menacée par la PMA Il en ira de même pour la PMA, qui ne concerne, en pratique, qu’un nombre réduit de personnes. Le modèle familial traditionnel restera la norme. Les objections simplistes concernant la structure de la famille (nécessairement un père, une mère, des enfants) sont parfois considérées par certains analystes comme découlant du droit naturel. Piètre argumentation. Le droit naturel était invoqué au XVIIIe siècle par les philosophes des Lumières  pour s’opposer à la toute-puissance du pouvoir politique des anciennes monarchies. Il s’agissait d’un ensemble normatif intermédiaire entre le droit positif et la morale, destiné à asseoir la liberté sur un socle de niveau supérieur aux règles élaborées par le pouvoir politique. Ainsi, la liberté d’aller et venir, le droit de propriété étaient censés appartenir au droit naturel. Une règle du droit positif contrevenant à ces libertés était donc analysée comme illégitime. Le droit naturel se situait donc du côté des libertés et en opposition frontale au despotisme, qu’il vienne du pouvoir politique ou des religions officielles, souvent alliés. Il est particulièrement piquant que certains intellectuels invoquent aujourd’hui le droit naturel pour s’opposer à la liberté. Il s’agit bien en effet pour eux de ne pas permettre une extension de la PMA au prétexte qu’elle aboutirait à ne pas respecter la famille naturelle. Il n’en est rien. Cette structure familiale ne sera en rien remise en cause. Il s’agit seulement d’accorder une liberté nouvelle à certaines minorités. Cet étrange retournement de l’Histoire – le droit naturel désormais invoqué contre la liberté – est le propre de la politique. Pour certains esprits, tout argument est bon, aussi pauvre soit-il, lorsqu’il s’agit d’imposer par la violence légale sa vision du monde à la société entière. Ces articles pourraient vous intéresser: Graphiquement vôtre : en France, un enfant sur 30 est conçu par PMA PMA : les femmes ont le droit de choisir PMA : les limites de l’opposition conservatrice Loi bioéthique : vers la politisation accrue de la filiation
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De la dette au doute

Par Karl Eychenne. Il suffirait donc de s’endetter jusqu’à plus soif. Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ? En fait, on y avait pensé mais cette fois-ci on ose. Ainsi, l’audace n’est plus la menace qu’on dit qu’elle fut. Lorsque la fourmi se fait cigale, on peut au moins trouver cela louche. Hier, ceinture budgétaire, aujourd’hui on baisse le pantalon. La dette va donc reprendre son ascension à plus de 100 % du PIB en 2020, après quelques années de descente en rappel difficile mais réalisée avec succès�de 95 % à près de 85 % de 2014 à 2019. Sauf que là, la critique ne tiendrait pas compte tenu de la réalité du moment : rien ne résisterait au quoi qu’il en coûte des autorités, et toute réserve serait montrée du doigt. Inutile donc d’évoquer la tarte à la crème inflationniste, l’aléa moral en cas de défaut, ou la pratique du seigneuriage, ces arguments sentent d’ailleurs la naphtaline car la dette s’apprécie et ne se juge plus. Alors plutôt que de passer pour un pisse-froid, nous évoquerons plutôt quelques interrogations dites iconoclastes, qui rappellent que la dette traîne d’autres casseroles. Mais avant, parlons mécanique. La CoviDette Au risque de caricaturer : si vous baissez les taux d’intérêt de 1 % ou si votre croissance accélère d’autant, vous pouvez vous permettre de desserrer la ceinture budgétaire de 1 %, le ratio de dette sur PIB ne bougera pas. Mais si vous relâchez le pantalon (envolée du déficit), vous aurez intérêt à ce que les taux baissent ou la croissance accélère suffisamment pour empêcher la dette de s’envoler. Or, il peut arriver que l’on vous baisse le pantalon par surprise, c’est ce qu’il s’est passé tout récemment avec la crise du Covid. Dans ce cas, il n’y a pas de parades possibles, la baisse des taux n’est pas assez forte pour compenser la hausse du déficit, et il ne faut pas compter sur la croissance qui s’effondrera. Mécaniquement, la dette s’envole. Ainsi, la dette brute devrait passer de 85 % du PIB fin 2019 à près de 102 % en 2020 à cause du seul Covid, soit une hausse de 17 %. Pour comparaison, la digestion de la crise des subprimes avait dû se payer par une hausse de près de 30 % de la dette de 2007 à 2014. Cette hausse de la dette se décomposerait en deux effets contribuant autant l’un que l’autre, tout comme durant les subprimes : * La hausse du déficit de la balance primaire de l’État, qui fait la différence entre les dépenses (hors intérêts à verser) et les recettes. Cette hausse du déficit s’expliquerait aux deux-tiers par la hausse des dépenses de l’État (stabilisateurs automatiques, chômage partiel…) ; et un tiers par la baisse des revenus liée à la baisse des recettes fiscales. * La hausse du différentiel entre le taux d’intérêt implicite sur la dette et la croissance du PIB en valeur. Cette hausse du différentiel s’expliquerait pleinement par la chute de la croissance en valeur (- 6 %), alors que l’effet favorable de la baisse des taux d’intérêt compenserait à peine sur la période du Covid. Or, il faut le rappeler sans cesse, nous vivons une époque bizarre. La dette gouvernementale de la zone euro a augmenté de près de 35 % par rapport au PIB au cours des 15 dernières années, et a été quasi-totalement financée par des achats d’actifs de la Banque Centrale Européenne : d’abord sans création de monnaie à partir de 2010 (SMP, OMT), puis avec création de monnaie dès 2015 (QE). Ainsi, tout comme la dette, le bilan de la BCE s’est aussi accru de près de 35 % par rapport au PIB sur la même période, et devrait dépasser les 50 % du PIB en 2020. La dette adulée en question La dette ambiguë Au départ, cela ressemble à une énigme : les États émettent de la dette, la BCE achète cette dette, mais la BCE appartient aux États ; qui détient cette dette au juste ? Très simple, on choisit la bonne interprétation en fonction des besoins de la démonstration. Quand tout va bien, on dit que les États doivent verser des intérêts à la BCE : « la dette, c’est pas bien ». Quand tout va mal on dit que la BCE reverse ces intérêts sous forme de dividendes aux États : « la dette c’est pas grave ». Le don d’ubiquité Admettons que les États puissent s’endetter autant qu’ils le souhaitent, puisque de toute façon cette dette sera in fine rachetée par la BCE, et que les intérêts reçus par la BCE rebrousseront chemin sous forme de dividendes aux États. Si l’on adhère à ce jeu à somme nulle, alors il faut aussi adhérer au don d’ubiquité de l’autorité suprême qui se trouve à la fois créditrice et débitrice. À moins qu’il ne s’agisse d’un genre d’entité bicéphale telle Orthos, le chien à deux têtes (BCE & État) en charge de veiller sur le troupeau de bÅ“ufs, nous donc. Le barbier qui se rase lui-même Bonne nouvelle pour la communauté scientifique, le paradoxe le plus dévastateur des fondements des mathématiques vient d’être terrassé : l’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes existe ! il s’appelle l’État-Banque centrale et il habite en zone euro. Une illustration célèbre de ce paradoxe est celle du barbier crétois qui doit raser tous les Crétois qui ne se rasent pas eux-mêmes : qui le rase lui ? Grâce au Covid, nous savons désormais que c’est lui qui se rase lui même, c’est-à dire l’État se finance lui-même, sauf qu’il se fait appeler BCE pour cette tâche. Le problème Albertine Finalement, ce qui est train de se produire est grosso modo ce que les agents économiques et les marchés financiers désiraient entendre : de la dette éternelle à coût nul, et si besoin on annule. Mais c’est peut être là justement le problème. En effet, jusqu’à présent on trouvait toujours à redire aux politiques menées, comme si l’objet convoité n’était jamais acquis, et que l’on trouve donc une bonne raison pour faire la mou. Mais désormais, il n’y aurait plus rien à combler, plus aucun désir à assouvir. De la même façon, le narrateur de À la recherche du tems perdu qui a tout fait pour conquérir Albertine, maintenant qu’il l’a pour lui tout seul, que son souhait est exaucé, eh bien cela ne l’intéresse plus ! Ça s’use si l’on s’en sert Il y a ceux qui pensent que la dette, la monnaie, sont des choses qui doivent s’user si l’on s’en sert. Utilisées raisonnablement, elles usent de la quantité ; utilisées déraisonnablement, elles usent de la confiance : si mon voisin peut émettre autant de monnaie que nécessaire pour m’acheter mon smartphone, ma voiture, ma maison, dois-je lui faire confiance ? Pourtant, aujourd’hui il semblerait bien que la dette et la monnaie soient considérées comme des biens qui ne s’usent pas, un genre de bien communs non rivaux et non exclusifs. En vérité, seuls les axiomes disposent de tels pouvoirs : par exemple, si je suppose que 1+1 = 2, alors je pourrais m’en servir autant que je veux pour faire mes calculs, cet axiome ne sera jamais épuisé, et ne cessera d’être valide que si je n’y crois plus. Philanthrope tu seras Le quoi qu’il en coûte des autorités se traduit par un taux d’actualisation nul en langage financier. Ce taux est celui qui permet de donner une valeur présente au futur : plus ce taux est faible, plus la valeur présente du futur est élevée. Or, lorsque les autorités imposent un taux actuariel à 0 %, elles imposent du même coup à la génération présente d’éprouver une forme d’altruisme parfait envers les prochaines générations : en effet, la valeur présente du future devient alors artificiellement infinie. On crée alors l’illusion que la génération présente est naturellement philanthrope et choisit rationnellement de financer son prochain. Le risque du marchand de Venise Lorsque les États empruntent à la BCE pour prêter aux agents économiques, les États prennent toujours le risque que les agents économiques ne puissent pas rembourser, mais que la BCE exige son dû en temps et en heure. Il faut alors espérer que la BCE ne soit pas aussi mesquine que l’usurier Shylock de Shakespeare dans le marchand de Venise. Ce dernier accepta de prêter à Antonio qui accepta de prêter à son ami Bassanio, mais en cas de défaut d’Antonio (États) les termes du contrat autorisaient alors Shylock (BCE) à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement. Ces articles pourraient vous intéresser: Comment les pays vont-ils redresser leur économie après le Covid-19 ? (1) La BCE, le sauveur en dernier ressort ? Qui a le contrôle de la planche à billets ? La déflation n’est pas pour demain
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Au pied de mon arbre, vais-je vivre heureux ?

Par Gérard Petit. À l’initiative de la Fondation Nicolas Hulot, depuis 2013 des « planteurs volontaires » se rassemblent pour reboiser la France, une initiative qu’il faut saluer sans réserve aucune. Sans malice aucune non plus, il reste pourtant plaisant de rappeler, tant pour l’homophonie que pour l’antinomie, qu’existent aussi dans notre beau pays, des «�faucheurs volontaires », ceux mobilisés par José Bové et autres anti-OGM. En poussant la raillerie un cran plus avant, on peut se réjouir pour la mouvance verte que les arbres OGM, résistant mieux aux sécheresses par exemple, ne sont pas (encore ?) en lice, ce qui évite bien des débats cornéliens en leur sein ! Marchons à l’ombre Il n’y a en effet que des avantages au reboisement, et ce bénéfice a été constaté de toujours, bien avant qu’on ajoute au panégyrique la lutte contre le réchauffement climatique et le piégeage des particules fines et moins fines de l’atmosphère. Ce sont des vertus bien réelles à mesurer toutefois sur la bonne échelle afin de pouvoir faire des comparaisons signifiantes. Les arbres, encore mieux en collection, sont des sources de vie et il faut, à cet égard, relire, même si c’est une fiction, le superbe texte de Giono : L’homme qui plantait des arbres qui décrit le processus de régénération progressive de toute une zone rendue aride par le déboisement, en replantant les arbres, justement… L’ombre qui entretient la fraicheur et permet la fixation de l’humidité, laquelle rend possible d’autres épanouissements, sont des enchaînements intrinsèquement vertueux. Aujourd’hui, on met d’abord en évidence le rôle de fixateurs de CO2 que jouent les arbres en ce qu’ils contribuent à la lutte générale contre le réchauffement climatique, allant même jusqu’à prétendre que la diminution locale de la teneur en CO2 qu’ils créeraient, permet l’entretien d’un microclimat, deux bêtises insignes qui pourraient faire déconsidérer une démarche assurément positive par ailleurs. Reste qu’en ville, on plante d’abord des arbres pour l’esthétique et pour l’ombre. D’ailleurs, et depuis longtemps déjà, les capitales mondiales sont classées en considérant leurs parcs arborés et leurs espaces verts, ce paramètre restant un vrai discriminant. Mais aujourd’hui, on inverse volontiers l’ordre des arguments, protéger le climat en plantant des arbres devenant la meilleure « raison sociale » pour toute initiative qui pourrait se voir contestée, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons, car bousculer l’espace urbain se fait rarement sans problèmes. Faisons froidure de tout bois Ainsi, Anne Hidalgo en campagne annonçait t-elle-vouloir reboiser Paris, en y implantant même, des « forêts urbaines » : diantre ! Mais pouvait-il en être autrement dans notre capitale qui se veut à l’extrémité de la pointe de toutes les préoccupations écolo-climatiques ? Gageons que l’édile aujourd’hui reconduite s’emploiera à tenter de tenir ses promesses. Au-delà pourtant, et c’est un vrai changement de paradigme, si on parle cette fois encore de lutte contre le réchauffement climatique il s’agit aussi et surtout d’agir par anticipation contre les effets dudit réchauffement. Les arbres procurent ombre et fraîcheur aux urbains surchauffés, des mesures de plantation à prendre en parallèle avec la végétalisation des sols, en lieu et place de l’asphalte pour réduire les températures des fournaises urbaines. Ce discours qui propose de rafraîchir Paris est nouveau et mérite d’être repéré et salué ; ne doutons pas d’ailleurs qu’il fasse école, nombre de nos grandes villes s’étant repeintes en vert, à l’occasion des dernières municipales, et que les nouveaux élus ne voudront pas se trouver en reste devant leurs électeurs. La part d’ombre En France et ailleurs, on dépense déjà beaucoup et on s’apprête à dépenser encore bien davantage en investissant dans les dispositions permettant la diminution des émissions de CO2 et donc la réduction de l’effet de serre induit. Le gros de l’effort est consacré à la décarbonation de notre système électrique par le développement massif de l’éolien et des panneaux solaires, lequel s’effectue au détriment du nucléaire, pourtant encore moins émetteur que ses substituts, et qui a le mérite de déjà exister ! Mais la nucléophobie hexagonale – pas seulement, hélas, puisqu’elle règne aussi à la Commission et au Parlement européens – l’emporte visiblement sur toutes les autres considérations. Cette sottise a des conséquences graves puisque l’énorme effort consenti manque à d’autres chantiers essentiels, comme par exemple l’isolation du bâti, où le transfert du fret sur le rail ou les canaux. À vouloir être plus combative que les autres contre l’effet de serre, la France s’épuise en vain et doublement, notre action restant largement inefficace, tant que nous n’actionnerons pas les bons leviers. De plus, l’absence d’efforts comparables dans la plupart des autres pays, petits ou grands, relativise voire ridiculise nos prétentions, nous qui par ailleurs ne pesons importations comprises que de l’ordre de 1 % des émissions mondiales de CO2. De cause à effet Mais la mécanique du réchauffement est en marche et on ne peut déjà plus qu’espérer la réduction (à la marge, qui plus est) de sa cinétique ; nous sommes donc bien avisés de consacrer d’ores et déjà une part des dépenses afférentes à la lutte contre les effets du réchauffement (généralisation de la climatisation, isolation des bâtiments, construction de digues, reprofilage des cours d’eau…), et pas seulement à sa cause. Par la force de l’évidence, cette part « protection» est appelée à croître progressivement, prenant le pas sur celle dévolue à la « prévention », le boisement alliant exceptionnellement les deux qualités. Mais tout n’est pas gagné, François de Rugy, alors ministre d’État, tonnait contre un usage excessif de la climatisation, arguant de la nécessaire protection de la planète et cette année encore, nous devrions entendre la même chose qui viendra cette fois de Mme Pompili, déjà partie en guerre contre les terrasses chauffées ! Si tout excès est évidemment condamnable, il aurait été judicieux de rappeler qu’en France, plus de 95 % de l’électricité, celle qui alimente les climatiseurs, est produite sans générer de CO2. Mais il aurait alors fallu également rappeler le rôle positif du nucléaire en matière d’émissions. La communication a donc ignoré cette évidence et tous les media ont repris l’antienne gouvernementale, sans questionner plus avant son fondement. Cette année, dans nos EHPAD, déjà si affectés par la covid, aurons-nous l’outrecuidance de rationner la climatisation due à nos anciens, pour des raisons qui n’en sont pas ? Le prix de l’essence La plantation d’arbres a acquis le statut de monnaie d’échange, certains opérateurs d’activités produisant du CO2 proposent de compenser cet apport par la plantation d’arbres. Ainsi, l’effet d’un voyage Paris-New York (en jet, pas en voilier, comme Greta !) pourra-t-il être compensé par (x) m2 de frondaisons supplémentaires, à implanter quelque part sur la planète. Des entreprises qui ne peuvent éviter de rejeter du CO2, car incontournable à leurs process industriels, affichent de plus en plus une politique de compensation afin surtout de protéger leur image. Les initiatives se multiplient, toujours sur cette même base, mais selon des arcanes (volontairement ?) compliqués. Pour pousser la logique jusqu’au bout on pourrait d’ores et déjà se figurer des tables de correspondances à plusieurs entrées suivant les zones d’implantation, les essences, la vitesse de croissance, les besoins en eau… ! Mais si le principe apparaît effectivement vertueux, on peine à imaginer que de tels mécanismes puissent réellement se mettre en Å“uvre, tant leur réalisation pratique et leur gestion-contrôle s’annoncent inextricables. En effet, tout pourrait bien se limiter à un effet d’annonce. Pourtant, pour fixer le carbone, même temporairement, la plantation d’arbres et de végétation pérenne reste et restera longtemps encore plus efficace que les dispositifs industriels (souvent des tentatives de captation du CO2 à la source), qui peinent à prouver leurs vertus techniques et économiques. Alors, plantons ou replantons des arbres, partout où la volonté existe et partout où c’est possible. Il en restera forcément quelque chose de positif, à condition de ne pas se précipiter pour les abattre, les tronçonner, les transformer en pelets, pour alimenter une filière bio-énergie, comme c’est actuellement le cas. À cet égard, qu’on y réfléchisse un seul instant, produire de l’électricité en brûlant du bois, apparaît bien comme le comble de l’absurdité. Laissons aux arbres le temps long pour croître et produire le bénéfice attendu. 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