Par Olivier Maurice.
Vous voilà enfin sorti de la galerie marchande ! Tout heureux de goûter à nouveau à l’air frais après une heure passée à respirer l’air conditionné à travers un masque, vous enlevez celui-ci pour aspirer la brise fraîche à pleins poumons. Soudain, vous réalisez que vous avez oublié votre dernier achat sur le comptoir de la boutique. Vite, vous faites demi-tour et repassez la porte en vous maudissant pour cet oubli. « Comment peut-on être aussi bête pour oublier… »
BOUM
« … pour oublier de remettre son masque ».
Trop tard, la caméra a déclenché son flash, elle vous a surpris dans un lieu public. Vous recevrez dans trois jours une lettre de la société gérant la galerie marchande, s’excusant auprès de vous mais vous indiquant que la loi l’oblige à vous dénoncer auprès des autorités et que vous recevrez incessamment sous peu une amende de 135 euros, assortie de la suppression d’un point sur votre permis de circuler.
Bien sûr, cette histoire est de la fiction. Pour l’instant, ce n’est encore que de la fiction, rien n’oblige à la dénonciation, rien ne transforme les entreprises en officiers judiciaires. Et rien ne dit qu’on y arrive un jour : il y a clairement pas mal de raisons pour que ce scénario n’aille jamais jusqu’au bout de son ineptie. Mais il n’en demeure pas moins que c’est exactement ce qui se trame dans l’obscur inconscient collectif de la machine à réguler qui a remplacé depuis belle lurette l’intelligence, la sagesse et la vision censées diriger ce pays. La machine à sous
La similitude est grande avec ce qui s’est passé pour la vitesse sur les routes. À peine 1 % des excès de vitesses dépassent de 30 km/h la limite autorisée, moins de 6 % la dépassent de 20 km/h, la grande majorité des infractions relevées par les radars automatiques sont entre 1 et 5 km/h au-dessus de la règle. Et ceci sans évoquer la justification et la pertinence du seuil décidé par l’administration.
Mais taxer (parce que sanctionner un excès de vitesse de 1 km/h n’est rien d’autre qu’établir un octroi) la population est maintenant le premier mot de la nouvelle trilogie qui a peu à peu remplacé le slogan républicain.
Ce n’est plus « Liberté, égalité, fraternité » qu’il faut dire, mais « Taxer, réglementer, subventionner ».
Les Français n’ont peut-être pas de pétrole, mais ils ont des idées. L’économie française s’étant au fil du temps réduite à peau de chagrin et l’appétit du Léviathan ne tarissant cependant pas, les gouvernements français ont eu l’idée géniale d’étendre la formule que Ronald Reagan prêtait à la gestion socialiste de l’économie à l’intégralité de la population :
« Les gouvernements ont une vision très sommaire du Peuple : Si ça bouge, taxez-le. Si ça continue à bouger, régulez-le. Si ça s’arrête de bouger, subventionnez-le. »
Pour souffrir, il faut être deux
Il faut cependant mettre au crédit du gouvernement, que le fameux peuple lui donne quand même un sacré coup de main. Celui-ci ayant également fait preuve d’une sérieuse créativité bien tricolore et ayant sorti son fameux système D pour transformer une autre formule, librement inspirée de Frédéric Bastiat, pour tendre au Système le bâton pour se faire battre.
« Le Peuple, c’est la grande fiction par laquelle tout le monde croit n’avoir d’autre alternative que celle de vivre aux dépends des autres. »
Ce grand gloubi-boulga de sondages, de réactions à chaud devant les caméras et d’expertises de bistrot a été consciencieusement développé au fil des besoins politiciens et des sujets du 20 heures autour d’une théorie maintenant bien établie : si quelque chose de mauvais se produit, il y a forcément un responsable, et ce responsable, c’est forcément l’autre, celui qui nous est étranger, celui qui nous ressemble le moins, celui qu’on ne connaît pas.
S’il existe des pauvres, c’est à cause des riches. S’il existe des chômeurs, c’est à cause de ceux qui travaillent trop. S’il existe du racisme, c’est à cause des Blancs. S’il existe du sexisme, c’est à cause des hommes. S’il existe de l’homophobie, c’est à cause des religions. S’il existe des accidents de la route, c’est à cause de ceux qui roulent trop vite. Si l’épidémie reprend de plus belle, se sera forcément à cause des inconscients qui ne mettent pas de masque. L’enfer, ce n’est jamais soi
Cela ne viendrait à l’idée de presque personne de se demander si, à l’instar de quasiment tous les accidents et de quasiment toutes les affections, le déclenchement de la maladie serait dû non pas à une, mais à plusieurs causes : la présence du virus dans l’environnement, certes, mais aussi vos défenses immunitaires, les conditions climatiques, la promiscuité, l’aération des locaux, une souche plus ou moins virulente du virus, vos conditions de santé, votre âge… et que c’est la conjonction de celles-ci qui est responsable, et non pas un simple concept médiatique simpliste au nom tarabiscoté que l’on pourrait stopper avec un carré de tissu.
Pas plus que ne viendrait à l’idée de presque personne de se dire que quelqu’un ayant passé plusieurs jours au fond de son lit, où sous un respirateur, est naturellement immunisé et que pour lui, porter un masque ne sert strictement à rien : ni à se protéger, ni à protéger les autres.
Cela ne viendrait pas non plus à l’idée de quasiment personne de se demander combien sont ceux ayant été contaminés par le virus et n’ayant pas développé de symptômes, ni combien ont été exposées avec insistance au virus, mais disposent d’un système immunitaire qui les a empêchés d’être infectés. Pour eux aussi, porter un masque n’a aucun sens.
Et on pourrait continuer à étendre la liste…
Le peuple aime les histoires simplistes. Enfin la presse et les politiques sont persuadés qu’il est tellement idiot qu’il ne peut comprendre que des histoires simplistes. Hystérie
Le peuple aime aussi faire la morale aux autres : il trouve illogique que les gens se plaignent en mars qu’il n’y ait pas de masques puis se plaignent de devoir de ne pas les porter en juillet.
Par contre, il trouverait tout aussi illogique de se plaindre en mars qu’il n’y ait pas de chauffage et de ne pas l’éteindre en juillet.
Graphique des nouveaux patients hospitalisés au 18 juillet 2020
Comme si la situation au 1er avril, alors que 4200 nouveaux patients étaient hospitalisés en une journée, pouvait être comparée avec celle du mois de juillet.
Et de multiplier les scoops, pour tenir le peuple en panique, de se faire succéder les annonces de nouveaux « foyers actifs de recontamination qui laissent craindre la survenue tant redoutée d’une deuxième vague », comme le département de la Mayenne, élevé très officiellement et très médiatiquement au rang de « très sérieux sujet de préoccupation, nécessitant des mesures de préventions radicales », qui a tout de même vu huit personnes hospitalisées en deux semaines.
Pourtant les chiffres sont affichés chaque jour et montrent clairement que le seul indicateur qui grimpe en flèche, c’est le nombre de cas confirmés, indicateur qui augmente bizarrement à peu près à la même vitesse qu’augmente le nombre de tests effectués.
Tellement bizarre que depuis que l’on cherche, on trouve…
Mais le peuple a peur. Enfin, la presse et les politiques ont tout intérêt à dire que le peuple a peur : cela fait vendre de l’audience et permet de s’ériger en sauveur et en protecteur, aux frais de la princesse. Déresponsabilisation totale
De toute façon, plutôt que de paniquer à propos d’une hypothétique seconde vague (qui arrivera ou n’arrivera pas, ce n’est absolument pas la question), cela ne vient pas à l’idée de beaucoup de se demander pourquoi ils n’ont pas contracté la maladie, pourquoi ils sont passés à travers l’épidémie alors que plusieurs milliers de personnes en sont mortes, plusieurs dizaines de milliers ont été gravement malades.
En fait non : quasiment tout le monde a une idée sur la question, la même d’ailleurs. Mais la réponse est tellement politiquement incorrecte que personne n’ose la formuler ouvertement : si vous n’avez pas été infecté, c’est tout simplement parce que votre santé ne dépend pas des autres, mais uniquement de vous.
Absolument rien ne vous empêche de rester chez vous, de ne pas aller au restaurant, de ne pas sortir, de ne pas entrer dans un magasin où les clients ne portent pas de masques, de ne pas se déplacer dans un lieu clos où le port du masque n’est pas obligatoire.
Rien ne vous empêche de rester à distance des autres, ne pas leur parler, ne pas les toucher, voire même de changer de travail, de ne pas travailler, de changer de lieu de résidence… Rien vous empêche de vivre dans un bunker, rien ne vous empêche de mourir : les morts ne sont jamais malades…
Rien : ce n’est pas à votre liberté à laquelle vous renonceriez, mais à votre inconséquence. Liberticide, comme toujours
La peur est le pire ennemi de la liberté. Si la peur est le seul facteur qui vous empêche de faire quelque chose que vous estimez être une liberté, c’est que ce n’en n’est tout simplement pas une.
Dans une hystérie collective qu’absolument aucun élément concret ne vient corroborer, on en vient à créer un dangereux précédent : donner à l’État, à la force armée, sans vote, sans débat, sans loi, par pur décret, sans autre justification que la pression d’un peuple fantasmagorique créé de toutes pièces à coups de sondages et d’interviews ciblées, le pouvoir d’intervenir dans les lieux privés ouverts au public à n’importe quel moment pour verbaliser la façon dont les individus doivent s’habiller.
Cette nouvelle entrave faite aux libertés individuelles (une de plus…) est proprement inacceptable.
Espérons seulement que les soupapes de sécurité de notre Constitution se déclenchent devant un tel abus de pouvoir. Les deux Léviathans
La peur de l’autre mène à la folie et à l’isolement. Et on ne combat pas la peur en allant dans son sens et en la propageant : on la combat en l’affrontant, en réalisant que le seul responsable de soi-même, c’est soi-même.
Mais il est tellement plus facile de pratiquer ce sport national consistant à dénigrer et dénoncer les autres, les accuser d’égoïsme et d’incivilité et à pleurer pour que l’État fasse ce que vous devriez faire : remettre les autres à leur place quand il faut, boycotter les magasins si vous considérez qu’il est inacceptable d’y laisser entrer les clients sans masque, refuser de voir vos amis s’ils ne veulent pas en porter, ne pas aller au cinéma si vous avez peur…
Sport national qui, si vous y prêtez attention, ne se pratique bizarrement que dans l’anonymat des sondages et des micros-trottoirs des quelques auditeurs auxquels on donne la parole.
Dans la réalité, le peuple fait bizarrement tout autre chose que ce que les médias et les politiciens lui prêtent comme intention.
Mais il est si facile pour nos gouvernants de sauter sur l’occasion pour ajouter des fonctionnaires, des décrets et des taxes ; pour continuer à déresponsabiliser, assister et infantiliser les gens, dans un effort désespéré pour reprendre le contrôle du peuple, ce deuxième Léviathan que le premier a créé. Ces articles pourraient vous intéresser: Deuxième vague de Covid-19 peut-être, de folie gouvernementale sûrement. Covid-19 : l’État discute des masques, une startup développe un vaccin Ségur de la Santé : la réforme passe par la dé-bureaucratisation Déconfinement : il faut rouvrir les plages
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mercredi 22 juillet 2020
L’échec de la fusion des régions doit nous servir de leçon
Par Sébastien Chapotard.
Un article de l’Iref-Europe
La fusion des régions, effectuée au cours de l’année 2015, part d’un bon constat et d’une bonne volonté. Les échelons administratifs sont trop nombreux: communes, intercommunalités, départements, régions, syndicats mixtes et autres établissements publics.
Ce véritable millefeuilles territorial entraîne des surcoûts et une grande inefficacité. En outre, les régions françaises sont trop petites pour rivaliser avec les grandes régions des États décentralisés (Allemagne, Espagne).
Surtout, François Hollande vient alors dâ™abroger la réforme de Nicolas Sarkozy visant à remplacer les conseillers régionaux et départementaux par des conseillers territoriaux qui siégeraient dans les deux instances. Réforme qui permettait pourtant de réduire les dépenses consacrées aux élus et de redonner de la légitimité aux acteurs des territoires.
Lâ™objectif est alors fixé au Premier ministre Manuel Valls de réduire de moitié les régions de France métropolitaine et de supprimer les conseils généraux. Cette fusion doit permettre de créer des régions « de taille européenne », de supprimer un échelon du millefeuilles, de rendre lâ™administration plus efficace et de réduire les dépenses. Les résultats escomptés ne seront finalement pas au rendez-vous
Si les intentions sont bonnes, les résultats sont loin dâ™Ãªtre à la hauteur. Première source dâ™Ã©conomie, la suppression des conseils généraux est très vite abandonnée. Avec de plus grandes régions il devient plus complexe de supprimer des départements dont le champ de compétences est pourtant désormais restreint.
Une simple fusion de régions ne peut que difficilement permettre de réaliser des économies, contrairement à une fusion dâ™entreprises. Les synergies sont extrêmement limitées (frais postaux et télécommunications, contrats dâ™assurance, dépenses énergétiques, fournitures).
En cas de doublons, il est évidemment impossible de mettre fin au contrat de travail dâ™un fonctionnaire territorial. Les redéploiements sur dâ™autres postes, le non-remplacement de départs en retraite, prennent du temps et sont peu pratiqués. Les économies sont donc très théoriques et ne pourraient provenir que dâ™Ã©ventuelles importantes réorganisations structurelles.
En 2019, la Cour des comptes reconnaîtra que les économies liées aux fusions ne sont pas au rendez-vous. Premier constat : les rémunérations des personnels ont été quasi systématiquement alignées sur les meilleures rémunérations des anciennes régions désormais fusionnées.
Les rémunérations des élus, basées sur le nombre dâ™habitants de la région, ont mathématiquement été tirées vers le haut (+8 %). Le fait de devoir maintenir une structure dans les anciennes capitales régionales ayant perdu leurs statuts entraîne également des dépenses par une multiplication des déplacements dâ™agents et dâ™Ã©lus.
Autre exemple, en lâ™absence dâ™un hémicycle adapté, la région Occitanie est contrainte de louer pour 137 000 euros par séance le parc des expositions de Montpellier. Bilan total : les dépenses globales à périmètre constant ont augmenté de 207 millions dâ™euros entre 2015 et 2018 selon la Cour des comptes.
In fine, seules trois régions sont parvenues à réduire leurs dépenses de fonctionnement (à périmètre constant) par rapport à 2015 : Auvergne-Rhône Alpes (-12,9 %), Ile-de-France (-8,1 %) et Hauts-de-France (-2,3 %). Elles ont comme point commun dâ™Ãªtre dirigées par la droite : respectivement Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand. Les leçons à tirer pour les prochaines réformes territoriales
Si cette réforme pouvait présenter des avantages au premier abord, elle a été mal pensée, décidée directement depuis Paris sans réflexion sur les conséquences dans les territoires et mise en œuvre trop rapidement.
Théoriser des économies par une simple fusion ne suffit pas pour les voir se concrétiser. Si Emmanuel Macron souhaite engager une nouvelle phase de décentralisation, il est absolument nécessaire dâ™y associer une rationalisation des dépenses et des mesures capables de rendre lâ™opération plus efficace.
Pour cela il convient dâ™entrer dans le détail. De ne pas se contenter dâ™intentions sans en évaluer précisément les tenants et les aboutissants. Lâ™un des chantiers clés est de donner aux collectivités davantage de liberté et dâ™autonomie dans la gestion des carrières des fonctionnaires territoriaux aujourdâ™hui verrouillées.
Pour lâ™instant, les premiers échos de cette éventuelle réforme territoriale ressemblent surtout à des effets dâ™annonce en vue dâ™une élection présidentielle dans un an et demi et nullement à une volonté réelle de rationalisation.
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Sur le web Ces articles pourraient vous intéresser: Réforme des régions : finalement, ça va bien nous coûter plus cher Lâ™explosion des échelons administratifs ruine la France Le gouvernement Macron est-il plombé par lâ™héritage Hollande ? Irak, Daech et attentats : à quel jeu joue François Hollande ?
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Covid-19 : le début de la fin ? (1)
Par Philippe Lacoude. Redémarrage ?
Lâ™Ã©pidémie de COVID-19 était terminée.
Tout au long du mois de mai, les analyses des eaux usées de lâ™usine dâ™Ã©puration de Cape Canaveral en Floride nâ™ont détecté aucune présence du nouveau coronavirus, du moins jusquâ™Ã la semaine du 27 mai : avec le lancement historique des astronautes américains Bob Behnken et Doug Hurley vers lâ™ISS, tout le monde a convergé vers le Cape et les tests de cette semaine-là ont révélé une concentration du virus correspondant à au moins 85 malades du Covid-19.
Quatre semaines plus tard, entre le 29 juin et le 12 juillet, les morts du Covid-19 en Floride étaient beaucoup plus jeunes quâ™auparavant, plus de 20 % ayant moins de 65 ans.
Début juin, selon ABC News, lâ™Ã©pidémie semblait avoir repris un peu partout et les experts américains avertissaient dâ™une possible seconde vague. Au Texas, le gouverneur était obligé de restaurer lâ™obligation de porter un masque pendant que son homologue de Louisiane avertissait que « les progrès contre le coronavirus ont été anéantis au cours des trois dernières semaines » alors que les soins intensifs opéraient à pleine capacité dans certains établissements hospitaliers. Non seulement les cas et les hospitalisations augmentaient (jusquâ™Ã 97 % à Orange County, un des plus grands comtés de Californie) mais les décès remontaient également.
Plus près de nous, Israël, qui a eu une gestion relativement meilleure de la crise, refermait ses bars, ses boîtes de nuit et ses salles de sport. Le Maroc plaçait en quarantaine la ville de Safi et ses 300 000 habitants, les soumettant à un confinement total.
En Espagne, qui a suivi la crise de façon aussi désordonnée et catastrophique que la France, le gouvernement « se retrouve maintenant avec des nouveaux foyers qui lâ™obligent à repasser à des confinements qui, cette fois-ci, sont localisés » explique Arnaud Fontanet, épidémiologiste à lâ™Institut Pasteur, et membre du Conseil scientifique sur le coronavirus, ajoutant que la situation en Espagne « est vraiment un signal dâ™alerte pour nous ».
Avons-nous affaire à une seconde vague ? Ou est-ce le début de la fin ? Rien nâ™est parfaitement certain et dépend de deux facteurs, le degré de contagion R0 et la sérologie effective. Épidémiologie de base
En épidémiologie, le nombre de reproduction de base ou R0 dâ™une infection est le nombre moyen de nouveaux cas générés par chaque malade dans une population où tous les individus sont susceptibles et avant que ne soient prises des mesures prophylactiques particulières :
* moyen car certains individus nâ™infectent personne et que dâ™autres sont les précurseurs à de multiples chaînes dâ™infection ;
* une population susceptible car R0 nâ™a de sens quâ™au début dâ™une épidémie quand tous les individus sont sains sauf un ;
* et avant que les comportements ne changent, soit volontairement, soit par diktat étatique, câ™est-à -dire au début dâ™une épidémie.
Pour Covid-19, 80 % des nouvelles transmissions seraient causées par moins de 20 % des porteurs selon un récent article (preprint) sur la transmission à Hong Kong. La grande majorité des malades nâ™en infectent de nouveaux que très peu ou pas du tout. Seule une minorité sélective dâ™individus, les sur-propagateurs (super-spreaders en anglais) propagent le virus de manière agressive comme dans le cas des églises de Corée du Sud ou de celle de lâ™Ã‰tat de Washington.
Le R0 nâ™est donc pas un nombre réel : câ™est en fait une variable aléatoire dont on exprime en général la moyenne, pour faire simple : en fait, les épidémiologistes ont aussi une mesure de sa dispersion (une sorte dâ™inverse de sa variance), k, qui est dâ™autant plus faible que la maladie a de nombreux clusters. Lorsque la maladie nâ™a pas de clusters, k est proche de 1 comme pour la grippe saisonnière.
En 2005, dans un article fondamental de Nature, Lloyd-Smith et ses co-auteurs ont estimé que le SARS-CoV (de 2003) â“ dans lequel la sur-propagation jouait un rôle majeur â“ avait un k de 0,16. Le k estimé pour le MERS, apparu en 2012, serait dâ™environ 0,25. Pour SARS-CoV-2, les estimations de k varient selon les sources de 0,20 à 0,10 avec un intervalle de confiance à 95 % (IC à 95 %) de 0,20 à 0,04 dans ce dernier cas.
Si k est vraiment inférieur ou égal à 0,10, la plupart des infections ne donnent pas lieu à dâ™autres infections. Par contre, dans quelques cas, un malade en infecte des dizaines dâ™autres.
Pour illustrer le problème, considérons deux arbres phylogénétiques (que jâ™ai réalisés avec R). Dans les deux, jâ™ai fixé la transmission à R0=3,0 en partant du patient zéro en rouge.
Dans le premier, à gauche, jâ™ai considéré quâ™il nâ™y avait pas de variance (écart-type nul), le patient zéro infecte trois personnes (en bleu) qui chacune en infectent à leur tour 3, etc. 1, 3, 9, 27, 81⦠La période dâ™incubation est fixée à une unité de temps.
Dans le second cas, à droite, jâ™ai introduit un écart-type non nul. Le R0 est toujours de trois mais les patients infectent trois personnes en moyenne avec une variance non-nulle. La période dâ™incubation est également variable mais de même moyenne.
Clairement, dans les deux cas, le R0 de la maladie est de 3,0 mais dans le second cas, la distribution de la variable aléatoire que représente en fait R0 est différente. De nombreux patients ne transmettent la maladie quâ™une seule fois. Dâ™autres la transmettent plus de dix fois : au final, câ™est le même taux (moyen) de contagion.
Sauf que nous comprenons bien que si la maladie se comporte comme dans le graphique de gauche, elle ne peut pas être dormante pendant longtemps. En fait, elle ne peut pas être dormante !
Au contraire, si le k du SARS-CoV-2 est proche de 0,10 câ™est-à -dire si la maladie se comporte plutôt comme dans lâ™arbre phylogénétique de droite, il existe la possibilité que la chaîne partie du patient zéro de Wuhan nâ™ait été quâ™une longue branche mince de sous-propagateurs avant quâ™elle ne rencontre finalement un sur-propagateur qui a finalement fait exploser le Covid-19 en pandémie mondiale :
Dans lâ™exemple ci-dessus, le patient zéro (vert) nâ™infecte quâ™une seule autre personne qui nâ™en infecte quâ™une à son tour, etc. jusquâ™Ã ce quâ™on atteigne un sur-propagateur (en bleu). Au lieu dâ™avoir {1, 6, 7, 26, 81, 243,â¦} malades à chaque génération, nous avons {1, 1, 1, 1, 1, 1, 6, 7, 26, 81, 243,â¦} malades. Ça ne change (presque) rien au R0 ou à la variance empiriques car ce sont les grosses générations futures qui « comptent ».
Par contre, ceci change tout à lâ™histoire de la pandémie car dans le cas de Covid-19, les malades mettent en moyenne 5,2 jours à incuber et sont malades pendant 14 jours (en moyenne !). Une « génération » de malades est donc de 5,2+7 jours : le début de notre série {1, 1, 1, 1, 1, 1, 6} sâ™Ã©coule donc (en moyenne) sur 73 jours au lieu de 12 jours dans lâ™exemple {1, 6} précédent !
Si le coefficient k est exceptionnellement bas, il est possible (mais peu probable) dâ™avoir de telles chaines phylogénétiques : une maladie dormante pendant des semaines où chaque patient ne transmet quâ™Ã un ou deux autres patients. Lâ™arbre phylogénétique sans branche ou avec des toutes petites branches qui nâ™ont pas de feuilles. Ou presqueâ¦
En revanche, dès que lâ™on commence à avoir des cas en nombre, câ™est-à -dire des branches à cet arbre, la probabilité que chacune dâ™entre elles meurt devient proche de zéro. Ceci laisse une marge de manÅ“uvre pour quelques cas en dehors de la Chine, par exemple, un cas à Paris, deux au Brésil, un à Milan, etc. entre le patient zéro et le 31 décembre 2019. Chacune de ces chaines est morte ou a végété.
Mais les branches qui sont dans les pays dont je viens de faire mention ne peuvent pas avoir eu plus de quelques cas sinon câ™est lâ™exponentielle de Wuhan en janvier, de Milan en février, de Paris en mars, de New York City en avrilâ¦
Quoi quâ™il en soit, tout arbre phylogénétique hypothétique doit réconcilier les données cliniques et génétiques dont nous disposons. Cependant, il est évident quâ™une simple simulation par la méthode de Monte Carlo ferait apparaître de multiples scénarios â“ peu plausibles mais pas impossibles â“ où, sans changer ni R0 ni k, le SARS-CoV-2 passe de lâ™animal à lâ™Homme des mois avant que nâ™apparaissent une cinquantaine de cas à Wuhan à la fin décembre 2019.
Ce quâ™il est important de retenir, câ™est que plus k est bas, câ™est-à -dire que la variable aléatoire R0 est variante, et moins les scénarios peu plausibles le sont vraiment.
Les récents calculs de la variance de la transmission de SARS-CoV-2 ⓠqui apparaît comme très élevée ⓠexpliqueraient donc de nombreuses données bizarres de la maladie Covid-19 :
* Tout dâ™abord, il aurait fallu que le virus soit exporté en moyenne au moins 4 fois dâ™un pays X à un pays Y pour que lâ™Ã©pidémie démarre dans le pays Y. Ceci expliquerait la lenteur de la propagation initiale de la maladie dâ™une région à une autre.
* Ceci renforce les effets de clusters : la géographie a une part prépondérante (ici). Comme lâ™ont montré mes anciens collègues du Center for Data Analysis, le Covid-19 à New York et dans le New Jersey sâ™est presque entièrement concentré autour du dense réseau de trains de banlieue qui mènent à Manhattan. Ceci implique que les politiques de confinement indifférenciées sont ineffectives (ici et là ).
* Ceci confirmerait les données génétiques (que nous citions dans un billet début février) qui permettent, en utilisant les caractéristiques liées à lâ™horloge moléculaire telles que le taux de substitution des nucléotides, de déduire quâ™il y a 90 % de probabilité que SARS-CoV-2 soit apparu entre le 27 juin et le 29 octobre 2019, soit 3 à 6 mois environ, avant lâ™Ã©pidémie. Bien sûr, ceci laisse 5% de probabilité quâ™il soit apparu avant et 5 % de probabilité quâ™il soit apparu après.
* Ceci donnerait une infime chance à la possibilité que les traces de SARS-CoV-2 aient vraiment été trouvées dans un échantillon des eaux usées de Santa Catalina, au Brésil, en novembre 2019 !
* Dans le même ordre dâ™idée, que jâ™accepterais aussi avec une extrême prudence, SARS-CoV-2 aurait pu être présent dans les eaux usées de Barcelone le 12 mars 2019 ! Si ce nâ™est pas une erreur de manipulation ou un faux positif (peu probable mais possible) des tests PCR, un habitant de Wuhan, malade, aurait bel et bien visité la capitale catalane. Ceci me semble très peu probable mais, compte-tenu du très faible k de SARS-CoV-2, pas complètement impossible.
Si ces deux derniers résultats sont corrects et, a fortiori, si nous en découvrons de nouveaux, de très nombreuses branches des chaînes dâ™infection disparaissent dâ™elles-mêmes. Et il y a donc (nécessairement) beaucoup plus de sur-propagateurs que nous ne le pensons ! Les modèles SIR et SEIR
Les épidémiologistes classent une population donnée en « compartiments » : à chaque temps t, il a des gens sains susceptibles S(t), des patients infectés I(t), et des gens qui sâ™en sont remis R(t). Parfois, on considère les patients exposés E(t) qui sont en période dâ™incubation. Pour certaines maladies, on a besoin dâ™autres compartiments que je passerai ici sous silence.
Les modèles sâ™appellent donc SIR ou SEIR, selon leurs compartiments.
Les gens passent dâ™un compartiment à lâ™autre. à chaque instant t, des gens susceptibles S(t) sont exposés E(t) puis deviennent infectés I(t) et sâ™en remettent R(t) ou décèdent (si on a un compartiment D(t) pour les décès). La population I(t) ne peut pas infecter les gens qui sâ™en sont remis R(t) (ni bien sûr ceux qui sont décédés).
Sans mystère, la somme S(t)+E(t)+I(t)+R(t) (plus, éventuellement, D(t) pour les décès) est égale à la population N de départ quâ™on peut prendre comme constante pour COVID-19.
Au départ, I(0) = 1 qui est le patient zéro et S(0) = N ⓠ1.
La dérivée de Sâ™(t) en fonction du temps vaut -β.I(t).S(t)/N où β est une moyenne de contacts producteurs dâ™infection par unité de temps. Comme β, I(t) et S(t) sont positifs, le nombre de personnes susceptibles décroît.
La dérivée des infections Iâ™(t) est évidemment égale aux nouveaux malades Sâ™(t) moins ceux qui guérissent en proportion γ (qui est aussi lâ™inverse de la période moyenne dâ™infection). Du coup, Iâ™(t) = β.I(t).S(t)/N ⓠγ.I(t).
En français, les nouvelles infections sont égales à une constante β multipliée par le nombre de malades I(t) multiplié par la proportion de personnes saines qui est S(t)/N moins le nombre de personnes qui guérissent qui est évidemment γ% de ceux qui sont malades I(t).
Bien sûr, la dérivée de ceux qui guérissent Râ™(t) est égale à γ.I(t), câ™est-à -dire la partie des infectés qui guérissent à chaque période de temps.
Les gens passent dâ™un compartiment à lâ™autre sans disparaitre : la somme des changements est égale à zéro. Si jâ™ai +n personnes dans un compartiment, jâ™ai -n personnes dans les autres. La somme des dérivées de ces fonctions est donc égale à 0 !
Ces équations différentielles ordinaires (EDO) sont extrêmement communes et se rencontrent dans tous les modèles démographiques, dans les modèles actuariels dâ™assurance-vie, en économie, en chimie, en économétrie, en médecine et dans certains réseaux de neurones artificiels.
Quel est le nombre attendu de nouvelles infections dans une population où tous les sujets sont sensibles sauf un, le patient zéro ? Câ™est évidemment R0 par sa définition même !
Mais comme β est la moyenne de contacts producteurs dâ™infection par unité de temps et que 1/γ est aussi la période moyenne dâ™infection, R0 = β/γ !
Sans résoudre aucune équation ! Voilà ! Nous sommes tous spécialistes du R0 comme le reste des utilisateurs de Facebook ! Le R0 est primordial
Le ratio R0 est primordial : simple et complètement intuitif â“ Ã combien de personnes vais-je passer une maladie contagieuse ? â“, il apparaît donc naturellement dans les mathématiques des modèles épidémiologiques.
Si le R0 est inférieur à 1,0 alors la dérivée Iâ™(t) ci-dessus est négative et la grandeur I(t) le nombre de personnes infectées est décroissante : lâ™Ã©pidémie sâ™arrête !
A contrario, si le R0 est supérieur à 1,0 alors lâ™Ã©pidémie ne sâ™arrête que lorsque 1-1/R0 pourcent de la population a été infectée ou immunisée. Ceci est une simple conséquence des équations différentielles qui régissent la dynamique de lâ™Ã©pidémie.
Le R0 en détermine lâ™issue : si personne nâ™est immunisé et si je passe mon virus à trois personnes en moyenne (i.e. si R0 = 3,0) au cours de ma convalescence, je vais infecter trois nouveaux malades. A contrario, dès que deux-tiers des gens que je rencontre sont immunisés, je ne vais en infecter quâ™une seule puisque les deux autres seront immunisées.
Ainsi, si R0 est 2,0, alors lâ™Ã©pidémie prend fin lorsque 50 % de la population a été infectée et sâ™en est remise. Si R0 est de 3,0, alors près de 67 % de la population doit avoir été infectée avant que les choses ne redeviennent normales. Si le R0 est de 4,0, alors près de 75 % de la population va être infectée.
Encore une fois, les processus en jeu sont aléatoires et lâ™infection se développe en clusters (comme on peut le voir sur ces simulations fascinantes).
Lorsque la pandémie de grippe H1N1 2009 a commencé, son R0 était estimé entre 1,2 et 1,6 ce qui impliquait que 16,7 % à 37,5 % de la population finisse infectée. Aux États-Unis, il y a 325 millions dâ™habitants et 16,7 % à 37,5 % représente donc 54 à 122 millions de personnes. Au final, 61 millions dâ™Américains ont été infectés selon le CDC. Le nombre de reproduction de base de SARS-CoV-2
Pour le SRAS-CoV-2, les estimations actuelles du R0 dans la littérature scientifique varient de 0,91 (en Lituanie, fin mars) à 7,4 (en Turquie en avril).
En cherchant tous les articles scientifiques sur le sujet, environ 120 depuis le début de la crise, il est possible de retenir 95 estimations fondées sur des études solides (par exemple ici, là ou là ). Pour les résumer, on peut se référer à la période que recouvrent les données de chaque étude et examiner les résultats pour les différentes régions (avec la Chine en rouge et Wuhan en violet) :
http://dlvr.it/Rc6Jly
http://dlvr.it/Rc6Jly