samedi 1 avril 2017

Plus de huit cents survivants ou proches des victimes du 11-Septembre portent plainte contre l’Arabie saoudite, par Xavier Ridel

Plus de huit cents survivants ou proches des victimes du 11-Septembre portent plainte contre l'Arabie saoudite, par Xavier Ridel

Source : Slate, Xavier Ridel, 21-03-2017

Crédits : Wikimedia 

Plus de 800 proches de disparus ou survivants du 11 septembre 2001 ont porté plainte contre l'Arabie saoudite. Un droit qu'ils ont très récemment obtenu grâce à une loi passée en fin d'année dernière, comme le révèle Buzzfeed.

Cette loi, appelée Justice Against Sponsors of Terrorism Act (Jasta), donne aux victimes ou aux proches le droit de porter plainte contre un État accusé d'avoir aidé des terroristes. Elle avait été abrogée par Obama grâce à son droit de veto. Le président avait affirmé que le décret en question n'améliorait «pas la sécurité des Américains face à des attaques terroristes», mais aussi qu'elle amoindrissait «les intérêts essentiels des Etats Unis». Le Congrès avait néanmoins décidé d'outrepasser ce droit de veto.

Ainsi, les 800 signataires ont fait paraître un document où sont notés les noms de tous leurs proches et de tous les survivants qui portent également plainte contre le pays de la péninsule arabe. Ce dernier est accusé d'avoir su qu'au moins trois des terroristes ayant pris part au 11-Septembre faisaient partie d'al-Qaida, d'avoir gardé cette information secrète, d'avoir financé l'organisation terroriste en question et, enfin, d'avoir eu une relation privilégiée avec Ben Laden.

Double visage

Lire la suite ici  : Slate, Xavier Ridel, 21-03-2017

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URL: http://www.les-crises.fr/plus-de-huit-cents-survivants-ou-proches-des-victimes-du-11-septembre-portent-plainte-contre-larabie-saoudite-par-xavier-ridel/

Quand arrive la peur, par Chris Hedges

Quand arrive la peur, par Chris Hedges

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Posté le 8 janvier 2017

De Chris Hedges

Mr. Fish / Truthdig

Alexandre Soljenitsyne dans “l’Archipel du Goulag”, une profonde méditation sur la nature de l’oppression et de la résistance dans les goulags soviétiques, raconte l’histoire d’un homme qui était parmi des prisonniers qu’on déplaçait au printemps 1947. L’ancien soldat du front, dont le nom n’est pas mentionné dans l’histoire, désarma et tua soudainement les deux gardes. Il annonça à ses co-détenus qu’ils étaient libres.

“Mais les prisonniers furent envahis par la terreur, personne ne le suivit, et ils s’assirent tous là et attendirent un nouveau convoi,” écrit Soljenitsyne. Le prisonnier essaya en vain de leur faire honte. “Et puis il ramassa les fusils (trente-deux cartouches, ‘trente-et-une pour eux !’) et partit seul. Il tua et blessa plusieurs poursuivants et avec sa trente-deuxième cartouche il se donna la mort. L’Archipel tout entier aurait bien pu s’effondrer si tous les anciens combattants de première ligne s’étaient comportés comme lui.”

Plus un régime devient despotique, plus il crée un climat de peur qui se transforme en terreur. En même temps, il investit une quantité énorme d’énergie et de ressources dans la censure et la propagande pour maintenir la fiction d’un État juste et libre.

Les gens pauvres de couleur savent intimement comment ces mécanismes jumeaux de peur et de faux espoir fonctionnent comme des formes de contrôle social dans les colonies internes des États-Unis. Ils ont également saisi, comme le reste d’entre nous le fera bientôt, la fiction de la démocratie américaine.

Ceux qui défient résolument l’État seront décapités un par un si on doit en croire l’histoire. Un vain espoir que l’État nous ignorera si nous obtempérons handicapera beaucoup de ceux qui ont déjà été condamnés. “L’innocence universelle,” écrit Soljenitsyne, “entraîna également le manque d’action universel. Peut-être ne vous prendront-ils pas ? Peut-être que tout cela s’évanouira de lui-même.”

“La majorité reste tranquille et ose espérer,” écrit-il. “Puisque vous n’êtes pas coupables, comment donc peuvent-ils vous arrêter ? C’est une erreur !

“L’espoir donne-t-il de la force ou affaiblit-il un homme ?” demande Soljenitsyne. “Si les condamnés de chaque cellule s’y étaient mis à plusieurs contre les bourreaux comme ils arrivaient et les avaient étranglés, est-ce que cela n’aurait pas mis fin aux exécutions plus rapidement que des appels au Comité Central Exécutif de Russie ? Quand on est déjà au bord de la tombe, pourquoi ne pas résister ?”

“Mais est-ce que tout n’avait pas été joué d’avance de toute façon, dès le moment de l’arrestation ?” demande-t-il. “Pourtant tous ceux qui avaient été arrêtés rampaient sur leurs genoux le long du sentier de l’espoir, comme si on leur avait amputé les jambes.”

La résistance au despotisme est souvent un acte solitaire. Elle est effectuée par ceux qui sont dotés de ce que le théologien Reinhold Niebuhr nomme “la folie sublime”. Les rebelles seront persécutés, emprisonnés ou forcés à devenir des proscrits pourchassés, comme Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden le sont maintenant. On fera un exemple public de quiconque défie l’État. La punition de ceux qui ont été choisis pour l’attaque sera utilisée pour envoyer un avertissement à tous ceux qui sont tentés par la contestation.

“Avant que les sociétés ne s’effondrent, une telle couche de gens avisés et de penseurs émerge, des gens qui sont cela et rien du plus,” écrit Soljenitsyne à propos de ceux qui voient ce qui se prépare. “Et comme on riait d’eux ! Et comme on se moquait ! Comme s’ils restaient en travers de la gorge des gens dont les faits et gestes étaient bornés et étroits. Et le seul surnom dont on les baptisait était “pourriture”. Parce que ces gens étaient une fleur qui fleurissait trop vite et avait un parfum trop délicat. Et donc on les fauchait.”

“Ces gens,” continue-t-il, “étaient particulièrement désarmés dans leur vie personnelle ; ils ne pouvaient ni se courber sous le vent, ni faire semblant, ni se débrouiller : chaque mot déclarait une opinion, une passion, une protestation. Et c’était juste de telles personnes que la faucheuse coupait, juste de tels gens que la hacheuse déchiquetait.”

Quand je suis retourné dans la salle de presse au New York Times après avoir été renvoyé en 2003 pour avoir dénoncé l’invasion de l’Irak, les reporters et les rédacteurs baissaient la tête ou se détournaient quand j’étais dans les parages. Ils ne voulaient pas être touchés par la même contagion propre à tuer une carrière. Ils voulaient protéger leur statut dans l’institution. Se retirer dans des trous à lapins est la tentative la plus courante pour se protéger.

Les émissions câblées de droite me lynchaient presque à longueur de temps. Bientôt je reçus une réprimande écrite et des remontrances publiques par le journal. J’étais un lépreux.

La machinerie de la sécurité et de la surveillance d’État, l’usage de lois spéciales sur le terrorisme et la suppression des libertés civiles deviennent omniprésents. La noble rhétorique sur la liberté et la réalité des chaînes préparées pour le public créent un réalisme magique. La réalité est bientôt aux antipodes du langage décrivant la réalité. La pseudo-démocratie est peuplée de pseudo-législateurs, de pseudo-tribunaux, de pseudo-journalistes, de pseudo-intellectuels et de pseudo-citoyens. Rien n’est tel que présenté.

Les démagogues, nous rappelle Soljenitsyne, sont des personnes  diminuées et creuses. “Un pouvoir illimité entre les mains de gens limités conduit à la cruauté,” écrit-il.

“La vie générale de la société se résume au fait que les traitres ont été promus et que les médiocres ont triomphé, tandis que tout ce qui était le meilleur et le plus honnête a été piétiné,” observe-t-il. Des ersatz d’intellectuels, des remplaçants “de ceux qui avaient été détruits ou dispersés,” ont pris la place des vrais intellectuels.

“Après tout,” écrit Soljenitsyne, “nous nous sommes habitués à considérer comme courage seulement le courage guerrier (ou le genre de courage qu’il faut pour voler dans l’espace), celui qui fait retentir les médailles. Nous avons oublié un autre concept de courage – le courage civique. Et c’est tout ce dont notre société a besoin, seulement cela, seulement cela, seulement cela !”

Cette sorte de bravoure, il le savait en tant que vétéran de guerre, demande un courage moral qui est plus difficile que le courage physique rencontré sur le champ de bataille.

“Cette désobéissance tranquille, unanime, à un pouvoir qui ne pardonnait jamais, cette insubordination obstinée, douloureusement prolongée, était d’une certaine manière plus effrayante que le fait de courir et hurler sous les balles,” dit-il.

Les arrestations à venir signifient qu’un large éventail d’américains va connaître les violations que les gens de couleur pauvres ont subies pendant longtemps. L’intérêt personnel à lui seul aurait dû générer des protestations considérables, aurait dû rendre la nation plus consciente dans son ensemble. Nous aurions dû comprendre : une fois que les droits deviennent des privilèges que l’État peut annuler, ils seront un jour ou l’autre retirés à tout le monde. Maintenant ceux qui avaient été épargnés vont goûter ce que la complicité avec l’oppression signifie.

“L’image traditionnelle de l’arrestation est aussi ce qui se passe après, quand la malheureuse victime a été emmenée,” écrit Soljenitsyne. “C’est une force étrangère, brutale et écrasante qui domine l’appartement pendant des heures, une force qui brise, déchire, arrache des murs, vide sur le sol des objets des penderies et des bureaux, qui secoue, déverse et met en pièces – entassant des montagnes de détritus sur le sol – et le craquement d’objets piétinés sous les bottes. Et rien n’est sacré dans une fouille ! Pendant l’arrestation du conducteur de train Inoshin, un minuscule cercueil contenant son fils récemment mort reposait dans sa chambre. Les “juristes” renversèrent le corps de l’enfant du cercueil et le fouillèrent. Ils font sortir de leur lit les malades en les secouant, et ils défont les bandages pour fouiller en dessous.

“La résistance,” écrit-il, “devrait avoir commencé juste là, au moment de l’arrestation. Mais elle n’a pas commencé.” Et donc les arrestations de masse étaient faciles.

Et qu’est-ce qui constitue une victoire à partir de ce moment ?

“A partir du moment où vous allez en prison vous devez laisser votre passé confortable fermement derrière vous,” écrit-il. “Sur le seuil même, vous devez vous dire : “Ma vie est terminée, un peu tôt c’est sûr, mais il n’y a rien à y faire. Je ne retournerai jamais à la liberté. Je suis condamné à mourir – maintenant ou un peu plus tard. Mais plus tard, en vérité, ce sera encore plus dur, et donc le plus tôt sera le mieux. Je n’ai plus aucune sorte de propriété. Pour moi ceux que j’aime sont morts, et pour eux je suis mort. A partir de ce jour, mon corps est inutile et m’est étranger. Seuls mon esprit et ma conscience restent précieux et importants pour moi.”

“Face à un tel prisonnier, les interrogateurs trembleront,” écrit Soljenitsyne. “Seul l’homme qui a renoncé à tout peut remporter cette victoire.”

Le dernier volume de la trilogie de Soljenitsyne fait la chronique des soulèvements et des révoltes dans les camps. Ces révoltes étaient impossibles à prévoir.

“Tant d’historiens profonds ont écrit tant de livres intelligents et pourtant ils n’ont pas appris comment prédire ces mystérieuses conflagration de l’esprit humain, comment détecter les sources mystérieuses d’une explosion sociale, pas même comment les expliquer après coup,” écrit Soljenitsyne. “Parfois vous pouvez fourrer fagot après fagot de filasse enflammée sous les buches, et elles ne prendront pas feu. Cependant, au-dessus, une petite étincelle solitaire s’échappe de la cheminée et tout le village est réduit en cendres.”

Comment nous préparer ? Soljenitsyne, après huit ans dans le goulag, répond aussi à cela.

“Ne recherchez pas ce qui est illusoire – la propriété et le statut social ; tout cela est obtenu aux dépends de vos nerfs décennie après décennie, et est confisqué en une seule nuit. Vivez avec une supériorité constante sur la vie – ne craignez pas la malchance, n’aspirez pas au bonheur ; après tout, c’est tout pareil : ce qui est amère ne dure pas pour toujours, et ce qui est agréable ne déborde jamais de la coupe. Cela suffit si vous ne gelez pas dans le froid et si la soif et la faim ne vous tenaille pas les entrailles. Si votre dos n’est pas cassé, si vos pieds peuvent marcher, si vos deux bras peuvent se plier, si vos deux yeux peuvent voir, et si vos deux oreilles peuvent entendre, alors qui devriez-vous envier ? Et pourquoi ? Notre jalousie des autres nous dévore par-dessus tout. Frottez-vous les yeux et purifiez votre cœur – et appréciez par-dessus tout ce qui existe ceux qui vous aiment et vous veulent du bien. Ne les blessez pas ou ne les réprimandez pas et ne vous séparez jamais d’eux dans la colère ; après tout, vous ne savez tout simplement pas : cela pourrait être votre dernière action avant votre arrestation, et c’est comme cela que vous serez imprimé dans leur souvenir !”

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

URL: http://www.les-crises.fr/quand-arrive-la-peur-par-chris-hedges/

[Les Décodeurs] L’Orwellisation du Journalisme 2/4 : La Police de la Pensée

[Les Décodeurs] L'Orwellisation du Journalisme 2/4 : La Police de la Pensée

Suite de notre série finale sur les Décodeurs. Ce billet est assez complet pour prouver la gravité des faits. Afin d’alléger la lecture, j’ai mis quelques passages sous forme “d’annexes”, qu’on peut afficher et masquer en cliquant sur des boutons, façon “spoilers”.

L’Orwellisation du Journalisme

2/4 : La Police de la Pensée

    1. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…
    2. 03/2017 : L’acharnement destructeur
    3. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »
    4. La pression sur l’employeur des déviants (!)

1ère partie : quand les Décodeurs ont “raison”

I. 12/2016 : Quand ta vie bascule à cause d’un tweet…

Le 7 décembre, en plein pic de pollution aux particules, mon collègue des Éconoclastes Nicolas Mie.lh.an (je ne mets pas son nom en clair pour éviter les indexations Google), a le malheur de faire ce tweet le 7 décembre :

Une simple carte en temps réel de la pollution en Europe, montrant la forte pollution habituelle en Europe centrale et orientale avec un commentaire de Nicolas sur les “centrales à charbon allemandes”.

Une semaine avant, au pic précédent, la France avait en effet été traversée par un nuage de pollution venu de l’Est – comme cela arrive très souvent, phénomène où ces centrales ont en effet un (petit) rôle.

Nicolas est très engagé dans la protection de la santé en Europe, et dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il travaille énormément sur ces sujets, vraiment énormément. À la rentrée 2016, je me rappelle d’un déjeuner “Éconoclastes” où, très impliqué, il m’avait longuement parlé du rapport du WWF sur les centrales à charbon en Europe – dont a parlé Le Monde en juillet 2016 :

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En effet, environ 1 400 Français sont tués tous les ans par les émissions du charbon en provenance des pays voisins :

pollution air particules

C’est donc un vrai problème -sur lequel a même alerté Le Monde. Nicolas est parti en croisade sur ce sujet (comme il le fait aussi en dénonçant le diesel ou le souci de la fausse baisse de nos émissions de CO2…), d’où son tweet du 7 décembre pointant du doigt ce phénomène, qui a une réalité à Paris le 3 et 4 décembre 2016 (jaune pâle) :

pollution air pollution-pays

Mais, pas de bol n°1, la phrase est fausse les jours suivants, la pollution était surtout nationale (vert – mais on n’a eu ces données que plus tard – les passionnés liront ce billet) :

 

pollution air pollution-pays

Ensuite, pas de bol n°2, le tweet de Nicolas a été très fortement tweeté – 2 000 retweets.

Et surtout, pas de bol n°3, les Décodeurs du Monde sont arrivés pour faire la police.

Ils ont fait un article sur le sujet, qui s’en est suivi par une prise de tête entre deux “têtes de pioches” 🙂 , Nicolas (qui a répondu) et Samuel Laurent (qui a re-répondu), querelle dont Internet a le secret – et qui n’a pas grand intérêt à ce stade.

Au final, Nicolas a évidemment reconnu la réalité de la situation :

Le plus formidable dans tout ça, c’est que Nicolas s’est tapé – je n’invente rien – une dépêche AFP le citant, disant que son tweet était donc faux (mais il aurait été bien plus juste d’autres jours dans l’année – vous voyez le souci…), dépêche qui a donc été largement reprise dans des dizaines de grands sites. (L'ExpressSud-OuestLe Point, YahooOrange, Arrêt sur Images…) – citant à chaque fois Nicolas, et œuvrant donc à sa gloire numérique pour très longtemps (pas de droit à l’oubli a priori ici) pour un tweet faux (et sans grand intérêt – on est en lutte contre la pollution que “localement” et partout, il nous faut donc faire tous les efforts possibles à Paris). Viendra ensuite Google dans quelques mois, quand ses algorithmes décideront (ou pas) d’afficher tout ça en gros quand on cherchera son nom. Je rappelle au passage, vu l’importance de Google, qu’il est inadmissible de laisser une société privée vendeuse de pub gérer comme bon lui semble notre image numérique sans rendre de comptes. Bref, on voit les conséquences personnelles et professionnelles que tout ceci peut avoir – et dont ces “journalistes” se fichent royalement… Enfin, sauf quand ils ont un petit bobo à leur propre égo :

C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité

II. 03/2017 : L’acharnement destructeur

Secundo, les Décodeurs font depuis lors preuve d’un incroyable acharnement envers les Éconoclastes – avec une certaine idée du Droit à l’erreur, qu’ils s’accordent pourtant très souvent.

Quand Marine Le Pen (toujours elle…) reparle du sujet en mars 2017, les Décodeurs du Monde en remettent en effet une couche :

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Tiens, revenons sur Nicolas pour les “trois mois”. On aura aussi ça pour les “six mois”, pour l’anniversaire”, pour le centenaire du tweet ?

Comme si les Éconcolastes étaient une source de Marine le Pen, alors que je rappelle que ce sujet (réel!) de la pollution allemande est un marronnier très répandu qui revient sans cesse… (comme ici en 2014 et ici en 2015…)

Le traitement de leurs petits clones des Décodeurs de Libération avec Pauline Moullot est aussi éloquent de la paranoïa qui se répand :

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Il y a donc ceux qui prennent “le parti du fake” et ceux qui, évidemment à Libération, prennent “le parti de la Vérité”.

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Donc bien sûr, Marine le Pen s’occupe des débats entre Les Décodeurs et les Éconoclastes, qui sont, c’est évident, le centre d’attention du pays…

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Heu, non. Ce n’est vrai que le jour des 2 pics étudiés. Mais en moyenne, dès qu’on n’est plus le nez sur une route, le trafic automobile est une source très limitée (Source : Airparif). Et les pics ne sont pas très importants, ça attire les journalistes, mais le problème est quotidien…

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On remet le couvert pour Nicolas…

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Et c’est là que la paranoïa apparaît : “anti-fact-checking” ?? “blogueur contre fact-checkers” ? Mais je suis au moins autant fact-checkers que la plupart de ces jeunes journalistes parfois incultes et sans déontologie qui peuplent ces rubriques !

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Et zou ! Euh, est-ce à dire que “Marine Le Pen soutient les réseaux sociaux” et donc que quand on lit des articles sur Facebook, on est un nazi ?

Dernier mot sur le “Parti de la Vérité”de Libé ; en décembre, ils ont fait en tout et pour tout 2 articles sur Alep :

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Bref, deux articles sur des sujets qui contrarient la Propagande gouvernementale. Et RIEN sur la propagande dans les grands médias – que de grands journalistes ont pourtant dénoncée…

 

Du coup, mi-mars, les Décodeurs ont même rajouté la mention de la polémique sur la fiche Econoclastes du Décodex :

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“Et c’est pas fini”, le 15 mars, ils en reparlent en conférence publique (à 3’30) :

On notera toujours la même victimisation limite misérabiliste (“on a été très attaqués par les Éconoclastes” – façon “L’Allemagne a été très attaquée par le Luxembourg” quoi…)

Acharnement ?

En conclusion, on notera que cette méthode n’est pas limitée à ce sujet.

Au moment des élections américaines, Jacques Sapir a fait un tweet où il annonçait dans l’effervescence un résultat erroné dans un tweet du 13 novembre, comme le rapporte Libération (avec mention réglementaire du FN…) :

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Or, Sapir a évidemment corrigé dès le 15 novembre :
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A priori, il semble que ces informations n’aient jamais été reprises sur le site de Sapir, Russeurope. Eh bien, pas de souci, cela figure désormais dans la fiche Décodex du site :

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Ce qui montre bien que le but est bien de s’en prendre aux personnes, et pas seulement aux sites.

Le point assez incroyable en l’espèce est que le responsable des Décodeurs a tweeté (et laisse sciemment en ligne – archive) un de leurs articles où ils annoncent que Clinton a obtenu 6 millions de voix de moins  en 2016 qu’Obama en 2012, ce qui est totalement faux, ils ont obtenu le même nombre…

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Bref :

III. 12/2016 : la police de la pensée du Monde à la chasse aux « déviants »

3-1 Du pouvoir à l’Abus de pouvoir

Mais revenons au mois de décembre, pour observer l’attitude de Samuel Laurent, le “chef” des Décodeurs du Monde.

De manière pour moi très attendue, un tel service de “vérification des faits” par le plus grand journal français ne pouvait qu’aboutir à sa transformation insidieuse en une sorte de Ministère de la Vérité qui prétend dire le Vrai. Et là encore, pour moi, de manière totalement prévisible, un tel Pouvoir – en plus clairement laissé sans cadrage ni même contrôle élémentaire par la Direction du Monde – ne peut que suivre une pente très naturelle le conduisant à se doter au plus vite d’une Police de la pensée. Et toute autorité prétendant dire le Vrai ne peut accepter de voir son autorité remise en question, dans le cas où des personnes persistent volontairement dans l’erreur ? Un tel Pouvoir constitué est donc toujours tenté d’abuser de ses prérogatives.

Or, on a vu que Nicolas a été retweeté par de très grands noms du journalisme français, chez BFM ou aux Échos. Et c’est là que cela devient TRÈS intéressant.

Que les Décodeurs aient indiqué la réalité des faits (“la pollution du 7 janvier ne venait pas d’Allemagne”), c’est très bien.

Qu’ils aient indiqué et ciblé à ce point nominativement Nicolas, je trouve cela vraiment problématique pour les raisons précédemment évoquées. Cela tient au fait que les Décodeurs ont gardé leur mentalité et amateurisme d’origine de petits blogueurs sympas (ils n’étaient pas au Monde au départ). On avait alors affaire à quelques petits jeunes animant un petit blog sans prétention.

Mais ils ont désormais le colossal – et donc destructeur – poids médiatique du Monde. Ils ont désormais entre leurs mains un enjeu qui dépasse la simple vérification des faits : ils jouent avec la réputation des gens, leur carrière et donc leur vie. Jeter leur dignité en pâture à des millions de lecteurs n'est pas sans conséquence : il est donc grand temps qu'ils prennent conscience de cette responsabilité et qu'ils gagnent en maturité dans leur activité professionnelle.

3-2 Les amateurs « déviants »

Une bonne façon d’entrer en matière est d’observer la régulière chasse aux déviants. Voici quelques exemples d’interventions plus ou moins musclées pour faire effacer des tweets faux :

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Il faut noter qu’un élément a déstabilisé les Décodeurs : le remue-ménage suite à l’élection de Trump que les médias n’ont pu “empêcher” malgré tous leurs efforts (sic.), ce qu’a pointé Frédéric Lordon dans une  forte critique à leur encontre dans un billet du Diplo du 22 novembre 2016 qui les a atteints :

“Mais voilà, les Décodeurs recodent sans le savoir, c'est-à-dire, comme toujours les inconscients, de la pire des manières. Ils recodent la politique dans le code de la post-politique, le code de la « réalité », et les désintoxiqueurs intoxiquent — exactement comme le « décryptage », cette autre abysse de la pensée journalistique, puisque « décrypter » selon ses ineptes catégories, c'est le plus souvent voiler du plus épais brouillard.

Le fact-checking qui, épouvanté, demandera dans un cri de protestation si c'est donc qu'« on préfère le mensonge à la vérité », est sans doute ici hors d'état de saisir l'argument qui n'a rien à voir avec l'exigence élémentaire d'établir correctement des faits, mais plutôt avec l'accablant symptôme, après Trump, d'une auto-justification des médias presque entièrement repliée sur le devoir fact-checkeur accompli. Trump a menti, nous avons vérifié, nous sommes irréprochables. Malheureusement non. C'est qu'un Trump puisse débouler dans le paysage dont vous êtes coupables. Vous êtes coupables de ce qu'un Trump n'advient que lorsque les organes de la post-politique ont cru pouvoir tenir trop longtemps le couvercle sur la marmite politique.” [Frédéric Lordon]

Comme quoi Lordon avait vu juste bien avant moi…

3-3 Les journalistes « déviants »

Alors on a vu ci-dessus comment agit la Police de la Pensée quand un simple particulier est dans l’erreur sur Twitter – ça ne rigole pas du tout…

On imagine donc sans peine ce qui va arriver si, cette fois, ce sont de grands journalistes qui dévient. Car Stéphane Soumier, Jean-Marc Vittori et Dominique Seux ont retweeté Nicolas le 12 décembre :

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De nouveau, l’hôpital qui se moque de la charité…

Et le 13, aucune correction n’avait eu lieu – les tweets étant d’ailleurs perdus dans la Timeline de ces comptes..

Dès 6h00 passées, les Décodeurs peuvent intervenir (à 6h37 – observez la fréquence avec les heures) :

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Je remets :

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30 minutes plus tard, aucune réaction (il a des matinées sympa, le gars…) : 1ère sommation :

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2e sommation 16 minutes plus tard :

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Dominique Seux dépose alors les armes et se rend alors sans opposer de résistance – savourez les réponses :

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Le conciliant Vittori répond en demandant une trêve :

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En passant – une relation de Samuel Laurent, Adrien Saumier (tiens, tiens… on en reparlera), apparaît alors dans la conversation :

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Magnifique retour de Samuel Laurent, qui poursuit sa leçon de journalisme à Jean-Marc Vittori (quel calme, il doit être bouddhiste…) :

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Laurent Mimouni, de BFM, n’étant pas du genre à se laisser impressionner par si peu, n’appréciera pas trop à la longue :

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mais ils ne s’apprécient pas trop il faut dire :

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(N.B. il fait référence au cigare de Mimouni sur sa photo de profil…)

Après cette séquence, Samuel Laurent a rédigé un long papier le 13 décembre, comme d’habitude victimaire et moralisateur, que je ne vais même pas commenter : Comment meurent les faits : autopsie de la propagation d'une intox

Ce qui lui a valu une très ferme – et juste sur le fond – réponse de Stéphane Soumier sur son blog le 15 décembre, évidemment excédé (cf. article @si) :

Note à un factchecker, tigre de papier

soummier-1  soummier-2

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S'embrouiller avec Samuel Laurent est un jeu risqué. D'abord parce qu'on a autre chose à faire. Lui les internets c'est son métier, et donc on s'expose à un tir de barrage qu'on a du mal à contrôler.

Mais justement. C'est bien pour dire que je n'ai pas l'intention de céder à cette forme d'intimidation numérique, que je prends le temps d'écrire cette courte bafouille

Ensuite parce qu'on ne suit pas non plus ce qu'il fait de manière obsessionnelle. On en revient au premier point. Et démonter ce qu'il fait prend du temps.

Je l'ai fait une fois dans le détail sur la matière que je maîtrise, le papier est là, mal écrit, brouillon (toujours le premier point…) mais bon l'essentiel y est : Samuel Laurent manipule des chiffres qu'il ne maîtrise pas, son équipe se donne une prétention scientifique sans en avoir ni le temps ni les moyens, il use d'arguments d'autorité qui lui font décider que tel critère est pertinent au regard de tel autre.

Il y a peu, j'éprouvais encore une forme de tendresse, tant ce garçon avait besoin d'amour. Ça crevait les yeux. Mais voilà qu'il est devenu très agressif. Toujours le point 1, les règles des internets changent vite, et nous qui ne faisons qu'y passer ne le percevons pas forcément. Jusqu'à peu, ce qui se passait sur twitter restait sur twitter, il faut croire que ce n'est plus le cas, et Trump valide massivement ces changements, dont acte, stop à la déconnade, il s'agit de tenir son rang. Directeur de la rédaction de BFM business je suis, directeur de la rédaction de BFM business je serai donc dorénavant sur Twitter

Mais là je suis chez moi, et donc, cher lecteur, je vais être grossier. Je m'en excuse, et je vais bien isoler le passage pour que tu puisses le sauter allègrement sans avoir à subir ce règlement de compte. Donc…

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Samuel Laurent, je lis que tu me dénies le droit de diriger une rédaction parce que j'ai eu le malheur de me marrer deux secondes avec tes nuages ? Mais vas te faire voir, pauvre tanche ! Tu as senti l'odeur d'un trou d'obus une fois dans ta vie ? Tu as goûté les larmes d'un gars dont on vient d'abattre le fils ? Tu as mordu l'acier d'un flingue brandi par un pauvre type aux yeux perdus ? Tu as senti tes tripes se vider parce que des émeutiers de banlieue t'avaient repéré ? Je l'espère pour toi. Tu sais alors qu'à ce moment, on n'a plus de leçon à recevoir de personne quand il s'agit de savoir ce qu'est une information, une vraie, et le prix qu'elle peut coûter

Fin du paragraphe.

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Revenons à nos moutons du fact-checking : mon cher Samuel, va dans une bibliothèque, va lire Deleuze, Foucault, va comprendre qu'une information est une collection de mots d'ordre. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que le choix de ton sujet est un biais (pollution, centrales, nucléaire. Pas de nucléaire ? mais bien sûr que si, c'est le sous-jacent de toute cette histoire sans importance) que le choix de tes experts est un biais, que la façon dont tu rédiges est un biais, et que ces biais marquent l'ordre social que tu défends. Et oui, j'en défends un autre.

Ce « post fact era » dont les jeunes urbains progressistes nous rebattent aujourd'hui les oreilles, n'est rien d'autre qu'un ordre social qui se transforme et je t'assure que dans l'ensemble des « mensonges » de Trump factcheckés par tes confrères américains, j'ai vu moi bien souvent des faits qui témoignaient simplement d'un autre angle de vue

Un bon élève de terminale devrait savoir ça, d'où les #culottescourtes

Tu as sans doute raison sur tes particules, mais ton premier papier était justement truffé de biais de présentation, et ton contradicteur les mettait en lumière. Ce qui, je l'avoue, m'a fait marrer. Un pauvre tweet et deux échanges de conversation ? ça fait léger, non, pour déclencher le tir de barrage que tu m'as infligé ?

Tu as forcément suivi la polémique autour du livre de Cahuc, elle dit tout des doutes permanents que l'on peut avoir sur les chiffres. Que les plus éminents experts s'affrontent, non pas sur les chiffres eux-mêmes, mais déjà sur la pertinence de leur utilisation, sur le fait qu'ils suffisent, ou pas, à valider une thèse politique, tout cela ne te fais pas réfléchir sur ta théorisation à l'emporte-pièce du « journalisme non spéculatif » ?

Trump a été élu camarade. Et plus le mainstream journalistique redressait ses erreurs, plus il gagnait en popularité. C'est la faute à Facebook ! c'est la faute à Google ! ben voyons. Et l'orgueil de jeunes urbains progressistes qui ont décidé le vrai du faux, ça n'a joué aucun rôle ?

Je crois que si. Alors je continuerai, moi, à tenter simplement de raconter ce qui se passe. A savoir qu'une information est le produit de ce qui nous produit, à s'efforcer de corriger cela par la rigueur, le travail et l'honnêteté. C'est déjà un beau boulot. Il vaut largement le tien. La vérité est une autre affaire.

Fin de l’affaire – éloquente pour la suite…

On notera enfin que la journée du 13 décembre aura bien été chargée en Tweets pour Samuel Laurent – dur labeur que “journaliste” au Monde désormais :

samuel-laurent

IV. La pression sur l’employeur des déviants (!)

Très brève partie. Mais très importante. Parce que quand le déviant résiste, il faut passer en force – et là, tous les moyens semblent bon à la police du Monde (Source) :

samuel-laurent

Déontologique, hmmm ?

Et cela se confirme, quand attaqué par Sapir, Samuel Laurent annonce qu’il va saisir l’EHESS, son employeur :

Bref, une certaine idée du “journalisme”…

Ainsi se termine cette première partie, fondée essentiellement sur un cas où ils avaient raison (le tweet de départ était factuellement erroné ce jour-là).

Il va donc être très intéressant de voir ce qu’il se passe quand ils ont tort – mais nous prendrons avant du recul dans le prochain billet…

P.S. merci de rester courtois dans vos commentaires ; sinon ils seront tronqués ou supprimés…

URL: http://www.les-crises.fr/les-decodeurs-l-orwellisation-du-journalisme-1-la-police-de-la-pensee/