mercredi 29 mars 2017

La tentation monarchique d’Emmanuel Macron, par Frédéric Says (France Culture)

La tentation monarchique d'Emmanuel Macron, par Frédéric Says (France Culture)

Source : France Culture, Frédéric Says, 23.03.2017

Le candidat d’En Marche assume sa “verticalité”.

“Vue du château de Chambord, le Régent Philippe II duc d’Orléans donne ses ordres pour la chasse”. Peinture de Pierre Denis Martin, 1722.• Crédits : Josse / Leemage – AFP

“Quel président voulez-vous être ?” La première question des débats télévisés est si générale, si large qu'elle semble avoir été conçue uniquement pour permettre aux candidats de s’échauffer la voix (et aux techniciens de régler leurs micros).

Mais au-delà des réponses stéréotypées, façonnées pour tenir en une minute trente, il convient de se concentrer sur des petits faits de campagne clairsemés. Pris bout à bout, ils permettent bien davantage d’éclairer cette interrogation.

Quel président voulez-vous être ? Chez Emmanuel Macron, cette série de faits clairsemés illustre une vision volontiers centralisatrice, voire une inclination quelque peu monarchique.

Passons vite sur la démarche d'avoir fait broder son parti de ses initiales, EM, passons sur les phénomènes de cour, logiques devant une ascension si spectaculaire, et concentrons-nous sur ses propositions.

Hier, devant l’Association des maires de France, le favori de la présidentielle a réitéré l'une de ses propositions-phares : la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Emmanuel Macron prive ainsi les collectivités locales de la maîtrise d’une partie de leur budget. Il s'est bien sûr engagé à ce que l'État compense le manque à gagner, mais cette reprise en main budgétaire face aux communes revient à une forme de re-centralisation. Car le gouvernement pourra toujours refuser, sous prétexte d’économies, de rembourser les collectivités à 100% (ce ne serait pas la première fois).
Une logique similaire prévaut pour une autre proposition d’Emmanuel Macron : la renationalisation de l'Assurance-chômage. Fini la gestion des partenaires sociaux, c'est l'État qui dirige.

Ajoutons à cela une mesure symbolique, certes, mais signifiante. Emmanuel Macron veut recréer les chasses présidentielles, cette lointaine tradition royale qui renvoie à François 1er. Selon le candidat d'En Marche, ces chasses présidentielles, supprimées en 2010, “fascinent partout” dans le monde et participent de “l'attractivité” de la France.

L'histoire ne dit pas si l'on verra le gouvernement En Marche, à cheval, débusquer le gibier dans la brume du domaine de Chambord. (Arrivés à ce stade du billet politique, vous comprenez enfin le choix de l’illustration)…

Pour caractériser cette éventuelle présidence Macron, il faut aussi observer la manière dont il conduit sa campagne…

Là encore, cela en dit plus long qu'un débat télévisé. L’organigramme est saisissant : contrairement aux autres prétendants, le candidat de En marche n'a pas de directeur de campagne. Le directeur de campagne, c'est lui. Par ailleurs, qui pourrait aujourd'hui citer le nom de l'un de ses porte-paroles ? Au-delà du cénacle journalistique, pas grand-monde… Candidat, directeur de campagne et porte-parole, Emmanuel Macron fait tout. Par son organisation, il nous dit : « la campagne, en l'état, c'est moi ».

Pas de jurys citoyens, nulle démocratie participative dans la bouche du favori de l'élection. « J'assume la verticalité », confesse-t-il d'ailleurs à propos de son mouvement. Ainsi, récemment, En Marche a annoncé que ses candidats aux législatives seraient désignés après la présidentielle. Autrement dit, encore davantage que dans les autres partis, ces candidats n'auront pas le temps de faire leur propre campagne et procéderont entièrement de la figure d'Emmanuel Macron.

Exemples isolés ou stratégie théorisée, Frédéric ?

Il ne faut pas y voir, me semble-t-il, des annonces de circonstances ou de coups de communication improvisés. Tout cela s'inscrit au contraire dans une réflexion historique et politique très construite. Emmanuel Macron en avait tracé les lignes dans un entretien fort intéressant accordé à l'hebdomadaire “Le 1”, en juillet 2015. Que dit-il ? A la question de savoir si “la démocratie est forcément déceptive”, Emmanuel Macron répond ceci :

“Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au coeur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu.”

Le discours du candidat En Marche est limpide. Il vise à concilier, sous l'habit du président, les “deux corps du Roi”, théorisés par Kantorowicz.

Derrière le discours d’Emmanuel Macron, peut-être faut-il déceler aussi un raisonnement plus stratégique. Depuis quinze ans, sur fond de lassitude démocratique, chaque président est élu par contraste avec son prédécesseur : la fin de mandat de Jacques Chirac fut jugée ronronnante, alors Nicolas Sarkozy se présenta en “candidat de la réforme et de la rupture”. Le mandat de Nicolas Sarkozy fut jugé vibrionnant et bling bling, alors François Hollande se présenta en “candidat normal”. Le mandat de François Hollande est marqué par le manque d'incarnation, alors Emmanuel Macron se fait fort de la restaurer.

Source : France Culture, Frédéric Says, 23.03.2017

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URL: http://www.les-crises.fr/la-tentation-monarchique-demmanuel-macron-par-frederic-says-france-culture/

Cabinet noir ? Par François-Bernard Huyghe

Cabinet noir ? Par François-Bernard Huyghe

Source : François-Bernard Huyghe, 25-03-2017

Cabinet noir” est devenu en quelques jours un mantra. L’auteur de ces lignes (pas plus d’ailleurs ques ceux de “Bienvenue place Beauveau” qui disent ne pouvoir ni le prouver ni l’infirmer et que nous n’avons pas lus) n’a aucun moyen d’en démontrer l’existence.

Du moins si l’on entend qu’un groupe de très hauts fonctionnaires se réunissent formellemen sous l’égide du Président pour faire des coups tordus contre des adversaires politiques. Nous serions fort étonnés qu’il y ait une structure spécifique avec un nom, une liste de membres, des réunions où l’on dise “et maintenant ouvrons la sécance du cabinet noir” , pourquoi pas des cagoules et des mots de passe comme dans Tintin. En revanche, il n’est pas difficile imaginer une “fonction cabinet noir” ; elle consisterait en une stratégie de remontée de l’information compromettante au plus haut niveau et de déclenchement de campagnes médiatiques ou judiciaires (fuites, suggestions, conversations informelles avec des journalistes ou des magistrats) afin que des affaires tombent au bon moment pour embarasser l’adversaire.
L’argument des “partisans” du cabinet noir repose sur la vraisemblance : vous n’allez pas me faire croire que tout cela est le fruit du hasard, que cette simultanéité est spontanée, qu’il n’y a aucune intentionnalité derrière, que tous ces documents confidentiels dont certains couverts par le secret de l’instruction tombent du ciel dans la corbeille de journalistes militants, que des fonctionnaires, des juges membres d’un certain syndicat, etc..

Les contre-arguments sont soit 1) d’ordre moral et paralysants (vous savez bien que la justice est totalement indépendante (grâce à nous) et vous offensez la République en les soupçonnant, comment oser questionner notre probité ?

Soit 2) des arguments portant sur l’intention des premiers : vous vous trumpisez, vous êtes des complotistes, vous essayez de détourner l’attention de vos fautes véritables en parlant de conspirations imaginaires et d’abus d’autorité inimaginables

Aucun de ces arguments – vraisemblance ou “dignité” – ne porte sur le fond, sur la preuve de faits bruts. Ce qui est normal pour une activité par nature clandestine et sensée ne pas laisser de traces (on imagine mal un verbatim du cabinet noir rangé dans un tiroir de l’Élysée en attendant son prochain occupant).

Si, donc, rien n’est avéré (au moment où nous écrivons le livre n’est même pas en librairie), on peut raisonner par rapport à des exemples historiques :

– “cabinet noir” est d’abord, sous l’ancien régime, le surnom des services qui ouvrent systématiquement (sans doute depuis Richelieu) les lettres qui passaient par les postes royales. C’est notamment le fameux avec le fameux “secret du roi” de Louis XV, où les extraits de correspondances révélatrices sont recopiées et où éventuellement des spécialistes décryptent les messages secrets qu’elles contiendraeint. Nous sommes dans la surveillance pure, sensée disparaître avec la proclamation du principe d’inviolabilité de la correspondance par la Révolution

– Sous la V° République, plusieurs fois, l’opposition accusera le pouvoir soit de la surveiller de façon illégale soit, de surcroît, de monter des machinations pour détruire la réputation de tel ou tel adversaire. Il est avéré (du moins, des décisions de justice ou des inculpations l’attestent) qu’il y a eu, sous Mitterand, des “écoutes de l’Élysée” et une “cellule” qui surveillait des gêneurs comme Jean Edern Hallier ou Edwy Plenel. À l’époque Mitterrand, on sait comment fonctionait le sytème : abus du système des écoutes dites “administratives” (système qui a été réformé depuis), utilisation de policiers, relais médiatiques, etc. Mais cela nous le savons par un jugement du Tribunal de correctionnel de 2005, c’est-à-dire plus de vingt ans après les faits.

– Sous Chirac, on parlera d’un “cabinet noir” dirigé par P. Massoni et Y. Bertand et la DCRG : ils auraient monté des “coups” contre Pasqua, Jospin ou Sarkozy. En 2011, François Hollande déclarait : “Il y aurait à l’Élysée au côté même du président de la République, une cellule qui, avec la police, avec la justice, ferait pression pour que des affaires soient lancées et d’autres étouffées”. Sarkozy n’échappera pas à l’accusation, comme ministre de l’Intérieur puis comme président : anciens des RG qui surveilleraient des journalistes dont ceux de Médiapart, réquisitions illégales auprès d’opérateurs téléphoniques (affaires des “fadettes”)… Sous le présent quinquenat, la façon dont N. Sarkozy a été compromis dans treize affaires, écouté, y compris sous son pseudonume de Bismuth, crée de nouveaux soupçons : tout cela se produit-il spontanément ? Le Tracfin est-il employé comme relais ? Le syndicat de la magistrature ? Tous les arguments que l’on retrouvera dans la rhétorique de Fillon (le fait que des révélations soient orchestrées n’enlevant rien sur le fond au fait que les révélations soient vraies, comme dans le cas des mails fuités du parti démocrate américain).

Savoir s’il existe ou a existé des groupes informels remplissant la fonction cabinet noir, voilà ce dont nous n’avons aucune compétence pour trancher et qui demande des enquêtes de fond.

En revanche, il y a une bonne probabilité que – indépendamment de la moralité ou du respect des principes républicains par la droite ou la gauche – la tentation en soit forte.

La première est que l’aspect surveillance/dissimulation est techniquement de plus en plus facile (voire l’accumulation des révélations sur la surveillance par la NSA, la Cia, le FBI etc qui ne cesse depuis des années : pourquoi cela ne se produirait-il jamais en France). Que des services d’État puisse accumuler les moyens de suveiller, c’est évident. Et que des fonctionnaires qui se trouveraient en présence de pièces compromettantes sur tel ou tel homme politique connu, n’ouvrent jamais le parapluie, ne transmettent jamais à leur hiérarchie ou que les sujets hypers sensibles soient cloisonnés : voilà ce qu’un enfant de huit ans aurait du mal à croire.

Mais après la dissimulation, la stimulation : déclencher des mécanismes de mise en cause, judiciaire et/ou médiatique, pour compromettre (un “kompromat” disent les Russes) si l’on bénéficie de relais idéologiques auprès de fonctionnaires acquis à votre cause ou auprès d’une presse qui, sans vous adorer positivement, est toute prête à faire un scoop en lynchant votre adversaire qu’elle n’aime guère.
Tout savoir sur l’adversaire et jouer des relais d’influence des deux ressorts de nos sociétés post-politiques – règne du droit, indignation médiatique – : pas besoin d’être un esprit machiavélique pour songer à des recettes aussi en accord avec les tendances du temps.

Source : François-Bernard Huyghe, 25-03-2017

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URL: http://www.les-crises.fr/cabinet-noir-par-francois-bernard-huyghe/

[Bien sûr…] Et maintenant l’Éducation Nationale recommande le Décodex !

[Bien sûr…] Et maintenant l'Éducation Nationale recommande le Décodex !

Pays en perdition…

Le 8 février dernier, j’ai alerté sur la volonté du Monde d’investir les écoles :

J’ai bien vu que j’ai eu un succès d’estime.  🙁

Vous savez, en général, il y a des principes assez simples (genre : “on ne doit pas aller en prison pour des opinions non violentes”, “un journaliste n’a rien à faire dans une école, c’est aux enseignants à enseigner”, etc.). Ou on les respecte, ou on ne le respecte pas. Après, il y a toujours des situations limites, où on voudra inciter à briser le principe “pour la bonne cause”. Mais très souvent, quand la digue est brisée, on ne peut plus arrêter le mouvement.

Hier, j’ai ainsi reçu ce mail d’un lecteur :

Bonjour M. Berruyer,

Je viens d'un seul coup de me rendre compte à quel point vous avez 1000 fois raisons sur cet affaire de Decodex, et qu'il est du devoir de tous de ne rien laisser passer. Mon fils est en 5e, et en tant que parent d'élève je m'informe de ce qui s'y passe comme tous les autres parents via Liberscol [NdR : le “cartable électronique” du collège auquel ont accès les parents]. Et voilà ce que le collège vient d'envoyer à tous les parents :

http://www.clemi.fr/fileadmin/user_upload/espace_familles/guide_emi_la_famille_tout_ecran.pdf

S'il vous plaît ne zappez pas et allez à la page 22 de ce document, vous y lirez un chapitre tenez-vous bien de Mr Samuel Laurent. Je suis plus qu'en colère et je vais faire un scandale dès demain au collège de mon fils. Ce qu'il se passe est gravissime, et je vous soutient à 100% dans votre action en justice contre ces gens, il ne faut plus rien laisser passer. Y aura-t'il une 2e collecte ? Je veux participer. Ne lachez rien. Bien à vous,

Voici ce qu’on y trouve :

On notera au passage que le Clémi est récidiviste, car dans le “dossier pédagogique 2017 de la Semaine de la presse et des médias dans l’école” qui vient d’avoir lieu, on trouve des recommandations pour le blog Conspiracy Watch de Rudy Reichstadt dont a vu les méthodes… (nous en reparlerons) :

Ainsi, je voudrais donc savoir si quelques personnes ont envie de se bouger un peu, pour m’aider à remonter ce sujet aux associations de parents d’élèves, au Ministère et aux élus du Clémi ? Me contacter ici.

En attendant vous pouvez réagir, en contactant le Clémi (Par mail, Twitter @LeCLEMI, Facebook), pour vous plaindre en indiquant entre autres qu’il ne revient pas au Clémi de faire de la publicité pour des entreprises privées (comme Le Monde), et encore moins pour des outils biaisés et très contestables comme le Décodex.

Sinon, ce n’est pas grave, c’est Samuel Laurent qui va éduquer vos enfants… 🙂

Je vous laisse en tout cas imaginer où ce mouvement en sera dans 2 ou 3 ans à ce rythme sans réaction – ils ont bien dit qu’ils étaient “en guerre“…

P.S. Le lecteur m’a réécrit ce soir :

Bonjour Olivier,
J'ai exprimé ce matin tout mon ressenti au directeur du collège de mon fils en lui faisant remarquer :
1 – qu'une information se devait d'être neutre et non partisane
2 – que j'étais adulte et responsable et que je n'avais nullement envie d'être « guidé » (Surtout par Samuel Laurent)
3 – qu'un collège relevant de l'Éducation Nationale censé défendre la langue française diffuse un document truffé d'anglicismes (digital native, real life, fact-checking etc.), même s'ils sont devenus à tort ou à raison langage courant sur le Net, me paraissait contraire à la loi du 4 août 1994 et à notre constitution.
Je l'ai senti gêné, et sans que je lui demande il a purement et simplement retiré ce document du Liberscol du collège. Fin de l'épisode. (Pour l'instant)

Lors de la publication de vos premiers articles sur le Decodex j'avoue très honnêtement avoir fait partie des personnes qui trouvaient que vous en faisiez trop. Cet épisode m'a ouvert les yeux et votre réaction était je le reconnais saine. Cette histoire va beaucoup plus loin qu'on ne le pense.
Cordialement,

Comme quoi, la mobilisation, ça paye… 🙂  Mais combien d’autres collèges où cela continue ?

Précision : il n’y a aucune allusion ethnique dans mon propos – je cherchais juste un dessin d’évangélisateur. Les journalistes risquent bien de commencer plutôt par Louis le Grand que par Bobigny…

URL: http://www.les-crises.fr/bien-sur-et-maintenant-leducation-nationale-recommande-le-decodex/

Trusts : Invalidation de l’amende proportionnelle de 12,5% par le Conseil constitutionnel, par Nicolas Marguerat, Avocat

Trusts : Invalidation de l'amende proportionnelle de 12,5% par le Conseil constitutionnel, par Nicolas Marguerat, Avocat

En passant, toujours dans notre série “Le Conseil Constitutionnel 2.0”

Source : Village de la Justice, Nicolas Marguerat, 23-03-2017

Dans sa décision 2016-554 du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel avait annulé l'alinéa 2 de l'article 1736 du Code général des impôts qui prévoyait une amende proportionnelle de 5% pour non-déclaration des comptes détenus à l'étranger dès lors que le montant global desdits comptes était supérieur à 50.000 euros.

Dans une nouvelle décision 2017-618 du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions de l'article 1736, IV bis du Code général des impôts (applicables jusqu'au 31 décembre 2016) qui prévoyaient une amende proportionnelle de 5% ou de 12,5% pour défaut de déclaration des trusts constitués à l'étranger.

L'amende proportionnelle de 5% a été applicable du 29 juillet 2011 au 8 décembre 2013 dès lors que ce montant était supérieur à l'amende forfaitaire de 10.000 euros (c'est-à-dire en pratique lorsque la valeur du trust excédait 200.000 euros) et celle de 12,5 % du 8 décembre 2013 au 31 décembre 2016 dès lors que ce montant était supérieur à l'amende forfaitaire de 20.000 euros (c'est-à-dire en pratique lorsque la valeur du trust excédait 160.000 euros) pour les infractions relatives aux déclarations devant être souscrites durant ces périodes.

Le Conseil d'État avait transmis au Conseil constitutionnel le 26 décembre 2016 une question prioritaire de constitutionnalité en interrogeant le Conseil sur le fait de savoir si les dispositions de l'article 1736, IV bis du Code général des impôts prévoyant, d'une part, l'amende proportionnelle (de 5% ou 12,5%) portaient atteinte en particulier au principe de proportionnalité des peines et, d'autre part, l'amende forfaitaire (de 10.000 euros ou 20.000 euros) portaient également atteinte aux principes d'égalité devant la loi et d'individualisation des peines.

L'inconstitutionnalité de l'amende proportionnelle était attendue puisque le Conseil constitutionnel avait déjà sanctionné l'alinéa 2 de l'article 1736 du Code général des impôts sur la base des mêmes arguments dans sa décision du 22 juillet 2016…

Le Conseil constitutionnel avait estimé dans ladite décision de ce qu'en sanctionnant le manquement à une obligation déclarative une amende calculée par application d'un pourcentage du solde du compte bancaire non déclaré méconnaissait le principe de proportionnalité des peines.

Le Conseil constitutionnel avait décidé, au visa de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que « l'amende de 5%, qui réprime l'absence de déclaration annuelle des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger, est fixée en pourcentage du solde de ces comptes dès lors que le total de ces soldes excède 50 000 euros au 31 décembre de l'année. Cette amende est encourue même dans l'hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n'ont pas été soustraites frauduleusement à l'impôt. En prévoyant une amende proportionnelle pour un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les dispositions contestées, qui méconnaissent le principe de proportionnalité des peines, doivent être déclarées contraires à la Constitution. »

Le Conseil constitutionnel avait par contre validé le principe de l'amende forfaitaire.

Bis repetita placent !

Dans sa décision du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel censure donc l'amende proportionnelle (de 5% applicable jusqu'au 8 décembre 2013 et de 12,5 % applicable jusqu'au 31 décembre 2016) en ce que celle-ci méconnait le principe de proportionnalité des peines.

En effet, le Conseil constitutionnel retient […]

Lire la suite sur : Village de la Justice, Nicolas Marguerat, 23-03-2017

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URL: http://www.les-crises.fr/trusts-invalidation-de-lamende-proportionnelle-de-125-par-le-conseil-constitutionnel-par-nicolas-marguerat-avocat/

Graphique de Marine Le Pen sur TF1 : “Décodeurs” ou déconneurs ? Par Emmanuel Lévy

Graphique de Marine Le Pen sur TF1 : "Décodeurs" ou déconneurs ? Par Emmanuel Lévy

Comme quoi, il reste encore des journalistes dans le pays… 😉

N.B. la non réévaluation monétaire de l’Allemagne est aussi un problème pour le Royaume-Uni… et les États-Unis par exemple.

Source : Marianne, Emmanuel Lévy,  23/03/2017

Pour démonter l’argumentaire anti-euro de Marine Le Pen, nos confrères des Décodeurs du “Monde” se sont attaqués au graphique que la candidate a exposé lors du débat. Problème : à trop vouloir jouer les justiciers, l’équipe en oublie parfois la rigueur mathématique.

Titré « Les manipulations graphiques de Marine Le Pen sur l'euro », l’article des Décodeurs promettait d’envoyer du lourd. Il s’agissait de montrer que le graphique brandi par Marine Le Pen lors du débat des 5 « gros » candidats sur TF1 le 20 mars, était trompeur. Celui-ci visait à montrer un lien de causalité entre, d’une part, l’introduction de l’euro et, d’autre part, la désindustrialisation de la France, notamment, et, inversement, la bonne tenue de l’industrie allemande, processus décrit par les statistiques de la production industrielle. L’euro responsable de la débâcle industrielle du pays, ce thème est un des principaux axes du Front national, qui propose la sortie de la monnaie unique, tandis que Jean-Luc Melenchon, lui aussi critique vis-à-vis de l’euro, évoque le retour à une monnaie commune.

La démonstration s’attaque d’abord sur la forme

Pour étayer son propos, la candidate du FN exhibe donc un graphique tiré de séries qui semblent être sourcées OCDE. Ce n’est pas ce point que contestent les Décodeurs, mais le fait d’avoir utiliser une base 100 en 2001.

Cette opération mathématique (on applique à chacune des courbes deux opérations, une division par la valeur qui est la leur au point de référence, puis une multiplication par cent) est une technique courante en économie pour apprécier et comparer des phénomènes. En math, cela s’appelle une homothétie, et cette opération (la multiplication par un scalaire positif) conserve les principales propriétés de la courbe, son sens, sa vitesse notamment. On peut même parfois voir des graphiques appliquant une autre transformation, le logarithme, mais qu’importe… La base 100, c’est standard.

Au passage, dire que l’utilisation de la base 100 « fait naturellement croiser les courbes », est mathématiquement faux, elle peuvent tangenter, à l’instar des trajectoires de deux boules de billard qui se cognent.

Une autre critique des Décodeurs est l’absence d’un référentiel extérieur à l’euro. En effet, si l’on veut tester l’hypothèse selon laquelle c’est le facteur euro qui explique la désindustrialisation de la France, il est nécessaire d’observer un autre pays qui ne dispose pas de la monnaie unique sur la même période. Ce qu’en effet Marine Le Pen ne fait pas. Comme les Décodeurs, Marianne a ajouté la courbe retraçant l’évolution de la production industrielle de la Grande-Bretagne, en corrigeant la petite erreur de nos confrères qui on mal calibré leur base 100 pour l’Allemagne…

Voilà qui permet de discuter du fond

Si Marine Le Pen affecte toute la responsabilité du déséquilibre entre la situation de l’Allemagne d’un coté et celles des autres pays de la zone euro de l’autre, les Décodeurs, eux, disculpent entièrement la monnaie unique, et chargent « la crise financière partie des Etats-Unis, en 2008, qui a largement fait chuter la production des secteurs industriels.»

Ce tableau 1 qui reprend celui de Marine Le Pen, avec la courbe britannique, montre bien que le facteur euro est un bon candidat pour expliquer une part non négligeable de la perte de compétitivité des pays du Sud, dont la France. Pas tout certes, mais les destins de la France et de la Grande Bretagne sont parallèles, et l’on voit bien que notre voisin d’outre-Manche, qui a la main sur sa monnaie, s’en tire mieux.

Ce tableau 2, qui reprend les même données mais place la base 100 en 2007, permet, lui, d’appréhender le facteur « crise financière » sur l’évolution des productions industrielles. Si les 5 pays doivent faire face à une chute massive, l’Allemagne retrouve dès 2011 son niveau d’avant la crise, elle semble même retrouver sa croissance tendancielle pour finir à 103 en 2016. Ce n’est le cas d’aucune autre nation. En 2016, la production industrielle de l’Espagne, la plus amochée, demeurent 25% inférieure à son niveau de 2007, la France en perd 13% et la Grande-Bretagne 5%.

Comment expliquer ces destins si différents

L’Allemagne a fait d’importants choix de société et d’organisation de son système de production à la suite, et même un peu avant, l’introduction de la monnaie unique. On peut ainsi citer : la modération salariale décidée sous Schroeder ; l’intensification de sa spécialisation dans des secteurs, comme les machines outils, portés par la croissance mondiale du commerce ; mais aussi l’approfondissement de la sous-traitance avec ses voisins de la mittle europa, Pologne et République tchèque en tête, qui ont eu la bonne idée de rester en dehors de l’euro, ce qui leur permet d’ajuster leur compétitivité coût aux besoins de leur grand voisin donneur d’ordres. Cette intensification des avantages compétitifs vis-à-vis de ses concurrents français, mais aussi britanniques et Américains, a permis à l’Allemagne de profiter pleinement des effets de la monnaie unique. Et notamment du taux de change.
Comme le taux de change de l’euro résultant de façon implicite comme la moyenne de ceux qui auraient dû s’appliquer pour chaque pays, l’Allemagne a pu profiter d’une monnaie plus faible que ses excédents commerciaux le laissait présager. Durant les années d’après guerre, le mark se renchérissait, les salaires allemands augmentaient au même rythme que la productivité et sa traduction, les excédents commerciaux. Ce n’est plus le cas après 2002, des montagnes de cash se sont accumulées outre-Rhin. Du cash qui a trouvé tout naturel de financer la bulle immobilière espagnole, comme le déficit grec. Ce déséquilibre inhérent à l’euro – ce que les économistes anticipaient parfaitement sachant que notre zone monétaire n’est pas optimale – a explosé avec la crise des subprimes venue d’Amérique.

Conclusion : aux effets de premier tour, l’euro a bien favorisé le pays disposant des meilleurs atouts, d’autant qu’il a tout fait pour les renforcer, s’ajoutent les effets de second tour, du fait des déséquilibres inhérents.

Mettre tout sur le dos de l’euro comme le fait Marine Le Pen n’a cependant pas plus de sens. La financiarisation des économies, la montée en puissance industrielle de la Chine, comme les déséquilibres mondiaux, sans compter, pour la France, les mauvais choix industriels de nos gouvernements successifs et des dirigeants (Areva, Alstom, Alcatel pour ne citer que ces trois catastrophes industrielles), ont une part notable dans le processus de perte de substance industrielle de l’hexagone. Mais l’euro est un facteur loin, très loin d’être marginal.

Réfléchir à l’avenir de notre monnaie, comme le font des économistes tel Thomas Piketty (lui souhaite un parlement de l’euro) loin d’être proche de la candidate frontriste n’a rien d’incroyable. Le débat est loin d'être éteint. Dans La Fin de l’Union européenne (*), Coralie Delaume et David Cayla évoquent une sortie, quand le prix Nobel Joseph Stiglitz l'appelle explicitement de ses voeux : l'Union européenne et la zone euro en particulier sont des échecs économiques. D'autres estiment que les coûts sont infiniment supérieurs aux bénéfices qu'une telle sortie entraînerait. C'est un débat, arguments contre arguments, qui ne peut être escamoté.

(*) La Fin de l’Union européenne, Edition Michalon, 255p., 19€

Article mis à jour le 24.03.2017 à 16h5

Suite à la publication de notre article, Le Monde a publié une nouvelle version de son papier, reconnaissant que la version originale avait pu “susciter des malentendus“.

Source : Marianne, Emmanuel Lévy,  23/03/2017

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Lire aussi sur Arrêts sur Images…

LA COURBE DE LE PEN, L’EURO, ET LA PRODUCTION : PAS DE MANIPULATION…mais des choix de représentation orientés

Source : Arrêt sur images, Manuel Vicuña, Capucine Truong, 22/03/2017

L’introduction de l’euro aurait bénéficié à l’industrie allemande au détriment de la France. C’est ce qu’a voulu prouver Marine Le Pen au débat télévisé de TF1, le 20 mars, en brandissant un graphique. Sans attendre, le graphique en question a été scruté par les Décodeurs du Monde. Leur verdict : un graphique “trompeur”“une manipulation.” Analyse immédiatement réfutée par le blogueur Olivier Berruyer. Qu’en est-il ? Selon nous, le graphique n’est pas erroné, mais est un choix de représentation parmi d’autres, qui a certes l’avantage de servir le propos de la candidate. Trompeur ? Ce serait plutôt l’analyse qu’en tire la candidate qui est sujette à caution.

C'est un graphique que Marine le Pen présente face caméra. Lundi 20 mars, lors du débat organisé sur TF1, la candidate FN a réitéré sa volonté de sortir la France de l'euro. Pour étayer son propos, elle a brandi un graphique censé montrer qu'en termes de production industrielle, le passage à l'euro en 2001 a bénéficié à l'Allemagne plutôt qu'à la France. Un graphique qui divise. Les Décodeurs du Monde démontent un ensemble de courbes “trompeur” et pointent “les manipulations graphiques” de Marine Le Pen. Voilà qui a donné lieu à d'autres accusations de manipulation, cette fois ci à l'encontre des Décodeurs, de la part d'Olivier Berruyer qui multiplie les passes d’armes avec l’équipe des Décodeurs depuis que son site Les-crises.fr a reçu un carton rouge de la part du Decodex (voir notre émissionavec le responsable des Décodeurs).

 

À lire sur : Arrêt sur images, Manuel Vicuña, Capucine Truong, 22/03/2017

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URL: http://www.les-crises.fr/graphique-de-marine-le-pen-sur-tf1-decodeurs-ou-deconneurs-par-emmanuel-levy/

Yémen AN III : La guerre huis-clos d’un « rogue state », par René Naba

Yémen AN III : La guerre huis-clos d'un « rogue state », par René Naba

Pour mémoire, René Naba est un écrivain et journaliste, spécialiste du monde arabe. De 1969 à 1979, il est correspondant tournant au bureau régional de l'Agence France-Presse (AFP) à Beyrouth puis de 1979 à 1989, il a été responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l’AFP.

Source : Madaniya, René Naba24/03/2017

«Le Yémen est le cimetière de ses envahisseurs. Evitez le». Recommandation du Roi Abdel Aziz Al Saoud, fondateur de la dynastie wahhabite, à ses héritiers.

UNE PROMENADE DE SANTÉ QUI VIRE AU CAUCHEMAR

Le baptême de feu du Roi Salmane Ben Abdel Aziz au Yémen, le 25 Mars 2015, deux mois après son accession au trône, se voulait une démonstration de force et de vigueur du monarque, au terme de dix ans de léthargie induite par son prédécesseur le nonagénaire Abdallah.

Œuvre de son fils, le prince Mohammad Ben Salmane, le prince héritier du prince héritier, l'expédition punitive de ce monarque octogénaire, de surcroît pâtissant d'une maladie handicapante (Alzheimer), contre le plus pauvre pays arabe, a tourné au cauchemar. La promenade de santé a viré au voyage au bout de l'enfer.

Le souverain, prudent, avait pourtant pris toutes les précautions : Pour la première guerre frontale de la dynastie wahhabite depuis la fondation du Royaume il y a près d'un siècle, une coalition de sept pays avait été mise sur pied alignant 150. 000 soldats et 1.500 avions. Une task force secondée par des mercenaires des compagnies militaires privées du type Blackwater de sinistre mémoire et la connivence tacite des « Grandes Démocraties Occidentales».

Le châtiment se devait être exemplaire et dissuader quiconque se dresserait contre l'hégémonie saoudienne dans la zone, particulièrement les Houthistes, secte schismatique de l'Islam orthodoxe sunnite, d'autant que la dynastie wahhabite considère comme sa chasse gardée absolue, son sas de sécurité, le Yémen, ce pays situé à la droite (yamine) sur le chemin de La Mecque, selon sa signification étymologique.

Mais « La tempête de la fermeté » s'est révélée catastrophique, malgré le blocus naval de la Ve flotte américaine de la zone (Golfe persique-Océan Indien), en dépit du puissant coup de main de la France à un mini-débarquement de troupes loyalistes à Aden, depuis la base militaire française de Djibouti. Malgré l'encadrement français des troupes saoudiennes assuré par le contingent de la Légion Étrangère stationné sur la base française d'Abou Dhabi, « Zayed Military City».
Malgré l'aménagement d'une base arrière saoudienne dans le ville portuaire d'Assab (Érythrée), sur la Mer Rouge, pour le recrutement et la formation des cadres de l'armée loyaliste pro saoudienne.

LA PROBLÉMATIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DU YÉMEN : UN COCKTAIL EXPLOSIF À BASE DE CORRUPTION ET DU QAT

Le déclin des revenus pétroliers
Le revenu moyen annuel du Yéménite s'élève à 950 dollars par an (660 euros) du fait d'une guerre civile larvée depuis des décennies, du déclin de la production du pétrole, de la corruption et de la surconsommation du Qat.
La production de pétrole au Yémen a dégringolé ces six dernières années, passant de 450 000 barils par jour à 180 000 barils. Cette tendance était contrebalancée par les prix élevés du pétrole, qui constitue toujours 80% des revenus du gouvernement. Mais cette manne s'effondre, alors qu'une part toujours plus grande de l'argent est utilisée pour combattre les Houthistes.
Les Yéménites consacrent plus de 6% de leur PIB (Produit intérieur brut) aux dépenses militaires, ce qui les place au 7e rang mondial.

Corruption
Peu de pays peuvent rivaliser avec le Yémen en matière d'intensité et de créativité de la corruption. Parmi les près de 100 000 combattants que les généraux yéménites dirigent, un tiers environ sont des « soldats-fantômes », qui soit n'existent pas, soit ne se présentent jamais. Les officiers qui commandent ces fantômes gardent pour eux leurs salaires, revendent leurs armes et leurs couvertures, et alimentent ainsi le marché noir. Des fonds non-militaires sont également détournés, des hommes d'affaires engrangent d'énormes profits par le biais de contrats à fournisseurs uniques. Et il y a aussi les mezaniyya, ces subventions que le gouvernement accorde régulièrement aux tribus traditionnelles pour les aider à préserver leurs structures ; l'argent finit en fait souvent dans les poches des dirigeants tribaux.

Le Qat
Enfin, le Qat, un des gros postes de dépenses des Yéménites, ravage les budgets des familles, en même temps que leur santé. Cette plante dont l'effet stimulant est comparable à celui de l'amphétamine est d'usage répandu non seulement au Yémen mais aussi dans la totalité de la Corne de l'Afrique. Sa culture se fait au détriment de l'agriculture. Gros consommateurs de Qat, nombreux sont les yéménites qui consacrent le quart de leur revenu à cette drogue, au détriment des autres postes de dépenses du budget familial (éducation, santé, alimentation, habillement).

LE STATUT MINORITAIRE DES CHIITES

Au delà de cette problématique, les Houthistes, secte minoritaire de l'Islam, pâtissent de la même stigmatisation que les Chiites de Bahreïn en ce que le primat sunnite du Monde arabe frappe de suspicion toute revendication égalitaire qui battrait en brèche leur hégémonie, en accusant les contestataires d'être des « agents à la solde de l'Iran».

En fait, les Houthistes et leurs alliés souhaitent une participation plus active à la vie politique du pays, en proportion de leur importance démographique, au partage des richesses, de même que le respect du statut juridique relevant de leur confession. Le code de l'héritage faisait aussi partie des enjeux, car chez les sunnites, l'héritier mâle obtient le double de la part de la fille, alors que chez les Houthistes et, de manière générale, chez les chiites, l'héritage se fait à part égale entre filles et garçons.

Dans ce conflit hégémonique régional, l'Iran représente une double menace d'abord en temps qu' « État révolutionnaire » dans une zone hyper conservatrice, ensuite qu'en tant que pouvoir fonctionnant sur le système électif, un système honni par les autocrates du Golfe, deux notions mortelles pour une monarchie absolutiste qu'est la dynastie wahhabite.

Le levier chiite-sunnite apparaît dans ce contexte comme un moyen détourné pour justifier ce combat contre un pays dont l'exemple pourrait contaminer l'ensemble des pétromonarchies. Le Sultanat d'Oman se refuse à cette logique éradicatrice en ce qu'il considère ce conflit régional comme une source d'affaiblissement de tous les protagonistes et un justificatif à une plus grande mainimise étrangère sur cette zone pétrolifère. Une façon de témoigner de son indépendance en secouant la tutelle trop lourde des Saoudiens

LES HOUTHISTES TAILLENT DES CROUPIÈRES À LEURS ADVERSAIRES

Malgré la disproportion des rapports de force, les Houthistes ont réussi à tailler des croupières à leurs adversaires. Et dès les premiers jours du conflit, ce fut la débandade. Les troupes saoudiennes ont déserté leurs postes face aux rebelles leur laissant près de 30 blindés en guise de prises de guerre. Au total 400 soldats saoudiens ont été tués au premier semestre du conflit.
La coalition sunnite, elle-même, s'est lézardée. Le Pakistan a refusé d'y participer de crainte d'être instrumentalisé. L'Égypte a pris ses distances face à la montée en puissance d'Al Qaïda, l'allié tacite des wahhabites, sur une base sunnite. Et les Émirats Arabes Unis ont levé le pied après quinze mois de combat.
Le 13 Août 2015 fera date dans les annales de cette guerre : les troupes d'Abou Dhabi, fer de lance de l'assaut contre Aden, bien que bénéficiant d'un encadrement technologique français depuis la base de Djibouti et la base aéronavale française de Cheikh Zayed, à Abou Dhabi même, ont essuyé de lourdes pertes en hommes et en matériel. Cent soldats ont été tués et une douzaine de chars Leclerc détruits ou endommagés. Le quotidien libanais « Al-Akhbar » ira même jusqu'à titrer qu'« Aden a été le cimetière des Chars AMX Leclerc », la fierté de l'armement français.

Fin août enfin, un terrible attentat contre une position pétro monarchique à Marib faisait 92 tués dans les rangs des assaillants notamment 45 soldats d'Abou Dhabi, 10 saoudiens et 5 qataris. Avec en prime la capture par Al-Qaïda pour la péninsule arabique de plusieurs soldats émiratis de même que leur équipement blindé.

PRIME DE 7.500 DOLLARS PAR SORTIE AÉRIENNE ET UNE BENTLEY POUR CHAQUE PILOTE SAOUDIEN

Un désastre absolu en dépit de la présence de pilotes mercenaires français et américains, opérant dans les rangs saoudiens, alléchés par des primes de l'ordre de 7.500 dollars par sortie aérienne. Avec en surprime, une Bentley offerte par le prince Walid Ben Talal pour chacun des 100 pilotes saoudiens participant au bombardement du Yémen. Sans doute une façon très personnelle de développer le patriotisme, le sens du devoir et le goût du sacrifice au sein des forces armées saoudiennes.

SUD YÉMEN VERSUS SUD D'ARABIE

L'Arabie saoudite répliquait, en septembre 2015, avec l'intervention au sol de la coalition pétro monarchique, donnant une nouvelle dimension au conflit, conduisant les Houthistes, les contestataires de la « Pax Saoudiana », à porter la guerre sur le territoire même du Royaume.

L'opération terrestre saoudienne paraissait tout autant destinée à purger le traumatisme infligé à l'opinion locale après le lourd bilan de Marib et à calmer les craintes des parrains occidentaux quant à l'aptitude militaire saoudienne à mener à bonne fin cette guerre… qui apparaît sans fin.

TURPITUDES ET IMPOSTURES

A – La triple imposture de Tawakol Kkarmane
La guerre pétro monarchique contre le Yémen a mis en relief la triple imposture du Prix Nobel de la Paix 2011 et les turpitudes occidentales.
Unique femme membre de la confrérie des Frères Musulmans à avoir décroché un Prix Nobel de la Paix dans l'histoire de l'Humanité, Tawakol Karmane a ainsi rallié l'Arabie saoudite dans la Guerre du Yémen contre son propre pays, dans une démarche qui révèle sa triple imposture.

  • En tant que Prix Nobel de la Paix, elle a donné sa caution à une guerre
  • En tant que femme, elle a rallié le pays le plus régressif en matière des droits de l'Homme
  • En tant que Yéménite, elle a rallié les agresseurs de son propre pays

B- Les turpitudes occidentales
Complices tacites de l'agression pétro monarchique contre le Yémen, les pays occidentaux n'ont pipé mot ni contre les graves violations du droit humanitaire internationale, ni, pis, contre l'instrumentalisation des groupements djihadistes dans la guerre anti-houthistes.

Ainsi le Parti Al-Islah, la branche yéménite des Frères Musulman, a fait office de fer de lance du combat anti-houthistes bien que la confrérie soit inscrite sur la liste noire des organisations terroristes, alors qu'Al Qaida, la matrice des groupements djihadistes, opérait une percée remarquée dans le sud Yémen.

LE HADRAMAOUT SOUS LA COUPE D'AL QAIDA

Sans craindre la contradiction, l'Arabie saoudite s'est appliquée, à la faveur de la nouvelle guerre du Yémen, à aménager une plate-forme opérationnelle pour Al-Qaïda, son ennemi intime, dans la Hadramaout (Sud-Yémen) afin de disposer d'un débouché maritime qui lui permettrait de contourner le détroit d'Ormuz, à portée de tirs de l'Iran.
Au Sud Yémen même, une sourde lutte d'influence oppose d'ailleurs l'Arabie saoudite et Abou Dhabi sur le degré de coopération avec le parti Al-Islah, bête noire d'Abou Dhabi, en superposition à un conflit latent entre les Frères Musulmans et « Al-Qaïda pour la Péninsule Arabique » pour le contrôle du sud Yémen. Les Émirats ont d'ailleurs suspendu leur participation à la guerre le 16 juin 2016, au terme de 15 mois d'engagement, laissant sur le tapis 52 tués, et 3 hélicoptères abattus.

Le Hadramaout est ainsi tombé sous la coupe d'Al-Qaïda. Paradoxalement, à la faveur d'un coup de pouce de la France, grâce à un mini débarquement des troupes pro saoudiennes à Aden, parties de la base militaire française de Djibouti et à l'encadrement français des troupes saoudiennes assuré par le contingent de la Légion étrangère stationné sur la base aéroterrestre française d'Abou Dhabi.

Le Hadramaout, la plus importante province du Sud Yémen, représentant le cinquième du territoire sudiste, est ainsi en passe de devenir un sanctuaire d'Al-Qaïda, qui y fait régner sa loi, accaparant ses richesses, le transit de marchandises via le port de Moukalla et les royalties prélevées sur le transit du pétrole.

Le Hadramaout est à Al-Qaïda ce que le Nord de la Syrie est à Daesh, un levier terroriste aux mains des Saoudiens quand Daesh remplit une fonction identique pour le compte de la Turquie.
Français et Saoudiens projetaient d'aménager une plate-forme territoriale pour le président yéménite en exil, Abdel Rabo Mansour Hadi, afin d'y asseoir symboliquement son pouvoir sur le territoire national, mais, en embuscade, Al-Qaïda a raflé la mise, dans un mauvais remake d'un mauvais film. Les belligérants saoudiens et leurs alliés français paraissent avoir perdu de vue le fait que le Yémen est la patrie d'origine du fondateur d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.

Embourbée depuis deux ans au Yémen, en dépit de l'armada qu'elle a mobilisée, la dynastie wahhabite baigne dans la plus grande confusion, s'appuyant ainsi sur le mouvement Al-Qaïda, de même que sur le parti Al Islah, proche des Frères musulmans, deux formations inscrites sur la liste noire des pétromonarchies, promues à nouveau au rang de partenaires de l'ombre.

La guerre frontale contre le Yémen visait à terrasser le petit voisin, afin de l'arrimer définitivement à la sphère d'influence saoudienne et à l'aseptiser de toute velléité contestataire. A défaut, la dynastie wahhabite chercherait à provoquer une nouvelle partition du Yémen, pour réinstaller son homme de paille, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a déserté le pouvoir sous les coups de butoir de ses adversaires Houthistes.

LE BILAN AU TERME DE 18 MOIS DE CONFLIT

Une enquête du Guardian en coopération avec le Yemen Data Project soutient que plus du tiers des attaques aériennes menées par l'Arabie saoudite ont visé des sites civils et pas de sites militaires tenus par les rebelles chiites.

  • Au moins 8. 600 bombardements aériens ont été menés par la coalition saoudienne : 3.577 ont touché des sites militaires et 3.158 des sites « non militaires »
  • Au moins 942 bombardements ont visé des zones résidentielles, 114 des marchés, 34 des mosquées, 147 des infrastructures scolaires et 26 des universités

En savoir plus

La guerre du Yémen a fait près de 10.000 morts depuis le 25 mars 2015, selon un bilan des Nations Unies publié le 30 août 2016, au terme de 18 mois de conflit.
Ce bilan, le dernier en date d'une instance officielle internationale, ne précise pas la proportion de civils parmi les victimes. Il représente plus du double de celui qui était jusqu'à présent dressé par les responsables et organisations humanitaires.
Ce bilan est susceptible de s'alourdir car certaines régions sont privées d'infrastructures médicales et les victimes sont parfois inhumées sans avoir été enregistrées, a précisé le coordonnateur humanitaire de l'ONU, Jamie McGoldrick.

Au conflit armé s'est ajoutée une grave crise humanitaire et alimentaire frappant la population yéménite. Le conflit a provoqué le déplacement de trois millions de Yéménites et contraint 200.000 personnes à l'exil. Sur une population de 26 millions d'habitants, 14 millions ont besoin d'une aide alimentaire, tandis que sept millions souffrent de l'insécurité alimentaire et que que plus de 21 millions de personnes (soit 80% de la population du pays) sont privées d'un accès suffisant aux denrées et aux services de première nécessité, eau potable, soins médicaux, électricité et fuel. Plusieurs hôpitaux ont été bombardés en 2016, poussant l'ONG Médecins sans frontières à évacuer son personnel de six centres de soins le 18 août 2016.

UNE GUERRE À HUIS CLOS

La guerre du Yémen se déroule à huis clos. Aucune voix de la grande conscience humaine, pas plus Bernard Kouchner, Fondateur de « Médecins sans frontières », que Bernard Henry Lévy, le théoricien du botulisme, n'ont pris la peine de dénoncer ce massacre en circuit fermé, encore moins Laurent Fabius, l'ancien ministre des Affaires étrangères, dont les partenaires syriens d'Al Qaida, Jabhat an Nosra, font du « bon travail en Syrie».

Au terme de deux ans de boucherie en circuit fermé, les Nations Unies ont donné à savoir que l'Arabie Saoudite avait utilisé des armes non conventionnelles (armes à sous-munition, voire armes chimiques) et pourrait s'être rendue coupable de crimes de guerre voire de crimes contre l'humanité. Mais le Royaume, fort de sa puissance financière, a menacé de couper les vivres à l'ONU et à la totalité des agences spécialisée, notamment l'UNRWA (Agence de Secours pour les Réfugiés Palestiniens) s'il devait faire l'objet de poursuites.

Pis la dynastie wahhabite a laissé planer la menace d'une Fatwa d'Oulémas Sunnites décrétant l'ONU « Ennemi de l'islam». Un comportement digne d'un état voyou.
Le bombardement d'un 4 me hôpital géré par « Médecins sans frontières » au Yémen –un hôpital pour enfant- en Août 2016, sera fatal à la réputation saoudienne, entraînant le départ partiel des conseillers militaires américains, soucieux de ne pas cautionner des « crimes de guerre».
Le bombardement d'une cérémonie funéraire, le 8 octobre 2016 à Sanaa, qui a fait 140 morts parmi les civils, a accentué les préventions occidentales, à l'égard de la conduite de la guerre par les Saoudiens, incitant les États Unis à se démarquer encore plus de leurs alliés pétro monarchiques en spécifiant publiquement que la coopération saoudo américaine dans ce domaine ne constitue pas « un chèque en blanc».

Camouflet supplémentaire, une immense manifestation de soutien aux Houthistes a eu lieu samedi 20 août 2016 à Sanaa, contrôlée par les rebelles chiites alliés à l'ancien président Ali Abdallah Saleh depuis septembre 2014, en réplique aux bombardement réguliers de la ville par les Saoudiens.

LE PRÉSIDENT NOMINAL DU YÉMEN EN EXIL EN ARABIE SAOUDITE ET LE CHEF DES FRÈRES MUSULMANS YÉMÉNITES, EN EXIL EN TURQUIE

La réunion quadripartite le 26 Août à Djeddah entre John Kerry et ses collègues d'Arabie Saoudite, des Émirats Arabes et du Royaume Uni en vue de dégager une « sortie de crise honorable » pour les pétromonarchies a suscité de vives réactions des autres protagonistes islamistes redoutant leur mise à l'écart.

Daech a revendiqué trois jours plus tard, le 29 Août, un attentat à Aden faisant 60 morts parmi les recrues de la nouvelle armée yéménite commanditée par les Saoudiens et le Chef du Parti Al Islah, Mohammad Abdallah Al Badoumi, depuis sa résidence de Turquie, a annoncé la constitution d'un Front des groupements islamistes radicaux yéménites, par l'alliance de son mouvement avec le groupement salafiste, le Parti Al Rachad (la sagesse), en vue de mener une guerre confessionnelle de longue durée contre les Houthistes.

Pour le lecteur arabophone http://www.al-akhbar.com/node/263964

Drôle de pays dont le président nominal Abdel Hadi Abed Rabbo Mansour vit en exil à Djeddah sous les fourches caudines de son parrain saoudien et le chef des Frères Musulmans yéménites, un des acteurs majeurs du théâtre des opérations,vit, lui, en exil en Turquie sous la houlette de son mentor néo-ottoman… tels de fantoches manipulés par leurs commanditaires

LA LOI JASTA : UNE TUILE SUPPLÉMENTAIRE

Tuile supplémentaire : Alors que le Royaume est enlisé dans un conflit sans fin au Yémen, le congrès américain a en effet voté La Loi JASTA [Justice Against Sponsors of Terrorism Act]. L'adoption de cette loi le 9 septembre 2016 autorisant les Américains à poursuivre le Royaume saoudien en dédommagement des dégâts subis par les pirates de l'air, a placé l'épée de Damoclès en suspension au dessus de la dynastie wahhabite.

15 des 19 auteurs des attentats du 11 septembre à New York et Washington étaient Saoudiens. L'attaque a été commanditée par Al-Qaïda. Les raids contre les symboles de l'hyperpuissance américaine avaient fait 3.000 morts.

La Mairie de New York, réclame à elle seule un dédommagement de 95 milliards de dollars en compensation de la destruction des tours du World Trade Center, des destructions annexes et les pertes humaines des services publics (pompiers, policiers). Au total, le préjudice américain est estimé à près de Trois trillions de dollars (trois mille milliards de dollars).

À l'image de son partenaire saoudien, le pouvoir socialiste français baigne lui aussi dans la confusion la plus totale, car son alliance avec l'incubateur du djihadisme planétaire obère son discours sur une « guerre de civilisations », que Manuel Valls, Premier ministre, ne souhaite pas perdre. En s'alliant avec ses ennemis ? En une nouvelle illustration de la rationalité cartésienne ?

L'Arabie Saoudite s'est imposée sur le marché international des armes comme la deuxième puissance importatrice, derrière l'Inde, avec 9,7 milliards d'euros d'armes importées entre 2010 et 2015, selon Amnesty International. Ce chiffre ne tient pas compte des armes légères. Parmi les plus gros exportateurs mondiaux, figurent, par ordre décroissant, les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

L'action du gouvernement François Hollande a été particulièrement fructueuse sur ce plan, avec un record de 15 milliards d'euros de commandes d'armement signées en 2015, suivie par les États-Unis (6 milliards de dollars) et le Royaume Uni (4 milliards), selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
« Le Yémen est le cimetière de ses envahisseurs. Évitez le». Recommandation du Roi Abdel Aziz Al Saoud, fondateur de la dynastie wahhabite, à ses héritiers. Visiblement les héritiers n'en ont cure de ce conseil et ils en paient le prix…. au prix fort.

Quatre pétro monarchies (Arabie, Qatar, Koweït, Émirats Arabes Unis) ont conclu en 2016 des transactions militaires de l'ordre de 40 milliards de dollars avec les États-Unis. Cette transaction d'une telle importance intervenant en pleine récession économique de ces pays, -de surcroît protégées par un chapelet de bases militaires le long du golfe arabo-persique-, apparaît comme une police d'assurance contre toute tentative de déstabilisation de ces pays, alors que l'Arabie et le Qatar sont particulièrement dans le viseur de l'opinion internationale pour leu rôle dans la promotion du terrorisme islamique à l'échelle internationale.
Riyad et Doha passent pour avoir dépensé, à eux deux, près de quarante milliards de dollars en six ans, dans les guerres de Libye, de Syrie et du Yémen. Pour la plus grande satisfaction de l'Otan et d'Israël, un état supposé être l'ennemi officiel du Monde arabe.

La moralité -tout le moins la morale du grand capital- qui pourrait se dégager de la guerre du Yémen est la suivante : Le dollar est Roi et le Roi du pétrodollar s'intronise ipso facto le Roi des Rois, tout en recyclant au passage ses pétrodollars dans les circuits de la finance mondialisée. Une morale de voyous d'un état voyou.

Source : Madaniya, René Naba24/03/2017

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URL: http://www.les-crises.fr/yemen-an-iii-la-guerre-huis-clos-dun-rogue-state-par-rene-naba/

Le Conseil constitutionnel vide en partie de sa substance la loi “Rana Plaza”, par AFP

Le Conseil constitutionnel vide en partie de sa substance la loi "Rana Plaza", par AFP

Dans notre série sur le Conseil constitutionnel…

Source : L’Express, AFP, 23/03/2017

Paris – Le Conseil constitutionnel a vidé en partie de sa substance la loi dite du “Rana Plaza” obligeant les multinationales françaises à établir un plan de vigilance chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger, en censurant le principe des amendes pour les entreprises récalcitrantes.

Saisi par 60 députés et 60 sénateurs LR, deux jours après l’adoption définitive de la proposition de loi sur le “devoir de vigilance des sociétés mères“, le Conseil a validé jeudi l’obligation d'”établir un plan de vigilance, le mécanisme de mise en demeure, la possibilité pour le juge de soumettre la société concernée à une injonction et la possibilité d’engager sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations“.

Mais les sages du Palais-Royal ont aussi jugé que “le législateur avait défini l’obligation qu’il instituait en des termes insuffisamment clairs et précis pour qu’une sanction puisse être infligée en cas de manquement“.

L’objectif du texte est d’éviter des drames comme l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013, un immeuble abritant des ateliers de confection pour de grandes marques occidentales. Cet accident avait tué plus d’un millier d’ouvriers et blessé plus de 2.000 autres.

Selon la plus haute juridiction française, qui fait valoir “la jurisprudence sur le principe de légalité des délits“, certains termes, tels que “mesures de vigilance raisonnable“, “droits humains” ou “libertés fondamentales“, sont trop généraux ou indéterminés, et le périmètre des sociétés, entreprises et activités entrant dans le champ de l’infraction est “très étendu“.

Le texte, porté par le socialiste Dominique Potier et adopté le 21 février par un vote unanime de la gauche, avait suscité la joie de nombreuses ONG et syndicats, mais aussi provoqué le courroux du Medef et de l’Afep (Association française des entreprises privées).

 

 

Lire la suite sur : L’Express, AFP, 23/03/2017

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URL: http://www.les-crises.fr/le-conseil-constitutionnel-vide-en-partie-de-sa-substance-la-loi-rana-plaza-par-afp/

Les articles en ligne de plus en plus uniformes, par AFP

Les articles en ligne de plus en plus uniformes, par AFP

Source : Le Parisien, AFP, Lionel Bonaventure, 22-03-2017

Les articles en ligne se ressemblent de plus en plus: 64% des contenus sont de purs copier-coller d’autres articles, en particulier de dépêches AFP, selon une étude.

Les articles en ligne se ressemblent de plus en plus: 64% des contenus sont de purs copier-coller d’autres articles, en particulier de dépêches AFP, selon une étude portant sur 2,5 millions d’articles en 2013, publiée mercredi par l’INA.

En utilisant les techniques du “big data”, les chercheurs Julia Cagé (par ailleurs membre du conseil d’administration de l’AFP), Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud ont suivi le circuit de l’info pour 25.000 événements de l’année – c’est-a-dire des faits marquants rapportés par au moins un média. Et ce sur la production de 86 grands médias.

Ils ont ainsi pu déterminer quel média publiait le premier un article sur un événement, après quel délai d’autres lui emboîtaient le pas et quelle était la part de contenu original dans leurs copie.

Premier constat : l’information se propage très rapidement. Il faut en moyenne moins de trois heures (175 minutes) pour qu’un événement couvert par un site le soit aussi par un autre. La moitié des événements donne lieu à des reprises en seulement 25 minutes et un quart en 230 secondes, généralement des reprises de dépêches AFP.

Une fois sur deux, l’AFP a été la première à publier l’information sur un événement, reprise ensuite par d’autres médias après 25 minutes en moyenne.

En revanche, quand un événement est rapporté par un “pure player”, il faut en moyenne près de 7 heures pour qu’il soit repris par un concurrent ou l’AFP – le temps de chercher une confirmation.

Forte de la plus grosse rédaction des médias français, l’AFP a couvert 93% des événements analysés, quand les autres médias n’apparaissent que dans 16% des événements en moyenne.

Si 64% des contenus en ligne sont des purs et simples copier-coller, l’étude pointe du doigt de fortes disparités: 21% des articles sont entièrement originaux, 19% intégralement copiés et plus de la moitié comportent moins de 20% de contenu original. Même hors AFP, 41% des contenus sont copiés d’autres médias.

La quantité d’information originale est d’autant plus menacée que le nombre de journalistes baisse en France : de 37.904 en 2009, les titulaires d’une carte de presse ne sont plus fin 2016 que 35.000 environ.

Or, selon l’étude, augmenter de 1% l’effectif d’une rédaction accroît de 1,2% la production originale.

Puisque l’information est vite disponible ailleurs, il devient très difficile de monétiser une production originale, s’inquiètent les chercheurs. Accroître de 1% le contenu original n’augmente que de 0,018% le nombre de visiteurs uniques.

Le contenu original accroît pourtant la réputation d’un média et à terme le nombre de ses abonnés.

AFP

Source : Le Parisien, AFP, Lionel Bonaventure, 22-03-2017

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Comme cela a ensuite été relevé sur Twitter, cet article… a vite été dupliqué 🙂

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L’étude originale :

Dans L'information à tout prix (Ina Éditions), Julia Cagé, Marie-Luce Viaud et Nicolas Hervé quantifient le recours massif au copié-collé dans les médias en ligne et la vitesse de propagation d'une information. Comment, dans ces conditions, monétiser l'information ? Extraits.

Fragilité ?

Historiquement, les journaux ont été désireux de supporter ces coûts fixes élevés [en particulier les coûts relatifs à la taille de la rédaction, ndlr] car en contrepartie, ils espéraient des profits. Publier une information en exclusivité pour un journal papier lui assurait, au moins durant une journée, une augmentation de ses ventes et donc de ses revenus, car cette information n'était pas disponible dans l'exemplaire papier des journaux concurrent[+]. Autrement dit, l'information avait alors une valeur commerciale.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Sur Internet, sitôt publiée, l'information est disponible presque immédiatement sur le site des journaux concurrents. Comment monétiser dès lors la production d'une information originale ? Quelles incitations les médias ont-ils encore à payer pour une rédaction pléthorique alors qu'ils pourraient se contenter d'un petit nombre de journalistes en charge de monitorer le web et de faire du copié-collé, voire de simples algorithmes et de
« journalistes robots » ? (p.13)
La taille moyenne des rédactions des médias d'information en France diminue de 1 % par an depuis 2013. Or 1 % de journalistes en moins, c'est 1,20 % de moins d'information originale produite. Toutes choses égales par ailleurs, si la diminution de la taille moyenne des rédactions devait continuer au rythme actuel, cela impliquerait qu'en 2020, ce seraient plus de 30 000 articles d'information entièrement originaux de moins qui seraient produits qu'en 2013.Or, au vu des changements actuels, 1 % de baisse par an est une estimation basse de la diminution de la taille des rédactions[+]. Un journal comme L'Express est passé de plus de 120 cartes de presse en 2013 à 40 aujourd'hui, soit un retour à la situation du journal… en 1965. L'Obs, qui a annoncé en juin 2016 un nouveau plan de départs volontaires, avait déjà vu le nombre de ses cartes de presse diminuer de 50 entre 2014 et 2015. Et c'est sans parler d'I-télé qui en 2016 a perdu plus de la moitié de sa rédaction suite au bras de fer qui a opposé les journalistes à un actionnaire intrusif et peu soucieux de déontologie, Vincent Bolloré pour ne pas le nommer. Certes, l'approche quantitative présente de nombreuses limites mais les tendances actuelles font peser une véritable menace sur l'information originale[+]. (p. 16-17) […]
Doit-on s'en inquiéter ? L'enjeu est double ici. On observe une homogénéisation croissante des contenus ; il est facile de la dénoncer, mais l'on peut également décider d'observer le verre à moitié plein et noter que l'un des corollaires de ce recours à la copie est que davantage d'information est mise à disposition du plus grand nombre gratuitement aujourd'hui[+].
Par ailleurs – et c'est ce qui nous semble ici le plus inquiétant –, la combinaison du recours à la copie et de la vitesse de propagation de l'information risque de tuer à terme les incitations des médias à produire une information originale, à faire perdre à l'information originale toute valeur commerciale. Or l'information originale est coûteuse à produire, et la copie mêlée à la réactivité fait de chaque site internet un substitut du site concurrent. Les médias n'arrivent ainsi plus à monétiser cette information si coûteuse à produire. C'est pourquoi il nous a semblé urgent de mettre à plat la réalité de la propagation de l'information en ligne, afin de souligner les difficultés qu'elle fait poser sur le futur de l'information et de nos démocraties.

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URL: http://www.les-crises.fr/les-articles-en-ligne-de-plus-en-plus-uniformes-par-afp/

[Vidéo] Emmanuel Todd sur Donald Trump chez Taddéi

[Vidéo] Emmanuel Todd sur Donald Trump chez Taddéi

Source : Youtube, Hier Aujourd’hui Demain, 21-01-2017

Frédéric Taddéi reçoit l’essayiste Emmanuel Todd pour évoquer l’élection de Donald Trump dans l’émission “Hier, aujourd’hui, demain”, le 15/12/2016

Source : Youtube, Hier Aujourd’hui Demain, 21-01-2017

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URL: http://www.les-crises.fr/video-emmanuel-todd-sur-donald-trump-chez-taddei/

Hôpitaux d’Alep : la sale guerre… par Leslie Varenne

Hôpitaux d'Alep : la sale guerre… par Leslie Varenne

Source : Iveris, Leslie Varenne, 17-03-2017

Pendant toute la durée du conflit à Alep, les hôpitaux de cette ville ont été au cœur de « l'information de guerre ». Les médias occidentaux et les ONG ont déploré tant de bombardements sur les structures de santé situées dans les quartiers Est, que cette partie de la ville aurait pu passer pour la zone la plus médicalisée au monde. Tant de nouvelles, fausses ou approximatives, ont été relayées qu'il a été difficile de démêler l'écheveau. Cependant, après la libération d'Alep, grâce à l'aide de médecins Aleppins rencontrés lors de la mission humanitaire à laquelle l'IVERIS a pu participer, il est désormais possible de dénouer les fils [1].

Une colombe de la paix réalisée par une des sœurs de l'hôpital Saint-Louis d'Alep, avec des balles ramassées dans l'établissement.

Dans la partie nommée « Alep Ouest », restée sous contrôle gouvernemental, les deux hôpitaux publics et les nombreuses cliniques privées ont gardé leurs bâtiments en état fonctionnel tout au long de cette période, même si toutes sortes d'engins explosifs sont tombés dans leurs enceintes. Les problèmes majeurs auxquels ces établissements ont été, et sont toujours confrontés, sont liés à la pénurie de médicaments due aux sanctions imposées par l'Union européenne et les Etats-Unis, à l'afflux de patients, au manque d'eau et d'électricité.

Hôpital al-Kindi

L'hôpital al-Kindi a un statut particulier puisqu'il se trouvait au Nord-Est d'Alep, dans une zone temporairement occupée par les djihadistes. C'était le plus grand établissement public de cette ville, il disposait de 800 lits et du plateau technique le plus performant du Moyen-Orient. Il a été entièrement détruit en janvier en 2013 lors d'une attaque au camion suicide, revendiquée par trois groupes djihadistes : Jabha al- Islamiya, al-Nosra et Fair al-Sham Islamiya. Cet attentat a été filmé et posté sur la plateforme Youtube [2].

 

Dans la partie, appelée « Alep Est », contrôlée pendant tout le conflit, de juillet 2012 à décembre 2016, par les divers groupes armés comme : l’ASL, l’Organisation de l'Etat Islamique (EI) et al-Nosra, la situation a été des plus confuses.

Avant-guerre, dans ces quartiers de la ville, il y avait trois hôpitaux publics et sept cliniques privées, nommées également « hôpital ». Les trois établissements publics : ophtalmologique, pédiatrique et Watani ont été occupés par les djihadistes dès le début des combats [3]. Dès lors, ces trois hôpitaux ont cessé de fonctionner. Le premier a été transformé en quartier général d'al-Nosra, le second en prison et le troisième en siège du tribunal islamique. Ces trois établissements étaient situés sur un même campus. Ils ont été détruits partiellement ou totalement par des raids aériens durant le conflit.

Hôpital Sakhour/ M10

Quant aux cliniques privées, leur situation a été rendue inextricable car les ONG, qui les soutenaient, les ont parfois rebaptisées en leur attribuant des noms de code. – Le gouvernement syrien n'a pas accordé aux ONG le droit de travailler sur son territoire. Seule la Croix Rouge internationale (CICR) a obtenu cette autorisation. Les autres organisations humanitaires, comme Médecins sans Frontières (MSF), Médecins du Monde (MDM) ou la Syrian American Medical Society (SAMS) œuvrent donc en territoire occupés par les divers groupes armés. Elles soutiennent les structures de santé en leur prodiguant des médicaments, du matériel, des fonds pour les salaires et du cash. – Ainsi l'hôpital Sakhour a été appelé M10 pendant toute la guerre. Les Syriens, eux-mêmes, ne savaient pas à quelle structure M10 faisait référence et pourtant son histoire a été la plus médiatisée et la plus extravagante. Le 3 octobre 2016, une dépêche AFP annonce sa destruction par des bombardements des armées syrienne et/ou russe [4]. Ce communiqué crée un tsunami médiatique et diplomatique. Dès le lendemain, Washington dénonce les raids contre « le plus grand hôpital d'Alep », et rompt les pourparlers de paix en cours avec Moscou [5]. De son côté, l'ONU évoque « la plus grave catastrophe humanitaire jamais vue en Syrie » [6]. La France condamne les « crimes de guerre » [7]. En réalité, l'hôpital est toujours là ! L'établissement, n'est certes pas en bon état, mais il n'a pas subi de raids aériens. En outre, cette clinique, spécialisée en traumatologie disposait de 31 lits, ce n'était donc pas « le plus grand hôpital d'Alep Est ». Enfin, sans entrer dans un décompte macabre, un mort est toujours un mort de trop, pendant les six années de guerre, les Syriens ont vu des « catastrophes humanitaires plus graves ». La source qui a donné l'information à l'AFP selon laquelle « l’hôpital a été visé directement par des raids aériens » est l'Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une organisation connue pour ses liens avec l'opposition. Ces faits ont ensuite été validés par la Syrian American Medical Society (SAMS), qui soutenait l'Hôpital Sakhour/M10. En décembre 2016, Adham Sahloul, un membre de cette organisation humanitaire levait le secret en déclarant dans un article « M10 était le nom de guerre de l'hôpital Sakhour » [8]. Pierre Le Corf, un Français, installé à Alep depuis plus d'un an, a visité les lieux très récemment. Il a découvert qu’al-Nosra avait établi un de ses sièges dans la ville à quelques mètres de cet établissement, un fait que SAMS ne pouvait pas ignorer. Le jeune homme a tourné une vidéo de cet étrange « campus »  où se cotoient, le groupe terroriste, les célèbres Casques Blancs et cette organisation humanitaire basée aux Etats-Unis [9]. Par ailleurs, ce film confirme l'impressionnant stocks de médicaments dont bénéficiaient ces structures, ce qui laisserait à penser que contrairement à « Alep Ouest », « Alep Est » n'a pas été soumise à l'embargo.

Hôpital Omar bin Abdel Aziz

L'hôpital privé Omar bin Abdel Aziz, soutenu par Médecins du Monde, a, lui, été détruit par les forces syrienne et/ou russe [10]. Il a été endommagé une première fois en juin 2016 par une frappe aérienne visant un immeuble voisin, mais a néanmoins continué à soigner des patients jusqu'en novembre 2016 [11]. A cette date, il a subi d'autres dommages, attaques à l'explosif, bombardements, sur ce point les dépêches divergent. Il a été signalé comme « le dernier » ou « l'un des derniers » hôpital d'Alep. Reste que cet établissement a bien été dévasté.

Hôpital al-Quds

L'histoire de l'hôpital al-Quds, soutenu par Médecins sans Frontières (MSF), a également donné lieu à un véritable embrouillamini. Le 28 avril 2016, MSF publie une dépêche dans laquelle, il signale que « d'après le personnel soignant sur place, l'hôpital a été détruit par au moins un bombardement aérien qui a directement frappé le bâtiment, le réduisant en ruines.» [12] Comme pour M10, ce communiqué déclenche les foudres de l'ONU, de la France, des médias et des autres ONG [13]. Pourtant cet établissement est, lui aussi, encore debout. L'analyse de la photo montre que toutes les fenêtres ont été soufflées et que cette structure de santé, qui disposait de 34 lits, n'est pas en ruine ; par conséquent, elle n'a pas été visée directement par des bombardements mais a subi les dommages collatéraux de frappes aériennes dans la zone. Selon le témoignage d'un des médecins rencontrés pendant la mission, il y aurait eu un dépôt de munitions d'al-Nosra dans un immeuble contigu. Cette information ne paraît pas absurde, car en temps de guerre, il est fréquent que les groupes armés sécurisent leurs matériels stratégiques près des immeubles réputés « intouchables ». Quelques jours plus tard, le plateau technique d'al-Quds a déménagé 500 mètres plus loin et a pu continuer de fonctionner jusqu'à la fin des combats.

C'est ce que confirme MSF qui le 3 mai 2016, soit cinq jours après son premier communiqué, publiait une mise à jour : « Les frappes aériennes ont d’abord touché les bâtiments voisins, puis l'hôpital Al Quds, principale structure pédiatrique de référence de la ville d’Alep, où des blessés avaient commencé à être transférés. – Il faudra au moins deux semaines avant que l’hôpital ne soit en mesure de rouvrir ; les efforts sont portés sur la réparation et la remise en état de ce qui peut l'être.» [14] Avec ces précisions, l'organisation humanitaire admet, d'une certaine manière, qu'al-Quds n'a pas été totalement détruit. Mais, comme toujours en de telles circonstances, c'est la première dépêche qui est reprise en boucle dans les médias et les mises à jour sont passées sous silence. [14]

De gauche à droite, les cliniques de Zarzour, Zahraa, Machhsad, Daqqaq

Les quatre autres cliniques privées, Zarzour, Machhsad, Daqqaq, Zahraa ont pu continuer à travailler pendant tout le conflit, malgré les conditions extrêmement difficiles comme partout dans Alep, que ce soit à l'Ouest ou à l'Est.

Il n'y a donc pas eu de « dernier hôpital à Alep Est » comme la presse l'a si souvent rapporté, et le « plus grand hôpital d'Alep Est » al-Kindi avait déjà été détruit bien avant de faire la Une des journaux. Un seul hôpital a été touché par un bombardement, tous les autres ont subi les dommages collatéraux liés au conflit. Aux horreurs de la guerre urbaine, où les civils payent toujours un lourd tribut, s'est ajoutée une sale guerre de l'information. En dénonçant dans l'urgence médiatique et en s'empressant de prendre des décisions politiques lourdes de conséquences sans avoir vérifié les faits, les Etats et les Nations Unies font preuve d'un aveuglement volontaire. Dès lors, ils font porter aux ONG et aux agences de presse qui diffusent ces informations une responsabilité immense, elles deviennent, de fait, des acteurs du conflit.

 

Leslie Varenne
Directrice de l’IVERIS

[1] L’auteur de ces lignes, s’est rendue à Alep pour accompagner une mission humanitaire composée de quatre chirurgiens en cardiologie : Victor Fallouh, Antoine Salloum, Daniel Roux et le député Gérard Bapt, qui était présent en tant que cardiologue et non en tant que parlementaire.
Voir également la note de voyage publiée au retour de cette mission https://www.iveris.eu/list/notes_de_voyage/249-alep_la_douleur_et_la_honte

[2] https://www.youtube.com/watch?v=oHOCfJP3wAM

[3] Pour être très précis, l'hôpital ophtalmologique a continuer à fonctionner pendant deux mois après l’occupation des groupes armés, avant de servir de QG à d’al-Nosra. Par ailleurs, le Front al-Nosra, filiale d’al-Quaeda, a  changé de nom, il se fait appeller désormais Fatah el Chaam. Pour ne pas prêter à confusion et comme c’était sous cette appellation qu’il a combattu pendant la guerre à Alep, l’IVERIS continue d’utiliser son ancien nom.

[4] http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20161003.AFP8835/syrie-le-plus-grand-hopital-d-alep-est-detruit-par-des-raids.html

[5] http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/806673/suspension-pourparlers-etats-unis-russie-syrie-alep-onu-bombardement-hopital

[6] http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/806673/suspension-pourparlers-etats-unis-russie-syrie-alep-onu-bombardement-hopital

[7]http://www.francetvinfo.fr/monde/revolte-en-syrie/jean-marc-ayrault-condamne-fermement-le-bombardement-d-un-hopital-a-alep_1851185.html

[8] http://time.com/4599498/aleppo-hospital-obituary/

[9] https://gaideclin.blogspot.fr/

[10] http://www.diplomatie.gouv.fr/en/country-files/syria/events/article/syria-bombing-of-the-omar-bin-abdulaziz-

[11] http://www.la-croix.com/Monde/Un-nouvel-hopital-Syrie-detruit-bombardement-2016-06-15-1300768968

[12] http://www.msf.fr/presse/communiques/syrie-destruction-hopital-al-quds-alep-bombardements-aeriens

[13] https://www.un.org/press/fr/2016/cs12347.doc.htm

[14] En septembre 2016, MSF a publié un rapport sur l’hôpital al-Quds

Source : Iveris, Leslie Varenne, 17-03-2017

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J’en profite pour signaler que j’ai exercé mon Droit de Réponse – comme je le ferai désormais systématiquement – sur l’article des Décodeurs du Monde sur ce sujet :

 

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URL: http://www.les-crises.fr/hopitaux-dalep-la-sale-guerre-par-leslie-varenne/