mercredi 8 février 2017

[WTF] « Le Monde » s’engage dans “l’éducation à l’information” maintenant !

[WTF] « Le Monde » s'engage dans "l'éducation à l'information" maintenant !

Planquez vos gosses ! L’école les rendait analphabètes, elle va les rendre cons désormais!

« Le Monde » s'engage dans “l'éducation à l'information” maintenant !

Source : Delphine Roucaute, pour Le Monde, le 2 février 2017.

Un groupe de journalistes volontaires du « Monde » se propose d'aller faire des interventions en classe, sur la base de contenus pédagogiques mis à disposition de nos lecteurs.

En parallèle du Décodex, ce guide créé par l'équipe des Décodeurs qui permet de vérifier la fiabilité d'un site Internet, s'est développé un projet qui a très vite fusionné avec lui. Car ils sont tous les deux nés d'une même nécessité : rendre le flux d'informations continu plus lisible et plus compréhensible, notamment pour nos jeunes lecteurs. Pour ce faire, Le Monde a décidé de s'engager dans une démarche d'éducation à l'information, à destination des collégiens et des lycéens, par le biais d'interventions en classe et par la mise à disposition, sur son site Internet, de contenus pédagogiques.

Ce projet est né d'un constat : toutes nos démarches de pédagogie que nous lançons au quotidien à travers nos articles ou par l'intermédiaire d'opérations plus ponctuelles comme le Décodex sont essentielles. Mais nos articles ne s'adresseront jamais qu'à nos lecteurs ou – du moins – à des personnes qui ont l'habitude de s'informer.

OB : C’est cruel quand l’inconscient parle, non ?

Alors, comment donner, au plus grand nombre, les clés de compréhension pour naviguer dans l'océan de l'offre médiatique ?

Lutter contre les fausses rumeurs

La question est d'autant plus grave à une époque où tant de fausses informations, rumeurs et autres complots sont diffusés à grande échelle sur les réseaux sociaux, ces plates-formes d'échanges devenues médias, et où les recommandations de nos contacts valent hiérarchie de l'information. À tel point que Facebook a été accusé d'avoir influencé l'issue de l'élection américaine de novembre 2016, en laissant proliférer les fausses informations. C'est à cette occasion que s'est popularisée l'expression « fake news », qui désigne les informations volontairement trompeuses empruntant les codes et la présentation de la presse traditionnelle. Un ennemi difficile à combattre, puisqu'une analyse ne sera jamais autant diffusée que le mensonge d'origine.

Au-delà de notre travail quotidien de journalistes, il nous a semblé essentiel de revenir à la base du problème, et d'expliquer aux adolescents, particulièrement vulnérables aux fausses nouvelles, ce qu'est une information, pour qu'ils apprennent à adopter, pour eux-mêmes, des réflexes journalistiques. Ceux que tout le monde devrait avoir en tête quand il lit, écoute ou regarde un document. Ce que je lis, est-ce une information, une opinion, une rumeur ? D'où vient-elle ? Est-ce du discours rapporté ? Cette image que je vois, de quand date-t-elle ? A-t-elle déjà été utilisée dans un autre contexte ? Etc.

OB : Comme ils vont prendre chers les missionnaires du Monde quand ils vont découvrir la réalité hors de Paris intra-muros…

Un groupe de journalistes prêt à intervenir en classe

C'est pour toutes ces raisons que Le Monde a décidé de s'engager dans l'éducation à l'information.

OB : et comme c’était ça ou la mise en place d’un contrôle de qualité interne…

Notre objectif est de participer à l'effort déployé par l'éducation nationale depuis la rentrée 2016 et de donner aux élèves les clés pour une lecture critique et distanciée de ce qu'ils lisent ou consultent tous les jours à la télévision ou sur leur smartphone via Facebook, Twitter, Snapchat et autres réseaux sociaux.

OB : ce que je donnerais pour voir un journaliste du Monde donner “les clés pour une lecture critique et distanciée”…

En complément du Décodex lancé jeudi 2 février sur Le Monde.fr, nos journalistes ont mis à disposition des internautes une série de fiches pédagogiques destinées à guider leur lecture au quotidien. Nous expliquons notamment pourquoi il est important de vérifier une information avant de la partager, la manière dont on peut juger la fiabilité d'un site ou vérifier une rumeur qui circule sur les réseaux sociaux. Des vidéos déclinant ces thématiques sont également en ligne et peuvent servir de support aux enseignants pour leurs cours. En outre, nous avons développé un kit pédagogique à destination des professeurs, qui comprend des exercices pratiques.

OB : si quelqu’un a envie de regarder ces bidules et de donner son analyse en commentaire… (polie, l’analyse svp…)

Pour tenter de répondre un peu plus à la demande des enseignants, un groupe de journalistes volontaires s'est constitué au Monde, prêt à aller faire des interventions en classe, sur la base de ces contenus, et pour expliquer leur métier, dans une tentative de démystifier toujours un peu plus les idées qu'on se fait d'une profession si visible et si peu connue à la fois.

D'ici à la fin de l'année scolaire 2016-2017, nous tâcherons d'intervenir dans différents établissements, aussi bien généraux que professionnels, de la 6e à la terminale. Cette première phase exploratoire nous permettra, grâce aux retours des élèves et des professeurs, de proposer un projet pédagogique plus ambitieux pour la rentrée de septembre 2017. Aussi, nous lançons un appel aux enseignants intéressés par cette démarche et les invitons à nous contacter pour organiser une rencontre avec leur classe avant le début du mois de juillet.

En seulement deux jours,

OB : soit bien plus que la durée de vie d’une information aujourd’hui…

nous avons déjà reçu près de deux cents demandes de la part d'enseignants de toute la France pour venir intervenir en classe.

OB : 200 sur 1 053 000 – joli… On peut prévenir les parents de ces 200 svp ?

Nous ne serons malheureusement pas en mesure de répondre à toutes ces sollicitations, mais nous nous efforcerons de satisfaire le plus grand nombre d'entre vous.

OB : C’était le “groupe” des 2 Décodeurs du Monde du Décodex ? Si c’est eux, je suis assez pour les renvoyer à l’école en effet…

Ou Piotr Smolar ? 🙂

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Retour aux commentaires : Je rappelle que le Monde est une société commerciale à but lucratif, et que je vois mal au nom de quoi elle va aller faire de la retape et de la com’ auprès des enfants à l’école.

Et puis c’est pas comme si ça manquait de bras pour assurer le meilleur niveau de qualité dans le journal, hein…

Bientôt les volontaires d’Amazon pour “ne pas se faire avoir lors de ses achats en ligne”, de Microsoft pour “comment choisir son système d’exploitation” ou de McDonald’s pour “La nutrition, c’est important !”.

Du coup, je lance aussi un appel :

  • à des volontaires, s’y connaissant en critique médias, pour constituer un dossier “Les journalistes du Monde débarquent dans ta classe ? Quelques bonnes questions à leur poser…“, sérieux et très factuel (les élèves pourront ainsi leur parler de la couverture du Cambodge, du Koweït, d’Outreau, de la Libye, de Baudis, de l’Ukraine, de Beregovoy, de Chomsky, d’Alep”, ça va être TRÈS intéressant…
  • aux élèves, je sais que de nombreux me lisent. Si un journaliste du Monde débarque bientôt dans votre classe, contactez-moi, on vous donnera le dossier précédent, et je serai heureux de publier votre analyse des échanges, cela vous fera un bel exercice de formation au journalisme du coup…

Quand on peut aider à la formation de l’esprit critique… 🙂

En synthèse : “C’est plein de bonne volonté, merci, mais occupez-vous plutôt de bien faire votre travail, ça aidera bien plus la cause….”

Quelqu’un saurait-il si des associations de parents d’élèves ont réagi à cette drôlerie ? C’est encore aux professeurs d’éduquer, pas aux journalistes, non ? Si quelqu’un peut en prévenir certaines…

 

 

URL: http://www.les-crises.fr/wtf-le-monde-sengage-dans-leducation-a-linformation-maintenant/

(4) L’indispensable fact-checking interne : l’exemple du New Yorker

(4) L'indispensable fact-checking interne : l'exemple du New Yorker

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Le vrai “fact-checking”, celui qu’il nous faut au plus vite… (Merci à P.R. 🙂 )

Points de contrôle, par John McPhee

Source : The New Yorker, le 09/02/2009

Les vérificateurs de faits cochent les cases une à une.

Par John McPhee

Sara Lippincott, qui vit actuellement à Pasadena, après avoir pris sa retraite en tant que rédactrice à ce magazine au début des années 90, a travaillé dans le département de vérification des faits du New Yorker de 1966 à 1982. Elle était passionnée par la science, et quand des articles scientifiques parvenaient au magazine elle en trouvait généralement la photocopie sur son bureau. En 1973, un de mes longs articles nommé “La courbe de l’énergie de liaison” (“The Curve of Binding Energy”) a bénéficié de son attention exclusive pendant trois ou quatre semaines et en requérait chaque instant. Expliquant son travail devant un public d’une école de journalisme, Sara déclara un jour, “Chaque mot d’un article qui a la moindre chance de se corréler à un fait s’y rapportant est examiné, et, s’il passe le test, il reçoit l’imprimatur du vérificateur, qui consiste en un minuscule coup de crayon.” De mon article brut de 6000 mots (qui portait sur du matériel nucléaire militaire utilisé dans l’industrie privée et de ce que des terroristes pourraient ou ne pourraient pas faire avec), un paragraphe est resté en mémoire à cause du niveau de difficulté qu’il présentait et l’effort qu’elle a fait pour le garder ou l’écarter.

C’était une histoire que m’a racontée John A. Wheeler qui, durant la Seconde Guerre mondiale, fut le physicien résident en chef au Hanford Engineer Works, sur la rivière Columbia dans le sud du centre de Washington, où il a assisté au démarrage et à la production de plutonium du premier réacteur nucléaire de grande échelle au monde. En 1939, avec le physicien danois Niels Bohr, Wheeler avait identifié les noyaux atomiques les plus propices à la fission et à l’importante libération d’énergie de liaison induite par cette fission. En 1943-44, tandis que le premier réacteur était en cours de conception pour Hanford, Wheeler insista pour que sa section initiale circulaire soit étendue à un carré, de sorte que cinq cents barres de combustible supplémentaires puissent, si nécessaire, être insérées dans la matrice en graphite du réacteur (une modification extrêmement onéreuse réalisée parce que Wheeler suspectait que quelque chose comme une contamination au Xénon pourrait affecter la réaction. Ce fut le cas, et l’augmentation du flux de neutrons générée par les barres de combustible supplémentaires ont résolu le problème. En 1973, dans le bureau du professeur Wheeler de l’université de Princeton, j’avais griffonné des notes depuis environ une heure quand il dit, comme une arrière-pensée, qu’une chose étrange se produisit à Hanford durant l’hiver 1944-45, ou peut-être pas. Il ne l’avait pas observé lui-même. Il ne l’avait jamais vu mentionné dans un écrit. Hanford était un endroit vaste, étendu dans une région de graminées, plein de rumeurs, de secrets et d’histoires apocryphes. Si j’avais du exploiter cette histoire, j’aurais dû l’authentifier par moi-même parce qu’il n’avait aucune idée au sujet de sa véracité. Il déclara qu’il avait entendu qu’un ballon incendiaire japonais (un des ballons militarisés qui furent lâchés au Japon et transportés par le jet-stream au-dessus de l’Océan Pacifique) avait atterri sur le réacteur qui fabriquait le plutonium qui détruisit Nagasaki, et avait provoqué son arrêt.

Les japonais nommèrent ces ballons fusen bakudan. De trente-trois pieds de diamètre, ils étaient faits en papier et étaient équipés de dispositifs incendiaires ou hautement explosifs. En moins d’un an, neuf mille furent lâchés d’une plage de l’île de Honshu. Ils tuèrent six habitants de l’Oregon, dont cinq enfants, déclenchèrent des feux de forêt, et atterrirent de l’Alaska au Mexique, et au plus loin à l’est à une quinzaine de miles du centre de Détroit. En complément du manuscrit de “La Courbe de l’Energie de Liaison”, qui par ailleurs n’était pas au sujet de Hanford, j’écrivis une demi-douzaine de phrases au sujet du ballon qui provoqua l’arrêt du réacteur, et j’ai remis l’article tel quel. Si l’histoire de Wheeler était vraie, elle serait éditée. Si elle était invérifiable, elle serait supprimée. J’espérais qu’elle serait vraie. La suite dépendait de Sara

Ses appels téléphoniques ricochèrent sur l’ensemble des États-Unis : de Brookhaven à Bethesda, de La Jolla à Los Alamos, sans mentionner Hanford et diverses cibles du district de Columbia. Parmi tout ce qu’elle devait faire d’autre pour finaliser – un mot à la fois – ces indénombrables coches, elle en arriva à passer des appels au sujet du ballon incendiaire pendant des jours. Enfin vint une percée apparente. Quelqu’un lui dit qu’il ne pouvait pas authentifier l’histoire, mais il connaissait sans aucun doute quelqu’un qui le pourrait.

“Ah, oui ? Qui ?”

“John Wheeler.”

Je dis à Sara d’abandonner l’anecdote. L’histoire était assurément l’invention de quelqu’un ; nous n’avions qu’à la supprimer ; elle en avait fait assez. Elle continua à passer des appels téléphoniques.

Si Sara était en train de chercher des informations dans le noir, l’obscurité était la longue ombre du secret de guerre, quand quarante-cinq mille personnes, des maçons jusqu’aux théoriciens, vivaient à Hanford, Pasco, Kennewick, et particulièrement à Richland, une bourgade de deux cents âmes que l’armée acheta en 1943 et étendit aussitôt avec plus de quatre mille maisons. L’importante population, nonobstant Hanford Engineer Works, du projet Manhattan était si secrète que même le chef d’état-major inter-armée n’en connaissait pas l’existence. Harry Truman ne l’apprit qu’après la mort de Franklin Roosevelt, en avril 1945. Le personnel d’Hanford vivait au milieu d’affiches énonçant “Ne Soyez Pas Pris La Bouche Ouverte.” Ils plaçaient leur bouteille d’urine à leurs pas de porte le soir afin qu’elle soit testée sur la présence de plutonium. Les habitants de Richmond firent plus de bébés que partout ailleurs dans le pays. Il n’y avait pas grand-chose à faire en dehors du plutonium. Pour coller une oreille au sol, façon de parler, et rechercher des espions, un agent résident du FBI alla dans les bordels de Pasco et de Kennewick, emmenant avec lui sa belle épouse. Elle restait assise dans la voiture tandis qu’il faisait du contre-espionnage à l’intérieur. Pour faire le profil de ceux qui pourraient être des cibles faciles pour des espions, les agents du FBI allaient de maison en maison, tentant de savoir qui étaient les plus gros buveurs, et qui allait coucher dans le lit de quel voisin. Hanford Engineer Works avait ses propres juges de paix, sa propre prison. Des tavernes étaient érigées pour le “biberonnage” de nuit des ouvriers du bâtiment, dont la tendance à la bagarre était telle que Wheeler se rappela plus tard “ces clandos à bière avec les fenêtres proches du rez-de-chaussée de sorte que des gaz lacrymogènes puissent y être projetés.”

Le personnel-clé était connu sous de faux noms. Enrico Fermi était M. Farmer. Eugène Wigner était M. Winger. Arthur Compton était M. Comas. Les gens se référaient à Wheeler comme étant Johnny le génie. L’exposition aux radiations était appelée “la brillance”, et le mot pour les radiations était “l’activité”. Un technicien qui fauta et utilisa le mot en “R” fut convoqué dans un bureau et fut copieusement assaisonné. À de très rares exceptions, le personnel n’avait aucune idée de ce qu’ils accomplissaient, mais ils faisaient ce qu’on leur disait. (“Nous lavions nos mains tellement de fois par jour que je pensais être Lady Macbeth.”) Le projet Manhattan, à Hanford comme ailleurs, réclamait “l’immédiate amputation haute” de tout membre humain avec une coupure contaminée au plutonium.” Il aurait pu y avoir un tableau d’affichage : 29 JOURS SANS L’ABLATION D’UN HUMERUS. Il y avait des veuves noires (araignées venimeuses) dans les maisons des gens. Une femme appela l’hôpital gouvernemental et demanda ce qu’elle devait faire si une veuve noire mordait sa fille de trois ans. L’hôpital : “Si elle entre en convulsions, emmenez-la…”

À l’intérieur et à l’extérieur du site, les rumeurs étaient incessantes au sujet de la contribution de Hanford à l’effort de guerre : au hasard, c’était un camp de prisonniers de guerre, une usine de combustible solide pour fusées, une cuisine biologique préparant des choses pour la guerre bactériologique, une ligne de production de nylon (DuPont était le principal sous-traitant industriel). Interrogé sur ce qui se passait réellement, le porte-parole bien informé de l’Armée de terre, le capitaine Frank Valente, a déclaré : “Nous déshydratons le fleuve Columbia pour l’expédier à l’étranger”.

Et maintenant, à la fin de 1973 au New Yorker, le moment où « La Courbe de l’Energie de Liaison » allait devoir être imprimé approchait rapidement, et les modifications ne seraient plus possibles. Encore une fois, j’ai remercié Sara et lui ai dit de supprimer l’histoire du ballon japonais. O.K., dit-elle, mais peut-être que si elle trouvait un moment libre ce dernier après-midi, elle ferait encore un appel ou deux. Ou trois. Et elle l’a fait, et elle a retrouvé quelqu’un dans le Delaware qui lui a dit qu’il ne pouvait pas authentifier l’histoire, mais qui savait absolument qui le pourrait.

Ah ? Qui serait-ce ? John Wheeler ?

Le gestionnaire du site Réacteur B. Il aurait certainement su si un ballon incendiaire avait enflammé son bâtiment.

Où est-il maintenant ?

Retraité en Floride.

Sara chercha son numéro de téléphone. Le département de vérification de l’époque était équipé du sol au plafond avec des annuaires téléphoniques. Elle a appelé. Il n’était pas à la maison. Il était parti faire ses courses.

Où ?

Au centre commercial.

Sara a appelé la police, leur a expliqué la situation, a demandé de l’aide et leur a donné son numéro de téléphone.

Quelques minutes passèrent, moins d’une heure. L’article n’était pas encore parti à l’impression lorsque le gestionnaire du site a appelé. Il était dans une cabine téléphonique, l’ancêtre des téléphones portables. Sara expliqua le but de son appel et lui lut un passage qui se terminait comme suit :

Les ballons incendiaires ont été tellement efficaces, en fait, que les journaux ont été invités à ne pas imprimer d’informations à leur sujet, parce que les États-Unis ne voulaient pas encourager les Japonais à en lâcher plus. Le ballon qui a atteint Hanford a traversé non seulement le Pacifique, mais aussi Olympic Mountains [État de Washington, NdT] et les glaciers alpins de la chaîne des Cascades. Il a atterri sur le bâtiment abritant le réacteur qui produisait le plutonium de Nagasaki et provoqua son arrêt.

Le gestionnaire a dit à Sara, “Comment avez-vous appris cela ?”

Il a ajouté que le ballon n’était pas réellement tombé sur le bâtiment, mais sur une ligne à haute-tension transportant le courant vers le réacteur. Il y avait juste assez de temps pour corriger l’article.

A-Rod fait une erreur de temps en temps, et donc le New Yorker également. Le plus rare de tous est un fait qui n’était pas erroné dans le manuscrit original, mais est devenu une erreur dans le processus de vérification. Lorsque cela se produit, il peut assez bien être appelé un événement, comme le jour où le savon a coulé à Procter & Gamble. Cela ne m’est arrivé qu’une seule fois – et il y a près de trente ans. Si le blâme est à assigner, Dieu ne plaise, je ne suis pas le cessionnaire, et ni Sara, qui a vérifié la pièce. Appelé « Bassin, Montagnes et Vallées », il était le premier d’une série de longs articles sur la géologie qui apparaissaient de temps en temps sur une douzaine d’années. Il comportait de nombreux passages introductifs sur des thèmes comme la tectonique des plaques et le temps géologique. Dans le manuscrit original, un paragraphe disait :

Ce sont les plaques qui se déplacent. Elles se déplacent toutes. Elles se déplacent dans différentes directions et à des vitesses différentes. La plaque Adriatique se déplace vers le nord. La plaque Africaine arriva un jour derrière elle et la poussa vers l’Europe – enfonçant l’Italie comme un clou dans l’Europe – et ainsi créa les Alpes.

Problème C, problème B, problème A, le programme dériva, comme toujours, vers la limite temporelle, le bouclage final et irréversible. Dans la tête de chacun comme dans les immeubles environnants, les choses s’accélèrent et peuvent devenir, c’est un euphémisme, frénétiques. Joshua Hersh, un vérificateur des faits moderne qui est plus froid de caractère que le marbre, se réfère à ce moment comme à “la dernière minute la trouille aux fesses.” Alors que “Bassin, Montagnes et Vallées” arrivait à 5 minutes du bouclage, tellement de cailloux volaient autour de ma tête que j’aurai cru Sara si elle m’avait dit qu’il y a des noyaux de calcaire dans les fruits. A une minute de la fin, elle vint me dire que j’avais tort sur la plaque Adriatique, elle ne bouge pas vers le nord, mais vers le sud-ouest.

Désespérément, j’ai dit, “Qui a dit ça ?”

Elle dit, “Eldridge Moores.”

Théoricien de calibre mondial de la tectonique des plaques, auteur d’innombrables articles scientifiques sur la séquence ophiolitique comme signature des mouvements globaux de la tectonique, président de la Société géologique de l’Amérique, Eldridge Moores était le géologue généreux et excentrique qui s’était engagé à m’enseigner, de voyages d’études en voyages d’études, l’histoire géologique de, parmi tant d’autres, la Californie, l’Arizona, la Grèce et Chypre. Le cerveau en ébullition, je dis à Sara : « Si Eldridge Moores dit que la Plaque de l’Adriatique se déplace vers le sud-ouest, elle se déplace vers le sud-ouest. Change la phrase s’il te plait.”

Dans le New Yorker du lundi suivant, la plaque Adriatique se dirigeait vers le Maroc. Feuilletant le magazine pendant un moment libre cette semaine-là, j’ai appelé Eldridge et je l’ai trouvé dans son bureau à l’université de Californie, Davis. Je dis : “Eldridge, si la plaque adriatique bouge vers le sud-ouest, qu’est-ce que les Alpes font là ?”

“La plaque Adriatique ?”, dit-il.

Je répondis, “La plaque Adriatique.”

Je crois que je l’ai entendu se frapper le front. “Oh, non !” dit-il. “Pas la plaque Adriatique ! La plaque Egéenne. La plaque Egéenne bouge en direction du sud-ouest.”

La pire des erreurs de vérification, c’est quand on dit qu’une personne est morte alors qu’elle ne l’est pas. Selon les mots de Josh Hersh, “Ca les ennuie vraiment.” Sara se souvient d’un lecteur d’une maison de retraite médicalisée qui avait lu dans le New Yorker qu’il était “feu le lecteur de la maison de retraite.” Il a écrit pour demander une rectification. Le New Yorker, dans son édition suivante, bien sûr s’y plia, et par erreur reproduisit l’erreur, parce que le lecteur en fait mourut durant le week-end alors que le magazine était à l’impression.

Toutes les erreurs ont une longue vie. Comme Sara dit à des étudiants en journalisme, une fois que l’erreur est à l’impression, “elle prend vie, elle est dans les bibliothèques, elle est soigneusement cataloguée, scrupuleusement indexée… Digitalisée, elle trompe chercheurs après chercheurs, à travers les âges, tous ils feront de nouvelles erreurs sur la base de ces erreurs originales, etc. etc. jusqu’à une explosion finale d’errata.” Epée sortie, le vérificateur se tient au bout du pont. C’est en partie la raison pour laquelle ce travail existe et pourquoi, selon les mots de Sara, une publication croira en “une meute de professionnels sceptiques perdus dans ses propres épreuves.” Les journaux n’ont pas de service de vérification des faits séparés, mais n’importe quel magazine en a. Quand j’ai commencé à travailler au Time -en l’année 957 sous le règne de Eadwig le Juste- les rédacteurs du Time étaient des hommes, et les vérificateurs de faits, des femmes. C’était des expertes. Quand je produisis un article en freelance à l’Atlantic, j’ai demandé qui ferait la vérification, et on m’a répondu : “C’est comme vous voulez.” L’Atlantic n’avait pas de budget pour la vérification. Un peu plus tard, quand j’ai vendu un article à National Geographic, il apparut qu’ils avaient plus de vérificateurs qu’il n’y a d’Indiens en Amazonie. Holiday et le Saturday Evening Post étaient les seuls un peu moins assidus. Alors que le service de vérification du New Yorker avait une réputation dès le départ dans ce domaine, de nombreux autres magazines étaient autant engagés et prudents. Vingt-huit ans après ce premier article pour l’Atlantic, j’en ai vendu un second, et cette fois j’ai eu droit à une vérification comme avec le New Yorker.

Les éditeurs de livres préfèrent considérer la vérification des faits comme relevant de la responsabilité des auteurs, ce qui, contractuellement, se résume à la simple question de savoir qui ne paiera pas. Si du contenu qui est apparu dans un magazine vérifié réapparaît dans un livre, l’auteur n’est pas le seul bénéficiaire du travail du vérificateur. L’éditeur du livre a gagné un billet gratuit à la respectabilité factuelle. Les éditeurs qui, pour des raisons initiales de marketing, mettent un texte sous presse avant que le service de vérification d’un magazine ne l’ait fait, récoltent ce qu’ils méritent. Une protection presque infaillible pendant la progression du magazine jusqu’au livre réside dans le lectorat vigilant du magazine. Après une erreur dans The New Yorker, des missiles à détection de chaleur s’élèvent et retombent sur l’auteur, le vérificateur des faits, le rédacteur en chef, et même l’ombre du fondateur. Comme le département de vérification le résume, “Aucune erreur ne passe inaperçue des lecteurs.” Au cours des derniers jours de 2005, Rebecca Curtis a écrit une belle et courte histoire “Twenty Grand” qui est parue dans The New Yorker. Ses personnages, en 1979, vont dans un McDonald’s pour manger des McNuggets de poulets. Les McNuggets sont apparus dans le courrier de Noël du New Yorker. McDonald’s les avait introduits en 1983.

Lors des quelques occasions où un tel message m’est parvenu, j’ai écrit au lecteur un mot de remerciement (à moins que la lettre se situe quelque part dans le continuum entre la méchanceté et le déplaisant, ce qui est rarement le cas). “Vous avez raison !” dis-je. “Et je vous en suis très reconnaissant, car l’erreur ne sera pas présente quand l’article apparaitra sous la forme d’un livre.” Si, dans la lettre du lecteur apparait l’ombre d’un sourire, je ne peux m’empêcher d’ajouter, “Si un lecteur à l’œil de lynx tel que vous a parcouru ces milliers de mots et n’a trouvé qu’une seule erreur, je suis soulagé.”

Avec la confortable certitude que le département de vérification des faits va passer derrière moi, j’aime supposer avec certitude des noms et des numéros dès le début, pendant que je change et re-change et écoute les phrases, préférant entendre un chiffre ou une date approximatif que le son dissonant de termes journalistique : QUELLE VILLE, 000 000 $, nom AV, nombre AV, En cours. Ce sont des sortes de billets à ordre, et le vérificateur est supposé les payer. En cours veut dire ce qu’il veut dire, juste comme ça ; AV signifie “à venir”. Au moins, pour moi, ils desservent le son d’une phrase autant que des substituts plats, des inventions provisoires. Dans un train de marchandise de deux kilomètres de long, il y a tube vital d’air qui court tout du long et commande les freins. Dans “Coal Train” (Le train de charbon) (2005), j’ai ressenti le besoin d’une analogie et en ai inventé une :

Le relâchement des freins pneumatiques commença aux deux extrémités, et se dirigea vers le milieu. L’ensemble du très long tube d’air du train ressemblait à la vessie natatoire d’une anguille américaine.

Rapidement, le département des vérifications fut au point en ichtyologistes, et je fus informé par Josh Hersh que la vessie natatoire d’une anguille américaine est proportionnellement bien plus courte que chez la plupart des poissons communs.

“Qui le dit ?”

“Willy Bemis.”

“Ah.”

Willy Bemis est à l’anatomie des poissons ce qu’Eldridge Moores est à la tectonique des plaques. Willy était la figure centrale d’un de mes livres paru trois ans plus tôt, dont des extraits furent publiés dans le New Yorker. Il avait depuis quitté l’université du Massachussetts pour le poste de directeur de Shoals Marine Laboratory, les classes situés au large [Shoals Marine Laboratory est situé sur une île du golfe du Maine, NdT] de Cornell University et de l’université du New Hampshire. Je l’ai appelé à Ithaca pour lui demander ce qui pouvait être fait. Toujours accommodant, Willy essaya au début de rationnaliser l’anguille. Peut-être que sa vessie natatoire pourrait faire l’affaire après tout. Peut-être l’analogie fonctionnerait. Je déclarais que l’anguille ne passerait jamais le département des vérifications, ou, pour autant, à travers moi. Nous étions proche de boucler, et Willy était incapable de penser sur l’instant à une espèce ayant une vessie natatoire suffisamment longue. Que faire ? Il appela Harvard. L’ensemble du très long tube d’air du train ressemblait à la vessie natatoire d’un poisson corde [Erpetoichthys, NdT].

Sur la rivière Merrimack à Merrimack, New Hampshire, il y a une brasserie qui a brassé la première Bud en 1970. John et Henry Thoreau, en 1839, passèrent par ce site dans leur skiff fait maison lors d’un voyage qui fut à l’origine du premier livre de Henry. Une chute d’eau blanche connu sous le nom local de “Cascade de Cromwell” depuis le 17ème siècle, mais, écrivit Thoreau, “Ces chutes sont le Nesenkeag des Indiens,” et il continua, “Le Grand Fleuve Nesenkeag arrive sur la droite en haut.” Le New Hampshire a beaucoup d’endroits aux noms finissant en “keag”. Le “keag” est prononcé comme s’il n’y avait pas de “a”, donc “keg”. En 2003, mon gendre Mark Svenvold et moi allâmes à travers les Chutes Nesenkeag, Namaskeag et Amoskeag, dans un canoë Old Town, retraçant le voyage en amont de Thoreau, et, en tirant le canoë pour remonter les rapides, je me suis trouvé en train de me demander combien de “kegs” (barils) cette usine de Budweiser pouvait produire par jour. De retour à la maison et en train d’écrire, j’ai inventé un nombre à partir de rien, et c’est ce qu’Anne Stringfield, vérifiant le fait, dit dans son rapport :

Juste au-dessus des Chutes Cromwell, route 3, très proche mais invisible depuis la rivière, il y a une brasserie Budweiser dont la production moyenne journalière est de 13 000 barils par jours.

Ne jamais sous-estimer AnheuserBusch [compagnie de brasserie qui possède Bud, entre autres, NdT]. La production moyenne par jour se révéla être de 18 000 barils.

Un autre article fluvial – “La rivière au cul serré” – a été vérifié par Josh Hersh en 2004. Il a trouvé cela, dans son rapport :

Les gens disent : “La rivière Illinois ? C’est quoi ? Jamais entendu parler. Où va-t-elle. En fait, il y a deux rivières Illinois en Amérique, chacune, bien sûr, aussi connue que l’autre.

L’une est dans l’Illinois, l’autre en Arkansas et Oklahoma ; et ce sont celles que vous trouvez dans le Dictionnaire géographique Merriam-Webster, qui est une des références préférées des services de vérification. Josh plongea dans le web, et en revint avec une troisième rivière Illinois, en Oregon, qui est presque inconnue même en Oregon.

En fait, il y a bien trois rivières Illinois en Amérique, et chacune, évidemment, est aussi connue que les autres. (Et maintenant, avec cet article, en janvier 2009, le service de vérification des faits a encore trouvé une autre rivière Illinois, en Colorado. Si je devais republier ce morceau d’information fluvial 46 fois de plus, évidemment, je trouverais une rivière Illinois dans chaque État américain.) Cet exploit, de la part de Josh, était juste un exercice d’étirement avant d’embarquer, entre autres choses, sur un bateau qui dérivait, oisif, sur l’Illinois, du même nom, quand un vaisseau plus grand qu’un porte-avion se précipita sur lui avec cinq coups de sirènes brefs, le signal universel de danger immédiat. Le vaisseau de plus de onze cent pieds de long et câblé solidement, était composé de quinze barges poussées par un “remorqueur”. J’étais dans la cabine du pilote, gribouillant des notes. Juste comme le bateau allait entrer dans notre angle mort – mille pieds d’eau que nous, dans la cabine du pilote, ne pouvions voir, des gens apparurent sur le pont du bateau, le bateau démarra et, d’une façon à la fois altière et méfiante, bougea légèrement sur le côté, lentement. Nous avons poursuivi en descendant la rivière, alors que le bateau nous dépassa de port en port, faisant sa route en remontant les mille pieds de péniches jusqu’au niveau de la cabine du pilote. Deux hommes et deux femmes sont dans le bateau. La femme la plus proche – assise à l’arrière à bâbord dans la partie ouverte du cockpit – porte un maillot de bain deux pièces noir et doré. Elle avait le genre de corps que vous voyez sculpté dans le marbre. Elle avait des cheveux dorés. Rapidement et adroitement, elle mit ses mains dans son dos pour dégrafer son haut. Elle le laissa sur ses genoux et pivota de 90° vers le carré du remorqueur. Epaules en arrières, les pommettes hautes, elle tint la pause sans faiblir. Elle s’exposait largement au mépris de la gravité. Pas d’angle de répit. C’est une sirène, et ce sont ses chants.

Jusqu’à présent, c’est vérifiable. Quelque chose comme ça peut – selon le New Yorker – être mis “sur l’auteur”. C’était mon expérience, ma description, ma construction, mon érection. Personne ne semble s’être soucié de la couleur du maillot de bain. J’ai poursuivi, malgré cela, en disant quelque chose comme cela :

Elle est “l’Ovale avec Pointes” d’Henry Moore. Moore a dit : “Formes arrondies portant une idée de fructification, de maturité, probablement parce que la terre, les seins de femmes, et la plupart des fruits sont ronds, et ces formes sont importantes parce qu’elles ont cette résonnance dans nos habitudes de perception. Je pense que l’élément humaniste organique sera toujours pour moi d’importance fondamentale en sculpture.”

Et maintenant nous étions en vérification profonde. En 1975, j’avais téléphoné à Lynn Fraker, qui était docteur du musée d’art de Princeton, où « Ovale avec Pointes » de Moore est l’une des deux douzaines de sculptures monumentales et principalement abstraites qui se trouvent à l’extérieur du campus. Je voulais les utiliser comme exercices de description dans un cours d’écriture où j’allais enseigner pour la première fois. Le Henry Moore, de onze pieds de haut, a la forme d’un donut, et de chaque côté intérieur un renflement conique en forme de sein s’élance vers un autre renflement conique en forme de sein, leurs extrémités se touchant presque, comme s’ils étaient au plafond d’une chapelle. Mon opinion était que les étudiants devraient pouvoir faire une meilleure description que cela. “Donut”, par exemple, n’était pas un mot qui devrait être autorisé à surgir au sujet de l’œuvre d’Henry Moore, et, dans chaque classe où j’ai enseigné depuis lors, j’ai utilisé les notes de cette conversation avec Lynn Fraker. Ils comprennent les mots d’Henry Moore, qu’elle a récités de mémoire. Et maintenant, en 2004, je ne savais pas où elle les avait lus. Elle avait quitté Princeton des décennies auparavant, s’était remariée, et était inaccessible.

L’internet ne fut d’aucune aide, mais Josh, en cherchant dans les catalogues de la Bibliothèque publique de New York, apprit que des recueils de commentaires de Moore sur l’art sculptural se trouvaient dans une annexe du centre-ville, de l’autre côté de la Cinquième Avenue en face du bâtiment principal de la bibliothèque. Après une heure ou deux, il y trouva un essai de Moore dans un numéro de 1937 de The Listener de la BBC. Dans le paragraphe suivant, les mots que Lynn Fraker m’avait soufflés. Ils avaient besoin de très peu d’ajustement pour être rendus textuellement, comme ils sont ci-dessus. Après quoi, nous étions de retour à “sur l’auteur” :

Elle n’a pas bougé — cette Maja demi-nue a dépassé tout le monde. Ses mamelons sont une paire d’yeux fixant le remorqueur. Pour ma part, je veux sauter hors du remorquage, nager vers elle, et demander s’il y a quelque chose que je peux faire pour aider.

Peut-être que je donne trop de crédit aux vérificateurs de faits. Après tout, je fais ce qu’ils font avant qu’ils ne le refassent. Je ne leur laisse pas une montagne de travail, et cela est particulièrement vrai si le New Yorker a rejeté l’article et je me prépare à l’inclure dans un livre, comme cela s’est passé en 2002, lorsque le magazine a jeté un œil froid — pour quelque raison inexplicable — sur douze mille mots sur l’histoire américaine de la pêche. J’ai donc vérifié les parties vierges du livre moi-même, en risquant l’analogie avec l’avocat qui se défend lui-même et a un imbécile pour client. La tâche m’a pris trois mois — essayer de retracer les faits dans le manuscrit d’autant de façons différentes que je pouvais imaginer, comme les vérificateurs le font régulièrement. Il y a eu quelques passages qui m’ont freiné presque jusqu’à l’arrêt, quand, pour une raison ou une autre, il a fallu une éternité sur Internet et plus encore dans les bibliothèques pour déterminer ce qu’il faut faire ou pas.

La fille de Penn Margaret pêchait dans le Delaware, et écrivit à la maison à un frère lui demandant “d’acheter pour moi une solide canne à pêche en quatre parties et un moulinet avec de solides et bonnes lignes…”

Le problème n’était pas avec la canne ou le moulinet mais avec la progéniture de William Penn. Devrait-il y avoir des virgules autour de Margaret ou pas de virgule autour de Margaret ? La présence ou l’absence de virgules indiquerait en fait si Penn avait une fille ou plus. Les virgules — présentes ou absentes — n’étaient pas seulement des virgules ; elles étaient des faits, ni plus ni moins factuels que les fûts de Bud ou la couleur du costume de Santa. Margaret, une des nombreuses filles de Penn, est entrée dans le livre sans virgule. En pousuivant, j’ai essayé de vérifier ceci :

Le mercredi 15 août 1716, près de Cambridge, dans le Massachusetts, Cotton Mather est tombé d’un canot en pêchant sur Spy Pond. Après avoir émergé trempé, perplexe, bredouille, il dit : « Mon Dieu, aide-moi à en comprendre la signification ! » Peu de temps après, il châtiait ses confrères pour perdre le temps de Dieu dans la pêche récréative. Pas beaucoup de chaleur là-bas. Mieux vaut se tourner vers le pasteur Fluviatulis Piscator, connu de sa famille sous le nom de Joseph Seccombe, âgé de vingt et un ans quand mourut Cotton Mather. À côté de la rivière Merrimack, en 1739, Piscator prononça un sermon qui fut publié plus tard comme « Un discours prononcé en partie à Ammauskeeg-Falls, à la saison de la pêche. » Il en existe neuf exemplaires. Un a été vendu aux enchères en 1986 pour quatorze mille dollars. Celui que j’ai vu était à la Bibliothèque de Philadelphie. Il y était inséré la description d’un libraire qui disait, “Premier livre américain sur la pêche à la ligne ; Première publication américaine sur les sports de champ et de ruisseau. La défense de Seccombe de la pêche est remarquable pour venir si tôt, à une époque où la pêche de plaisance devait se défendre.”

Il y avait, dans tout cela, une partie d’une phrase qui a prouvé, en 2002, être exceptionnellement difficile à vérifier. Elle aurait pu facilement être réécrite autrement, mais j’avais obstinément voulu la vérifier. En substance :

Joseph Seccombe, âgé de vingt et un ans quand mourut Cotton Mather.

Afin de cocher ces mots tels quels rigoureusement, vous devez connaître non seulement l’année de la mort de Mather et celle de la naissance de Seccombe, mais aussi le mois et le jour de chacun. Quand Mather mourut, le 13 février 1728, Seccombe avait soit vingt-un, soit vingt-deux ans. Lequel ? L’internet me faisait défaut. Les bibliothèques me faisaient défaut. Les œuvres complètes de Joseph Seccombe et Fluviatulis Piscator me faisaient défaut. J’ai appelé Kingston, dans le New Hampshire, où il avait servi comme curé pendant plus de vingt ans. La personne que j’ai contactée a généreusement promis de regarder dans les registres de la ville et de l’église et de me rappeler, ce qu’elle fit, deux ou trois jours plus tard. Elle était désolée. Elle avait cherché consciencieusement, mais à Kingston de toute évidence la date exacte de la naissance de Seccombe était introuvable. J’étais sur le point d’abandonner et d’insérer “dans sa petite vingtaine” quand une ampoule brilla dans ma tête. Si Joseph Seccombe était prêtre en 1737 (l’année de son arrivée à Kingston), il avait été instruit quelque part et, à l’époque, pour les études supérieures, il n’y avait qu’une possibilité en ville dans la province de Massachusetts Bay. J’ai appelé Harvard.

Par le standard téléphonique, j’ai été mis en contact avec quelqu’un qui écouta ma question et répondit sur le champ, en quelques secondes, “14 juin 1706.”

Source : The New Yorker, le 09/02/2009

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Source : The New Yorker, le 14/09/2009

“J’ai été fact-checké par le New Yorker”, par Evan Osnos

Par Evan Osnos, le 14 septembre 2009

Les rédacteurs au New Yorker sont souvent interrogés sur leurs processus internes de “fact-checking” (vérification des faits). (En février, John McPhee a écrit un papier sur cette pratique et ses praticiens.) Le processus consistant à vérifier de façon indépendante chaque assertion de faits dans un article — chaque détail, chaque hypothèse — est un art tellement important et menacé ces derniers temps que je me plais à l’expliquer à mes interlocuteurs avec souvent plus de détails qu’ils n’en attendraient habituellement. L’étendue du processus de “fact-checking” est spécialement surprenante pour nos amis journalistes chinois. Il se trouve que Qian Gang, rédacteur en chef en vue, que j’ai interviewé pour notre enquête “La Zone Interdite“, a récemment publié un papier dans le Southern Weekend, journal de la province du Guangzhou, intitulé “J’ai été fact-checké par le New Yorker“.

Quand j’ai reçu un appel de “fact-checking” du New Yorker, j’ai eu l’impression de me retrouver plongé au milieu d’un rituel antique.

Cela fait trente ans que je suis dans le métier des médias, mais c’est la première fois que je suis confronté à une telle chose. J’avais répondu à une interview par téléphone d’un reporter du New Yorker, il y a environ un mois de cela. Il faisait un portrait d’un de mes amis, une rédactrice en chef d’une revue renommée de Beijing. Le coup de fil du lundi provenait d’une femme ; elle me dit que son collègue avait proposé son article, et qu’elle souhaitait vérifier les faits avec moi.

L’article de Qiang, qui circule parmi les journalistes chinois, s’embarque dans une discussion sur le rôle disputé de la vérification des faits à l’heure des nouveaux médias. Grâce à un ami qui a fait la traduction depuis la Chine, voici quelques extraits :

La “vérification” dura à peu près une demi-heure. Je ne pouvais m’empêcher de célébrer la diligence que démontrait cette dame, compte tenu que je n’étais qu’un des nombreux interviewés. Après cet appel, je me suis immédiatement renseigné sur le sujet auprès d’experts et fait mes recherches sur internet. A l’origine, le système de vérification des faits dans les médias étatsuniens remonte à l’époque de Joseph Pulitzer, il y a un siècle. La revue du New Yorker créa un service de vérification des faits et embaucha des gens qualifiés comme vérificateurs de faits. Un poste prometteur ; il se dit que les personnes ayant été vérificateurs de faits ont de très grandes chances d’être recrutées comme rédacteurs en chef (dans d’autres publications).

Les vérificateurs de faits sont indépendants et n’ont pas de relations avec les journalistes enquêtés. La procédure est rigoureuse. La professeur Chen Wanying de H.K.U. est passée par ce processus aux États-Unis, en tant que journaliste. Elle écrivait pour le “Village Voice” et quand son article a été proposé, il lui a été demandé de fournir tous les contacts des personnes interviewées. Cela revient indubitablement très cher, seuls quelques grands groupes de presse se le permettent, dit Chen Wanying : “C’est trop coûteux.”

Le professeur Zhan Jiang, qui a étudié les médias étasuniens, m’a dit qu’il y avait de moins en moins de groupes de presse aux États-Unis qui suivaient de telles procédures. Pas étonnant que je ressente alors cette sensation de me retrouver au milieu d’un rituel antique durant l’appel téléphonique de vérification des faits du New Yorker. La devise de M. Pulitzer : “Exactitude ! Exactitude ! Exactitude !” apparaît comme un brouillard évanescent à une époque où les médias font face à une concurrence féroce. La presse prête à investir beaucoup de capital humain et d’argent dans le reportage d’investigation et la vérification des faits est bel et bien chancelante.

Le reportage fait à la va-vite semble dorénavant primer sur l’exactitude. Selon le spécialiste de l’internet Hu Yong, le mode de production de l’information était : “filtrer puis publier”. Nous sommes en train de virer vers : “publier et filtrer ensuite”. A quoi cela nous mène-t-il ? Il cite des experts occidentaux : “Au vingt-et-unième siècle, quand tout un chacun est un journaliste, nous faisons face à une jungle d’informations, dans laquelle le bon et le mauvais coexistent.”

Cette question me taraude. Je ne pense pas que l’essor de l’internet mène nécessairement au déclin de l’idéologie classique de l’information. Après le 18 juillet 2007, lorsque de fortes pluies s’abattirent sur Jinan, Tencent.com demanda aux internautes de Jinan de pouvoir collecter leurs témoignages oculaires. En quelques heures une quantité d’informations exactes était proposée au public. La vitesse et la puissance délivrées dépassaient ce dont était capable la presse traditionnelle. La polémique concernant le “tigre de Hua Nan”(dans laquelle une photo d’un animal menacé avait été truquée) fut aussi creusée par les internautes. Ils ont vérifié les faits et dénoncé les mensonges. De même, nous ne devrions pas oublier que des blogs de particuliers se chargent parfois de la lourde tâche de la vérification des faits.

Mais il y a indubitablement des exemples contraires. Nombres de faits sur internet sont impossibles à vérifier. Bien que l’internet permette de corriger les erreurs, certaines assertions qui finissent sur la toile ne sont pas rectifiées et s’établissent comme des vérités finales. Le problème actuellement est que beaucoup de gens dissertent sur le déclin et la chute de la presse traditionnelle, mais ils décrivent la “révolution” de la nouvelle presse de manière romantique. Ils ignorent intentionnellement ou inconsciemment la richesse apportée par la presse traditionnelle au long de l’Histoire. À l’âge du multimédia, a-t-on toujours besoin de professionnalisme dans le journalisme ? A-t-on toujours besoin de compétences et de qualifications pour faire le travail d’investigation ? Comment enseigne-t-on le journalisme aux étudiants à l’université ? Alors que de plus en plus d’options s’offrent à eux après leur diplôme, et nombreux seront ceux qui poursuivront leur carrière sur la toile, devons-nous continuer à parler de Ta Kung Pao, Fan Changjiang et de l’enquête sur le Watergate dans les classes de journalisme ? Ou devons-nous considérer que ces leçons traditionnelles doivent se confronter à l’innovation. Mais comment ? La proposition fondamentale de l’information – offrir des faits exacts – fait face à un défi majeur. Dans le nouvel environnement médiatique, comment la presse peut-elle faire sa vérification des faits n’est pas une question simple.

Evan Osnos a rejoint le New Yorker comme rédacteur en 2008, et traite de politique intérieure et étrangère.

Source : The New Yorker, le 14/09/2009

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

P.S. Merci de vous modérer si vous commentez. Les commentaires déplacés ou insultants seront comme d’habitude supprimés.

URL: http://www.les-crises.fr/lindispensable-fact-checking-interne-lexemple-du-new-yorker/

Macron : 3,6 millions d’euros de revenus, et patrimoine négatif ?

Macron : 3,6 millions d'euros de revenus, et patrimoine négatif ?

Nous allons nous intéresser aujourd’hui à un lièvre détecté par l’indispensable Canard enchaîné (bravo à lui, qui a bien défriché et m’a donné l’idée de creuser un peu)

Je précise bien qu’il s’agit d’un travail d’amateur sans prétention – qui vise simplement à aiguillonner quelques journalistes. (c’est bien le but de les rendre publics sur Internet)

Emmanuel Macron serait-il très très dépensier – ce qui expliquerait alors son regard positif sur les rêves de devenir milliardaire ?

Ou aurait-il des actifs qu’il a oublié de déclarer ?

Nous n’en savons rien du tout, disons le clairement par prudence. C’est une simple question de citoyen qui émerge à la lecture de ses déclarations, et qui n’est pas absurde.

Mais il est difficile de le savoir si aucun journaliste ne lui demande quelques comptes sur ses comptes, afin de les comprendre et de simplement clarifier les choses…

(Et comme il refuse de répondre aux questions du Canard, alors qu’il est dans l’ancien ministère de Cahuzac, on devient suspicieux…) Regardez pourquoi.

J’espère en tout qu’un journaliste étudiera ces faits que nous nous mettons en avant,  afin qu’un professionnel mène pour le coup une vraie enquête…

 

EDIT 08/02 : je note que ce billet publié initialement le 3 juin 2016 sur le patrimoine de Macron, candidat presque officiel du journal Le Monde, a commencé à se mettre à buzzer il y a une semaine. Je le ressors donc, un peu toiletté sur la forme, je n’ai pas revu le fond – et je n’ai vu passer aucune enquête d’un média là-dessus depuis juin (si quelqu’un a des informations…).

Je signale donc que je subis depuis une semaine une très grave campagne de diffamation publique du Monde visant à me faire fermer ce blog (mais il est vrai que je les agace depuis quelques années en montrant leur erreurs et omissions, je le reconnais) #JeDisCaJeDisRien

Comme ce ne sont quand même pas des juniors anciens de chez BuzzFeed qui vont m’intimider, je ressors donc ce billet – pour vous faire patienter, la suite de la série Décodeurs prend plus de temps que prévu – il y a tant à dire aussi… 🙂

(Billet édité) Emmanuel Macron a donc déclaré : «Vous me faites pas peur avec vos t-shirts. La meilleure façon de se payer un costard est de travailler ».

C’est qu’en effet le travail génère des revenus, dont une partie sert à se constituer de l’épargne et donc un patrimoine.

Eh bien nous allons analyser aujourd’hui celui de notre Ministre de l’économie, Inspecteur général des Finances…

Nous disposons en effet grâce à la nouvelle loi sur la transparence de sa déclaration de revenus (Source : HATVParchive) et de patrimoine (Source : HATVParchive).

Comme il a été nommé en août 2014 dans le gouvernement Valls II, ses déclarations (isolées donc) n’ont pas figuré avec celles de ses collègues, qui avaient suscité beaucoup d’articles quelques mois auparavant. Cela va être corrigé.

I. Les revenus d’Emmanuel Macron

Voici sa déclaration d’octobre 2014 :

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Vous notez la progression stratosphérique : 2009 Directeur à 30 ans, 2010 Gérant, 2011 Associé Gérant, 2012 Élysée… !!!

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En voici une synthèse (avec une estimation prudente de ses revenus depuis l’ENA, entre 2002 et 2008, dont je vous passe le détail, vu qu’ils sont modiques par rapport aux suivants) :

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Bilan, environ 3,6 millions d’euros de revenus en 13 ans, (soit 23 000 € par mois) dont 2,5 M€ en 2011 et 2012 chez Rothschild (soit 105 000 euros par mois), avant impôts bien entendu (Source).

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C’est donc trèèèèès confortable. Voyons ce que cela a donné au niveau de son patrimoine.

II. Le patrimoine d’Emmanuel Macron

Voici sa déclaration d’octobre 2014 :

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(cliquez pour agrandir – comme pour les autres)

Le coeur de son patrimoine est donc, comme souvent, l’immobilier, avec un seul appartement parisien de 83 m², d’une valeur annoncée de 935 000 € au 3T 2014.

Il a été acheté en juin 2007 pour 820 000 € et a nécessité 70 000 € de travaux (à l’achat, j’imagine, ce n’est pas dit, mais vu le montant, ce sont de gros travaux), soit un coût de 890 000 €

Et c’est là que c’est amusant, car l’Insee nous indique ceci pour l’évolution des prix de l’immobilier des appartements parisiens :

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Donc entre le début 2007 et le 3T 2014, les prix ont augmenté de 37,5 % à Paris (EDIT : le Canard enchaîné du 1er juin indique + 33 % pour son quartier).

Pour un appartement rénové de 890 000 €, cela aurait dû le conduire à 1 235 000 €, soit 300 000 euros de plus que ce qui est annoncé par M. Macron.

Comme j’imagine qu’un Inspecteur des finances sait compter et se renseigner, j’imagine qu’il avait en fait acheté son appartement bien trop cher en se faisant avoir, que ses travaux ont été loupés, et qu’il n’a pas entretenu le bien depuis lors – il n’y a donc aucun problème… 🙂

Le Canard de cette semaine indique à ce propos : “‘J’ai acheté cher’ a expliqué [Macron], quand le Canard lui a posé la question. Bien la peine d’être inspecteur des finances et banquier chez Rothschild pour faire de si mauvaises affaires…”

(Au passage je ne comprends pas pourquoi la loi ne prévoit pas d’indexer par cet indice les évaluations de biens pour l’ISF plutôt que de laisser les gens décider… Passons.)

La suite :

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74 000 € de valeurs en Bourse, plus :

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1 action à 20,92 €… Puis :

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86 000 € d’assurance vie, ok. Puis :

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105 000 € de liquidités… (50 000 € en compte courant, il faut penser à le mettre sur un livret bancaire M. Macron, a fera des petits. Ces énarques… 🙂 ) Et :

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Une voiture à 6 000 €.

Et c’est apparemment tout… (Mais pourquoi n’y a t-il pas un récapitulatif à la fin ? Ils ont peur de la transparence ou quoi ? )

Soit 266 000 € de liquidités en dehors de l’appartement. Pour quelqu’un qui a donc gagné 2 800 000 € les 4 dernières années…

Mais il y a mieux, car M. Macron… a des dettes ! Et pas qu’un peu, car il doit de l’argent à 3 structures à ce qu’on comprend :

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  • 560 000 € à rembourser au titre de son prêt immobilier pour sa résidence principale, ok
  • 295 000 € pour “Travaux résidence secondaire”, ce qui est sympa pour des travaux, car il n’a pas de résidence secondaire dans son patrimoine – c’est en fait la fameuse résidence du Touquet de sa femme (résidence qui doit commencer à être sympa après 350 000 € de travaux (!)… – elle n’a pas légalement à figurer dans cette déclaration)
  • et 200 000 € pour un solde de “prêt entre particuliers”, dont les intérêts n’ont, semble-t-il, pas encore été versés (prêt in fine ?)

Intéressons-nous à ce dernier prêt, de 550 000 € à l'origine, contracté en 2007 pour 10 ans, et qui se terminera en… 2022 (oui, je sais, mais ce n’est pas moi qui ai rempli le document… J’imagine qu’une période d’indigence énarchique l’a obligé à rallonger ce prêt…)

On note donc qu’en 2007 :

  • il réalise son investissement immobilier de 970 000 € environ avec frais de notaire (pas comptés, je pense, dans le prix d’achat),
  • il a emprunté 550 000 € à un ami + contracté un prêt immobilier qu’on peut estimer à la louche à environ 650 000 € (vu qu’il reste 600 000 € à refinancer en 2011), soit 1 200 000 €, donc 230 000 € de plus, je ne sais pas (pour la résidence secondaire j’imagine ?)…

Il reste en tous cas à estimer les intérêts à rembourser in fine.

En 2007, les taux à 10 ans étaient à 3,9 %

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Et l’inflation entre 1,6 % et 2,1 % les 3 années précédentes :

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En considérant qu’il n’a évidemment pas bénéficié d’une donation déguisée, on peut estimer à 3 % le taux demandé.

Et les amortissements peuvent être estimés ainsi, pour donner un ordre de grandeur (avec une autre estimation à un taux de 2 %):

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Donc environ 159 000 € d’intérêts…

Je m’arrête sur un point : il a des amis vraiment très très sympas, Macron :

“Eh, Manu, tu ne vas quand même pas emprunter à la banque 550 000 € à 4 % ? Je t’en prie, je te les prête moi, à X %, ça te fera une belle économie. Et puis tu me les rends dans 10 ans 15 ans, sans me payer d’intérêts dans l’intervalle… Tu sais, je n’en fais vraiment rien du tout, alors que toi, avec tes enfants ton chien Figaro à charge, tu ne peux pas te permettre ça, je t’en prie, ça me fait plaisir de t’aider, mon ami Manu !”

et donc en 2012 :

“Oh Manu, mon ami Manu, alors je vois que tu viens de gagner 2,4 millions d’euros chez Rothschild ! Oh, tu es un bon, toi ! Mais je t’en prie, ne me rembourse pas le reste de mon prêt, je préfère continuer à ce qu’il me rapporte peau de balle pendant 5 ans encore, et allez, disons 10 ans même ! Pour moi, ce n’est rien, et pour toi, c’est de quoi t’acheter plein de costards…”

Alors du coup, il semblerait quand même utile de connaître le nom du créancier de 500 000 € sur le Ministre de l’Économie, parce que vu le profil, on imagine aisément que c’est quelqu’un qui doit avoir affaire de temps en temps à ce ministère…. Le Canard, fidèle à sa qualité, poursuit donc :

Le Canard indique : Qui lui a prêté ? Pour quel objet ? “Cela ne vous regarde pas”, dit encore le ministre.

Bon je vous avoue, à un moment j’ai même pensé que ce prêt pouvait être “clean” et totalement avouable, genre famille. Mais c’est donc réglé…

Allez, 5 contre 1 que c’est un vieil IGF, ancien (ou pas) patron de banque…

En marche ! Mais pas vers la transparence hein…

Bref, on aboutit alors à cette situation patrimoniale (notez que si ce tableau figurait à la fin des déclarations de patrimoine – vu que c’est le but -, ça éviterait de faire ce genre de calculs, multipliant les risques d’erreur – c’est à Macron de la faire, pas à moi) :

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Soit un patrimoine net négatif… (ou pas bien haut en tous cas…)

(et donc tout au plus dans les +150 000 € environ sans cette histoire d’intérêts in fine)

Bon, ce n’est plus le cas s’il a sous-estimé son appartement, et vous me direz, à raison, que c’est un peu biaisé car il y a des emprunts qui servent au couple, et pas à son seul patrimoine, ce qui n’est pas faux. Ce billet vise aussi à montrer comme les promesses de transparence après l’affaire Cahuzac sont un réel plus, mais restent imparfaites en pratique…

Bon, après, sa femme n’est pas trader non plus :

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Je rappelle que son souci d’ISF sorti par la presse concerne cette maison secondaire ré-évaluée de 1,2 à 1,4 million. Certes, on n’a pas le montant des éventuelles dettes personnelles de Madame, ni le reste de son patrimoine, mais enfin, comme le couple ne payait pas l’ISF avec l’estimation à 1,2 M€ et le paie à 1,4 M€, alors que le seuil est de 1,3 M€, on voit bien qu’il ne doit y avoir que peu de dettes du côté de Madame, et donc qu’elle possède la majeure partie du patrimoine net du couple, et Macron pas grand chose… Pourquoi pas .

On aurait pu en savoir plus, si on disposait du rapport de la Haute Autorité, mais le Canard indique :

“L’intéressé ne souhaite pas fournir au Canard le résultat de ces cruelles investigations.”

En marche ! Mais pas vers la transparence, hein…

Mais une chose est claire. Oublions ces histoires d’immobiliers sous-évalués ou pas, ces intérêts in fine ou pas.

 

Macron, c’est plus de 3,3 millions de revenus en 6 ans, aucun achat immobilier dans l’intervalle, et à la fin, 266 000 € de liquidités

Je vous passe différentes hypothèses, mais, par rapport au niveau de revenus de 2009, ceci doit correspondre à environ 1 200 000 € d’excédents de revenus nets d’impôts sur la période.

À consommation inchangée, et compte tenu de la hausse des liquidités (qui ne partaient pas de zéro) et du remboursement des emprunts, ce sont donc environ 1 000 000 € nets en 4 ans qui manquent à l’appel.

Bien entendu, cela a pu être consommé. Mais enfin, cela fait quand même la bagatelle d’une consommation (en plus des crédits, et en plus du niveau de vie précédent Rotschild) d’environ 700 € nets en plus claqués chaque jour pendant 4 ans...

Il joue ou quoi ? S’il a tout donné aux bonnes œuvres, je veux bien revoir un peu mon jugement sur lui… 🙂

Le Canard indique à ce propos : “Où est passé l’argent ? Dépensé ? Voilà un homme qui fait beaucoup pour la relance de la consommation…”

 

Bref, cela ne sert à rien de mettre en place une transparence si on n’a pas la réponse à ce genre de question – surtout après un scandale Cahuzac…

Un esprit mal intentionné pourrait même le soupçonner d'avoir un compte à l’étranger… 🙂

 

Après, il y a sans doute une bonne explication, parfaitement légale, – surtout que c’est certifié par Macron :

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mais c’est dommage qu’il ne la donne pasEt qu’aucun journaliste ne lui demande…

En tous cas, M. Macron, vous êtes bien l’homme qui convient à la France ! 🙂

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EDIT . Le Canard indique que Macron a vendu son appartement fin 2015, et soldé ses dettes. Nous verrons à la prochaine déclaration le résultat… Mais d’ici là, quelqu’un pourrait-il lui demander combien il a vendu son appartement qu’il estimait à 935 000 € en 2014 ?

P.P.S. :

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Moi, je dis que, quand on gagne plusieurs millions d’euros, qu’on envisage de faire de la politique, et qu’on n’est pas fichu de payer quelques centaines d’euros d’honoraires à un fiscaliste pour qu’il fasse vos déclarations bien dans les règles, on devrait avoir la morgue et la paranoïa plus limitée – surtout que le patrimoine des élus, c’est juste LE truc qui sort toujours en premier pour leur chercher des noises…

Et il en rajoute le bougre :

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COMPLOTISTE LE GARS EN PLUS !!!

Oups, pardon, un type du système n’est JAMAIS complotiste, c’est vrai…

Après, c’est sûr que, comme les types des impôts ont fait la même analyse que moi, ils doivent se poser de sérieuses questions…

Finissons par le prix Orwell :

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parce qu’en effet, il n’a pas payé (à tort) l’ISF en 2013 et 2014… (Les Echos)

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Bref, j’ai fait de mon mieux, aux journalistes de prendre le relais maintenant, c’est leur boulot, pas le mien… 🙂

URL: http://www.les-crises.fr/macron-36-millions-deuros-de-revenus-cumules-patrimoine-negatif/

(1) DEC-INDEX : Quand Le Monde ressuscite L’Index de l’Église catholique…

(1) DEC-INDEX : Quand Le Monde ressuscite L'Index de l'Église catholique…

Je compte sur vous pour diffuser largement cette série sur les réseaux sociaux…

Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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Sommaire :

I. Quand le Monde ressuscite l'Index librorum prohibitorum

L'Index librorum prohibitorum (Index des livres interdits) est un catalogue instauré par le pape Paul IV en 1559 durant le Concile de Trente (1545-1563).

Il s’agit d’une liste d’ouvrages que les catholiques romains n’étaient pas autorisés à lire. Le but de cette liste était d’empêcher la lecture de « livres pernicieux » jugés immoraux ou contraires à la foi.

La Congrégation de l’Index fut instituée en 1571. L'Index fut régulièrement mis à jour jusqu’en 1961, par ajout de la Congrégation de l’Inquisition ou du pape. La liste n’était pas un simple travail de réaction ; les auteurs étaient invités à défendre leurs travaux, qu’ils pouvaient corriger et rééditer s’ils désiraient éviter l’interdiction, et une censure avant publication était encouragée.

On a ainsi pu trouver parmi les centaines d’auteurs dans l’Index : René Descartes, Daniel Defoe, Blaise Pascal, Pierre-Joseph Proudhon, Jean de La Fontaine, Johannes Kepler, Alexandre Dumas, Érasme, Honoré de Balzac, Charles Baudelaire, François Rabelais, Jean-Jacques Rousseau, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Pierre Larousse, Fénelon, Gustave Flaubert, Fontenelle, John Locke, Martin Luther, Jean Calvin, Anatole France, Baruch Spinoza, Nicolas Machiavel, Frédéric II de Prusse, André Gide, Auguste Comte, Condorcet, Nicolas Copernic, Thomas Hobbes, David Hume, Emmanuel Kant, Montaigne, Montesquieu, Voltaire, Victor Hugo, Émile Zola…

J’ai une pensée émue pour toutes ces personnes, qui, un jour, ont découvert qu’elles étaient mises à l’Index et que c’était diabolique de les lire – vous comprenez pourquoi.

Depuis la « Notification de la suppression de l’index des livres interdits », émise par le Vatican en 1966, cet index perd son caractère obligatoire et n’a plus valeur de censure, même s’il reste un guide moral.

C’est de cet Index qu’est venue l’expression “Être mis à l’Index“.

Ainsi, cette censure a gravement attenté à la Liberté d’expression, et a pourri le débat public pendant plus de 400 ans.

Nous en étions débarrassés depuis plus de 50 ans, croyant être enfin entrés définitivement dans une période de liberté de pensée et d’expression.

Et puis Le Monde a ressuscité l’Index…

II. Quand les journalistes découvrent la concurrence – la vraie…

Certes, le fait qu’un nombre pléthorique de fausses ou douteuses informations, parfois émises par le pouvoir en place, circulent aussi largement, interpelle et pose un réel problème démocratique.

 

Il est cependant savoureux d’observer que tant de commentateurs font mine de découvrir subitement un nouveau phénomène, tout fiers d’inventer les “Fake News”, “Fake”, “Intox”… Comme si les erreurs, les rumeurs, les mensonges, les manipulations ou le bourrage de crâne était inédits – on doit pourtant à ceux-ci la naissance du formidable Canard Enchaîné il y a un siècle…

Le paramètre qui modifie véritablement la donne est d'ordre quantitatif et ne doit évidemment pas être nié : Internet démultiplie et amplifie ce phénomène inhérent à la nature même des médias, et beaucoup plus de particuliers peuvent désormais diffuser de fausses informations. Tout comme ils peuvent aussi en relayer de vraies, ou pointer les erreurs, mensonges ou omissions des grands médias.

Bref, les journalistes ont perdu le monopole de l’information, et découvrent les charmes de la concurrence – dont les médias élevés à l'école néolibérale se font par ailleurs volontiers les chantres.

Or la concurrence n’est bénéfique que si elle s’exerce à l’intérieur d’un cadre bien défini.

« La concurrence est naturellement malfaisante. Elle devient bienfaisante lorsqu'elle s'exerce dans le cadre juridique qui la plie aux exigences de l'optimum du rendement social. » [Maurice Allais, 1943]

Du coup, les journalistes ont aussi perdu le monopole du bourrage de crâne, et découvrent les délices de la concurrence déloyale.

Un peu comme quand, un jour, on a mis un fabricant de chaussures de Roman en concurrence avec des ouvriers chinois, et qu’on lui a dit “Que le meilleur gagne !” Et il a “étrangement” perdu…

Alors comment les journalistes, traumatisés par le Brexit, l’élection de Trump puis le naufrage de leur propagande pro-djihadistes à Alep allaient-ils réagir ?

Eh bien, mal, évidemment…

III. Le Monde lance le Decodex – ou Dec-Index ?

Les Décodeurs du Monde ont donc lancé ce 1er février leur propre Index, liste de 600 sites classés en 4 catégories.

Je précise que j’ai la liste, mais que je ne la diffuse pas pour ne ne pas participer à une large opération de diffamation, et ce pour deux raisons :

  • la première, c’est simplement par éthique et civisme ;
  • le deuxième, c’est SURTOUT que dans ce cas, on engage sa responsabilité personnelle. Vous pouvez clairement être poursuivi en diffusant la liste du Monde, puisque vous endossez et diffuser leur propos ; de nombreuses personnes vont attaquer Le Monde, et leurs avocats vous attaqueront également. Faites donc très attention à ce que vous faites, je vous rappelle qu’un simple retweet de propos diffamatoires ouvre une action contre vous (Source : Ministre) – alors dans un cas comme celui-ci, je vous laisse imaginer…

Le tout dans un but clairement Orwellien et assumé comme tel :

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“Avec Les Décodeurs, créé en 2009 sous la forme d'un blog et devenu une rubrique depuis 2014, Le Monde s'est donné une mission, celle de la vérification de la parole publique (« fact-checking »), qu'il s'agisse de propos politiques ou de rumeurs sur le Web.” (Source)

On parle bien du Monde, qui nous a vendu les charmes des Khmers Rouges à leur arrivée au pouvoir, Timisoara, les couveuses du Koweït, Le vrai-faux plan Fer à cheval d’épuration ethnique au Kosovo, les armes de destruction massive en Irak, les bobards sur la Libye en 2011, ou encore récemment le quasi-génocide lors de la Libération d’Alep Est (sérieux, ça s’est vu grave, même ses confrères le disent)…

Si le Monde pouvait se donner pour mission d’être irréprochable sur son propre travail, cela serait déjà une sacrée avancée pour lutter contre les fausses informations…

L’article continue :

“Les Décodeurs du Monde.fr ont référencé un peu plus de 600 sites d'information, classés selon une « grille » méthodologique, qui prend en compte non leur orientation politique ou idéologique, mais avant tout leur fiabilité journalistique : publient-ils des informations vérifiées ? Donnent-ils leurs sources ? Les auteurs sont-ils identifiés ? […]

Notre outil doit permettre à l'internaute de savoir qu'il ne se trouve pas sur un site « neutre », mais sur un organe militant. Avec les réseaux sociaux, il est très simple de se donner les atours d'un site d'information sérieux pour mieux diffuser sa propagande.”

Il est vrai que tant qu’on n’enseignera pas Noam Chomsky en Terminale et en école de journalisme, on pourra lire ce genre de choses qui vous laissent pantois…

Le Décodex propose trois outils :

  • un moteur de recherche pour trouver un site, par son nom ou son adresse ;
  • une extension Chrome qui signale par une fenêtre pop-up si le site est fiable ou non ;
  • un « robot » Facebook à interroger pour savoir si un site est fiable.

Leur classement est le suivant :

  • vert (200 sites dans la version de départ) : “Ce site est en principe plutôt fiable. N'hésitez pas à confirmer l'information en cherchant d'autres sources fiables ou en remontant à son origine.”
  • orange (120 sites) : “Ce site peut être régulièrement imprécis, ne précisant pas ses sources et reprenant des informations sans vérification. Soyez prudent et cherchez d'autres sources. Si possible, remontez à l'origine de l'information.”
  • rouge (170 sites) : Ce site diffuse régulièrement de fausses informations ou des articles trompeurs. Restez vigilant et cherchez d'autres sources plus fiables. Si possible, remontez à l'origine de l'information.
  • bleu (70 sites) : Attention, il s'agit d'un site satirique ou parodique qui n'a pas vocation à diffuser de vraies informations. À lire au second degré.

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“Bien entendu”, pour rester dans l’ambiance, ils ont aussi créé l’outil automatisé de délation :

Bientôt votre blog ou votre page Facebook seront-ils concernés ? Car oui, oui, ils “gommettent” de simples pages Facebook aussi – et des comptes Twitter ! Et ils s’en vantent :

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Évidemment, en matière de délation, le Français s'y connaît… :

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Et attention, ils cherchent des auxiliaires pour bien vous faire le portrait :

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De toute façon, le but est clair : c’est bien un “Index” :

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Un des créateurs du Decodex a retweeté l’intervention de son patron (bonne idée le coup de lèche, ça va lui être utile…) qui confirme :

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Dans le Monde aussi :

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Eh bien M. Fenoglio, la qualité de “L’équipe des Décodeurs, pionnière en France”, vous en avez sur ce blog un petit exemple aujourd’hui, mais surtout, revenez demain, vous allez être TRÈS intéressé… (parce qu’en vrai, le mardi, c’est le jour de la semaine où je suis gentil – vous verrez donc la différence demain…)

Mais rassurez-vous, elle est tout-à-fait en phase avec la qualité de votre équipe de correspondants en Ukraine – puisqu’il semble bien que vous m’en voulez clairement pour avoir osé m’intéresser à cette thématique et poser certaines questions :

Par ailleurs, petite précision qui a son importance, révélée par le site Arrêt sur Images (soutenez-les…) :

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Le Monde est allé tendre la main auprès du Fonds “Google / Presse” pour avoir les 60 000 € du projet (eh bien, les temps sont apparemment durs au Monde…) – fonds que Google a octroyés à la presse pour qu’elle accepte son Google News :

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J’imagine donc que le Conseil d’administration a trouvé que c’était une bonne idée de pourrir plein de sites internet – belle illustration de la limitation de la liberté d’expression qui risque d’advenir dans le futur…

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On note donc qu’il n’y a pas que Google qui trouve ça bien, de nombreux journalistes aussi !

Google qui se lance aussi dans les gommettes – mais au moins n’accorde-t-il que des vertes, et relativement à des informations, pas à des sites…

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IV. Les lourds problèmes posés par le Decodex

Ainsi, le Decodex n’a rien inventé de bien nouveau, les listes de proscription sont vieilles comme Hérode, et sont en général l’apanage de philosophies plus ou moins totalitaires, allant de l’Inquisition au stalinisme, du maoïsme aux fascismes.

Et les listes de “mauvais sites Internet” existent depuis des années, sauf que jusqu’ici elles tournaient en général dans les bas-fonds d’Internet, où elles étaient souvent mises en avant par des affabulateurs, des manipulateurs ou des  personnes dérangées. Le fait que le plus grand journal du pays s’y mette, sans même avoir fait précéder ceci d’un large débat, est surréaliste. Et ce, sans même parler de la qualité du classement.

Et le fait que presque personne n’ait réagi, et, pire encore, que certains journalistes s'en réjouissent, est pour moi d’une tristesse incommensurable : le débat intellectuel du pays sombre dans le coma…

Merci cependant à Élisabeth Levy au passage pour ce bel article – on n’est pas d’accord sur tout, mais on a au moins ici une intellectuelle qui sait poser les bonnes questions… (par chance, Causeur est trop gros, ils n’ont pas -encore- osé le marquer conspirationniste…)

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4-1/ Mais pour qui se prend le Monde ?

Il est incroyable de voir que des journalistes se sentent à l’aise avec le fait de re-créer une Congrégation de l’Index.

Se croire autorisé à “labelliser” des sites qui n’ont rien demandé, en considérant qu’ils “diffusent des intox et des faux”…

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C’est vraiment une sacrée vision du métier de journalisme – je vais d’ailleurs alerter et me plaindre au SNJ.

“Tout homme journal qui a du pouvoir est porté à en abuser jusqu’à ce qu’il trouve des limites.” [d’après Montesquieu, De l’esprit des lois,1748]

4-2/ Les conséquences sur les “Rouges” : Crève !

“Red is Dead” en effet…

Quelle que soit l’intention du Monde, obtenir une étiquette rouge, et même orange, de sa part condamne le récipiendaire à la fermeture, ou à mort sociale de l’auteur, à l’impossibilité de travailler honnêtement comme il pourrait le faire, ou à être cantonné dans les marges sombres dans le meilleur des cas.

De plus, si la catégorie comprend une masse de sites débiles (Illuminati News ou Je suis stupide, j’ai voté Hollande) et/ou antisémites, elle comprend aussi des sites dont une telle classification est si peu rationnelle qu'elle pourrait éveiller des soupçons (si on avait l’esprit mal tourné, ce qui n’est pas mon cas) relatifs à un possible simple règlement de comptes (à l’insu de la Direction du journal ?). Surtout pour des sites de critique médias qui ont osé… critiquer le Monde !

Enfin, sans doute pire, pour une application téléchargée par quelques milliers de personnes (lectrices du Monde et donc souvent peu enclines à la pensée critique, qui ne risquaient pas grand-chose…) :

12 000 utilisateurs, 8 000 dénonciations de sites, intéressant sur l’état d’esprit des utilisateurs…

le Monde diffuse largement la liste des pires sites à ne pas regarder, ce qui va leur faire une publicité gigantesque dans le plus pur effet Streisand – merci au Monde sans qui personne n’aurait pensé aller visiter Reptiliens.blogspot…

Et je ne parle même pas des faux indétectables qui vont désormais pulluler partout – et il faudra s’en justifier en permanence :

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Source : Topito

4-3/ Les conséquences sur les “Orange” : Ferme ta gueule !

Finalement l’analyse des 600 sites du classement est assez simple :

  • vert : les médias mainstream + une poignée qui plaisent aux créateurs de la liste
  • rouge : les débiles, les antisémites, les pires sites d’extrême droite + une poignée qui déplaisent aux créateurs de la liste
  • orange : à peu près tout le reste, dès que ça critique un peu fortement le système ou que ça a une tonalité engagée politiquement, en particulier de gauche (Fakir par exemple  ! Amitiés à Ruffin au passage)

On voit très bien que ce classement vise à décrédibiliser le travail des sites en question “Ce site peut être régulièrement imprécis, ne précisant pas ses sources et reprenant des informations sans vérification. Soyez prudent” (c’est presqu’aussi grave qu’Ebola donc ?)

Et à faire pression, façon “attention ou tu vas passer en rouge…” (ça se passe comment ? Qui décide ? On a droit à combien d’erreurs ? Graves ? On peut faire appel ? Il y a un purgatoire ? Ce ne sont pas les critères que vous utilisez pour les journalistes du Monde j’imagine, sinon personne ne passera jamais en rouge ?)

Et par ricochet, cela va évidemment museler la liberté d’expression, dissuader beaucoup de gens d’ouvrir un nouveau site.

Car qui va désormais oser ouvrir un site un peu critique, s’exprimer, c’est-à-dire prendre le risque de se tromper, de faire une erreur, de dire une bêtise qui buzzera, si :

  • on peut se taper une enquête de la Pravda qui va vous descendre en flèche auprès de son énorme lectorat ;
  • vous êtes menacé constamment par cette épée de Damoclès qu’est la gommette orange infamante dès que le site connaîtra un début de succès – et dont vous devrez répondre auprès de toutes vos relations, présentes ou à venir…

Le goût de la Vérité (= Pravda en russe) officielle, ce n’est pas nouveau…

Cela illustre un fait préoccupant, dont on parle peu : cette façon qu’ont désormais des journalistes professionnels, payés par des médias, de s’attaquer non pas seulement à des informations fausses (ça, pourquoi pas, c’est important de rétablir la vérité des faits), mais bien à des sites non professionnels, voire même à des personnes physiques, les transformant en bêtes immondes pour parfois une seule erreur réalisée de bonne foi.

Comment un particulier, non professionnel des médias, peut-il encore s’exprimer librement si, lorsqu’il commet une erreur (parfois même dans un simple Tweet !), Le Monde ne se contente pas de rétablir les faits, de corriger l’erreur, mais rédige un papier stigmatisant pour montrer à la terre entière qu’il est un incompétent notoire – alors qu’il aura peut être sorti 1000 choses remarquables ?

Et le Droit à l’oubli pour une “connerie” dans un tweet épinglée par un grand média, c’est prévu ? Ou on pourrit tout le monde à vie, et on verra après ?

Bref, voici comment on brise une réputation, une vie professionnelle, une vie sociale, bref, une vie.

4-4/ Les conséquences sur les “Verts” : Couché ! [ou le soupçon permanent]

Deux centaines de sites ont été classés en vert, : presque tous sont ces fameux médias "mainstream" qui parviennent manifestement trop peu à satisfaire leurs lecteurs pour les dissuader de chercher de l'information ailleurs. Il y a donc dedans les propres concurrents directs du Monde.

C’est déjà en soi une démarche incroyable – il ne semble pas venir à l’idée de Renault de donner des gommettes vertes à Peugeot et BMW pour certifier de la qualité de leurs voitures.

Vu le poids du Monde, cette démarche à la Gault & Millau va surtout désormais laisser planer le doute en permanence sur l’objectivité de ces médias : vont-ils faire ou ne pas faire quelque chose pour plaire ou ne pas déplaire au Monde qui pourrait les dégrader en orange (Effet “Perte de ma 3e étoile”…).

D’ailleurs, il y a des “Ouf” qui ne trompent pas :

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Un autre journaliste résistant :

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Petit conseil de lecture pour ces journalistes, donc :

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C’est assez incroyable que les journalistes ne voient pas des évidences qui sautent même aux yeux d’une toute jeune fille lambda sur Twitter :

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Remarque en passant : contrairement à une pratique habituelle des médias, vous noterez je me suis quand même demandé si je devais afficher ou pas son identité, et en l’espèce, elle restera anonyme dans la copie d’écran. Ce serait bien qu’une réflexion ait lieu sur ce point dans la profession, et sur la capacité à refuser qu’on se serve de vos propos et images dans un média (ou autre) #DroitD’Auteur 🙂

Bon, je suis méchant, il semble rester quelques vrais journalistes dans le pays :

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(Source)

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Ainsi, désormais, tout site vert qui ne relèvera pas, à l’occasion, une erreur ou un comportement fautif du Monde, sera soupçonné par certains de trembler à l'idée d'un possible déclassement, renforçant évidemment la défiance envers les médias (qui est la base de nos problèmes) et alimentant le conspirationnisme.

V. Maccarthysme 2.0

DONC : je ne demande pas à obtenir ma gommette verte, ni même une gommette orange, je demande ne pas figurer dans cette liste Maccarthyste, visant à museler au final la Liberté d’expression.

Eh oui, dans ce contexte, même une gommette verte qui me serait attribuée par ces gens-là, représente un préjudice, car elle pourra laisser penser que j’ai perdu mon indépendance vis-à-vis du Monde, et nuira à ma lutte contre le conspirationnisme. 

Le Monde a une image beaucoup beaucoup trop puissante pour jouer à ce genre de jeu. Sa liste ne sera jamais “une opinion”, cela sera pour la majorité de la population “la Vérité”. C’est comme si l’AFP en faisait une…

Et donc, à chaque fois que le Monde sortira “une connerie”, et que je n’en parlerai pas (trop de boulot, désolé, je ne peux m’engager à ça…), certains penseront que j’ai peur d’eux…

Je n’ai pas créé un site d’information, mais un simple blog personnel pour échanger avec les lecteurs ; et le Monde n’a pas à utiliser l’immense poids de son image pour tenter de me discréditer – sans fondement en plus.

Ce qui se passe est gravissime, car cela veut dire que désormais, les grands médias décident de s’attaquer en masse à des non-professionnels (et même pas à leurs écrits un par un).

Il est évident que le temps de l’Internet libre et insouciant est terminé.

Il aura duré environ 20 ans.

EDIT : alors que j’allais publier ce billet, je tombe sur l’information du jour :

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extrait :

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Encore qu’au moins ils ne discutent que d’une information, et pas d’une source entière – ce qui est déjà fort différent du Décodex.

Mais si c’est le seul plan d’actions qu’ils ont et qu’ils ne se remettent pas en question, les fake news vont largement gagner…

En effet, huit médias discrédités qui se rassemblent ne font pas un média crédible…

VI. Mais Le Monde ne s’arrête pas là…

Comme 2017 s’annonce l’année Orwell, le Monde a aussi annoncé qu’il ne s’arrêterait pas en si bon chemin, et s’occuperait aussi de nos enfants :

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Un groupe de journalistes prêt à intervenir en classe

C'est pour toutes ces raisons que Le Monde a décidé de s'engager dans l'éducation à l'information. Notre objectif est de participer à l'effort déployé par l'éducation nationale depuis la rentrée 2016 et de donner aux élèves les clés pour une lecture critique et distanciée de ce qu'ils lisent ou consultent tous les jours à la télévision ou sur leur smartphone via Facebook, Twitter, Snapchat et autres réseaux sociaux. […]

Pour tenter de répondre un peu plus à la demande des enseignants, un groupe de journalistes volontaires s'est constitué au Monde, prêt à aller faire des interventions en classe, sur la base de ces contenus, et pour expliquer leur métier, dans une tentative de démystifier toujours un peu plus les idées qu'on se fait d'une profession si visible et si peu connue à la fois.

D'ici à la fin de l'année scolaire 2016-2017, nous tâcherons d'intervenir dans différents établissements, aussi bien généraux que professionnels, de la 6e à la terminale. Cette première phase exploratoire nous permettra, grâce aux retours des élèves et des professeurs, de proposer un projet pédagogique plus ambitieux pour la rentrée de septembre 2017.

Aussi, nous lançons un appel aux enseignants intéressés par cette démarche et les invitons à nous contacter pour organiser une rencontre avec leur classe avant le début du mois de juillet. (Source)

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On reste donc dans le même domaine que l’Index, avec cette fois une Mission évangélisatrice – mais ils comptent fonder une religion ou quoi ?  🙂

Conseil amical : il faut qu’ils se méfient quand même, les jeunes, aujourd’hui, fréquentent largement les réseaux sociaux, et il est probable qu’ils soient mieux renseignés sur un certain nombre de choses que les journalistes du Monde (genre il se peut bien qu’ils sachent que le Président du Parlement ukrainien est un “ex”-néo-nazi, ou qu’ils aient entendu parler de l’opération Timber Sycamore, eux) – le cours officiel de propagande risque donc de les énerver un peu, faites gaffe à vous, il y a eu des précédents fâcheux… 😉

Je rappelle que le Monde est une société commerciale à but lucratif, et que je vois mal au nom de quoi elle va aller faire de la retape et de la com’ auprès des enfants à l’école.

Et puis c’est pas comme si ça manquait de bras pour assurer le meilleur niveau de qualité dans le journal, hein…

Bientôt les volontaires d’Amazon pour “ne pas se faire avoir lors de ses achats en ligne”, de Microsoft pour “comment choisir son système d’exploitation” ou de McDonald’s pour “La nutrition, c’est important !”.

Quelqu’un saurait-il si des associations de parents d’élèves ont réagi à cette drôlerie ? C’est encore aux professeurs d’éduquer, pas aux journalistes, non ? Si quelqu’un peut en prévenir certaines…

Du coup, je lance aussi un appel :

  • à des volontaires, s’y connaissant en critique médias, pour constituer un dossier “Les journalistes du Monde débarquent dans ta classe ? Quelques bonnes questions à leur poser…“, sérieux et très factuel (les élèves pourront ainsi leur parler de la couverture du Cambodge, du Koweït, d’Outreau, de la Libye, de Baudis, de l’Ukraine, de Beregovoy, de Chomsky, d’Alep”, ça va être TRÈS intéressant…
  • aux élèves, je sais que de nombreux me lisent. Si un journaliste du Monde débarque bientôt dans votre classe, contactez-moi, on vous donnera le dossier précédent, et je serai heureux de publier votre analyse des échanges, cela vous fera un bel exercice de formation au journalisme du coup…

Quand on peut aider à la formation de l’esprit critique… 🙂

En synthèse : “C’est plein de bonne volonté, merci, mais occupez-vous plutôt de bien faire votre travail, ça aidera bien plus la cause….”

VII. La bonne réponse aux Fake News

Le problème n’était pourtant pas complexe, mais encore faut-il le prendre par le bon bout.

Beaucoup de gens ne s’informent plus uniquement avec les grands médias.

Du coup, ils tombent plus ou moins souvent sur des fausses informations – dont les journalistes parisiens devraient arrêter d’exagérer l’importance, tout le monde ne passe pas sa vie sur Twitter, et ne gobe pas tout…

Face à ça, la première des missions n’est pas de s’occuper de sites rouges (la plupart des gens ne vont pas par hasard sur Iluminatis.com ou Mon-voisin-est-un-extraterestre.fr), mais de redonner à la masse de la population confiance dans les grands médias.

C’est le principal sujet, qui devrait occuper 90 % des débats et non pas 0,1 % comme aujourd’hui.

On est dans une situation surréaliste : c’est comme si 80 % de la population n’avait plus confiance dans les médecins, et allait consulter des chamanes, et que l’Ordre des médecins réagissait en… faisant la liste des mauvais chamanes, soit presque tous… Le tout sans s’interroger sur l’origine de la perte de confiance envers eux, ni y remédier…

Bref, le jour où tout le monde pourra aller en confiance sur Le-Monde.fr, sans se demander s’il n’y aura pas des mensonges non corrigés ou des omissions préoccupantes, où de vrais débats pluralistes seront présents, les gens ne passeront plus leur temps à aller sur des sites sur Internet.

Et ceci réalisé, je pourrai alors fermer mon site, ce qui est mon objectif, ou, à tout le moins, je ne serai plus obligé de scruter les âneries du plus grand journal français ou de donner la parole à des gens qui devraient l’avoir naturellement, dégageant de la sorte un temps précieux pour me consacrer à des analyses de fond, comme j’aime le faire.

Hélas, la profession de journaliste est l'une des plus corporatistes qui soit et elle a théorisé et parfaitement assimilé le fait qu’elle ne devait pas avoir à subir la moindre régulation. Ca marche mal, ça a des conséquences graves : surtout ne changeons rien !

 

Et ce, alors qu’elle est censée être un pilier de la Démocratie ! Car comment bâtir une démocratie digne de ce nom si les citoyens ne sont pas éduqués et correctement informés ? Sans cela, parler de politique est une plaisanterie.

Et ce, alors qu’elle est une des bases de la Démocratie ! Comment avoir une démocratie si les citoyens ne sont pas éduqués et correctement informés ? Sans cela, parler de politique est une plaisanterie.

Bien sûr, la profession a réfléchi : le SNJ a rédigé une Charte d'éthique professionnelle des journalistes qui est une base de travail intéressante. Mais la régulation ne peut-être facultative ni volontaire…

La profession devrait donc réfléchir et apporter à mon sens des réponses solides à ce genre de questions :

  • de grands médias peuvent-ils être la propriété de milliardaires ? (je le mets en premier, car ça revient tout le temps, mais c’est un problème très accessoire, cela se saurait si ça se passait mieux sur la radio publique…)
  • un journal comme le Monde est-il une société classique, ou exerce-t-il une mission de service public ? Quelles conséquences dans ce second cas ?
  • doit-il y avoir une partie “Du pouvoir informatif” dans la Constitution, l’organisant ? (étrange qu’on oublie toujours ce pouvoir fondamental – Montesquieu ne pouvait pas le décrire à l’époque…)
  • un grand média peut-il être une société a but lucratif ?
  • les journalistes doivent-ils être soumis à une charte éthique obligatoire, et sanctionnés en cas de non-respect ? (sanctions professionnelles bien sûr, pas par la justice… Genre blâme voire perte de la carte de presse)
  • faut-il distinguer clairement la mission visant à rapporter les faits, relevant d’un journaliste (profession garantie par une carte de presse), de celle de l’opinion, relevant d’un éditorialiste (sans carte de presse, on ne mélange pas les genres, on ne mélange pas la communication des faits -régulée- de l’opinion -libre-) ?
  • un particulier doit-il pouvoir se plaindre s’il estime qu’un journaliste n’a pas respecté la charte éthique ?
  • une structure éthique externe doit-elle pouvoir veiller aux pratiques d’un média, au respect de la bonne présentation des faits principaux, et au respect d’un pluralisme minimal – surtout s’il bénéficie de subventions publiques ?
  • un grand média, subventionné, peut-il choisir comme bon lui semble les experts auxquels il fait appel ? (c’est à dire peut-il refuser, à la longue, que certains experts de qualité interviennent chez lui ?) Le public devrait-il pouvoir se plaindre du manque de pluralisme dans le choix desdits experts ?

Je n’ai pas les réponses ; tout au plus un avis, mais c’est aux journalistes de répondre les premiers…

VIII. Le fact-checking qu’il nous faut d’urgence

Il est piquant de voir ce Décodex légitimé par ses auteurs par un sincère et authentique désir d'innover dans le cadre de la lutte contre la désinformation au titre de ce qu'il convient aujourd'hui de nommer le "fact-checking". Pourtant, cette pratique n'a rien de nouveau, la référence mondiale en étant sans doute l'équipe de fact-checking du New Yorker.

Cette équipe interne au journal passe son temps dans l’ombre à vérifier les faits, bien sûr, mais UNIQUEMENT les faits publiés par le journal !

C’est en fait l’équipe interne de contrôle qualité, qui vérifie les faits rapportés par les propres journalistes du journal – et qui, par exemple, rappelle une personne interviewée pour s’assurer que ses propos n’ont pas été déformés par le journaliste, etc. On comprend que ce fonctionnement n’a donc rien à voir avec ce que cherche à nous imposer aujourd'hui Le Monde : le contrôle extérieur…

Si ce contrôle interne était obligatoire, sérieux, contrôlé, et si le lecteur pouvait se plaindre en cas de mauvais fact-checking, la crédibilité des médias s’améliorerait probablement fortement…

P.S. quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi c’est à moi de faire ce genre d’article le dimanche, quand il y a 36 000 journalistes dans le pays ?

IX. Et comme le dit le grand Edward Snowden

« Le problème des “Fake News” (fausses nouvelles) ne se résout pas en espérant faire intervenir un arbitre, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous nous aidons mutuellement.

La réponse aux fausses informations, ce n’est pas la censure. La réponse aux fausses informations, c’est plus d’informations, discutées en commun.

Trop de gens dépendent d'une seule source, comme Facebook, pour s'informer. Lorsque vous allez sur votre page Facebook, c’est Facebook qui décide quelles nouvelles vous voyez sur votre page. Ils créent plus de silence qu’ils ne créent d'informations.

Vous comprenez à quel point il est dangereux qu'une entreprise puisse avoir assez de pouvoir pour remodeler notre façon de penser.

Nous devons mettre en pratique et répandre l’idée que la pensée critique est aujourd’hui plus importante que jamais, étant donné que les mensonges semblent devenir très populaires. » [Edward Snowden, Newsweek, Periscope,  Youtube et The Independant – 11/2016]

 

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Série : Le naufrage des Décodeurs du Monde

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