jeudi 7 juillet 2016

Enquête sur l’affaire Kerviel – au cœur du mensonge

Enquête sur l'affaire Kerviel – au cœur du mensonge

Complément d’enquête, 30 juin 2016 :

En janvier 2008, en pleine crise financière, la Société Générale est à deux doigts de s’écrouler à cause de Jérôme Kerviel, un trader de 31 ans, responsable de la perte de 50 milliards d’euros qu’il a frauduleusement misés en bourse. Huit ans plus tard, il refuse d’être le seul à porter le chapeau et accuse la banque d’avoir fermé les yeux sur cette transaction. Jugé coupable à trois reprises, l’ancien trader persiste et demande la révision du dossier. L’ancienne enquêtrice de l’affaire, la commandante Nathalie le Roy de la Brigade financière, déclare s’être trompée sur l’affaire et soupçonne la Société Générale de l’avoir instrumentalisée pendant son enquête.

N.B. Dans cette version Kerviel est invité au début et à la fin.

Mais observez la version suivante, diffusée en janvier 2016 ; je l’avais notée à l’époque, et elle m’avait indigné : le reportage, brillant, est le même (ne le regardez pas de nouveau…), sauf qu’au début et à la fin de l’émission, ils ont interviewé le n°2 de la Société générale (allez à 1h03m), en lui laissant le mot de la fin, ce qui laissait un goût amer :

Il est d’ailleurs intéressant de comparer au niveau de l’analyse média ces 2 présentations du même reportage à 6 mois d’intervalle… Mais entre temps, Kerviel a gagné sur des points importants…

============================================================

Nouveaux rebondissements dans l’affaire Kerviel. Le vent serait-il en train de tourner en faveur de l’ancien trader ? Après une première victoire judiciaire − le 7 juin, le Conseil des prud’hommes a condamné la Société générale à lui verser 450 000 euros pour l’avoir licencié sans “cause réelle ni sérieuse” et dans des conditions “vexatoires” − il pourrait ne pas avoir à payer les 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts que lui réclame la banque. En appel, le parquet a requis le 17 juin le rejet de cette demande ; la cour devra trancher le 23 septembre.

“Complément d’enquête” rediffuse le 30 juin 2016 un document de janvier dernier. Jérôme Kerviel était alors de retour au tribunal correctionnel pour demander l’annulation du jugement de 2012. Accusé d'avoir fait perdre presque 5 milliards à la Société générale, il a été condamné à trois reprises à cinq ans de prison, dont trois ferme. Huit ans après, c’est lui qui portait plainte contre la banque…”Tout le monde savait”, c’est ce qu’il maintient depuis le début. L’ancien trader a livré sa version des faits, point par point, àSamuel Humez. Elle était appuyée par plusieurs témoignages clés, dont celui de Nathalie Le Roy, la commandante de la brigade financière, qui a pu faire basculer le dossier.

Une “guerre de communication”

L’enquête replace l’affaire dans le contexte des années 2000, quand les traders sont rois. Et retrace l’histoire d’une fuite en avant jusqu’au “pari de trop”. Du jour au lendemain, le petit Breton débarqué à la Société générale avec un simple DESS de finance, “mister Nobody” comme Kerviel se définit lui-même, devient l'ennemi public numéro un, celui qui a volé 5 milliards.

Son visage à la une de tous les journaux, le trader fait son mea culpa à la télévision à une heure de grande écoute. L'affaire déchaîne les passions : l'ancien communicant de Jean-Marie Messier va même travailler gratuitement pour l'accusé. Christophe Reille raconte pour “Complément d'enquête” une “guerre de communication” contre la Société générale. Et comment il a obtenu cette image, en mars 2008, d'un Kerviel sortant souriant de la prison de la Santé (par une porte dérobée) après sa détention provisoire. Une image qui va mettre en fureur la Société générale… Bataille médiatique gagnée.

Un combat judiciaire à rebondissements

Les soucis judiciaires, eux, s’amoncellent. C'est Nathalie Le Roy, commandante chevronnée de la Brigade financière, qui est chargée de l'enquête après la plainte pour fraude de la Société générale. La banque va “l’aider” à se forger sa conviction. “J'ai rédigé un rapport de synthèse à charge”, reconnaît-elle face au journaliste de “Complément d'enquête”.

Octobre 2010 : condamné à cinq ans de prison et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, “une peine de mort sociale”, Jérôme Kerviel est K.-O. Il décide de faire appel. Un deuxième round où il doit prouver que la banque savait, et a laissé faire. Il recourt à un nouvel avocat, David Koubbi. Cette fois, c'est Kerviel qui porte plainte contre la banque, pour faux et usage de faux. Nathalie Le Roy rouvre sa propre enquête.

Des éléments troublants

L’enquêtrice et l’avocat racontent des échanges parfois vifs. Après une audition, Nathalie Le Roy croise David Koubbi, qui l'interpelle : si elle s'est trompée, va-t-elle “couvrir son erreur ou faire le job” ? Sa réponse à celui qu'elle traite dans son for intérieur de “chieur” : elle fera son travail… Et examinera les pièces inédites dénichées par l'avocat.

Parmi ces pièces, huit heures d’enregistrement de l’interrogatoire infligé à Kerviel par la Société générale une fois les pertes découvertes, le week-end des 19 et 20 janvier 2008. Selon l’avocat, plus de deux heures auraient été effacées… A l'époque, des blancs inexpliqués dans des extraits publiés par le site Mediapart avaient fait douter l'enquêtrice. La Société générale nie, et un rapport d’expertise établit que les enregistrements n’ont pas été falsifiés.

Des témoignages qui accusent la Société générale

Mais d’autres éléments accusent la banque, comme le témoignage de Sylvain Passemar, un ingénieur de la Fimat, filiale de la Société générale. En 2007, il remarque un volume d’activité énorme générée par le compte SF581, celui d’un certain… Jérôme Kerviel. Mais celui-ci, une vraie “cash machine”, dégage des résultats exceptionnels. Champagne à gogo et félicitations par mails s’ensuivent – des mails introuvables. Nathalie Le Roy interroge le responsable du courrier informatique de la Fimat : a-t-il reçu l’ordre de les supprimer ?

Il y a aussi ces très exceptionnelles “indemnités” versées aux anciens du desk Delta One, les collègues de Kerviel, tous virés. Le prix du silence ? “Complément d’enquête” a interrogé son ancien supérieur, qui a chargé l’ex-trader lors du procès : a-t-il perçu 1 million d’euros ? Enfin, le plus gros scandale de l’affaire Kerviel reste peut-être cette ristourne fiscale de 2,2 milliards d’euros accordée à la banque sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un “coup de pouce” face à des pertes de 4,9 milliards – jamais questionnées par une enquête indépendante.

==========================================

En octobre 2010, Jérôme Kerviel est condamné à trois ans de prison ferme pour avoir fait perdre presque 5 milliards à la Société générale à la suite de mises frauduleuses. La banque ne savait-elle vraiment rien de ses paris à 50 milliards d'euros ? Après avoir rédigé le rapport qui a envoyé l’ancien trader en prison, Nathalie Le Roy n'en n'est plus si sûre. L’enquêtrice de la brigade financière a dû reprendre son enquête, car l’accusé fait appel et porte maintenant plainte contre la banque.

Nathalie Le Roy va alors découvrir des éléments de plus en plus troublants. Parmi eux, les témoignages de deux employés de la Fimat. Cette filiale de la Société générale exécute les ordres des traders et gère le flux de leurs opérations.

Un ingénieur voit le trafic exploser

Sylvain Passemar, ingénieur, joue le rôle d’une tour de contrôle en aiguillant le trafic informatique des traders. Durant l'été 2007, il voit le trafic exploser et plusieurs serveurs tomber en panne. “Imaginez le trafic du péage de Saint-Arnoult un 14 juillet sur une route nationale… Et ça tous les jours, pendant des mois !” Du jamais vu. Cette activité totalement anormale est générée, comme il va le comprendre, par le compte SF581… celui d'un certain Jérôme Kerviel.

Un comptable décrit une “cash machine”…

Le compte SF581, Philippe Houbé, un ancien comptable de la Fimat qui avait accès aux comptes de tous les traders de la Socgen, le connaît bien. Comme tout le monde à la Fimat : en cette fin 2007, le compte de Jérôme Kerviel est devenu une vraie “cash machine” et attire des mails de félicitations à la Société générale. Le champagne coule à flots… Comment la banque peut-elle ignorer une activité dont sa filiale se réjouit ouvertement ?

… et des appels de marge impossibles à ignorer

En outre, la Fimat envoie chaque jour les relevés à sa maison mère. Ce découvert de 559 millions d’euros affiché par le compte SF581 n’a pas pu passer inaperçu, explique Philippe Houbé devant un écran d’ordinateur. En effet, la banque a dû verser cette somme sur le compte, comme dépôt de garantie : c’est cela, un “appel de marge”. Pour l’ex-comptable, “ça signifie qu’elle est clairement au courant de l’activité du trader”.

La Société générale répond “montant global”

Pas du tout, rétorque la Société générale par la voix de son avocat, Jean Veil : “L’ensemble arrivait avec un montant global, sans que l’on regarde les actions individuelles de chacun des traders.” Une banque qui n’éplucherait pas ses relevés de comptes ? Nathalie Le Roy n’en croit pas un mot. La Société générale aurait-elle dissimulé des informations ?

Le responsable du courrier électronique avoue

L’enquêtrice soupçonne la Société générale d’avoir voulu dissimuler qu’elle était au courant des appels de marge de Kerviel. Nathalie Le Roy décide alors d’interroger le responsable du courrier électronique de la Fimat. Lui a-t-on demandé d'effacer des mails ? “Au bout d’un certain temps de silence”,se rappelle la policière, elle insiste, et la réponse vient, sans équivoque : c’est “oui”. 

kerviel-27

La démocratie sans peuple ? (billet invité)

La démocratie sans peuple ? (billet invité)

Billet invité de l'œil de Brutus


C'est l'utopie que semble appeler de ses vœux le philosophe libéral Gaspard Koenig dans un billet cinglant de colère sur le Brexit lorsqu'il clame « Oui à la démocratie, non au «peuple», fiction de romancier ».

Mais comment cela serait-il possible ? Imaginons un brésilien arrivant à l'aéroport d'Heathrow en ce jour de référendum sur le Brexit. Pourrait-il aller porter son bulletin dans l'urne du simple fait de sa présence sur le sol britannique ? Non, bien sûr que non et il y en aurait bien peu à prôner une interprétation aussi fantasque de la démocratie. Pour qu'il y ait démocratie, il faut donc bien qu'il y ait un « dedans » - des personnes qui expriment leurs choix sur la réalisation d'un bien commun qu'ils partagent avec d'autres – et un « dehors » - ceux qui ne peuvent exprimer leur choix car ne participant pas, ou de manière trop partielle, à ce bien commun. Bien évidemment, entre ce « dedans » et ce « dehors », il ne saurait y avoir une étanchéité parfaite. Il faut avoir l'esprit sacrément obtus pour ne pas être capable d'imaginer qu'entre un modèle de libre-échange (de biens et de personnes) parfait (ce qui au demeurant n'existe pas) et la Corée du Nord, il existe une multitude de possibilités. Ces possibilités sont la manière dont nous régulons nos frontières. Cette régulation peut être très ouverte ou très peu permissive, mais cela est un autre débat. Mais dans tous les cas, c'est cette régulation – qui inclut notamment l'accès à la citoyenneté – qui permet l'existence de ce « dedans ». Et qu'est-ce que ce « dedans » ? Le peuple, tout simplement. Une communauté de personnes qui accepte de mettre en partage un bien commun, la citoyenneté. Sans cela la démocratie ne fait plus aucun sens : imaginerait-on des Brésiliens se prononcer sur le Brexit puis demain des Gallois en vacances à Rio de Janeiro sur le successeur de Dilma Roussef ? Un simple constat historique s'impose : de la Grèce antique à nos jours, il n'y a jamais eu de démocratie sans peuple, et de peuple sans Cité (ou Nation, ce qui équivaut).

Alors, bien évidemment, quelques bien-pensants ramèneront le peuple à la nation, la nation à la haine, la haine à la guerre. Drôle de (faux) syllogisme qui confond le concept avec l'usage qui a pu en être fait. Avec de tels sophismes simplistes, les usagers du TGV Paris-Marseille se doutent-ils qu'ils ont maillent à partie avec les déportations de la 2e guerre mondiale ou avec celle des Arméniens par les Turcs ? Espérons que nos bien-pensants ne découvrent pas que Marine Le Pen utilisent fourchettes et couteaux pour son déjeuner sinon ils en viendront à manger avec leurs mains …

Au demeurant, qui se montre le plus violent, le plus haineux et le moins ouvert ? M. Koenig lorsqu'il pérore « Je hais la nation (…) et méprise les nationalistes » ? Ou le peuple britannique qui fait le choix, assumé et dans la droite lignée de siècles d'indépendance farouche, de tourner le dos à la technocratie et aux diktats bruxellois par l'expression d'un vote on ne peut plus démocratique ?


On rappellera également que, si elle se veut politique (au sens fédéral), l'Europe ne formant pas peuple, elle ne peut pas, constitutivement, être démocratique (et une addition de différentes démocraties n'a jamais formé une démocratie). Par contre, si elle se veut coopération politique (et donc confédérale), alors, oui, elle peut faire sens en tant que coopération entre peuples d'une même civilisation.

Suicides à France Télécom : des dirigeants menacés de poursuites pour harcèlement moral

Suicides à France Télécom : des dirigeants menacés de poursuites pour harcèlement moral

N’oubliez pas qu’ils ont fait appel à des psys pour « détruire » les gens psychologiquement, afin qu’ils quittent l'entreprise ou se reconstruisent sur leur nouveau schéma de travail. Le souci, c’est que 60 personnes ne s’en sont jamais relevés... Cela rappelle étrangement la fameuse stratégie du choc… En d’autres mots ? Ce sont des meurtriers, comme beaucoup d’autres entreprises du reste, qui pensent d'abord  aux cours de leurs actions plutôt qu'au bien-être de leurs salariés...

Dans les locaux de France télécom d’Annecy-le-Vieux en 2009 au lendemain du suicide d’un employé.
JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

La réunion des cadres de France Télécom organisée à la Maison de la Chimie, à Paris, le 20 octobre 2006, se voulait sans détour. Une opération de motivation des troupes comme les grandes entreprises savent le faire. Les objectifs étaient clairs, et le PDG Didier Lombard n’a pas pris de gants pour les annoncer.

D’ici trois ans, 22.000 salariés devront avoir quitté l’entreprise, 14.000 autres auront changé de poste. Soit une personne sur trois. « Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé », a admis Didier Lombard ce jour-là, mais « je ferai [ces départs] d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte. » En contrepartie, 6000 personnes seront recrutées.

Sur scène, aux côtés du grand chef, le directeur des ressources humaines (DRH), Olivier Barberot, opine. Next, le plan de restructuration, et son volet social Act, sont ambitieux, il faut se donner les moyens.

Lire aussi :   France Télécom, la mécanique de la chaise vide

Les conséquences de la mise en œuvre de ces deux programmes furent dramatiques. Soixante personnes se sont suicidées en trois ans, dont trente-cinq pour les seules années 2008 et 2009. En septembre 2009, les syndicats de l’entreprise déposaient plainte contre la direction dont ils dénonçaient « les méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité ».

Pendant quatre ans, l’ex-juge d’instruction Pascal Gand a épluché des milliers de courriels, déchiffré des PowerPoint, interrogé des dizaines de salariés et de cadres. L’enquête est terminée et le parquet vient de prendre ses réquisitions. A la fin d’un document de 193 pages signé le 22 juin, le procureur de la République de Paris est catégorique : selon lui, sept anciens dirigeants de France Télécom doivent être renvoyés devant un tribunal correctionnel.

Réquisitions inédites

Si le juge d’instruction, qui rendra son ordonnance d’ici quelques semaines, suit l’avis du parquet, Didier Lombard, ancien numéro un de France Télécom (devenu Orange en 2013), son ex-bras droit, Louis-Pierre Wenes, et celui qui fut DRH, Olivier Barberot, comparaîtraient pour « harcèlement moral ».

De même pour la société France Télécom, personne morale. Deux directeurs territoriaux – Nathalie Boulanger et Jacques Moulin –, ainsi que le DRH France de l’entreprise, Guy-Patrick Cherouvrier, et l’ex-directrice du programme Act, Brigitte Bravin-Dumont, devraient répondre, eux, de « complicité de harcèlement moral ».

De telles réquisitions – « qui ne sont qu’une étape de l’instruction », rappelle Me Claudia Chemarin, l’avocate de l’entreprise sont exceptionnelles, en France. Il est encore rarissime, pour ne pas dire inédit, que les plus hauts dirigeants d’une entreprise, qui n’étaient pas les responsables directs des salariés, doivent répondre d’actes de « harcèlement moral » devant un tribunal et pour autant de salariés.

Le PDG de France-Telecom Didier Lombard lors de sa visite des bureaux de la compagnie après le
suicide d’un des employés à  Annecy-Le-Vieux (Savoie) le 28 septembre 2009.
JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Pour le procureur, il s’agit surtout de juger un système, celui de la politique de la chaise vide. Ces années-là, chez France Télécom, le harcèlement était érigé en méthode. Les cadres étaient formés à décourager leurs équipes, leur bonus en dépendait. Chaque nouveau départ était la promesse d’une prime majorée en fin d’année.

La loi, en France, est pourtant claire. Quiconque « harcèle autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail » est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, dit l’article 222-33-2 du code pénal. Si la preuve est donc apportée que des actes ont été commis dans le but de dégrader les conditions de travail d’un ou plusieurs salariés, le délit de harcèlement moral est constitué. Des preuves, le parquet estime en avoir pléthore.

Soyons clairs, la justice ne reproche pas aux anciens dirigeants de France Télécom d’avoir voulu réorganiser l’entreprise pour l’adapter à l’ère du numérique et du (presque) tout-mobile. « Ce qui est en cause, c’est la façon dont [ils ont] géré cette organisation », explique le procureur.

Au cours de l’instruction, Didier Lombard et son équipe ont beaucoup joué sur les mots. Ils ne contestent pas les chiffres de 22 000 départs et 14 000 mouvements annoncés à la Maison de la chimie, mais il ne s’agissait pas d’« objectifs », juste des « estimations », des « trajectoires », assurent-ils.

Pour le parquet, « cette dénégation n’est pas sérieuse ». Tout prouve, au contraire, que « l’objectif de déflation et de mobilité est devenu une fin en soi, quels que soient les moyens pour l’obtenir ». Mais comme « la société n’a pas tenu compte des alertes et des avertissements sur l’impact » des changements, « n’a pas évalué les risques psychosociaux », cette défense était « la seule possible », note le parquet. Combien de fois, pourtant, les syndicats, l’inspection du travail, les médecins ont-ils alerté les dirigeants du climat de travail exécrable de l’entreprise ?

« Faire bouger les gens »

Le dossier d’enquête regorge de documents – tableaux Excel, présentations PowerPoint – et de témoignages de salariés qui relatent la chronique de ces départs forcés. « 5 janvier 2007, petit déj Codir (…). RH (ressources humaines) : objectif réduction atteint tant bien que mal », griffonne, par exemple, sur un carnet, Gervais P., directeur financier.

Là, c’est une note adressée à Nathalie Boulanger évoquant la « décroissance de 47 CDI [contrats à durée indéterminée] actifs (…), soit sept de mieux que le budget repérimétré (…), l’objectif annuel de 296 départs est donc atteint à hauteur de 74 % ». Jacques Moulin avait conservé, chez lui, des montagnes de documents récapitulant, « pour toutes les directions (…), la réalisation ou non des objectifs de réductions d’effectifs ».

Les traces laissées par l’immolation d’un employé de France-Telecom près de son lieu de travail à
Merignac (Gironde) le 26 avril 2011. PATRICK BERNARD / AFP

Combien de chefs ont pu résister ou protéger leurs équipes, alors que tout les poussait à suivre le mouvement ? Leur rémunération était indexée sur les départs. Et l’école de management de Cachan, spécialement créée en 2005 et entièrement consacrée au projet, les formait à « faire bouger les gens », en mettant « la pression partout ». Plus de 4 000 cadres suivaient le cursus chaque année.

Le message toxique est passé ; la méthode a fonctionné. Progressivement, mais sûrement, les conditions de travail se sont dégradées. Tout était bon pour faire craquer le personnel. Affecter les mères de famille sur un poste à deux heures de route de chez elles, offrir à un cadre des responsabilités nettement inférieures à celles qu’il occupait précédemment. Mais aussi « oublier » des salariés lors d’un déménagement, les laisser quelques semaines sur un plateau vide, sans chaise ni bureau, loin de leurs anciens collègues.

La situation semble ubuesque, mais Etienne et Vincent l’ont vécue à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, comme Guy, à Villeneuve-d’Ascq (Nord). Chaque vendredi soir, chacun attendait avec crainte ce courriel qui leur vanterait une nouvelle fois les bienfaits d’un poste au conseil général ou des aides qu’ils pourraient recevoir s’ils se lançaient dans l’apiculture.

Dans son réquisitoire, le parquet précise que les victimes concernées pourraient être plus nombreuses que les quelques dizaines de personnes qui se sont déjà manifestées auprès de la justice : « Ces dégradations ont concerné tous les salariés de tous les établissements du groupe dans lesquels était recherchée ou pratiquée la déstabilisation des salariés (…) propice à accélérer la déflation d’effectifs et les mobilités. »

Sur les 110 000 salariés que comptait alors France Télécom, « il existe nécessairement de très nombreuses victimes non identifiées », poursuit le magistrat. « Cette machine était une machine de destruction massive », confirme MJean-Paul Teissonnière, avocat du syndicat SUD-PTT. Dans l’hypothèse où un procès se tiendrait, des centaines d’autres salariés pourraient demander l’indemnisation de leur préjudice.

 

Emeline Cazi

Journaliste au Monde

 

Source : Le Monde.fr

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Le salaire de la peur

 

 

Continental : les licenciements abusifs confirmés...

Continental : les licenciements abusifs confirmés...

La Cour de cassation a jugé que Continental n'avait justifié "ni de difficultés économiques ni d'une menace pesant sur la compétitivité de son secteur".

La Cour de cassation a confirmé mercredi que le licenciement en 2009-2010 des salariés de l'usine de Clairoix de Continental France n'avait pas de "justification économique", mais a exonéré la maison mère allemande de toute responsabilité dans cette décision. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a estimé que la cour d'appel d'Amiens avait "légalement justifié sa décision" sur les licenciements.

Celle-ci a jugé que Continental France n'avait justifié "ni de difficultés économiques ni d'une menace pesant sur la compétitivité de son secteur d'activité" et que "la fermeture de l'établissement de Clairoix et la suppression des emplois ne répondaient qu'à un souci de rentabilité du secteur pneumatique du groupe".

Mais les juges ont toutefois cassé partiellement cet arrêt en ce qu'il conférait à la société basée à Hanovre, Continental AG, un statut de "co-employeur" et l'avait condamnée à payer solidairement, avec sa filiale française, 29 millions d'euros d'indemnités pour les 683 salariés licenciés. Elle a donc renvoyé l'examen du dossier devant la cour d'appel de Douai.

Une valeur stratégique

Financièrement, cela ne changera rien pour les "Contis", car c'est Continental France qui a réglé les indemnités. Mais le dossier avait surtout une valeur stratégique puisque c'était le principe même du co-emploi, particularité du droit français, qui était attaqué par Continental. Ce principe juridique permet, sous certaines conditions, de faire porter la responsabilité sociale de la fermeture d'une filiale et d'un licenciement collectif à la société mère qui en a pris la décision.

À l'audience, le 18 mai dernier, l'avocat de l'équipementier allemand s'était employé à démontrer que la filiale française était bien une entité distincte et avait critiqué le co-emploi, soulignant que "la France est l'un des rares, si ce n'est le seul pays au monde, à avoir cette notion".

L'avocat général, qui représente le ministère public, avait lui aussi remis en cause cette notion de co-emploi, "des plus délicates" surtout "dans le cadre d'une concurrence mondialisée" entre multinationales. Mieux valait, selon lui, s'en remettre au droit de la responsabilité civile pour faire face à des sociétés mères "prédatrices".

Pas de situation de co-emploi

Dans son arrêt, la Cour de cassation a donné partiellement raison à Continental, en considérant que les éléments caractérisant "le co-emploi" n'étaient pas réunis dans ce dossier. "Le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale et que la société mère ait pris des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l'exécution de ses obligations liées à la fermeture du site ne pouvaient suffire à caractériser une situation de co-emploi", a jugé la Cour.

Mais les sages, dans un but "clairement pédagogique", ont rendu le même jour un second arrêt dans lequel le principe du "co-emploi" a été reconnu dans un dossier concernant le groupe 3 Suisses international, devenu Argosyn, détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto, et la société 3 Suisses France.

Dans cet arrêt, elle réaffirme sa jurisprudence selon laquelle "un co-emploi se caractérise par le fait qu'il existe, au-delà du lien de subordination (...) une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière".

La justice a "entendu les voix des Contis"

"C'est une victoire pour les Contis puisque la Cour a réaffirmé qu'il n'y avait pas eu de motif économique valable à leur licenciement", s'est félicité auprès de l'Agence France-Presse Me Fiodor Rilov, avocat des ex-salariés. Il s'est également réjoui que la haute juridiction n'ait pas abandonné "le principe général du co-emploi", même si elle ne l'a pas retenu dans le dossier Continental.

Dans un communiqué, le comité de lutte des travailleurs de Continental Clairoix se dit "conscient que si la justice a entendu leur voix, c'est parce que celle-ci a porté au-delà de l'usine et même du pays au travers de la lutte déterminée qu'ils ont entreprise dès l'annonce de la fermeture du site. "La satisfaction des travailleurs de Continental va bien au-delà des sommes qu'ils ont touchées. (...) Elle est d'avoir montré ce que les travailleurs en lutte peuvent faire", ajoute-t-il.

 

Source : Le Point.fr

Informations complémentaires :

 

Attentats de Paris : Huit soldats en armes aux abords du Bataclan ne sont pas intervenus !

Attentats de Paris : Huit soldats en armes aux abords du Bataclan ne sont pas intervenus !

« Leurs règles d’engagement ne le prévoyaient pas »… « Ils n’avaient pas reçu l’ordre d’intervenir »… Le massacre a duré plusieurs heures : pourquoi leurs supérieurs ne leur ont-ils pas donné cet ordre si cela pouvait arrêter le bain de sang ? Peut-être leurs FAMAS n’étaient-ils pas chargés ? Sentinelle et Vigipirate ne seraient alors que des opérations de façade, destinées à rassurer la population ? OD

RTBF – Des militaires de la force Sentinelle française se trouvaient devant le Bataclan le soir des attentats de Paris, le 13 novembre 2015, mais ils ne sont pas intervenus car leurs règles d’engagement ne le prévoyaient pas, selon le député [belge] cdH Georges Dallemagne.

« Nos collègues français nous ont appris qu’il y avait huit soldats de la force Sentinelle qui se trouvaient aux abords du Bataclan, à l’arrière en fait. Ils ne sont pas intervenus au moment où il y avait les tueries à l’intérieur du Bataclan, parce qu’ils n’avaient pas reçu l’ordre d’intervenir. Ils n’ont pas pu non plus prêter leurs armes à leurs collègues policiers. Les policiers n’avaient pas l’armement qui leur permettait de donner l’assaut à l’intérieur du Bataclan. Les militaires n’ont pas pu se défaire de leurs armes parce que cela leur est interdit. Cela a été un grand étonnement pour nous » a expliqué Georges Dallemagne à la RTBF.

 

Source(s) : RTBF.be, via Olivierdemeulenaere.wordpress.com le 5 juillet 2016

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Qui a organisé les attentats de janvier et novembre 2015 à Paris ?

 

Le Premier ministre Valls invoque l'article 49.3 pour adopter la loi Travail sans vote...

Le Premier ministre Valls invoque l'article 49.3 pour adopter la loi Travail sans vote...

Bon, c’est « presque » plié, et tout le monde le sait. Ce n’était donc pas une priorité dans les infos de ce matin, mais ce déni de démocratie mérite quand même d’être archivé sur le blog…

Si vous visionnez la vidéo, vous allez penser aux Guignols de l’info, tant le message est décalé et transpire la mauvaise foi, qu’il en devient surréaliste… Hélas !, pour vous, pour nous…, ce n'est pas un mauvais film, c’est la réalité…

Ce qu'il faut que vous compreniez c'est que ce gouvernement, comme tout ses prédecesseurs a peur, mais ce n'est pas de vous qu'il a peur...

et VOUS, vous vous laisseriez vous intimider par des étrangers ?

Update 06.07.2016 @ 15h27 : La Loi Travail adoptée par l'Assemblée nationale, pas de motion de censure de la gauche de la gauche (Le Figaro.fr)

Amitiés.

f.


Loi Travail - le premier ministre Manuel Valls... par folamour_dailymotion

Alors qu'une nouvelle journée de contestation sociale est organisée à Paris, le Premier ministre Manuel Valls a affirmé devant l'Assemblée nationale qu'il allait recourir à l'article 49-3 pour forcer l'adoption du projet de Loi travail.

C’est devant une Assemblée nationale dissipée que Manuel Valls a annoncé le passage en force du projet de Loi travail. Le Premier ministre français a confirmé, mardi 5 juillet, qu'il aurait une nouvelle fois recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la réforme du Code du travail dès le retour du texte en deuxième lecture.

"C’est un texte de progrès social qui a fait l’objet d’une large concertation, mon gouvernement est déterminé à avancer", a fait savoir le chef du gouvernement devant l’hémicycle. Avant d’ajouter : "En application de l’article 49 alinéa 3 de notre Constitution, j’ai donc décidé, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote."

Une motion de censure peu probable

En clair, si aucune motion de censure n'est déposée dans les 24 heures, le projet de loi sera adopté sans vote. Le groupe Les Républicains (opposition), qui a déjà fait savoir qu'il ne déposerait pas de motion, a quitté ses bancs à l'annonce du 49.3, sans attendre la fin de la brève intervention du Premier ministre. Quant aux opposants de gauche au texte, ils peinent à rassembler les 58 signatures de députés nécessaires à l'enclenchement de la procédure.

Passée l'étape de mardi au Palais Bourbon, le projet de loi n'aura pas terminé son parcours, puisqu'il y aura une brève navette avec le Sénat avant l'adoption définitive d'ici au 22 juillet par l'Assemblée.

À la tribune, Manuel Valls a défendu les "avancées" obtenues sur un texte "de progrès social", qui a "fait l'objet d'une large concertation" et, comme en première lecture, a fustigé "une alliance des contraires, une alliance des conservatismes et des immobilismes", en visant la droite et les opposants de gauche au projet de loi. "Cette alliance, c'est celle de ceux qui ne veulent rien changer", a-t-il critiqué.

"Brutalité" et "provocations"

Au sein de la classe politique, les réactions se multiplient. La droite parle d’aveu de faiblesse, tandis que les "frondeurs" du Parti socialiste et la gauche de la gauche parlent de déni de démocratie.

"Il y a beaucoup de postures dans ces réactions, parce que la logique voulait que le 49.3 soit de nouveau engagé dès lors qu’il l’avait été en première lecture, rappelle à France 24 Christophe Caresche, député socialiste de Paris. Le gouvernement a essayé durant cette seconde lecture de faire un certain nombre de modifications au texte. Elles ont d’ailleurs été saluées par les syndicats mais cela n’a pas suffi à modifier le comportement d’un certain nombre de députés de la majorité et le gouvernement a logiquement tiré les conclusions."

"Le Premier ministre est sourd aux appels de la société française puisqu’une grande majorité des Français soutient les manifestations, qui durent depuis maintenant plus de trois mois, affirme à France 24 Noël Mamère, député écologiste de Gironde. Un certain nombre d’entre nous considérons qu’il faut que le peuple soit représenté pour montrer que nous ne nous soumettons pas à la brutalité et aux provocations du Premier ministre qui vient de ressortir le 49.3."

C'est le deuxième 49.3 sur le texte, le quatrième depuis le début du quinquennat de François Hollande, en comptant les deux utilisés sur la loi Macron en 2015. "Quand on est dans l’opposition, on considère toujours que c’est un outil anti-démocratique alors qu’il existe dans la Constitution et que beaucoup l’ont utilisé, notamment Michel Rocard", rappelle Roselyne Febvre, journaliste de France 24 spécialiste de politique française.

Moins de manifestants dans les rues

L’annonce de Manuel Valls intervient, alors que les syndicats opposés au texte ont organisé leur douzième journée d'action avec plusieurs défilés, dont un à Paris entre place d'Italie et Bastille. "Le gouvernement fait une grave erreur en pensant court-circuiter la démocratie s'il promulgue une loi de telle importance pendant les congés estivaux", a prévenu la CGT dans un communiqué. "Le mouvement social ne va pas faiblir et d'ores et déjà des initiatives ont été décidées pendant l'été, afin de préparer une rentrée puissante et offensive pour empêcher la mise en place de la loi." Force ouvrière a réagi dans un communiqué en dénonçant "une sortie par le bas" pour le gouvernement "et "un déni de démocratie".

Mais les opposants au projet de loi de Travail étaient mardi moins nombreux à défiler dans les rues. Selon la police, quelque 7000 personnes s'étaient mobilisés à Paris, bien que la CGT et FO estiment ce nombre à 45.000. Il n'a été rapporté aucun incident violent pendant défilé, qui s'est déroulé sous haute surveillance. 

 

Source(s) : France24.com Avec AFP et Reuters 

Informations complémentaires :