mercredi 6 juillet 2016

Minc, Goulard, Koenig, BHL : quand les élites virent xénophobes et totalitaires

Minc, Goulard, Koenig, BHL : quand les élites virent xénophobes et totalitaires




Des élites qui se comportent comme des oligarques

Il y a vraiment quelque chose de pourri dans ces élites ultralibérales, eurobéates et souvent libertaires. Les réactions à un référendum devraient être simples et respectueuses, même quand son camp perd. C'est la loi de la démocratie. Il faut croire, comme l'avait prophétisé Emmanuel Todd dans « Après la démocratie », que ces élites ne sont pas vraiment démocrates. BHL, ne reculant devant aucune outrance, était allé très loin dans le Monde, parlant d'une « étrange défaite », dénonçant « la victoire des casseurs et des gauchistes débiles » alors que la gauche britannique a préféré le Bremain et qu'il y a sans doute peu de personnes âgées parmi les casseurs, parlant de « victoire de l'ignorance sur le savoir » et évoquant « les langages prétotalitaires modernes », qui préfigurent le pire.


Une partie des élites refusent de plus en plus ouvertement les lois démocratiques, prétendant imposer leur savoir à un peuple qu'ils jugent finalement inférieur, dans une forme de xénophobie sociale qui ne vaut pas mieux que les autres formes de xénophobies. Ainsi Peter Sutherland, ancien commissaire et dirigeant de Goldman Sachs, affirme que « d'une façon ou d'une autre, ce résultat doit être annulé ». Pire encore, Alain Minc soutient que « ce référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des gens peu formés sur les gens éduqués » avant de proposer de ne pas respecter le vote populaire : « nous devrions les aider à ne pas en sortir au lieu d'accélérer leur départ ». Que préfère-t-il au fond : un retour au suffrage censitaire, ou une dictature prétendument éclairée des experts ?


Décidément, ce référendum agit comme un révélateur du fond de la pensée des euroayatollahs : comme le soutient Marc Rameaux dans son papier d'hier, une forme de haine des classes populaires et un sentiment de supériorité qui rappelle d'autant plus le discours nazi quand on y ajoute des notes totalitaires.

Information sous contrôle. Presse française : qui possède quoi…

Information sous contrôle. Presse française : qui possède quoi…

Très bon article du Monde diplomatique, comme quoi certains peuvent encore se prévaloir du terme de « journaliste » (sans que ça, soit péjoratif)

En attendant comme le souligne spartou : « bizarrement cet intéressant article est absent du Monde édition générale LOL... »

f.

 

Cliquez sur l'image pour l'agrandir 

Cette infographie sur la presse française (1) est une refonte de la carte du Parti de la presse et de l’argent (PPA) réalisée pour Le Plan B en 2007 et mise à jour à l’occasion de la sortie du documentaire Les Nouveaux Chiens de garde en 2012.

Plutôt que l’exhaustivité, nous avons fait le choix de la lisibilité, en simplifiant l’information. Ainsi, seuls les principaux propriétaires des médias sont indiqués ici, plutôt que la multitude de petits actionnaires qui cohabitent souvent avec eux.

De même, alors qu’il existe plusieurs milliers de titres de presse en France (2), ne sont ici représentés que : 
• les titres de presse écrite papier à diffusion nationale de type généraliste, économique et politique 
• les titres de la presse quotidienne régionale 
• la télévision nationale (et quelques chaînes de télévision locales) 
• les canaux de radio à portée nationale.

Nous avons ainsi volontairement fait l’impasse sur les sites de presse en ligne, toujours dans le même souci de lisibilité.

Enfin, les groupes indépendants des puissances d’argent (Société nouvelle du journal L’Humanité, groupe Bayard-Presse propriétaire du quotidien La Croix) ainsi que la presse dite alternative ne sont pas représentés (3).

Un travail en cours

Il n’existe pas de source centralisée sur la composition du capital des titres de presse. Nous avons dû procéder groupe par groupe, média par média, afin de vérifier les informations contenues dans cette infographie. Des erreurs peuvent subsister. Pour nous les signaler ou proposer des améliorations : nous écrire ici.

(1) La presse est ici entendue au sens large, comme presse audiovisuelle.

(2) 4 351 en 2014, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

(3) Lire Dominique Pinsolle, « Critique des médias, une histoire impétueuse », Le Monde diplomatique, avril 2016. Pour le cas particulier du Monde diplomatique, indépendant au sein du groupe Le Monde, voir « “Le Monde” et nous » (juillet 2010) et « “Le Monde” et le “Diplo” » (avril 2003).

 

Source(s) : Monde-diplomatique.fr via Contributeur anonyme

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Le jeu de l'argent
 

Le registre public des trusts lancé par la France contesté devant le Conseil d’Etat...

Le registre public des trusts lancé par la France contesté devant le Conseil d'Etat...

Tiens par une Américaine.... étonnant non ? ; ))))

Conseil d'État

A peine créé, le registre public des trusts lancé par la France – opérationnel depuis lundi 4 juillet – se voit déjà attaqué en justice. Selon nos informations, une requête a été introduite le 23 juin devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir la suspension en urgence, puis l’annulation, du décret du 10 mai 2016 créant ce registre de 16.000 trusts possédant un lien avec le territoire français (un constituant, un bénéficiaire, des avoirs financiers ou un bien immobilier, etc.) et déclarés auprès de l’administration fiscale. Est-ce la fin de la grande opération de transparence engagée par le gouvernement français ?

Ce recours devant le Conseil d’Etat est intenté par une Américaine résidant en France et bénéficiaire de trusts. Il s’accompagne d’une deuxième procédure : une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), également soulevée par cette bénéficiaire de trusts, et dont elle saisit aussi le juge administratif, estimant que ce registre public porte atteinte au respect de la vie privée.

Lire aussi :   Trusts  : un pas vers la transparence

Un registre salué par les ONG anticorruption

Décidée dès 2013 dans le cadre de la loi du 6 décembre contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière mais enlisée depuis, la création d’un tel registre a été relancée par les « Panama Papers ». Elle vise à faire la lumière sur ces entités de droit anglo-saxon, conçues pour gérer des successions et organiser des testaments, mais servant parfois à dissimuler des avoirs à des fins de fraude fiscale. La décision de la France d’en ouvrir la consultation au public constitue une première en termes de transparence. Cela avait été notamment salué, fait rare, par les ONG anticorruption.

La requête enregistrée par le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure d’urgence : un référé-suspension, qui vise la suspension immédiate du registre public des trusts dans l’attente du jugement au fond. Ce référé-suspension sera examiné dès le 19 juillet par le juge des référés du Conseil d’Etat, lors d’une audience publique.

Le juge des référés peut demander la suspension temporaire d’une décision administrative lorsqu’il existe « un doute sérieux », dit la loi, quant à la légalité de cette décision et dans l’attente du jugement au fond. Il reviendra ensuite au Conseil d’Etat d’annuler ou non le décret relatif au registre public des trusts, qui en fixe les modalités de constitution et de consultation.

Quant à la deuxième procédure engagée en marge de cette requête – la QPC soulevée par la requérante –, le juge administratif aura trois mois pour décider de transmettre le dossier au Conseil constitutionnel. Cette procédure n’est, pour sa part, pas suspensive.

Un objet inédit du point de vue du droit

Contactée, l’avocate de l’Américaine à l’origine du recours, Stéphanie Auféril, associée fondatrice du cabinet Arkwood, explique qu’il ne s’agit pas, pour sa cliente, de contester la création du registre, mais son caractère public.

« L’objectif de lutte contre la fraude fiscale est parfaitement louable en soi, souligne l’avocate fiscaliste. Mais ce registre porte sur des trusts déclarés et on va donc jeter en pâture les noms de personnes en règle avec le fisc. Il s’agit d’une atteinte à la vie privée, un peu comme si on décidait de rendre tous les testaments publics, sans le consentement de leurs auteurs. » « Que dire des non-résidents français, sans aucun lien avec la France, dont les noms seront dévoilés au seul motif qu’ils se trouvent liés, dans un trust, à un résident français ? » fait-elle valoir. « Ce registre pose d’importantes questions de droit. »

En dépit des précautions prises par Bercy pour encadrer les consultations de ce nouveau registre et prévenir tout acte éventuel de piratage – la nécessité d’être muni d’un identifiant fiscal, la conservation un an durant des données informatiques des contribuables s’y connectant… –, le caractère public de ce registre semble en faire, de fait, un objet inédit du point de vue du droit.

A titre de comparaison, le fichier centralisé des contrats d’assurances-vie (Ficovie), également créé à des fins de lutte contre la fraude fiscale et opérationnel depuis avril 2016, a lui aussi fait l’objet d’une QPC. Il a été déclaré constitutionnel par une décision du 29 décembre 2013, notamment fondée sur son accès restreint, limitée à une administration fiscale « tenue à l’obligation de secret ».

Lire aussi :   Assurance-vie : souriez, vous êtes fichés !

Autre fichier comparable, le registre national des fiducies (l’équivalent en droit français des trusts), créé en 2010 afin de lutter contre le blanchiment d’argent, n’est, de la même façon, accessible qu’aux autorités judiciaires ou antiblanchiment (juges, agents des douanes, Tracfin, officiers de police judiciaire…)

 

Anne Michel

Journaliste au Monde

 

Source : Le Monde.fr

Informations complémentaires :

Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

Miscellanées du Mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade, Onfray, ScienceEtonnante, DataGueule)

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche: l’après Brexit: “Tous les problèmes vont ressurgir” – 04/07

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (1/2): Depuis la chute post-Brexit, les marchés ont-ils maintenant raison d’avoir moins peur ? – 04/07

Olivier Delamarche VS Emmanuel Lechypre (2/2): Comment entretenir la croissance dans les pays développés ? – 04/07

II. Philippe Béchade

La minute de Béchade: Brexit: “La volatilité sur la livre sterling est terrible !” – 24/06

Philippe Béchade VS Éric Turjeman (1/2): Malgré le résultat du référendum, le retrait du Royaume-Uni de l’UE sera-t-il effectif ? – 29/06

Philippe Béchade VS Éric Turjeman (2/2): Le Brexit va-t-il peser sur la croissance économique en zone euro ? – 29/06

III. Jacques Sapir

La minute de Sapir: “Le secteur bancaire de certains pays européens est gravement malade” – 05/07

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (1/2): L’augmentation des créances douteuses des banques italiennes est-elle devenue systémique ? – 05/07

Jacques Sapir VS Cyrille Collet (2/2): Après le Brexit, Paris a-t-elle raison d’essayer d’attirer les entreprises de la finance londonienne vers la France ? – 05/07

IV. Michel Onfray

V. ScienceEtonnante

Les trous noirs — Science étonnante #19

VI. DataGueule

Intermittent, précaire à temps plein ? #DATAGUEULE 8


Petite sélection de dessins drôles – et/ou de pure propagande…

 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi.

Néo-conservateurs et néo-libéraux : comment les idées mortes tuent encore, par Robert Parry

Néo-conservateurs et néo-libéraux : comment les idées mortes tuent encore, par Robert Parry

Source : Le Saker Francophone, Robert Parry, AA-05-2016

Hillary Clinton veut que les électeurs américains aient peur de Donald Trump, mais il y a également des raisons de redouter une présidence néoconservatrice/néolibérale de Clinton, et ce qu'elle signifiera pour le monde, écrit Robert Parry.

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Pendant des siècles, la monarchie héréditaire était le moyen le plus répandu pour la désignation des chefs d'État. Elle a évolué en un système complexe se maintenant par le pouvoir et la propagande, alors même que ses racines idéologiques s'asséchaient pendant le Siècle de la raison. La monarchie étant devenue une idée morte, elle a néanmoins continué de tuer par millions dans son agonie. 

Aujourd'hui, les dangereuses idées mortes sont le néo-conservatisme et son fidèle allié, le néo-libéralisme. Ces concepts ont respectivement façonné la politique étrangère américaine et son économie, au travers des dernières décennies – et ils ont pitoyablement échoué, du moins du point de vue de la plupart des Américains et des peuples des nations ayant subi les effets de ces idéologies.

Aucune n'a profité à l'humanité, les deux ont mené à la mort et la destruction, cependant les jumeaux néo ont bâti une si puissante propagande, et un si puissant appareil politique, en particulier à Washington, qu'ils continueront surement à faire des ravages dans les prochaines années. Ce sont des idées zombies qui tuent.

Pourtant, le Parti démocrate est prêt à nominer un adhérent à ces deux néos, en la personne d'Hillary Clinton. Plutôt que d'aller au-delà du malaise de la politique du président Obama, et de ce qu'il appelle le manuel de procédures de Washington, les démocrates s'y réfugient.

Après tout, l'establishment de Washington reste ravi des deux néos, favorisant l'interventionnisme type changement de régime du néo-conservatisme, et le mondialisme libre-échangiste du néo-libéralisme. En somme, Clinton s'est avérée être la candidate clairement favorite des élites, du moins depuis que les alternatives se sont limitées au populiste milliardaire Donald Trump et au socialiste démocrate Bernie Sanders.

Les concourants du parti démocrate semblent compter sur les médias de masse et les leaders d'opinions proéminents pour marginaliser Trump, le probable candidat républicain, et pour achever Sanders, qui fait face à des difficultés sans fin contre Clinton dans la course à la candidature démocrate, spécialement parmi les cadres du parti, connus en tant que super-délégués.

Mais la hiérarchie démocrate parie pour Clinton, dans une année où une bonne partie de l'électorat américain se révolte contre les deux néos, fatiguée des guerres perpétuelles demandées par les néo-conservateurs, et appauvris par l'exportation des emplois manuels par les néo-libéraux.

Bien que la résistance populaire à ces néos reste peu définie dans les esprits des électeurs, le dénominateur commun des charmes contrastants de Trump et Sanders, est que des millions d'Américains rejettent les néos et répudient les institutions établies qui insistent à maintenir ces idéologies.

La question urgente

La question urgente pour la campagne de 2016 est : est-ce que l'Amérique échappera aux zombies des jumeaux néos, ou passera les quatre prochaines années avec ces idées mortes-vivantes, tandis que le monde vacille de plus en plus vers une crise existentielle.

La principale chose que ces néos zombies ont pour eux, est que la grande majorité des personnes importantes de Washington les ont embrassés et y ont gagné de l'argent et du pouvoir. Ces personnes n'ont probablement pas plus l'intention de renoncer à leurs gros salaires et à leur influence démesurée, qu'un courtisan favori d'un Roi ou d'une Reine de se ranger du côté de la foule crasseuse.

Les néo-adhérents sont aussi très doués à monter des problèmes pour leur bénéfice, facilités par le fait qu'il n'y a pratiquement aucune opposition ou résistance des médias de masse ou des think thanks.

Le néo-conservatisme est devenu la politique étrangère officielle de Washington, reléguant sur le bas-côté les réalistes de l'ancien temps qui favorisaient un usage plus judicieux de la puissance américaine.

Pendant ce temps, le néo-libéralisme domine les débats politico-économiques, considérant les marchés comme l'or d'un nouvel âge, et la privatisation des biens publics comme une loi sacrée. Ils ont écarté les vieux du New Deal, qui appelaient à un gouvernement robuste pour protéger le peuple des excès capitalistes et à la construction d'infrastructures publiques dans l'intérêt de l'ensemble de la nation.

L'absence de forte résistance aux idéologies néos dominantes, est la raison pour laquelle nous avons vécu la catastrophique pression de la pensée collective à propos des armes de destruction massive de l'Irak en 2003, et celle pour laquelle personne n'a osé remettre en question les avantages du libre-échange.

Après tout, les élites bénéficièrent des deux stratégies. Le bellicisme néoconservateur engouffra des milliers de milliards de dollars dans le complexe militaro-industriel, et la délocalisation néolibérale procura des milliards de dollars à des individus chefs d'entreprise et investisseurs de Wall Street.

Ces intérêts ont, l'un après l'autre, été en partie reversés pour fonder des think tanks à Washington, pour financer des organes de presse, des campagnes et des discours d'amis politiciens. Pour les concernés, cette tactique est donc gagnante sur toute la ligne.

Les perdants

Pas tant pour les perdants, ces citoyens qui ont vu la grande classe moyenne américaine évidée sur les dernières décennies, observant l'infrastructure publique de l'Amérique pourrir, et s'inquiétant pour leurs fils et filles envoyées faire d'inutiles, perpétuelles et vaines guerres.

Mais, inondés de propagande intelligente – et luttant pour joindre les deux bouts – la plupart des Américains voient la réalité comme à travers un sombre miroir. Plusieurs «se cramponnent aux armes ou à la religion» comme l'a indélicatement dit Barack Obama durant sa campagne de 2008. Ils ont peu d'autres choses – et beaucoup se tuent avec les opiacés qui couvrent leur peine, ou avec ces armes qu'ils voient comme la dernière chose qui les relie à la liberté.

Ce qui est clair, cependant, c'est qu'un large nombre ne fait pas confiance à – et ne veut pas de – Hillary Clinton, qui a obtenu une note défavorable de 24 points dans un récent sondage. Il semble qu'un autre commentaire indélicat d'Obama lors de sa campagne de 2008 s'avère être injuste, quand il garantissait qu'Hillary était «suffisamment appréciée». Pour de très nombreux Américains, ça n'est pas le cas (bien que Trump ait fait mieux que Clinton avec un score de 41 points négatifs).

Si les démocrates nominent Hillary Clinton, ils espéreront que l'ordre établi des néo-conservateur/libéraux  pourra tellement diaboliser Donald Trump, qu'une majorité d'Américains voteront pour l'ancienne secrétaire d'État par abjection et peur des folies que pourrait faire le milliardaire narcissique à la Maison Blanche.

Les prescriptions politiques de Trump ont été dans tous les sens – et il est difficile de savoir ce que reflète sa vraie pensée (ou son ignorance naïve), à l'opposé de ce qui constitue son talent d'homme de scène, qui lui à valu d'être le survivant de la compétition de TV-réalité pour la présidence républicaine.

Trump pense-t-il réellement que le réchauffement climatique est un canular, ou cède-t-il simplement à l'aspect je ne veux rien savoir du parti républicain ? Considère-t-il vraiment le deal nucléaire iranien d'Obama comme un désastre, ou joue-t-il avec la haine de la droite envers d'Obama?

Contre les néos ?

Trump, quant à lui, n'est pas un fan des néos. Il critique franchement les néoconservateurs sur la guerre d'Irak, et condamne l'ex secrétaire d'état Clinton pour son rôle clé dans un autre catastrophique changement de régime en Libye. Plus encore, Trump appelle à la coopération avec la Russie et la Chine, plutôt qu'à l'escalade des tensions, préférée par les néoconservateurs.

Dans son discours du 27 avril sur la politique étrangère, Trump a appelé à une «nouvelle direction de politique étrangère pour notre pays – une non plus aléatoire, mais intelligente, non plus idéologique mais stratégique, non plus de chaos mais de paix… Il est temps d'inviter de nouvelles voix et de nouvelles visions dans la bergerie. […]»

«Ma politique étrangère mettra toujours les intérêts du peuple américain, et la sécurité américaine, par-dessus tout le reste. Ce sera la base de chaque décision que je ferai. L'Amérique d'abord sera le principal et majeur motif de mon administration.»

De tels propos – suggérant que de nouvelles voix sont nécessaires, et que l'idéologien'a pas sa place – vont clairement à l'encontre des néoconservateurs, étant donné que leurs voix étouffent celles de tous les autres, et que leur idéologie domine la politique étrangère des États-Unis depuis des années.

Comme si ça ne suffisait pas, Trump présenta une stratégie de type l'Amérique d'abord, en opposition avec celle des néo-conservateurs qui veulent une présence américaine un peu partout pour les intérêts d'Israël et d'autres alliés. Trump n'est pas intéressé par la mise en scène de changements de régime pour éliminer les leaders dérangeant Israël.

Le magnat de l'immobilier a également fait de la critique du libre-échange une pièce maîtresse de sa campagne, arguant que ces accords avaient épuisé les travailleurs américains, en les forçant à entrer en lice avec des travailleurs étrangers ne recevant qu'un salaire très inférieur.

Le sénateur Sanders a utilisé des arguments similaires pour sa campagne démocrate rebelle, critiquant le soutien d'Hillary Clinton au libre-échange et aux guerres de changement de régime telles que celles d'Irak ou de Libye.

En examinant son long dossier dans la vie publique, il y a peu de doutes que Clinton est une néoconservatrice en politique étrangère et une néolibérale en stratégies économiques. Elle se tient fermement en faveur du consensus officiel de Washington, ce qui lui permet de jouir de son adhésion.

Elle a suivi l'attitude néolibérale chérie de Wall Street envers le libre-échange, qui profita largement aux multinationales, tandis qu'elles délocalisaient des millions d'emplois américains vers des pays à bas coût. (Elle n'a refroidi son ardeur pour les accords commerciaux qu'en vue de sa compétition démocrate avec Bernie Sanders.)

Des guerres et encore des guerres

Sur la politique étrangère, Clinton a systématiquement soutenu les guerres néoconservatrices, bien qu'elle désavoue l'étiquette de néoconservatrice, lui préférant son moins toxique synonyme : interventionniste libérale.

Mais, comme le pur néoconservateur Robert Kagan, qui s'est redéfini comme étant interventionniste libéral, l'a dit au New York Times en 2014 : «Je me sens à l'aise avec elle sur la politique étrangère. Si elle poursuit la politique que nous pensons qu'elle poursuivra, cela pourrait être qualifié de néo conservatisme, mais ses supporters ne l'appelleront certainement pas comme ça, ils utiliseront d'autres termes.»

Résumant les impressions de penseurs tels que Kagan, le Times relate que Clinton «reste le récipient dans lequel beaucoup d'interventionnistes versent leurs espoirs».

En février 2016, désemparé par la montée de Trump, Kagan, fondateur du Projet pour le nouveau siècle américain de George W. Bush et de sa guerre en Irak, annonça ouvertement son soutien à Clinton dans un article du Washington Post.

Et Kagan ne se méprend pas en voyant Hillary Clinton comme un compagnon de route. Elle a souvent marché au même pas que les néoconservateurs, lorsqu'ils ont mis en œuvre leurs changements de régimes agressifs contre des gouvernements et des mouvements politiques ne s'alignant pas avec Washington ou divergeant des intérêts d'Israël au Moyen-Orient.

Elle a soutenu des coups d'État, comme au Honduras en 2009 et en Ukraine en 2014. Des invasions comme en Irak (2003) et en Libye (2011), et des subversions comme en en Syrie, de 2011 à maintenant. Le tout avec différents degrés de résultats catastrophiques.

Recherche de coercition

Dennis Ross est l'ancien conseiller spécial de Clinton, lorsqu'elle était Secrétaire d'État. Il travaille maintenant au Washington Institute for Near East Policy, un think tank résolument pro-israélien sur la politique américaine au Moyen-Orient. Dans son récent commentaire pour Politico, nous pouvons voir un aperçu de ce que donnerait une présidence Clinton.

Dans son article, Ross dresse un monde surréaliste, dans lequel les problèmes du Moyen-Orient viennent de l'hésitation du Président Obama à s'engager militairement plus agressivement dans la région, et non de la décision des néoconservateurs d'envahir l'Irak en 2003, ni des plans similaires pour renverser les gouvernements laïcs de Libye et de Syrie en 2011, laissant ces pays en ruine.

Canalisant les souhaits du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, Ross appelle à un attelage des États-Unis aux intérêts régionaux d'Israël, de l'Arabie Saoudite et des autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dans la rivalité contre l'Iran chiite.

Ross écrit : «Obama pense que l'usage de la force n'est envisageable qu'en cas de menace directe du territoire national. Son état d'esprit justifie l'action préventive contre les terroristes et le combat contre État islamique. Mais cela enferme les intérêts américains et l'utilisation de la force pour les soutenir dans des conditions très étroites…»

«[En envahissant le] Yémen, les Saoudiens n'ont pas agi de main morte, car ils craignaient que les États-Unis ne mettent pas de limite à l'expansion iranienne dans la région, et ils ont ressenti le besoin de dessiner leur propre ligne rouge.»

Pour contrer l'hésitation d'Obama à utiliser la puissance militaire, Ross appelle à la réaffirmation  d'une politique américaine musclée au Moyen-Orient, sur la même ligne que la doctrine néoconservatrice, ce qu'approuve également Hillary Clinton, c'est-à-dire :

  • Menacer l'Iran avec un «langage direct et explicite sur l'emploi de la force, pas avec des sanctions», si l'Iran dévie des accords négociés avec Obama sur son programme nucléaire (le zombie bombarde-bombarde-bombarde-bombarde l'Iran est encore en vie !) ;
  • Planifier les différentes éventualités avec les états de la CCG et Israël… pour envisager les possibilités de contrer l'Iran et son usage croissant de milices chiites, pour miner les gouvernements de la région ;
  • Être prêt à armer les tribus sunnites en Irak si le premier ministre irakien ne le fait pas ;
  • Établir des «refuges sûrs et des zones d'exclusion aériennes» en Syrie, si le président russe Vladimir Poutine ne force pas le président syrien Bachar al-Assad à se retirer.

Employant le ton dur classique des néoconservateurs, Ross conclut : «Poutine et les chefs du Moyen-Orient comprennent le principe de la coercition. Il est temps pour nous de le réappliquer.»

On pourrait souligner les nombreuses incohérences logiques dans l'argumentaire de Ross, dont son oubli de mentionner que la majeure partie de la supposée ingérence iranienne au Moyen-Orient a pour but d'aider les gouvernements syriens et irakiens dans leur lutte contre État islamique et al-Qaïda. Ou aussi que l'intervention russe en Syrie n'a visé que le soutien du gouvernement reconnu internationalement, dans son combat contre les extrémistes sunnites et les terroristes.

Mais la signification de la recommandation de Ross de réappliquer la coercition américaine dans la région, est qu'elle souligne ce que le monde peut attendre d'une présidence Clinton.

Clinton utilisa beaucoup de ces arguments dans son discours devant le Comité des affaires publiques américano-israéliennes (AIPAC), et dans des débats avec Bernie Sanders. Si elle reste sur cette ligne en tant que présidente, il y aura au moins une invasion partielle de la Syrie par les États-Unis, une très probable guerre avec l'Iran, et une escalade des tensions (et une possible guerre) avec la puissance nucléaire qu'est la Russie.

Comment tout cela est supposé améliorer les choses ? Cette question est noyée sous le classique grondement néoconservateur sur le fait de faire preuve de force et de réappliquer la coercition.

En somme, le Parti démocrate semble parier que l'inondation de spots TV d'Hillary Clinton contre Trump, peut suffisamment effrayer le peuple américain pour donner aux néoconservateurs et aux néolibéraux un bail de plus sur la Maison Blanche – et quatre ans de plus pour faire des dégâts dans le monde.

Robert Parry

Traduit par Ismael, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone

Prague 1968, Ukraine 2014. La contre-révolution pour politique, par Brice Couturier

Prague 1968, Ukraine 2014. La contre-révolution pour politique, par Brice Couturier

Parce qu’apparemment trop de propagande ne tue pas la propagande…

Source : France Culture, Brice Couturier, 02.06.2016

Poutine prétend offrir une alternative globale à la “décadence de la Gayrope”. Mais ce bonapartiste n’est pas un Napoléon. Formidable article de Timothy Snyder dans la New York Review of Books.

Un quart de siècle s'est écoulé depuis les révolutions de 1989, qui ont disloqué l'empire soviétique en démontant l'imposture idéologique qui lui servait de légitimation. Et voilà que la Russie de Poutine présente son modèle alternatif à l'Etat de droit et à la démocratie représentative. Il est fondé sur trois éléments : des élections truquées, une oligarchie institutionnelle, l’omniprésence de la propagande national-populiste. Il ne vise qu'un objectif clair : la dislocation d'une Europe jugée décadente et brocardée comme sous le sobriquet « gayrope ». C'est qu'écrit l'historien américain Timothy Snyder, spécialiste de l'Europe de l'est dans la New York Review of Books.

Et c'est dans cette perspective qu'il faut comprendre, selon lui, l'invasion de l'Ukraine du sud et de l'est par « les petits hommes verts » venus de Russie, et l'annexion de la Crimée, au mépris du droit international.

Car la révolution ukrainienne de l'hiver 2013/2014 a été lancée au nom des valeurs européennes. Sur place, on parlait « d'EuroMaiden ». Les manifestants qui bravaient le froid, puis les fusillades, misaient sur l'ouverture de négociations commerciales avec l'Union européenne pour pousser leur pays à se réformer, à adopter les normes démocratiques exigées par l'UE. Viktor Yanoukovitch, le président archi-corrompu désirait, au contraire, arrimer son pays à l'axe eurasiatique que Moscou tente d'opposer à l'Europe.

L'annexion de la Crimée et de l'est ukrainien, telle est la punition administrée aux Ukrainiens révoltés. Et Timothy Snyder la compare à l'invasion de la Tchécoslovaquie à l'époque du Printemps de Prague, par l'Armée rouge en 1968. Dans les deux cas, il s'agit de réprimer un peuple indocile, afin de maintenir le statu quo.

Mais le motif invoqué par Poutine pour ces annexions de fait, « la Novorossiya » ne laisse pas d'inquiéter, écrit-il. Le président russe fonde la nationalité sur la communauté de langue. C'est parce que le russe est effectivement parlé dans ces régions, qu'elles devraient revenir à la Russie. « Principe dévastateur », écrit Tim Snyder. Car c'est sur la base de telles revendications qu'a éclaté la 2° Guerre mondiale. L'annexion de l'Autriche ( l’Anschluss), puis des Sudètes tchèques par le régime national-socialiste s'est faite au nom de la langue et de la culture allemande.

Or, c'est ignorer que certaines grandes villes de l'est ukrainien, comme Dnipro, ex-Dnipropetrovsk, un million d'habitants, l'ancienne « ville des fusées » de l'URSS, est russophone à 100 % et cependant très hostile à l'agression russe. Dans d'autres villes de l'est ukrainien, comme Donetsk, on a vu des Ukrainiens russophones terrorisés par des Tchétchènes agissant pour le compte de Moscou, mais qui ne parlent pas un mot de russe…

Paradoxalement, les dirigeants russes nomment « fasciste » tout ce qui vient d'Europe ou se réclame des idéaux européens. La question de fond, selon Timothy Snyder ? Comment l'opinion publique russe absorbe les théories complotistes que des médias aux ordres déversent quotidiennement sur elle. Comment l'appareil de propagande de Poutine peut-il soutenir simultanément qu'il n'y a jamais eu d'invasion de l'Ukraine mais que les annexions réalisées au détriment de ce pays par la Russie sont une bonne chose ? Comment concilier le jugement de valeur selon lequel les Ukrainiens sont tous des fascistes et qu'ils constituent un peuple-frère ?

Dès qu'une velléité d'opposition se manifeste, ses leaders sont harcelés, battus, par des milices qui se comportent en police parallèle. C'est ce qui vient d'arriver à la fameuse romancière Lioudmila Oulitskaïa. D'autres sont aussitôt arrêtés sous des prétextes insensés – souvent accusés d'être financés par Hilary Clinton… D'ailleurs, Poutine soutient Donald Trump, dans lequel il voit l'homme le mieux capable de détruire la puissance américaine.

Poutine, conclut Tim Snyder, “fait du bonapartisme, mais il n'est pas Napoléon“. Devant les conséquences économiques de sa gestion désastreuse des revenus pétroliers, il détourne les frustrations légitimes du peuple russe sur des ennemis imaginaires. Mais à la différence des dirigeants soviétiques d'autrefois, il ne propose aucune réelle alternative à celle des démocraties occidentales. Tchécoslovaquie 68, Ukraine 2014, on ne convainc pas les peuples par des interventions contre-révolutionnaires. Au contraire, on se les aliène.

La conséquence la plus visible de l'agression commise contre l'Ukraine par la Russie aura été de renforcer le sentiment national ukrainien.

Source : France Culture, Brice Couturier, 02.06.2016

 

L’article de Timothy Snyder “The wars of Vladimir Poutine

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