dimanche 3 juillet 2016

L’Europe voulue par l’UE : Turquie, TAFTA et Roundup

L'Europe voulue par l'UE : Turquie, TAFTA et Roundup

Voilà qui en dit long sur l'autisme, la coupure et même le mépris de l'élite européenne vis-à-vis des peuples européens : quelques jours seulement après le référendum britannique sur le Brexit, les eurocrates ont coup sur coup annoncé la poursuite des négociations sur le TAFTA, ouvert de nouveaux chapitres de négociation pour l'entrée de la Turquie, et prolongé l'autorisation du glyphosate



Extrême arrogance et suicide inconscient

Cette semaine a sans doute battu tous les records dans l'intensité du processus de distanciation de tous les peuples européens avec ce projet devenu complètement fou. Les commentaires snobs et méprisants contre ceux qui ont osé exprimé leur volonté de quitter le machin européen s'ajoutent, en France, à un discours des médias quasiment uniformément eurobéat, et là dessus, ce zombie qu'est l'UE trouve le moyen de prendre pas moins de trois décisions en une semaine qui vont complètement à l'encontre de l'opinion publique. Une nouvelle fois, l'UE montre ce qu'elle pense de la démocratie et du peuple : elle n'a que faire de son opinion et continue à construire le projet qu'elle souhaite, malgré l'expression démocratique, sans jamais se remettre en question, sur des sujets pourtant tous assez fondamentaux.

Premier casus belli : après des mois sans être parvenus à obtenir le soutien des pays européens pour ses propositions, la commission a purement et simplement prolongé l'autorisation de la commercialisation du glyphosate. En clair, ceux qui ne sont pas dans l'UE pourront choisir s'ils veulent au non que ce probable cancérogène, selon l'OMS, soit utilisé dans leur pays, mais pas les membres de l'UE, qui doivent suivre le choix de la commission. Dans la même veine, malgré les très fortes réticences des opinions publiques, la même commission vient d'indiquer qu'elle poursuivrait les négociations sur le traité transatlantique, qui pourrait permettre l'arrivée du bœuf aux hormones ou du poulet chloré étasuniens… Une autre raison de s'opposer à cette UE qui veut toujours imposer un choix unique.

Et pour couronner le tout, malgré bien des raisons d'y mettre enfin fin, jeudi, l'UE et Ankara ont ouvert un nouveau chapitre de négociations en vue de l'adhésion de la Turquie ! Il est quand même effarant que les négociations continuent d'avancer, outre de simples raisons géographiques, alors que les Français ou les Allemands sont vent debout contre une telle perspective. Encore une fois, les eurocrates continuent à faire ce qu'ils veulent sans jamais se soucier une seconde de ce que pensent les citoyens des pays de l'UE. Ils ne parviennent même pas à se rendre compte que l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'UE est justement une des raisons fortes qui peut pousser à souhaiter quitter cet ensemble trop disparate, déséquilibré pour vouloir assurer une libre-circulation totale en son sein.


Merci donc aux eurocrates de montrer, en ces jours, où ils devraient au contraire se montrer plus attentifs aux préoccupations des citoyens des pays qui composent l'UE, à quel point ils méprisent leurs opinions, sur des sujets aussi sensibles. Le divorce des peuples avec l'UE, déjà bien consommé, devrait y trouver une bonne matière pour s'accélérer enfin, et signer la fin de ce monstre institutionnel.

Brexit : « Quittons cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes », par Mohamed Belaali

Brexit : « Quittons cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes », par Mohamed Belaali

Source : Le Grand Soir, Mohamed Belaali, 27-06-2016

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Quel plaisir de voir les chiens de garde du capital (médias, Banque centrale européenne, FMI, Banque mondiale, Commission européenne etc. etc.) aboyer et se lamenter à longueur de jour et de nuit depuis ce fameux vendredi 24 juin 2016. Le peuple anglais vient de leur infliger une sacrée raclée. Ils sont furieux et inconsolables. Quel pitoyable spectacle donnent-ils lorsque leurs intérêts de classe sont menacés. Autour d'eux, tout n'est qu'agitation et affolement. Le choix de ces vilains britanniques « est un véritable big bang contraire à l'avis de presque tous les experts, à la raison économique et au souhait des autres Européens. L'incroyable s'est produit. Les Britanniques veulent quitter l'Union européenne (UE) » (1). La valeur de la livre sterling chute, le Royaume-Uni perd son triple A, les marchés financiers sont désorientés, les bourses dégringolent, les actions des banques et des compagnies d'assurance s'effondrent. La panique s'est emparée de la City. Les traders ne dorment plus. « Le quartier d'affaires londonien est groggy, choqué, anéanti, après les résultats du vote qui scellent la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne » (2). La Banque d'Angleterre va injecter des milliards de livres pour consoler les marchés financiers. La Banque centrale suisse va elle aussi intervenir sur les marchés de change pour stabiliser le franc suisse. L'Association bancaire internationale demande aux responsables politiques de clarifier la situation.

Les journalistes, les experts, les politologues et les sociologues déferlent sur les plateaux de télévision exprimant sans retenue leur haine et leur mépris pour la volonté du peuple anglais. Pour tout ce beau monde, l'avenir du Royaume-Unis est sombre. « Tout cela va avoir de sales conséquences » (3), « les agriculteurs britanniques devront dire adieu à une enveloppe de 4 milliards d'euros d'aide » (4) ; bref en dehors de l'Union européenne point de salut !

Les hommes politiques regrettent une décision douloureuse car « les Britanniques par référendum ont décidé de quitter l'Union européenne. C'est un choix douloureux et je le regrette profondément » déclarait François Hollande (5). Jean-Claude Junker président de la Commission européenne, Martin Schulz président du parlement européen, Donald Tusk président du Conseil européen, eux aussi, regrettent cette décision douloureuse (6). Ils savent qu'il leur sera difficile, pour l'instant, de faire voter à nouveau les anglais comme ils l'ont fait dans le passé avec les autres peuples. Mais ils peuvent très bien bloquer le processus de sortie.Tant que les mécanismes de l'article 50 du traité de Lisbonne ne sont pas enclenchés, le Royaume-Uni reste membre de l'Union. Précisons que ce fameux article 50 est rédigé de manière telle que toute sortie volontaire d'un État membre devient difficile. Ainsi tout est fait pour que la volonté des peuples qui désirent quitter l'Union européenne soit contournée ou ignorée. Toute l'histoire de l'Union n'est que mépris et trahison des volontés des peuples. « Les Irlandais devront revoter » déclarait avec force Nicolas Sarkozy le 15 juillet 2008 après le rejet par le peuple irlandais du Traité de Lisbonne qui reprenait l'essentiel d'un autre traité rejeté lui aussi par les français et les néerlandais en 2005. On consulte les peuples non pas pour qu'ils expriment leur propre volonté mais celle des gouvernements. La démocratie bourgeoise n'est qu'un concept creux sans contenu réel. Les gouvernements sont là pour servir les intérêts de la classe qu'ils représentent. Les classes dominantes l'utilisent comme instrument idéologique au service exclusif de leurs intérêts. L'Union européenne et toutes les institutions qui gravitent autour d'elle sont un exemple éloquent de ce déni de démocratie. L'Union européenne a systématiquement rejeté avec force et mépris la volonté des peuples exprimée démocratiquement à plusieurs reprises. Les peuples danois, français, néerlandais et irlandais ont rejeté par référendum le traité de Maastricht, le projet de traité constitutionnel et le traité de Lisbonne en 1992, en 2005 et en 2008. Mais cette volonté populaire a tout simplement été ignorée. Sa réaction épidermique et agressive contre les résultats du référendum du 5 juillet 2015, où le peuple grec a rejeté par une majorité écrasante (61,31 %) les nouvelles mesures d'austérité, montre combien il lui est insupportable d'accepter le moindre processus permettant aux peuples de s'exprimer. Tous les référendums ont été perdus par l'Union européenne. Dès qu'elle donne la parole aux peuples, la réponse est invariablement la même : NON !

Bertolt Brecht disait dans un de ses poèmes :
« (…)Le peuple, par sa faute, a perdu
La confiance du gouvernement
E ce n'est qu'en travaillant doublement
Qu'il pourra la regagner.
Ne serait-il pas plus simple
Pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d'en élire un
 autre ? » (7)

L'Union invoque le rôle des partis racistes et xénophobes dans le triomphe du « out » britannique. Belle manière pour occulter sa propre responsabilité dans cette débâcle. Elle oublie un peu vite que ces courants politiques sont, non seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l'Union européenne ses propre créatures. Impuissantes à surmonter les crises à répétition du capitalisme, les bourgeoisies européennes ont instrumentalisé ces forces du passé, qui veulent faire tourner la roue de l'histoire en arrière, pour maintenir vaille que vaille l'accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Démagogie, racisme, xénophobie, islamophobie et identité nationale sont les ingrédients essentiels utilisés par les classes dominantes pour mieux détourner les classes populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien : chômage de masse, précarité, destruction des services publics, suppression progressive des libertés privées et publiques etc. Ces thèses nauséabondes remplacent en quelque sorte le vide des programmes des gouvernements et des partis qui les soutiennent. Leur fuite en avant dans les politiques ultra-libérales d'austérité ne fera qu'aggraver la situation économique et sociale d'une Europe déjà ravagée par le chômage et la pauvreté. L'Union européenne ressemble à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu'ils ont eux mêmes créées !

L'Union européenne et toutes ses institutions ne sont pas réformables. Les politiques économiques, dont l'austérité n'est qu'une dimension parmi d'autres, sont intimement liées à la nature de classe de l'Union. Les intérêts des oppresseurs et ceux des opprimés sont irrémédiablement antagonistes. C'est une illusion de croire que l'Europe, telle qu'elle est construite, va se métamorphoser par on ne sait quel miracle en une Europe démocratique, sociale, solidaire, écologique et tutti quanti. Cette idée de vouloir réformer l'Europe de l'intérieur est non seulement erronée mais dangereuse. Rester dans l'Union et la zone euro pour les réformer de l'intérieur ne peut que prolonger encore la souffrance que connaissent aujourd'hui des millions de travailleurs européens et consolider un peu plus la dictature du capital. Il faut donc rompre définitivement avec cette hideuse Europe qui a transformé les travailleurs en véritables esclaves travaillant sans relâche sous les ordres des créanciers, spéculateurs, usuriers et autres parasites du monde entier.

Il faut se saisir du « Brexit » comme d'une opportunité pour mobiliser les travailleurs et les progressistes de toute l'Europe afin de commencer l'édification d'une autre Europe, celle du progrès, de la prospérité et de la paix entre les peuples. Il faut briser cette construction méprisante et arrogante qui nous condamne à l'austérité perpétuelle. Il faut quitter cette Europe dont les tares ont atteint des dimensions effrayantes. Il est urgent de changer de bord, de sortir au plus vite de cette longue nuit et marcher vers un jour nouveau, vers une Europe nouvelle.

Mohamed Belaali

Source : Le Grand Soir, Mohamed Belaali, 27-06-2016

(1) http://www.courrierinternational.com/article/vu-dallemagne-brexit-un-desastre-pour-angela-merkel

(2) http://tempsreel.nouvelobs.com/brexit/20160624.OBS3292/un-suicide-economique-apres-le-brexit-la-city-se-reveille-en-panique.html

(3) http://www.liberation.fr/planete/2016/06/24/brexit-tout-cela-va-avoir-de-sales-consequences_1461959

(4) http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/06/25/20002-20160625ARTFIG00015-sept-consequences-economiques-a-retenir-sur-le-brexit.php

(5) http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-a-la-suite-du-referendum-britannique/

(6) http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-16-2329_fr.htm

(7) Bertolt Brecht « La solution ».

Brexit : le splendide isolement des élites

Brexit : le splendide isolement des élites

Source : Le Figaro, Eléonore de Vulpillières, 28/06/2016

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FIGAROVOX/ENTRETIEN – Les réactions de contestation du Brexit s’apparentent à la «révolte des élites» théorisée par Christopher Lasch, vivant dans leur isolement du reste du peuple, estime le professeur Jacques de Saint Victor.


Jacques de Saint Victor est historien du droit et professeur des Universités (Paris XIII/CNAM). Ses derniers ouvrages parus sont Via Appia (Les Equateurs, 2016) et BlasphèmeBrève histoire d’un crime imaginaire (Gallimard, prix du livre d’histoire du Sénat, 2016).


LE FIGARO. – A l’issue du référendum sur le Brexit, les partisans du camp du maintien ont réagi de diverses façons, allant de l’abattement à la combativité marquant leur attachement à l’Union européenne. Une pétition – comportant plusieurs centaines de fausses signatures – a atteint les 3 millions de signataires. Certains réclament l’indépendance de Londres membre de l’UE d’un Royaume-Uni hors UE. Comment analysez-vous ces réactions ?

Jacques de SAINT VICTOR. – On peut penser dans un premier temps qu’il s’agit juste d’une réaction de mauvais perdants ou de désespoir d’une partie de l’élite urbaine, souvent jeune, qui se sent trahie par les campagnes, les vieux et les gens modestes. Il y a dans ce rejet de la démocratie une sorte d’illustration de ce que le grand penseur anglais, Christopher Lasch, appelait la «révolte des élites» (par opposition à la «révolte des masses» d’Ortega y Gasset). Dans ce livre très visionnaire, publié en 1995, Lasch notait que ce sont aujourd’hui les élites, et non plus les masses, qui vivent dans un splendide isolement, satisfaites d’elles-mêmes, rejetant tout ce qui échappe à leur bien-être personnel, coupées des réalités du monde commun qui les entoure. C’est la solidarité des surclasses globales qui, de Londres à Singapour ou Paris, sont indifférentes au sort de leurs voisins locaux. Elles ont développé une sorte d’irresponsabilité et d’immaturité qui les prive de toute forme de «sensibilité pour les grands devoirs historiques», disait déjà Lasch. Lorsqu’elles sont confrontées à un retour brutal du réel, comme le résultat d’une consultation démocratique, elles n’hésitent pas à se déclarer contre la démocratie. Lasch soulignait d’ailleurs ce déclin du discours démocratique chez des «élites qui ne font que se parler à elles-mêmes».

Peut-on y voir la marque d’un refus du jeu démocratique? La «construction européenne» est-elle, pour certains, supérieure à l’expression de la volonté populaire ?

C’est vrai et c’est un élément, parmi d’autres, dans cette réaction anti-démocratique. L’Europe a échappé au

discours historique. C’est une sorte de nouvelle religion laïque qui n’est plus fondée sur un socle réel mais sur un système de croyance. Etre eurosceptique relève pour certains d’un crime de lèse-majesté. Cela échappe au débat démocratique. Dans certains cercles, on est pour l’UE ou on est pour l’UE. Un point c’est tout. «Bruxelles a toujours raison». Cet unanimisme antidémocratique est aux origines mêmes des dérives du processus. Dès 1992, on l’a oublié, mais les Danois avaient dans un premier temps voté contre Maastricht à 50,7% (alors que les sondages prévoyaient 59% de oui). Bruxelles leur rappela sèchement qu’un petit peuple ne pouvait pas se permettre d’entraver le «rêve» de tout un continent. On les traita à part et avec hauteur. Il faut relire les déclarations de certains grands dirigeants à l’époque qui se demandèrent si les Danois étaient vraiment dignes de la démocratie. Montrés du doigt, ils furent contraints de revoter en 1993 et, à 56% cette fois-ci, ils firent le choix de Maastricht. On peut s’interroger si les profondes traditions anglaises se laisseront prendre à une telle mascarade de second vote. C’est peu probable car, en outre, l’Europe de Bruxelles n’est plus aussi attrayante qu’en 1992. Quand on a vu la façon dont MM Juncker ou Schäuble s’adressaient à la Grèce, le visage de Bruxelles a changé, même pour de nombreux europhiles de la première heure.

Comment qualifier l’attitude des zadistes de Notre-Dame des Landes qui continuent leur combat au nom de la résistance, malgré la victoire du «oui» au référendum sur la construction de l’aéroport ?

C’est la preuve que quelque chose de plus grave se dessine derrière ces refus du verdict des urnes, même si les valeurs juridiques de ces référendums ne sont pas toutes du même ordre. On peut, comme Alain Juppé, considérer que l’époque est trop tendue pour procéder à des consultations référendaires. C’est un point de vue. Nous payons le prix – sévère il est vrai – d’un hyper-individualisme et d’une vision contestable de la démocratie qui ne se conçoit plus que sous la forme du respect des droits des minorités. Par conséquent, quand une minorité s’estime bafouée par une consultation démocratique, elle a de plus en plus tendance à remettre celle-ci en cause. Pendant deux siècles, la démocratie était associée en France au rêve jacobin et unanimiste de la Volonté générale. Aujourd’hui, sous l’influence du modèle libéral anglo-saxon, c’est le triomphe des volontés particulières. Il n’est pas sûr que notre démocratie y gagne beaucoup en sérénité.

Sur la loi travail, entre l’usage contesté de l’article 49.3, inscrit dans la Constitution, la diffusion de multiples pétitions opposées au texte et les nombreuses manifestations, où se trouve la légitimité démocratique ?

Sur ce point, l’opposition à la loi travail, en dehors des dérives des casseurs, reste dans le jeu démocratique. Les opposants estiment qu’ils ont été pris par surprise par un gouvernement qui n’avait jamais évoqué dans son programme cette loi d’inspiration néolibérale (ou social-libérale, sur ce point il n’y a pas de différence), qui fait irruption en fin de mandat et dont l’efficacité n’a pas été bien expliquée. Il y a débats chez les spécialistes sur le lien entre créations d’emplois et transformation du contrat de travail. Comment être surpris qu’un tel projet écornant, selon les spécialistes, certains totems de la gauche fasse l’objet d’un refus radical des socialistes et des sociaux-démocrates qui rejettent l’évolution social-libérale de la présidence Hollande? Les opposants ont tort de considérer que l’usage du 49.3 est antidémocratique mais ils ont le droit de s’opposer à un projet par ailleurs imposé par Bruxelles. Les impérieuses injonctions de M. Juncker, déclarant que «la loi travail, c’est le minimum de ce qu’il faut faire», en sont la triste illustration. Il vaudrait mieux que les dirigeants de Bruxelles arrêtent de s’inviter dans les débats internes des peuples européens s’ils ne veulent pas que le Brexit fasse tâche d’huile.

Le pacte démocratique, qui semble sans cesse remis en cause, est-il devenu obsolète en Europe ?

C’est une question très grave et, heureusement, encore prématurée. Mais il est vrai qu’il y a là quelques signes avant-coureurs. Tout régime repose sur un postulat. On connaissait celui de la monarchie de droit divin. Le roi tirait son pouvoir de Dieu et parlait pour la nation. Quand en 1789, même les porte-paroles du parti aristocrate ne défendaient plus le droit divin, parlant de «faux principe», on pouvait se douter que les heures de ce régime étaient comptées. On connaît le postulat fondamental du régime démocratique. Rousseau nous l’a enseigné. C’est la Volonté générale qui s’exprime par l’équation: 50 + 1. On peut exiger des majorités qualifiées (comme les 2/3). Mais il faut le faire et le dire avant la consultation. Si on remet en cause ce postulat fondamental parce qu’un vote déplaît une partie de l’électorat, cela signifie qu’il existe désormais une partie des électeurs qui ne partagent plus la croyance dans la légitimité du pacte démocratique. Ce qui n’est guère rassurant pour l’avenir. Par quoi le remplacer? Au XVIIIe siècle, le despotisme éclairé avait une doctrine: «Tout pour le peuple, rien par le peuple», défendue notamment par ceux qu’on appelait les «économistes». Est-ce le rêve de ceux qui pétitionnent et rejettent les consultations qui ne leur conviennent pas ?

Source : Le Figaro, Eléonore de Vulpillières, 28/06/2016

[Question] Débat juridique autour du Brexit & Stratégies

[Question] Débat juridique autour du Brexit & Stratégies

Comme il y a des juristes parmi vous, et que je me pose quelques questions sur la situation stratégique actuelle, j’aimerais avoir votre avis (laissez le dans les commentaires).

J’ai en effet été interpellé par la discours de Juncker :

(À 5’45 🙂 “Je voudrais que le Royaume-Uni clarifie sa position. Et je ne voudrais pas que s’installe l’idée qu’il pourrait y avoir des négociations secrètes, en chambres assombries, à rideaux tirés, entre des représentants du Royaume-Uni, des gouvernements nationaux, des commissaires et des directeurs généraux.

J’ai INTERDIT – ordre présidentiel, ce qui n’est pas mon genre – aux commissaires de discuter avec des représentants du gouvernement britannique, “in or out”, “leave or remain”, j’ai dit à tous les directeurs généraux qu’il ne saurait y avoir de discussions préalables avec des représentants britanniques : ‘No notification, no négociation !‘”

Si je comprends bien, nous sommes dans la situation actuelle :

1/ le peuple britannique a voté le Brexit

2/ il existe un article du traité UE, créé par le traité de Lisbonne, qui organise une sortie de l’Union. C’est le fameux article 50, qui prévoit :

  1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union.
  2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
  3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai.
  4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l'État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. […]

Ainsi :

  • seul le Royaume-Uni peut demander le lancement de la procédure de l’article 50
  • mais se déclenche alors un compte-à-rebours qui fait que le pays sera jeté dehors deux ans après s’il n’y a pas d’accord, sauf décision unanime des 27

3/ on a vu des déclarations enflammées d’européistes intégristes expliquer à quel point il fallait faire souffrir le Royaume-Uni pour son choix, et, qu’à tout le moins, on fasse un exemple pour montrer qu’il ne fait pas bon quitter l’empire

4/ ont été nommés par le Parlement comme on l’a vu 3 négociateurs pour l’UE, qui sont des fédéralistes forcenés, qui auront donc pour but d’éviter toute souplesse pour empêcher d’autres pays de fuir….

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Notez aussi que c’est très intéressant, sachant que le Royaume-Uni n’a encore rien notifié – de même que la volonté du Parlement de “modifier son organisation interne de manière à refléter la volonté de la majorité des citoyens du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne”. Belle illustration des tares d’un parlementarisme débridé.

5/ dans ce contexte, je trouve étonnant qu’on s’étonne que le Royaume-Uni ne se mette pas en position de faiblesse extrême en demandant l’activation de l’article 50 !! Ce n’est clairement pas son intérêt, car plus le temps passera, plus il risquera de tout perdre, et devra donc accepter tous les diktats européens.

6/ au vu de ceci, si on voulait conclure un bon accord, favorable aux deux parties, il faudrait clairement négocier avant la notification, cela tombe sous le sens. Mais c’est refusé par les technocrates de Bruxelles.

7/ la situation pourrait rester bloquées comme ceci longtemps, sauf que…

8/ rien n’est prévu dans les traités pour exclure un État de l’Union

9/ il n’existe qu’une procédure assez dure mais pour les États ne respectant plus les Droits de l’Homme (article 7 TUE, allant jusqu’à une suspension des Droits de l’État) ou alors des sanctions possibles de la Cour de Justice de l’Union en cas de non-respect de la législation européenne (procédure d’infraction, articles 258 à 260  TFUE).

La question que je souhaite discuter avec les juristes lecteurs est donc la suivante : que peut faire en théorie le Royaume-Uni s’il décide de ne plus respecter certains aspects des traités (genre dénoncer certains articles du traité, ne plus reconnaitre la Cour de Justice, dénoncer la loi anglaise European Communities Act de 1972), et que peut faire le Conseil en retour ? Comment peut-on sortir d’un traité en général (il n’y avait pas d’article 50 avant Lisbonne, mais un État aurait bien entendu quand même pu sortir…), le Royaume-Uni pourrait-il dénoncer partiellement le Traité de Lisbonne ?

Alors du coup, nos médias ont assez bien traduit la stratégie des technocrates de l’UE (je précise, car à 27 pays, les choses vont vite se compliquer, genre l’Irlande n’aura pas envie de punir son partenaire frontalier, de même que les forces économiques) :

  1. faire activer au plus vite l’article 50 par le R-U
  2. envoyer les talibans européistes négocier avec le R-U
  3. à peu près tout refuser au R-U
  4. lâcher un petit truc au bout de 23 mois pour que l’accord soit préférable au non-accord, mais qu’ils soit bien peu satisfaisant, et décourage les autres.

Mais du coup, quelle stratégie préconiseriez-vous pour le Royaume-Uni – chose qui ne semble guère intéresser nos médias bisounours (eh oui les loulous, il y a des stratégies souvent…) – s’étonnant et se moquant des Anglais qui ne notifient par encore leur retrait… ?

Bien entendu, la première étape peut simplement être une politique de la “chaise vide” (ou plutôt d’un vote négatif systématique) du Royaume-Uni, qui ne va pas invoquer l’article 50 mais empêchera toute décision à l’unanimité…

À vous de jouer !

P.S. pour la beauté l’exercice, actons que le R-U veut bien sortir, et qu’il n’y aura pas de stratégie dilatoire genre second referendum.

EDIT : une intéressante analyse en anglais…

juriste

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