mercredi 29 juin 2016

Le Monde, entre Pravda eurobéate et relativisme historique répugnant

Le Monde, entre Pravda eurobéate et relativisme historique répugnant

Il faut vraiment lire les réactions des grands médias aux résultats du référendum. Un exercice extrêmement révélateur de l'évolution du débat public, mais aussi de la pensée des plus extrémistes des eurobéats, qui virent dans un étrange argumentaire, entre propositions irréalistes, dénonciation d'un fascisme imaginaire, ou relativisation effarante des heures sombres de l'histoire.



Point Godwin lepénisant

En 1992 déjà, le débat sur le traité de Maastricht avait révélé la différence entre un Figaro ouvert à toutes les idées, quand le Monde faisait preuve d'un dogmatisme digne des fondamentalistes religieux les plus fermés. Et finalement, rien n'a changé en 2016. L'éditorial de une du Figaro dit « mieux vaudrait l'admettre : aucune remise à plat ne sera possible à vingt-sept. Pour sauver l'Europe, il faut être prêt à tout revoir : la méthode, les objectifs et les participants ». Bien sûr, le Figaro reste du « bon » côté médiatique, mais avec une vraie distance qui lui permet de ne pas être caricatural. Mieux, Guillaume Tabard se permet de défendre l'idée du référendum en soutenant que « consulter les Français, c'est s'exposer à un nouveau vote de défiance sur l'Europe. Mais ne pas les consulter, c'est alimenter ce rejet ».


L'emphase totalement ampoulée et excessive de BHL le dispute à des tribunes appelant à plus d'Europe, Nicolas Hulot y voyant une « tentative de mise à mort de notre meilleur bien commun : la solidarité » : on se demande bien où il a pu trouver de la solidarité dans ce projet européen qui torture le peuple Grec, tout en prétendant le sauver, alors qu'il ne vient qu'au secours des grandes banques. Il conclut, lyrique, en évoquant « ce magnifique espace de paix, de coopération et de prospérité. Notre patrie ! ». Personnellement, depuis des années, j'y vois surtout un espace de guerre économique, de déclassement social, au service seul de la prospérité des multinationales… Sans rire, Michel Barnier ose affirmer qu'« il faut désormais protéger les Européens », ne parlant que de défense, tout comme quelques eurocrates osent proposer de « rompre avec cette Union européenne exclusivement de marché ».

Il y a quelque chose de l'URSS mourante à voir les moines soldats de l'UE répéter en boucle que la crise est le produit d'un manque d'Europe et à appeler à toujours plus d'intégration alors que les peuples européens ne cessent de leur dire « non ». Mais le plus effarant est sans doute le parallèle de BHL, aussi indigne que révoltant, entre la montée du fascisme. Comment peut-on oser comparer le résultat d'un vote démocratique avec les heures les plus sombres de notre continent, par delà tous les excès aussi intolérants que snob et suffisants, démontrant qu'il n'est sans doute pas plus ouvert d'esprit que les autocrates qu'il dénonce. Non seulement il n'est pas plus nuancé que la Pravda, mais sa comparaison, parce qu'elle relativise de manière sans doute inconsciente les heures les plus sombres de l'Europe, n'est pas sans rappeler celles de la famille Le Pen, si prompte à relativiser l'Occupation…


On peut néanmoins voir dans ces argumentaires à coucher debout un vrai motif d'espérance. Les partisans de cette Europe sont nus. Ils savent que leur projet est un échec et que la sortie de Londres est un premier pas vers son démontage. Ce faisant, ils ne savent vraiment plus quoi dire.

Loi « travail » : 200 000 opposants dans les rues partout en France

Loi « travail » : 200 000 opposants dans les rues partout en France

La mobilisation était encore importante hier, le gouvernement mise sur l'essouflement du mouvement et les vacances, mais comme le rappel Pierre Jovanovic, la rentrée risque d'être « explosive » pour l’exécutif…

Photo Thomas Samson/AFP

A la veille d'une rencontre entre Manuel Valls et les syndicats, 200.000 manifestants ont pour la onzième fois battu le pavé partout en France mardi contre le projet de loi travail, une mobilisation proche de celle du 23 juin et qui s'est déroulée sans incident majeur.

Cette nouvelle journée d'action coïncidait avec le vote du projet de loi travail au Sénat, qui a adopté en fin de journée une version durcie du texte, à 185 voix contre 156. Dans la capitale, 55.000 personne  ont défilé entre la Bastille et la place d'Italie sous haute surveillance (2.500 policiers et gendarmes mobilisés). Le défilé n'a été émaillé que de brèves échauffourées et, contrairement au 14 juin, sans dégradations le long du cortège à Paris.

Lancée il y a quatre mois, la mobilisation contre la loi travail continue de faire affluer des mécontents qui craignent une précarisation accrue pour les salariés. La CGT relevait mardi dans un communiqué, "au contraire de l'essoufflement, une mobilisation croissante".  Dans le carré de tête du cortège, les leaders des syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et FIDL avaient en tête les prochaines rencontres bilatérales organisées par le Premier ministre, mercredi et jeudi, une ouverture pour "faire un point" sur la loi travail.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, espère que ce n'est pas "une visite de courtoisie" "uniquement pour boire le café". "J'espère qu'il a des propositions à faire", a renchéri Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Et comme pour accentuer la pression, M. Martinez a évoqué une "nouvelle journée d'actions" le 5 juillet, jour du retour du texte à l'Assemblée. Dans un communiqué, la CGT a précisé que la journée du 5 serait à nouveau marquée par des "grèves et manifestations". Mardi, pour cette 11e journée de mobilisation depuis début mars, des manifestations ont été organisées un peu partout en France (Le Havre, Toulouse, Marseille).

Parallèlement, pour peser dans le débat, les opposants à la loi travail ont remis à l'Elysée et dans les préfectures de régions les bulletins de la votation citoyenne. Sur 700.000 votants, 92% se sont prononcés pour le retrait du texte. 

Le gouvernement a toujours dit qu'il ne reviendrait pas sur l'article 2, qui concentre les critiques des opposants en instaurant la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche en matière de temps de travail. Cette fermeté est approuvée par Laurent Berger, leader de la CFDT, pour qui un recul du gouvernement serait une "profonde erreur" et la CFDT, principal soutien du projet, serait alors "en travers de la route". La version du Sénat devrait être détricotée par les députés lors d'une nouvelle lecture à partir du 5 juillet, pendant laquelle le gouvernement n'exclut pas de recourir à l'article 49-3 pour faire adopter sa version sans vote. Si tel était le cas, 73% des Français seraient "choqués", selon un sondage Odoxa. Les syndicats ont déjà prévenu qu'ils poursuivraient en juillet, voire septembre, leur mobilisation si le gouvernement ne bougeait pas.

 

Source : l'Humanité.fr

Informations complémentaires :

Crashdebug.fr : Philippe Martinez face à Jean-Jacques Bourdin en direct le 23.06.2016 sur BFMTV
Crashdebug.fr : Gérard Filoche face à Jean-Jacques Bourdin en direct le 21.06.2016 sur BFMTV
Crashdebug.fr : La manifestation parisienne de jeudi interdite...
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[Recommandé] La folie collective du Département d’État des États-Unis, par Robert Parry

[Recommandé] La folie collective du Département d'État des États-Unis, par Robert Parry

Source : Le Grand Soir, Robert Parry, 19-06-2016

Victoria Nuland, Secrétaire d'État adjoint aux Affaires européennes

Victoria Nuland, Secrétaire d'État adjoint aux Affaires européennes

Plus de 50 « diplomates » du Département d'Etat des Etats-Unis [Ministère des Affaires Etrangères – NdT] ont envoyé un rapport « dissident » exhortant le président Obama à lancer des frappes militaires contre l'armée syrienne, un signe de plus que ce Ministère a disjoncté de façon collective.

Au cours des dernières décennies, le département d'Etat des Etats-Unis qui était jadis une maison raisonnablement professionnelle et réaliste en matière de diplomatie est devenu un repaire de bureaucrates guerriers possédés par des obsessions impériales, un phénomène dangereux souligné par la récente « dissidence » de masse en faveur de nouvelles tueries en Syrie.

51 « diplomates » du Département d'Etat ont signé une note de service distribuée par un « canal de la dissidence » officiel, demandant des frappes militaires contre le gouvernement syrien de Bachar al-Assad dont les forces ont mené la contre-offensive contre les extrémistes islamistes qui cherchent à contrôler cette importante nation du Moyen-Orient .

Le fait qu'un si grand nombre de fonctionnaires du Département d'Etat plaident en faveur d'un élargissement de la guerre d'agression en accord avec l'agenda néoconservateur, qui a placé la Syrie sur une liste noire il y a vingt ans, est révélateur du degré de folie qui s'est emparé du Département d'Etat.

Le Département d'Etat semble être devenu un mélange de néoconservateurs pur jus, de libéraux interventionnistes et de quelques arrivistes qui ont compris qu'il était dans leur intérêt de se comporter comme des proconsuls globaux qui imposent leurs solutions ou recherchent un « changement de régime » plutôt que de se comporter en diplomates respectueux à la recherche de véritables compromis.

Même certains fonctionnaires du Département d'Etat, que je connais personnellement et qui ne sont pas vraiment néoconservateurs ou libéraux-faucons, agissent comme s'ils avaient avalé la pilule et toute la boîte avec. Ils parlent comme des durs et se comportent avec arrogance envers les populations des pays sous leur contrôle. Les étrangers sont traités comme des objets stupides tout juste bons à être soumis ou soudoyés.

Il n'est donc pas tout à fait surprenant que plusieurs dizaines de « diplomates » étasuniens s'en prennent à la position plus modérée du président Barack Obama sur la Syrie tout en se positionnant en prévision de l'élection d'Hillary Clinton, qui devrait autoriser une invasion illégale de la Syrie – sous couvert d'établir des « zones d'exclusion aérienne » et des « zones de sécurité » – ce qui signifie en clair, tuer d'avantage de jeunes soldats syriens. Les « diplomates » demandent l'utilisation d' « armes à longue portée et aériennes ».

Ces faucons sont si avides guerres que le risque d'un conflit direct avec la Russie ne les dérange pas. D'un léger revers de la main, ils balaient la possibilité d'un conflit avec une puissance nucléaire en affirmant qu'ils ne préconisent pas « d'emprunter une pente glissante qui se terminerait dans une confrontation militaire avec Russie. » Dis comme-ça, ça rassure.

Risquer une victoire Djihadiste

Il y a aussi le risque qu'une intervention militaire directe des Etats-Unis pourrait faire s'effondrer l'armée syrienne et ouvrir la voie à une victoire du Front Al-Nusra/Al-Qaïda ou de l'Etat Islamique. La note ne précise pas comment ils comptent réaliser la délicate opération d'infliger suffisamment de dégâts à l'armée syrienne tout en évitant une victoire pure et simple des djihadistes et une confrontation avec la Russie.

On peut supposer que, quels que soient les dégâts infligés, ce sera à l'armée US de nettoyer après, en supposant que l'abattage d'avions militaires russes et la mort de militaires russes ne dégénérera pas en une conflagration thermonucléaire à grande échelle.

En bref, il semble que le Département d'Etat est devenu un asile de fous dont les malades auraient pris le contrôle. Mais cette folie n'est pas une aberration temporaire qui pourrait être facilement corrigée. C'est quelque chose qui vient de loin et il faudrait un nettoyage de fond en comble du « corps diplomatique » actuel pour rétablir le Département d'Etat dans son rôle traditionnel qui est censé être celui d'éviter les guerres plutôt que de les provoquer.

Bien qu'il y ait toujours eu des cinglés au sein du Département d'Etat – généralement placés aux échelons les plus élevés – le phénomène d'aliénation mentale institutionnelle n'est apparue qu'au cours des dernières décennies. Et j'ai vu le changement.

J'ai couvert la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin des années 1970 quand il y avait nettement plus de gens sains d'esprit au sein du corps diplomatique. Il y avait des gens comme Robert White et Patricia Derian (tous deux décédés) qui défendaient la justice et les droits de l'homme, et tout ce qu'il y avait de meilleur aux Etats-Unis.

Mais la déchéance du Département d'Etat des Etats-Unis devenu un repaire de petits voyous bien habillés, beaux-parleurs et serviteurs zélés de l'hégémonie US, a commencé sous l'administration Reagan. Le Président Ronald Reagan et son équipe avaient une haine pathologique des mouvements sociaux d'Amérique centrale qui cherchaient à se libérer des oligarchies oppressives et leurs forces de sécurité brutales.

Pendant les années 1980, les diplomates US dotés d'intégrité ont été systématiquement marginalisés, harcelés ou écartés. (Derian, qui était Coordinatrice des Droits Humains, a quitté ses fonctions à la fin de l'administration Carter et a été remplacée par le néoconservateur Elliott Abrams. Blanc fut congédié comme ambassadeur US en El Salvador, en expliquant : « Le Secrétaire d'Etat, Alexander M. Haig Jr. , m'a demandé de recourir aux canaux officiels pour couvrir la responsabilité de l'armée salvadorienne pour les meurtres de quatre sœurs religieuses américaines. J'ai refusé » )

La montée des néoconservateurs

Au fur et à mesure des départs des professionnels de la vieille garde, une nouvelle génération de néo-conservateurs agressifs prenaient leur place, des gens tels que Paul Wolfowitz, Robert McFarlane, Robert Kagan et Abrams. Après huit années de Reagan et quatre années de George H.W. Bush, le Département d'Etat avait été remodelé en un foyers de néo-conservateurs, mais quelques poches de professionnalisme avaient résisté aux assauts.

Alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que l'administration Démocrate de Clinton inverse la tendance, ce ne fut pas le cas. Au lieu de cela, la « triangulation » de Bill Clinton fut appliquée aussi bien en politique extérieure qu'en politique intérieure. Il était toujours à la recherche de ce « juste milieu » confortable.

Vers fin des années 90, la décimation des experts en politique étrangère de la trempe de White et Derian n'a laissé que quelques survivants du côté Démocrate avec le courage ou les compétences pour défier les néoconservateurs profondément enracinées. De nombreux démocrates de l'ère Clinton se sont acclimatés à la domination des néo-conservateurs en se réinventant comme « progressistes interventionnistes », en partageant l'amour des néoconservateurs pour la force militaire mais justifiant les tueries par des raisons « humanitaires ».

Cette approche était une façon pour les « progressistes » de se protéger des accusations de « faiblesse » lancées par la droite, une accusation qui avait profondément marqué les Démocrates pendant les années Reagan / Bush. Mais cette posture de « Démocratique dur » n'a fait qu'isoler un peu plus les diplomates sérieux favorables à une politique de donnant/donnant avec les dirigeants étrangers et leurs peuples.

Il y avait donc des Démocrates comme l'Ambassadrice auprès des Nations Unies (et plus tard secrétaire d'Etat) Madeleine Albright qui justifiait les sanctions brutales de Bill Clinton envers l'Irak, sanctions qui selon l'ONU ont provoqué la mort de 500.000 enfants irakiens, comme « un choix très difficile, mais le prix – nous pensons que cela en valait le prix ».

Les huit années de la politique du « juste milieu » de Bill Clinton, qui comprenait la guerre aérienne brutale contre la Serbie, ont été suivies par huit années de George W. Bush, qui a renforcé encore plus l'influence des conservateurs sur la politique étrangère des Etats-Unis.

A ce stade, ce qui restait des anciens Républicains « réalistes » tels que Henry Kissinger et Brent Scowcroft, vieillissait ou était tellement compromis que les néo-conservateurs n'avaient plus d'opposition significative dans les cercles républicains. De plus, la politique étrangère officielle des Démocrates était presque impossible à distinguer de celle des néoconservateurs, à l'exception de leur recours à des arguments « humanitaires » pour justifier les guerres d'agression.

La capitulation des médias.

Avant l'invasion de l'Irak par George W. Bush, une grande partie de l'élite des médias « progressistes » – du New York Times au  New Yorker – s'est alignée derrière la guerre, et n'a posé que quelques rares questions gênantes sans offrir de véritable résistance. Etre favorable à la guerre devint un plan de carrière « sage ».

Mais un mouvement anti-guerre surgit des rangs démocrates, propulsant Barack Obama, un Démocrate opposé à la guerre en Irak, à la nomination du parti pour l'élection présidentielle de 2008 au détriment de la va-t-en-guerre Hillary Clinton. Mais les sentiments pacifistes de la « base » du parti Démocrate n'ont pas eu grand effet chez les ténors Démocrates en matière de politique étrangère.

Lorsque Barack Obama est entré à la Maison Blanche, il a du faire face à un défi difficile. Le Département d'Etat avait besoin d'une purge complète des néoconservateurs et des faucons/libéraux, mais les experts en politique étrangère qui n'avaient pas vendu leur âme aux néoconservateurs étaient devenus rares. Une génération entière de décideurs politiques démocrates avait été élevée dans un monde dominé par des conférences, des réunions, des éditoriaux et des think tanks néoconservateurs, où un discours musclé passait bien et où un discours diplomatique plus traditionnel vous faisait passer pour un mou.

En revanche, de plus en plus de gens au sein de l'armée US et même de la CIA étaient favorables à des approches moins agressives, en partie parce qu'ils avaient effectivement combattu dans la « guerre mondiale contre le terrorisme » sans espoir de Bush. Mais le haut commandement, soigneusement désignée par Bush et aux penchants néo-conservateurs – comme le général David Petraeus – sont restés en place et ont favorisé l'extension des guerres en Irak et en Afghanistan.

Obama a ensuite pris l'une des décisions les plus fatidiques de son mandat. Au lieu de nettoyer le Département d'Etat et le Pentagone, il a prêté l'oreille à certains conseillers qui ont brandi la notion, astucieuse sur le plan de la communication, d' « Equipe de Rivaux » – une référence au premier cabinet d'Abraham Lincoln pendant de guerre civile [des Etats-Unis] – et a maintenu à leurs postes la direction militaire de Bush, y compris Robert Gates comme secrétaire à la Défense, et a tendu la main au sénatrice belliciste Hillary Clinton en lui proposant le poste de secrétaire d'État.

En d'autres termes, non seulement Obama n'a pas pris le contrôle de l'appareil de politique étrangère, il a renforcé le pouvoir des néo-conservateurs et des faucons libéraux. Il laissa alors ce puissant bloc Clinton-Gates-Petraeus l'entraîner dans une contre-insurrection téméraire en Afghanistan dont le seul bilan fut la mort de 1.000 soldats US supplémentaires ainsi que de nombreux autres Afghans.

Obama a également laissé Clinton saboter sa tentative de rapprochement avec l'Iran en 2010 sur la question de son programme nucléaire et il a succombé à sa pression en 2011 pour envahir la Libye sous le faux prétexte d'établir une « zone d'exclusion aérienne » pour protéger les civils, et qui se transforma en une catastrophique « changement de régime » qu'Obama a désigné comme sa plus grande erreur de politique étrangère.

Le conflit syrien

Obama a résisté aux appels du Secrétaire Clinton pour une autre intervention militaire en Syrie tout en autorisant un certain soutien militaire limité aux rebelles prétendument « modérés » et a permis à l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie de faire beaucoup plus pour soutenir les djihadistes liés à Al-Qaïda et même à l'État islamique.

Sous Hillary Clinton, le bloc néoconservateur / libéral-faucon a consolidé son emprise sur le corps diplomatique du département d'Etat. Sous la domination néo-conservatrice, le Département d'Etat est passée d'une « pensée collective » à une autre. N'ayant rien appris de la guerre en Irak, la pensée unique continua sa lancée en Libye, en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine, en Russie, en Chine, au Venezuela, etc.

Partout, l'objectif était le même : imposer l'hégémonie des Etats-Unis, forcer les populations à se plier aux diktats US, les orienter vers des solutions néo-libérales et de « marché libre » qui étaient souvent assimilées à la « démocratie », même si la plupart des gens concernées n'étaient pas d'accord.

Le double-discours et la double-pensée prirent la place d'une pensée politique axée sur des réalités. Le terme « Communications stratégiques », à savoir l'utilisation agressive de la propagande pour faire avancer les intérêts étasuniens, devint un mot d'ordre. Un autre fut « Smart Power » [« pouvoir intelligent » – NdT], à savoir l'application de sanctions financières, de menaces d'arrestations, des frappes militaires limitées et d'autres formes d'intimidation.

Chaque occasion de propagande, comme l'attaque au gaz sarin en Syrie en 2013 ou l'abattage du vol 17 de Malaysia Airlines dans l'est de l'Ukraine, fut exploitée au maximum pour pousser les adversaires sur la défensive, même si les analystes du renseignement US doutent que les éléments présentés constituent des preuves.

Le mensonge au plus haut niveau du gouvernement des Etats-Unis – mais surtout chez les hauts fonctionnaires du Département d'Etat – devint une épidémie. Peut-être pire encore, le « diplomates » étasuniens semblaient croire à leur propre propagande.

Pendant ce temps, les médias traditionnels étasuniens ont connu une dérive similaire pour finir dans l'orbite de domination des néoconservateurs et du carriérisme professionnel, ce qui exclut les principaux organes de presse que tout type de contrôle sur des mensonges officiels.

Les nouvelles têtes d'affiche

La nouvelle star du Département d'Etat – qu'on attend à être nommée à un poste important par la Présidente Clinton – est la néoconservatrice et Secrétaire d'État adjoint aux Affaires européennes, Victoria Nuland, qui a orchestré le putsch de 2014 en Ukraine qui a renversé un président élu, pro-russe pour le remplacer par un régime nationaliste ukrainien dur qui a ensuite lancé des attaques militaires dans l'est du pays contre les Russes ethniques qui résistaient aux putschistes.

Quand la Russie est venue en aide à ces citoyens ukrainiens retranchés, y compris en acceptant la demande de la Crimée de rejoindre la Russie, les médias du Département d'Etat et des États-Unis ont parlé d'une seule voix pour dénoncer une « invasion russe » et soutenir les manoeuvres militaires de l'OTAN sur les frontières de la Russie pour dissuader toute « agression russe. »

Toute personne qui ose remettre en question cette dernière « pensée de groupe » – qui plonge le monde dans une dangereuse nouvelle guerre froide – est accusé d'être un « apologiste du Kremlin » ou un « larbin de Moscou », tout comme les sceptiques de la guerre en Irak ont été raillés comme des « apologistes de Saddam. » Pratiquement tous ceux qui comptent dans les milieux officiels à Washington sont sur le sentier de la guerre. (Victoria Nuland est mariée à Robert Kagan, ce qui fait d'eux l'un des principaux couples de pouvoir à Washington.)

Voilà le contexte de la dernière rébellion du Département d'Etat contre la politique plus tempérée d'Obama en Syrie. En prévision d'une probable élection d'Hillary Clinton, ces 51 « diplomates » ont paraphé une déclaration « dissidente » qui préconise le bombardement de l'armée syrienne pour protéger les rebelles syriens « modérés » qui – en admettant qu'ils existent – se battent pour la plupart sous les couleurs du front Al-Nusra, une filiale d'al-Qaïda, et son proche allié, Ahrar al Sham.

La pensée confuse dans cette « dissidence » affirme qu'en bombardant l'armée syrienne, le gouvernement US pourra accroître l'influence des rebelles et forcer Assad à négocier son retrait. Mais il n'y a aucune raison de penser que ce plan pourrait marcher.

Au début de 2014, lorsque les rebelles occupaient une position relativement forte, les pourparlers de paix initiés par les Etats-Unis se sont transformés en une conférence dominée par les rebelles et posait comme condition préalable le départ d'Assad, tout en excluant les alliés iraniens de la Syrie. Sans surprise, le représentant d'Assad est rentré chez lui et les négociations ont échoué.

Désormais, avec Assad dans une position relativement forte, soutenue par la puissance aérienne russe et les forces terrestres iraniennes, les diplomates étasuniens « dissidents » disent que la paix est impossible parce que les rebelles ne sont pas en mesure de contraindre Assad de partir. Ainsi, les « dissidents » recommandent que les États-Unis étendent leur rôle dans la guerre pour donner un nouveau coup de main aux rebelles, ce qui entraînera de nouvelles exigences maximalistes de leur part.

Risques graves

Ce projet de guerre élargie présente de très graves risques, dont celui d'un effondrement de l'armée syrienne, ce qui ouvrirait les portes de Damas au front al-Nusra/Al-Qaïda (et ses alliés) ou à l'État islamique – un scénario qui, comme le souligne le New York Times, « n'est pas abordé dans le memo »

À l'heure actuelle, l'État islamique et – dans une moindre mesure – le Front Al-Nusra sont sur la défensive, pourchassés par l'armée syrienne avec le soutien de l'aviation russe et par certaines forces kurdes avec le soutien des Etats-Unis. Mais ces avancées pourraient facilement être renversées. Il y a aussi le risque de déclenchement d'une guerre plus large avec l'Iran et / ou la Russie.

Mais faire des étincelles près d'un baril de poudre n'a jamais fait peur aux néo-conservateurs et aux faucons libéraux. Ils ont toujours concocté des plans qui peuvent paraître séduisants lors d'une conférence ou dans un éditorial, mais échouent face à la réalité du terrain où les des soldats étasuniens sont censés réparer les dégâts.

Nous avons vu comment cette pensée magique a mal tourné en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Ukraine et même en Syrie où, après l'accord d'Obama de fournir des armes et une formation aux soi-disant « licornes » – ces rebelles « modérés » difficiles à observer – on a vu les combattants rejoindre avec armes et bagages les rangs d'Al-Qaïda ou de l'État islamique.

Pourtant, les néo-conservateurs et faucons libéraux qui contrôlent le Département d'Etat – et qui attendent avec impatience l'élection d'Hillary Clinton – ne cesseront jamais de sortir de nouvelles idées folles de leurs chapeaux tant qu'un effort concerté ne sera pas entrepris pour évaluer leurs responsabilités dans tous les échecs subis par la politique étrangère des États-Unis.

Tant qu'il n'y aura pas de responsables – tant que le président des Etats-Unis ne freinera pas ces bellicistes – cette folie ne fera que s'amplifier et deviendra de plus en plus dangereuse.

Robert Parry

Traduction “et dire qu'on a les mêmes chez nous” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

Source : Le Grand Soir, Robert Parry, 19-06-2016

 

 

Un témoin oculaire explique comment l'ambassadeur étasunien a fomenté la « révolution » en Syrie.

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 23-06-2016

C'est pour dialoguer que vous êtes allé à Hama ? Vos rencontres de Malki portaient sur la paix ? Vous me prenez pour un imbécile ?

C'est pour dialoguer que vous êtes allé à Hama ? Vos rencontres de Malki portaient sur la paix ? Vous me prenez pour un imbécile ?

S. Rifai, également connu sous le nom@ THE_47th, est un « activiste » syrien de Homs. Il est impliqué dans les événements en Syrie depuis début 2011, date à laquelle l'ambassadeur américain Robert Ford (@ fordrs58) a fomenté la « révolution » en Syrie. Depuis, il a envoyé beaucoup de tweets sur la « révolution » et a montré qu'il était parfaitement au courant de ce qui se passait. Ci-dessous, S. Rifai met en lumière la propagande étasunienne et rétablit la vérité.

L'ancien ambassadeur Ford ne serait pas étranger à la lettre « dissidente » [voir sur le Grand Soir] publiée dernièrement par des employés du Département d'Etat. La lettre suggère que les Etats-Unis déclarent officiellement la guerre à la Syrie et à son gouvernement. Le New Yorker a récemment offert à Ford l'occasion de se s'expliquer.

Dans l'interview, Ford a déclaré au New Yorker :

Nous avons tous appris en Irak que le changement de régime n'est pas le bon moyen d'apporter un changement politique positif. En cas de guerre civile, il faut des négociations entre l'opposition et le gouvernement. La question est de savoir comment accroître les chances de succès. Et depuis que la Secrétaire Clinton et Sergueï Lavrov, ont signé le communiqué de Genève, en juin 2012, la politique de l'Administration n'a pas réussi à créer les conditions nécessaires au succès.

Citant ce qui est écrit ci-dessus, S. Rifai a répondu aux affirmations de l'ex-ambassadeur Ford. (C'est moi qui ai souligné en gras et j'ai aussi fait des phrases à partir de la sténo) :

S. Rifai @THE_47th 05:02 – 19 juin 2016

Ce n'est pas ce que vous nous avez dit dans les réunions à Damas, Ambassadeur @fordrs58 .., ce n'est pas le message que vous nous avez transmis

Ambassadeur Ford @fordrs58, vous avez eu plus de liberté à Damas en 2011 que la plus grande partie de l'opposition politique et, tout au long de vos réunions, votre message était différent de celui rapporté ci-dessus

En fait, vous avez eu le courage, Ambassadeur @fordrs58, de rencontrer les responsables du régime qui semblaient prêts à l'abandonner et votre message n'était certainement pas un message de « négociation »

Vos réunions à Abou Remmaneh, à Malki, et chez des dissidents connus, M.@fordrs58, vous vous en souvenez ? Vous vous rappelez vos promesses ?

Je pourrais être plus précis au sujet de ces réunions, M.@fordrs58, mais ce ne serait pas bon pour vous, ni pour moi.

Ces détails n'ont pas d'importance, Monsieur l'Ambassadeur @fordrs58 – ce qui compte c'est le « Assad doit partir » que vous et votre président n'avez cessé de répéter.

Ford n'a pas répondu immédiatement, mais S. Rifai a insisté

S. Rifai @THE_47th 05:14 – 19 juin 2016

@Fordrs58 S'il vous plaît expliquez-moi : vous saviez tout au long qu'Obama voulait des « négociations avec le gouvernement », mais vous et Obama n'avez pas cessez de nous dire « Assad va partir » ?

Un autre « révolutionnaire » se joint à lui :

Abdul @al_7aleem 05:36 – 19 juin 2016

@THE_47th @fordrs58 C'est sans doute de notre faute, dans notre enthousiasme, nous avons oublié les 90 dernières années de l'histoire des États-Unis…

S. Rifai @THE_47th 05:38 – 19 juin 2016
Nous n'avions rien oublié mais nous voulions un changement.. Ce n'est pas comme s'il y avait eu une autre puissance sur laquelle compter

Ford a répondu plus tard :

Robert Ford @fordrs58 10:34 – 19 juin 2016

vous devriez vous rappeler que nous (l'Ambassade américaine et d'autres) avons encouragé au dialogue avec le gouvernement syrien et insisté pour que les manifestations restent pacifiques

(Le Tweet de Ford implique que, en dépit de son insistance, les manifestations ne sont pas restées pacifiques. Il admet donc que les manifestants, et non le gouvernement, ont initié la violence.)

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Rifai contre-attaque :

S. Rifai @THE_47th 23:36 – 19 juin 2016

espoirs versus Réalité

C'est pour dialoguer que vous êtes allé à Hama ? Vos rencontres de Malki portaient sur la paix ?Vous me prenez pour un imbécile ?

. @Fordrs58 Lorsque vous avez appris que Manaf Tlass ou le premier ministre étaient sur le point d'abandonner le gouvernement syrien, les avez-vous incités au dialogue à la place ?

. @Fordrs58 Où est le « dialogue » quand Obama dit « Assad doit démissionner » ? Assad doit partir, selon Obama

. @Fordrs58 Quand farouk Al Chareh a invité l'opposition à une réunion en 2011 vous avez conseillé à Nabil Maleh, Michel Kilo, Fayez Sara de NE PAS dialoguer.

. @Fordrs58 Voulez-vous que l'ambassadeur bulgare vous rafraîchisse la mémoire ? Ou B.R ? Ou M.T ? Ils étaient tous là quand vous avez conseillé à l'opposition de NE PAS dialoguer.

. @Fordrs58 Vous ne cessiez pas de nous parler de l'importance de nous rendre dans l'Union Européenne pour y défendre notre cause et tirer parti du fait que l'UE avait coupé les liens avec Assad

Plus tard :

Robert Ford @fordrs58 07:33 – 20 juin 2016

@THE_47th S'il vous plaît ne dites pas n'importe quoi. Je n'ai même jamais rencontré Fayez en 2011. Nous avons insisté pour que Chareh élargisse le dialogue à des gens comme Michel et Haithem M.

S. Rifai @THE_47th 08:10 – 20 juin 2016

. @Fordrs58 Très bien. Je vais leur demander de répéter ce que vous leur avez dit. Mais j'ai une autre question : pourquoi avez-vous fourni une aide « non létale » aux rebelles ?

. @Fordrs58 Et quand vous êtes allé à la frontière syrienne avec la Turquie pour rencontrer les rebelles, les avez-vous aussi exhortés au dialogue ?

Récapitulons. Ford affirme maintenant que lui et Obama ne voulaient pas provoquer un « changement de régime » immédiat, par la force, en Syrie. Ce qu'ils voulaient, c'était dialoguer et négocier avec le gouvernement d'Assad.

Rifai, qui était là depuis le début, dit que ce sont des mensonges. Dans ses entretiens avec l'opposition Ford l'a dissuadée de négocier. Ses discours ne portaient pas sur la paix ou le dialogue. Ils incitaient à un « changement de régime » pur et simple, et quoiqu'il en coûte.

Les naïfs « révolutionnaires » se sont fait avoir.

— –

Complément d'information :

Ford raconte au moins un autre gros mensonge dans l'interview du New Yorker. Il dit :

[En 2012, nous autres, du Département d'Etat …] n'avions pas prévu que l'organisation Al-Qaïda se diviserait et accoucherait d'une forme encore plus virulente – qu'une forme plus extrémiste encore viendrait contrôler la partie orientale de la Syrie qui se prolonge en Irak.

Mi-2012, la Defense Intelligence Agency a publié une évaluation de grande qualité de la situation en Syrie, qui disait le contraire. En réalité, l'administration Obama avait prévu l'Etat islamique. Selon (vidéo, 8min50) le directeur de l'époque de la DIA, le général Flynn, ce fut une « décision réfléchie » de l'administration Obama de ne rien faire pour l'empêcher.

IL Y A LA POSSIBILITE D'ETABLIR UNE PRINCIPAUTÉ SALAFISTE OFFICIELLE OU NON DANS L'EST DE LA SYRIE (HASAKA ET DER ZOR), ET CECI EST EXACTEMENT CE QUE VEULENT LES PUISSANCES QUI SOUTIENNENT L'OPPOSITION, […]

ISI POURRAIT EGALEMENT INSTITUER UN ÉTAT ISLAMIQUE EN S'UNISSANT A D'AUTRES ORGANISATIONS TERRORISTES EN IRAK ET EN SYRIE, CELA FERA COURRIR UN GRAVE DANGER A L'UNIFICATION DE L'IRAK ET A LA PROTECTION DE SON TERRITOIRE.

Ford savait parfaitement ce qui allait arriver. Il ment bel et bien.

Moon of Alabama

Traduction : Dominique Muselet

Source : Le Grand Soir, Moon of Alabama, 23-06-2016

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Le faucon à l’affût derrière Hillary Clinton, par Philip Giraldi

Le faucon à l'affût derrière Hillary Clinton, par Philip Giraldi

Source : The American Conservative, le 19/05/2016

Si Hillary Clinton gagne, attendez-vous à trouver, à ses côtés, Victoria Nuland.

Par PHILIP GIRALDI • 19 mai 2016

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Ambassade des États-Unis, Géorgie

L’autre jour, une question a surgi sur un fil de Facebook que je commentais : « Où est donc Victoria Nuland ? » On peut, bien sûr, répondre brièvement qu’elle est toujours à son poste comme sous-secrétaire d’État pour les affaires européennes et eurasiennes.

Mais se pose aussitôt une question connexe qui appelle une réponse plus détaillée. Où sera Victoria Nuland après janvier ? Nuland est l’une des protégés d’Hillary Clinton au secrétariat d’État et elle est aussi fort admirée par la branche dure des Républicains. Ceci laisse entendre que le Congrès approuverait sans problème sa nomination comme secrétaire d’État ou même comme conseillère pour la sécurité nationale, ce qui, en retour, suggère qu’il vaut la peine d’examiner de plus près ses opinions en politique étrangère.

Victoria Nuland vient de ce qu’on pourrait appeler la Première famille des interventionnistes militaires. Son mari, Robert Kagan, est un éminent néoconservateur qui a cofondé le Projet pour le Nouveau siècle américain en 1998 alors au milieu des demandes pour « un changement de régime » en Irak. Non seulement c’est actuellement un membre important du Conseil d’administration du groupe de réflexion, l’Institution Brookings, mais c’est aussi un écrivain et il contribue aux pages d’opinion d’un grand nombre de journaux nationaux. Il a déjà déclaré qu’il allait voter pour Hillary Clinton en novembre, se détachant ainsi du Parti républicain, ce que beaucoup ont vu comme une façon avisée de donner une impulsion à sa carrière et à celle de sa femme.

Son frère, Fred, travaille dans le belliciste Institut de l’Entreprise américaine, et sa belle-sœur, Kimberly, dirige l’Institut de l’étude de la guerre, subventionné, en grande partie, par des marchands d’armes. Les Kagan travaillent à encourager les actions militaires, à la fois grâce à leurs postes gouvernementaux et à leur influence dans le débat public par l’entremise de groupes de réflexion et des articles dans les pages d’opinion. C’est une entreprise familiale qui est représentative du complexe militaro-industriel dans son ensemble, avec des groupes de réflexion. Ces derniers trouvent des raisons d’augmenter les dépenses militaires et  fournissent un soutien d’« expertise » aux responsables gouvernementaux qui, eux effectivement, promeuvent et mettent en œuvre les politiques. Les marchands d’armes, quant à eux, tirent profit de ces dépenses et rétrocèdent certaines sommes aux groupes de réflexion qui, alors, trouvent de nouvelles raisons de faire encore d’autres dépenses d’armement.

Les Kagan pensent fondamentalement que les États-Unis ont à la fois le pouvoir et le devoir de remplacer les gouvernements dont on considère qu’ils ne coopèrent pas avec Washington, le Leader du monde libre, ou qu’ils sont hostiles aux intérêts américains. Ces intérêts peuvent, bien sûr, changer. Ils incluent des valeurs comme la démocratie et la primauté du droit aussi bien que des considérations pratiques comme la concurrence économique et politique. Compte tenu de l’élasticité de ces intérêts, de nombreux pays peuvent être et sont considérés comme des cibles potentielles pour l’aide impitoyable de Washington.

On rapporte que le président Obama apprécierait énormément les livres de Robert Kagan, où ce dernier soutient que les É-U doivent maintenir leur puissance militaire pour faire face à « leurs responsabilités mondiales ». On a souvent fait remarquer que les opinions néoconservatrices continuaient à prévaloir dans l’administration Obama, même si les Démocrates et les Républicains se rallient, pour des raisons différentes, à l’interventionnisme militaire. Le Parti républicain le considère comme un impératif pour un leadership international qui repose sur le caractère exceptionnel de l’Amérique tandis que les Démocrates sentimentalisent « l’intervention libérale » et la voient comme un mal parfois nécessaire auquel il faut se résoudre, la plupart du temps pour des raisons humanitaires. Le résultat, cependant, est le même. En effet, aucune administration ne veut avoir l’air faible dans ses rapports avec le monde extérieur. Les échecs catastrophiques de George W. Bush en Afghanistan et en Irak continuent à porter leurs fruits dans une administration démocrate, même si le président a ajouté une série d’interventions au sol en Libye, en Syrie, au Yémen, aux Philippines et en Somalie.

Et Victoria Nuland elle-même, beaucoup s’en souviennent, était celle qui a tout fait pour déstabiliser le gouvernement ukrainien de Victor Ianoukovitch en 2013-2014. Ianoukovitch, de l’avis général un autocrate corrompu, a pris ses fonctions après des élections libres. En dépit des relations ostensiblement amicales de Washington et de Kiev, Victoria Nuland a souvent fourni un soutien aux manifestants de la place Maidan opposés au gouvernement de Ianoukovitch, distribuant des cookies aux protestataires assemblés et organisant des opérations photos avec un sénateur McCain rayonnant.

Victoria Nuland a commencé sa rapide ascension comme conseiller du vice-président Cheney. Par la suite, elle a été régulièrement promue par les secrétaires d’État, Hillary Clinton et John Kerry, jusqu’à atteindre son poste actuel en septembre 2013. Cependant ce sont ses agissements en Ukraine qui ont fait d’elle un personnage médiatique. Il est difficile d’imaginer qu’une administration étatsunienne tolérerait qu’un pays étranger essaie de cette façon d’intervenir dans sa politique intérieure, surtout avec un budget de 5 milliards, mais Washington adhère depuis longtemps au principe du double standard quand il s’agit d’estimer sa propre conduite.

Victoria Nuland est bien connue pour le langage cru qu’elle utilise pour évoquer le rôle éventuel que pourrait jouer l’Europe dans la gestion des troubles en Ukraine qu’elle-même et le Natural Endowment for Democracy ont contribué à créer. Elle a même discuté avec l’ambassadeur Geoffroy Pyatt de l’identité du nouveau dirigeant de l’Ukraine. « Yats (elle parlait de Yatsenyuk) est l’homme qu’il nous faut », a-t-elle dit, tout en réfléchissant à la façon dont elle pourrait « bricoler la chose » alors que Pyatt, dans le même temps, pensait à la manière d’« accoucher » de cette nomination. Leur conversation téléphonique non sécurisée a été interceptée et fuitée, peut-être par le service de renseignement russe, mais, de toute façon, n’importe qui, équipé d’un laser, aurait pu le faire.

L’inévitable remplacement du gouvernement de Kiev, qui est, en fait, un coup d’État vendu aux médias comme un triomphe de « la démocratie » n’était que le prélude d’une rupture brutale et d’une escalade du conflit avec Moscou qui s’efforçait simplement de protéger ses propres intérêts en Ukraine. Le nouveau régime de Kiev, aussi corrompu que son prédécesseur et soutenu par les néonazis, a toujours été blanchi dans les médias occidentaux et le conflit décrit comme opposant des forces « en faveur de la démocratie », résistant à une « agression russe » délibérée.

Effectivement, l’intervention en Ukraine a eu, depuis le départ, comme véritable objectif d’installer un régime hostile à Moscou. Carl Gershman, le dirigeant du National Endowment for Democracy, subventionné par le contribuable, a dit de l’Ukraine qu’elle représentait « le plus grand succès » dans ce qui pouvait contribuer à la chute du régime du président Poutine. Sans doute ce dernier « allait-il être le perdant non seulement dans un territoire proche de son pays mais dans son pays lui-même ». Carl Gershman et Victoria Nuland, cependant, jouaient avec le feu dans leur appréciation, alors qu’il y allait pour la Russie, dans cette crise, d’intérêts vitaux, et qu’elle est la seule nation capable militairement de détruire les États-Unis.

Et ne vous y trompez pas : Victoria Nuland a clairement l’intention d’étendre le conflit vers une confrontation directe avec Moscou. Dans sa déposition devant le Sénat, en mai 2014, elle a mentionné la façon dont l’administration Obama « fournissait un soutien aux autres États frontaliers de la Russie comme la Moldavie et la Géorgie. »

Victoria Nuland et ses alliés néoconservateurs ont célébré leur « changement de régime » à Kiev, en ignorant le fait que Poutine allait se rendre compte de la menace stratégique posée à son propre pays et réagir, surtout pour protéger l’historique base navale de Sébastopol en Crimée. Barack Obama a répondu comme on pouvait s’y attendre en déclenchant ce qui n’allait pas tarder à apparaître comme une nouvelle Guerre froide contre la Russie et en risquant une escalade vers une éventuelle confrontation nucléaire. C’est là une crise qui n’aurait jamais existé sans Nuland et ses alliés.

Bien qu’il n’y ait aucune preuve que Poutine soit à l’origine de la crise ukrainienne, et beaucoup de preuves du contraire, la machine de la propagande du gouvernement des É-U s’est mise en branle et a prétendu que les agissements des Russes en Ukraine étaient la première étape d’une invasion de l’Europe de l’Est. L’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton a comparé Poutine à Adolf Hitler. Et Robert Kagan a fourni l’argument pour étendre l’intervention en publiant, dans le New Republic, un texte intitulé « Superpowers don’t get to retire (les superpuissances ne peuvent pas prendre leur retraite) » où il a critiqué le président Obama pour son échec à maintenir la domination américaine dans le monde. Le New York Times a révélé que ce texte faisait partie manifestement d’un projet conjoint où Victoria Nuland remaniait régulièrement les articles de son mari, même si cet article en particulier attaquait l’administration pour laquelle elle travaillait.

Alors que la situation en Ukraine a continué à se détériorer en 2014, elle s’est donnée beaucoup de mal pour anéantir plusieurs tentatives européennes de cessez-le- feu. Quand on a rapporté que le commandant de l’OTAN, le général Philip Breedlove, était favorable à l’envoi de davantage d’armes au gouvernement ukrainien pour « augmenter le coût des combats pour Poutine », Nuland a commenté : « Je vous prie instamment d’utiliser l’expression “systèmes de défense” pour évoquer ce que nous allons livrer et qui va s’opposer aux ” systèmes offensifs ” de Poutine ».

Pour en revenir à notre question initiale « où est donc Victoria Nuland ? », nous pourrions répondre que même si on ne parle pas beaucoup d’elle dans les médias, elle continue à fournir un soutien à des politiques que manifestement la Maison-Blanche approuve. À la fin du mois dernier, elle se trouvait de nouveau à Kiev. Elle a critiqué la Russie pour son manque de liberté de la presse et ses « fantoches » de la région du Donbass tout en déclarant devant l’assistance ukrainienne : « les États-Unis s’engagent avec force à se montrer solidaires de l’Ukraine tant qu’elle reste sur la voie d’un avenir juste, démocratique et européen … Nous demeurons résolus à continuer les sanctions en vigueur à cause de la situation en Crimée jusqu’à ce que la Crimée soit rendue à l’Ukraine. » Avant, elle se trouvait à Chypre et en France et elle discutait avec de hauts responsables gouvernementaux d’une série de problèmes régionaux et mondiaux. »

On doit cependant penser qu’en ce moment elle attend surtout de voir ce qui va arriver en novembre. Et elle se demande où elle pourrait bien se trouver en janvier.

Philip Giraldi, ancien agent de la CIA, est directeur général du Council for National interest (Conseil pour l’intérêt général).

Source : The American Conservative, le 19/05/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Entraide recherche Propagande anti-Brexit

Entraide recherche Propagande anti-Brexit

Bonjour

comme je suis en train de poursuivre l’analyse sur le 11 Septembre pour terminer la série, je suis sous l’eau.

Certains d’entres vous pourraient ils me donner un coup de main pour une recherche sur le Brexit ?

J’aimerais recenser la vaste blague médiatique ayant accompagné le Brexit, en citant toutes les infos manipulatoires (avec un lien vers une source mainstream à chaque fois) pour dénaturer le résultat, allant du “les jeunes sont sacrifiés”, à “les votants Brexit regrettent déjà leur vote”, en passant par “certains promesses ont été exagérées”, les recherches UE sur Google, etc.

J’aimerais en effet faire un billet recensant toutes ces stratégies manipulatoires.

Il vous suffit de poster liens et descriptions en commentaire de ce billet…

Merci d’avance