vendredi 24 juin 2016

Primaire à gauche : une tactique suicidaire pour François Hollande



Avec la primaire, Hollande double ses chances de désaveu électoral


Il est tentant de voir la décision du PS d'organiser une primaire en janvier comme une manifestation de génie tactique. Et trompeur.

Si l'art de la politique consiste à déguiser la soumission à l'adversité en génie tactique, saluons comme un redoutable «piège de Hollande» la «primaire» décidée ce week-end par le Parti socialiste. Cet exercice démocratique était, jusqu'à présent, écarté avec mépris par les partisans de François Hollande. Soumettre le président sortant au vote des électeurs de gauche était presque considéré comme un crime de lèse-majesté.

Subitement, la primaire n'a plus rien de «dévalorisante» pour le chef de l'Etat. Elle serait même l'essence de la «démocratie», affirme aujourd'hui Manuel Valls, qui estimait pourtant, au début de l'année, que «le président de la République sortant n'avait pas à se soumettre à une primaire».
Cette volte-face doit beaucoup à la très grande difficulté, pour un président sortant massivement rejeté, à se représenter devant les électeurs. Si le but de la manœuvre est de se «relégitimer» par l'exercice de la primaire, comme on l'explique désormais dans les allées du pouvoir, c'est bien que la légitimité du chef de l'Etat à briguer un nouveau mandat pose problème. C'est parce que le président Hollande n'est plus guère présentable en l'état que le candidat Hollande est contraint de tenter de renouer avec l'électorat de gauche.

À moins que le président le plus impopulaire de la Ve République jette l'éponge. L'hypothèse n'est nullement exclue rue de Solférino. L'annonce d'une primaire les 22 et 29 janvier 2017 vise aussi à prévoir un dispositif de sélection en cas de non-candidature de Hollande. En dépit de l'amélioration de la conjoncture économique et sans doute en raison des tensions sociales, sa cote de popularité Ifop demeure au plancher avec 14% de «satisfaits» et 85% de «mécontents».


Préserver le Parti socialiste


La surprise du chef Jean-Christophe Cambadélis doit beaucoup à son souci de sauvegarder l'unité de son parti. Le premier secrétaire du PS ne se fait aucune illusion sur les chances de la gauche en 2017. Il espère simplement que la défaite qu'il juge inévitable ne se traduira pas par un éclatement de la vieille maison socialiste.

Or, la menace est réelle. L'état de faiblesse de François Hollande est telle qu'une candidature dissidente d'Arnaud Montebourg était une éventualité prise très au sérieux. On en était aussi conscient à l'Elysée que rue de Solférino. Au fil de tractations laborieuses, «Cambacadabra» a, semble-t-il, réussi à convaincre Hollande qu'il fallait désormais en passer par la case primaire. A moins qu'il ne lui ait un peu forcé la main...

Ce n'est, en tous cas, pas de gaieté de cœur que le chef de l'Etat a consenti à descendre dans l'arène de la primaire. Comparaître devant le «peuple de gauche» serait un exercice éminemment périlleux pour un président sortant qui s'est à ce point affranchi de tous les repères socialistes.

L'aile gauche du PS se méfie, non sans raisons, des «ruses» d'une direction du PS qui pourrait être tentée d'organiser une petite primaire afin de maximiser les chances de succès de Hollande. A partir du moment où cette consultation sera ouverte à tous les électeurs de gauche –comme il est prévu–, on voit cependant mal comment l'appareil socialiste pourrait éviter que ce scrutin mobilise tous ceux qui voudront en finir avec l'ennemi-ami de la finance.

Une majorité de sympathisants socialistes ne souhaitent pas que Hollande soit à nouveau candidat en 2017. Le danger est d'autant plus grand pour lui qu'Arnaud Montebourg est bien décidé à représenter une alternative au hollandisme l'année prochaine. Il conditionne simplement sa participation à la primaire socialiste à la loyauté de l'exercice, menaçant le PS d'une candidature libre si tel n'était pas le cas.

Or, l'ancien ministre de l'Economie apparaît bien placé pour polariser sur son nom les opposants à Hollande. Les candidatures à la candidature de Marie-Noëlle Lienemann ou de Gérard Filoche ont peu de chances d'aller jusqu'au bout, car la gauche du PS sera fortement incitée à se regrouper pour éviter un succès du président sortant.


Une qualification toujours problématique



La défaite de Hollande à la primaire du PS et de ses petits satellites est loin d'être exclue. Quoi qu'il en soit, ce dispositif ne garantira nullement la qualification de la gauche au second tour d'un scrutin présidentiel qui sera dominé par la poussée du Front national et le souhait d'une alternance à droite.
Le candidat vainqueur de cette primaire trouvera toujours sur son chemin Jean-Luc Mélenchon, encouragé s'il en avait besoin par les bons sondages qui lui laissent même l'espoir de devancer François Hollande au premier tour de la présidentielle. Le candidat soutenu par le PS risque aussi d'être privé des voix qui se porteraient sur un candidat écologiste crédible comme Nicolas Hulot.
Bref, de quelque manière qu'on l'examine, cette histoire de primaire ne se présente pas sous les traits d'une diabolique opération salvatrice pour le président sortant. Avec la primaire, Hollande double simplement ses chances d'être désavoué par les électeurs: soit être battu au scrutin des 22 et 29 janvier 2017, soit l'être lors de l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 2017.

Eric Dupin

Avec la primaire, Hollande double ses chances de désaveu électoral | Slate.fr

Brexit ! Démocratie 1 – UE 0

Brexit ! Démocratie 1 – UE 0

Donc belle et grande nouvelle ce matin :

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Bravo aux Anglais pour cette belle leçon de Démocratie !

Voici les résultats :

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On saluera les sondages, qui ont donc oscillé entre… 10 % d’avance et 10 % de retard… :

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Avant-hier :

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(LeParmentier est le JeanQuatremer du Monde pour mémoire)

On saluera la presse avant le vote aussi :

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Réaction boursière du jour (quelle importance en vrai ?), qui fait les choux gras de la presse

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mais au moins on voit bien du coup qui bénéficie de l’UE en vrai…

Réaction du clergé ce matin :

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(belle fraternité et respect de la Démocratie)

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(cool, pourquoi ne pas l’avoir vraiment soutenu alors ?)

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National-populiste, j’adore – pourquoi pas nazi tout court, ce serait plus simple…

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  1. Ben oui : car le “jeune”, il ne vieillit jamais, ne devient jamais vieux, ne comprends donc pas avec le temps ce qu’est l’UE et ne vieillit donc jamais…
  2. bizarre, je n’ai pas lu ça quand l’Écosse est restée dans le Royaume-Uni à cause des vieux… #GrosHypocrites

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Ben un référendum en France, ce serait déjà un bon début pour savoir si les Français veulent relancer ce Titanic, non ? #Démocratie…

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(ben si ça fait éclater le pays, c’est qu’il n’était pas solide, et qu’il vaut mieux 2 pays – quelle importance sir l’Écosse est indépendante, et les Écossais plus heureux ?)

Avant :

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Après :

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J’adore :

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L’éditocrate de gôôôôôche moderne vomissant la Démocratie et tripant sur Thatcher, bienvenue au XXIe siècle…

Mais on saluera ça :

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Il me semble qu’au moins 52 % des Britanniques le demandaient (beaucoup plus en vrai, ils sont vraiment démocrates là-bas…) – je dis ça, je dis rien…

[Propagande] Brexit : “Tout le monde ici vote pour la sortie”

[Propagande] Brexit : "Tout le monde ici vote pour la sortie"

Bel article de propagande…

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Source : Nouvel Obs, 23/06/2016

A Dagenham, un quartier populaire de l’Est de Londres, les électeurs votent massivement depuis ce matin pour quitter l’Union européenne, qu’ils accusent d’être à l’origine de tous leurs maux. Reportage.

John, yeux bleus vitreux sous sa casquette, s’est installé avec sa pinte de bière à une table devant la salle où a été installé le bureau de vote, à l’arrière du pub.

“C’est un jour historique, je ne veux pas en rater une miette”, explique-t-il.

Le retraité déjà titubant en profite au passage pour distiller ses consignes de vote aux électeurs qui s’enchaînent sans discontinuer : “Faut voter ‘out’ [dehors, ndlr], hein”, ordonne-t-il à un jeune qui lui semble suspicieux. Il n’a pourtant pas beaucoup de soucis à se faire. A Dagenham, ce quartier populaire de la banlieue Est de Londres où UKIP (le parti de droite populiste et europhobe de Nigel Farage) et BNP (le British National Party, une formation d’extrême droite) font le plein des voix, les drapeaux blancs frappés d’une croix rouge avec l’inscription “England” flottent partout aux fenêtres des petites maisons de briques decaties en ce jour de référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Pas un poteau, mur, barrière qui ne porte une affichette rouge “Vote Leave” [votez pour sortir, ndlr].

bref, l’europhobe est un nervi alcoolique

L’Europe, cause de tous les maux

Un attroupement de retraités s’arrêtent à la hauteur de John. Ils sont nés ici, insistent-ils, mais ne se sentent plus chez eux. “Les logements sont devenus trop chers pour y loger nos enfants, on est obligé de faire des kilomètres pour voir un médecin, les écoles publiques sont une catastrophe”, liste Laura, 80 ans, avec de faux airs de reine Elisabeth sous son chapeau rose.

“Tout cela, c’est le résultat des décisions qui sont prises par Bruxelles”.

L’Europe est considérée comme la cause de tous leurs maux, les petits comme les grands.

ce qui ne saurait être vrai, bien entendu…

Ici, la campagne menée par le Premier ministre David Cameron en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union a peu convaincu : les risques économiques que pourrait provoquer une sortie ne font trembler personne à Dagenham. “Au point où on en est, ça ne peut pas être vraiment pire…”, grommelle Tom, au chômage.

Ce sont tous les arguments ressassés par le camp du “out” pendant la campagne, que ce soit par Nigel Farage ou par les conservateurs eurosceptiques menés par l’ancien maire de Londres Boris Johnson, qui sont convoqués en ce jour de vote. Il y a John, facteur, qui veut “récupérer l’argent que l’on donne à Bruxelles et qu’on utiliserait mieux ici”, et James, livreur, qui veut que “le Royaume-Uni redevienne souverain, que ce ne soit pas Bruxelles qui nous dise ce qu’on doit faire”. Il y a Jo et Jane, retraités, qui ne décolèrent pas de voir leur fille infirmière de 40 ans et leur petit-fils être obligés de vivre chez eux parce qu’elle n’a pas les moyens de se loger. Il y aussi Dorothée et David qui avaient déjà voté “No” lors du référendum de 1975 sur l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union européenne, qui se souviennent qu’à l’époque “le gouvernement avait bizarrement perdu des urnes”, et espèrent “ne pas se faire avoir une nouvelle fois”.

La peur de l’immigration

Il y a enfin cette grand-mère qui s’étrangle d’indignation :

“Et puis ils veulent construire une immense mosquée à deux pas d’ici. Ils ne nous ont même pas demandé notre avis ! On est submergé par les migrants sans avoir notre mot à dire. Ça aussi c’est à cause de l’Europe”.

“Immigration”. Le mot revient en boucle dans ce quartier majoritairement peuplé de classes populaires blanches : les immigrants sont accusés de prendre leur travail, leur logement, de bénéficier de la sécurité sociale sans y contribuer et d’être des terroristes en puissance…

Autant de raisons pour lesquelles ils ont tous mis un bulletin “out” dans l’urne aujourd’hui avec l’espoir qu’une fois sortis de l’Union européenne ils reprendront la main sur leur destin.

Une femme qui tient le bureau de vote confirme l’engouement pour le référendum : “A 10h, on avait déjà eu plus de 100 personnes, c’est beaucoup plus que lors des précédentes élections.”

Fracture générationnelle

Devant un centre sportif reconverti en un bureau de vote quelques rues plus loin, Mary, cuisinière scolaire, soupire : “Je sais bien que je suis une espèce rare, que tout le monde ici vote pour la sortie. Même ma voisine a un drapeau ‘leave’ à sa fenêtre.” Mais pour elle ce sera “remain” [rester, ndlr]. Comme son fils, Chris, 19 ans, qui inaugure avec ce référendum historique son droit de vote.

“J’espère que l’on restera dans l’Europe, on a tout à perdre en sortant, nous les jeunes on sait que notre avenir est en Europe. Mes potes pensent comme moi, ils votent ‘in'”, assure-t-il.

Eh oui, la mère de famille non alcoolique non raciste, elle est pour l’UE ! Comme les enfants de 19 ans, à al conscience politique suraigüe, donc…

Christopher, 36 ans, web developper, fonce tête baissée vers le bureau de vote comme s’il voulait échapper au petit groupe de têtes blanches qui palabre à l’entrée : “Contrairement à tous ces retraités qui mettent des drapeaux anglais à leurs fenêtres, je me sens européen, j’ai travaillé en Europe, ma copine est allemande”. C’est l’une des grandes fractures de ce scrutin : les jeunes sont majoritairement pro-européens, les vieux anti. 

Ou plutôt : ceux qui ont de l’expérience sont anti, ceux à peine démoulés su moule à propagande, pour… Les CSP + aussi donc.

“Mieux vaut un mal connu…”

Nick avance voûté en faisant résonner sa canne sur le pavé défoncé de la ruelle. Qu’a-t-il voté ?

Mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître“, nous répond-il malicieusement.

Sérieusement ?

Sa voix est couverte par les coups de klaxon d’une voiture rouge qui fonce sur l’avenue, les deux rétroviseurs enveloppés dans les drapeaux blanc et rouge anglais : “Out ! Out ! Out !”, hurle le crâne rasé aux bras tatoués qui tient le volant. Sur le trottoir, les badauds applaudissent.

Au final, il est donc clair que le Brexit, ça pue vraiment le peuple, beurk !

Sarah Halifa-Legrand – envoyée spéciale de l’Obs au Royaume-Uni

Journaliste

C’est toujours bien de finir par un mot d’humour…

Source : Nouvel Obs, 23/06/2016

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Edit : Rôôôô, je le rajoute celui-là, tout frais :

Brexit : oui, le Royaume-Uni est mort ce matin

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Source : Nouvel Obs, 24/06/2016

Le Brexit n'est pas une victoire du souverainisme. Au contraire, il risque de précipiter la fin de la nation britannique.

“Britain first” – la Grande-Bretagne d'abord -, ne cessent de clamer les supporters du Brexit. En vérité, le renoncement à l'Union européenne acquise par référendum marque sans doute la fin d'une nation telle que les siècles l'ont façonnée.

Adieu le Royaume-Uni ! Les Ecossais qui ont voté à 62% pour l'Europe s'apprêtent à reprendre leur indépendance après cinq siècles de domination anglaise. Les Irlandais rêvent d'une réunification sous la loi de Bruxelles. Et la glorieuse cité de Londres se réveille avec le sentiment d'avoir été trahie : les yuppies et les bobos de la capitale se demandent ce qu'ils ont encore de commun avec les Britanniques des campagnes craintives et des anciens bastions industriels désespérés. La ville-monde raisonne comme le continent et s'exaspère du revirement de son Iago shakespearien : Boris Johnson, devenu par opportunisme le tribun d'un peuple sans repère.

Rancoeurs et nostalgies

Le Brexit est une victoire à la Pyrrhus. L'ancien empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais se rétrécit toujours plus. Les eurosceptiques du reste de l'Union drapés dans leur drapeaux nationaux feraient bien de méditer ce paradoxe.  Ils se réclament de la grandeur des nations mais ne font que les saborder par désir de revanche sociale. Nigel Farage, tout à son exaltation factice de la souveraineté retrouvée, a semblé embarrassé par un résultat qu'il n'attendait pas et sans doute, au plus profond de lui, ne souhaitait pas vraiment

Les pères fondateurs de l'Europe avaient raison : les nations triomphantes des années 1815-1914 étaient bien mortes, putréfiées sur les charniers de la première puis de la deuxième guerre mondiale. Après soixante ans de convergence européenne, aussi maladroites furent-elle, ces idéologies foncièrement xénophobes n'ont aucune chance de ressusciter.

A l'heure de l'humanité connectée, les individus se rattachent à d'autres communautés. Un londonien partage plus de valeurs et de communauté de destin avec un parisien, un milanais, un berlinois ou un new-yorkais qu'avec un agriculteur du Devonshire. Un étudiant de Glasgow préfère rencontrer ses semblables de Séville, Athènes ou Copenhague… C'est là, le véritable sens de la pensée de Churchill qui préférait le “grand large” au “Continent”.

En optant pour le Brexit, la majorité des électeurs anglais ont détourné leur regard du vaste horizon. Leurs frontières renferment trop de rancœurs et de nostalgies.

Sylvain Courage

Journaliste

Source : Nouvel Obs, 24/06/2016

Je ne parierai pas trop là-dessus quand même… Pour une raison simple : il faut tout l’aveuglement d’un européiste pour ne pas comprendre que l’Espagne mettrait très certainement son véto aux aspirations d’une entrée dans l’UE d’une l’Écosse indépendante – pour ne pas donner des idées à la Catalogne…

Dominique Wolton : La consanguinité journalistes-politiques ravage la démocratie

Dominique Wolton : La consanguinité journalistes-politiques ravage la démocratie

Source : La Tribune,  Denis Lafay, 01/11/2012

La dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste ©DR (Crédits : DR)

La dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste ©DR (Crédits : DR)

Propos recueillis par Denis Lafay, Acteurs de l’économie

Une stratégie hasardeuse et impréparée, une posture de « normalité » inadaptée aux enjeux, une compagne « incroyablement » inconsciente des devoirs qui incombent à sa nouvelle responsabilité : en matière de communication politique, les débuts de François Hollande sont pour le moins chaotiques. Et se heurtent à des médias que le directeur de l’Institut des Sciences de la Communication (CNRS) juge ivres d’un pouvoir et de collusions qui mettent leur légitimité et leur avenir en péril. Pour Dominique Wolton, l’avenir même de la démocratie est en jeu.

Voilà six mois que François Hollande est président de la République. Il avait promis une rupture dans la manière d’exercer sa responsabilité, d’appliquer la gouvernance avec son Premier ministre, mais aussi de communiquer. Quels premiers enseignements peut-on dresser ?
La rupture a eu lieu. Mais dans le système politique contemporain et, au-delà, dans la société moderne, les concepts, les rhétoriques, les postures s’usent très vite, trop vite. En l’occurrence, la « normalité » qu’il avait promise est déjà contestée, notamment, et de manière disproportionnée par une presse qui oublie ou méprise le temps de la politique et des réformes, créant alors un amalgame corrélatif entre lenteur et immobilisme, entre patience et inactivité. Pour autant, le pouvoir en place et plus globalement la nouvelle majorité ne sont pas exempts d’erreurs et de responsabilités : ils peinent à communiquer au sens fort du terme, c’est-à-dire construire un lien avec le pays. Compressés par la volonté de rompre avec la stratégie de communication de leurs prédécesseurs mais saisis par la gravité de la crise, ils se replient sur l’action sans escorter celle-ci d’un « faire savoir » et d’une pédagogie adaptés. Or en politique l’acte de parole est central, surtout lorsque l’on reprend le pouvoir. Le « silence » gouvernemental est apaisant, mais il perturbe une opinion publique qui, particulièrement dans un contexte de crise et de grandes incertitudes, a besoin de connaître et de comprendre les changements en cours. Y compris pour se les approprier et accorder sa confiance à ceux qui les piloteront. La politique, c’est toujours un exercice d’explication, de mise en perspective, et les nouveaux gouvernants doivent apprendre à en façonner une forme inédite, qui leur soit propre et leur corresponde. La marge de man?uvre est toutefois étroite, car ces élections ne furent pas triomphales et résultèrent du bon sens. Et elle doit composer avec une opposition vindicative et volontiers arrogante, dont l’enjeu ante et post primaires de cet automne enflamme la capacité critique en dépit d’une situation ubuesque : peut-on décemment juger l’action d’un gouvernement en place depuis quelques mois lorsqu’on lui laisse cinq années d’un bilan discutable ?

Que la presse et l’opinion publique aient ainsi décidé de fustiger dès la rentrée de septembre, soit seulement quelques semaines après la fin du scrutin législatif, la supposée absence de cap, de conviction, de décision, même la mollesse du tandem Hollande-Ayrault, démontre-t-il que Nicolas Sarkozy a enraciné dans la conscience collective le sentiment que l’autorité, la crédibilité, l’efficacité ne peuvent résulter que d’une pratique ostentatoire, clivante, directive, immédiate, voire autocrate du pouvoir ?
Ce n’est pas l’opinion publique qui a « tiré » la première ; ce sont les médias qui, au nom de leur autonomie, ont tendance à se considérer comme un quatrième pouvoir. Ils ont pensé trouver dans la très relative déception de l’opinion publique un terreau fertile pour donner une résonance à leurs prises de position. Mais à terme, le calcul est fallacieux. La folie de la vitesse qui a gagné le fonctionnement des médias ne peut pas déstabiliser à ce point la politique. Nicolas Sarkozy voulait en quelque sorte une politique à la vitesse des médias. C’est impossible et dangereux. D’autant que cette obsession de la vitesse et de l’hypermédiatisation est moins un idéal que le résultat d’une concurrence farouche qui ne dit pas son nom entre les médias classiques et les nouveaux supports – internet, réseaux sociaux, twitter… – Cette course contre la montre n’a pas grand chose à voir avec l’idéal de l’information au nom de laquelle elle est faite. Les médias confondent une espèce de pseudo-rationalité journalistique avec une bataille économique et justifient cette concurrence endiablée, au nom du progrès de l’information. Un tel amalgame est invraisemblable. Qui vit à un rythme de secrets, révélations, exclusivités… quotidiens ? Reste qu’après le rythme effréné que Nicolas Sarkozy leur avait imposé, – y compris parce que l’agenda du président leur fournissait confortablement matière à « remplir » leur grilles ou leurs pages -, le rythme déployé par François Hollande leur semble si calme qu’ils l’assimilent à une soi-disant inaction. En agissant de la sorte, ces médias prennent le risque de mettre en péril leur propre légitimité. Rien ne dit en effet que les citoyens apprécient cette course effrénée et les leaders médiatiques ne font pas l’opinion. Celle-ci se construit très lentement, selon des rythmes et surtout des logiques beaucoup plus complexes que celle des médias ou des sondages. Un « retour de bâton » pourrait être cuisant.

Particulièrement en période de crise, les Français sont en demande d’un « chef », d’une autorité qui rassure, anticipe, sur-communique et donne l’impression de maîtriser le cap. La difficile transition portée par François Hollande n’est-elle pas la preuve que l’individu est intoxiqué par une stratégie et un traitement médiatiques qui pendant cinq ans ont créé l’assimilation entre le « faire » et le « faire savoir » ?
En situation de crise, « on » veut un grand capitaine. Pour l’heure, François Hollande n’en porte pas les habits. Mais peut-être le sera-t-il un jour, peut-être se révélera-t-il dans la fonction, peut-être imposera-t-il un style performant… Méfions-nous des jugements hâtifs, ils font partie de cette idéologie de la vitesse qui d’ailleurs permettra, avec la même certitude, de dire le contraire de ce qui a été prononcé. En ce qui concerne François Hollande, son parcours appelle à la prudence. Il n’a jamais été ministre, il fut toujours un « second » jugé inoffensif par ses rivaux, mais c’est lui qui est aujourd’hui président.
Nicolas Sarkozy pensait que « faire savoir » c’était « faire ». Résultat : une contestation radicale, un rejet, et in fine la défaite. Il est exact que sa stratégie s’était tant déployée qu’elle avait conditionné le rapport des gens à la communication politique. Et elle contribue à placer François Hollande dans une situation délicate : il doit créer de « l’exceptionnel » en demeurant dans une posture « banale », il doit susciter de la crédibilité sans verser dans les excès « bling bling » de son prédécesseur. La nature du ton et des discours peut y contribuer, mais pour l’heure ce n’est pas audible. Et le problème est qu’en matière de communication politique le staff de François Hollande n’a pas anticipé la victoire et ne s’est pas projeté dans l’application d’une stratégie structurée, fondée, durable. Les socialistes n’avaient pas assez travaillé et préparé le changement. Décréter une « présidence normale » est une posture, mais délestée d’une véritable stratégie alternative n’a pas d’avenir pertinent. La « normalité », la banalité, le classicisme de ladite stratégie aujourd’hui employée ne sont pas adaptés aux enjeux. Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est l’action et les résultats dans un contexte impitoyable.

La gauche est culturellement insubordonnée, et la cohabitation éruptive au sein du gouvernement de personnalités et d’obédiences antagoniques en témoigne : l’esprit culturel de gauche est-il incompatible avec la discipline qu’impose l’exercice du pouvoir ?
Non. Simplement, la nature et l’expression de cette discipline sont singulières. Elles sont essentiellement politiques et idéologiques, et interviennent lors des arbitrages. Les conflits internes au PS prennent trop de place, même si les dirigeants ont l’habitude de les gérer. Le problème aujourd’hui, ce n’est pas le PS, mais la France. Et les Français ne supportent pas cette confusion. Pour l’heure, les socialistes ont du mal à réussir une communication d’État performante. Cette difficulté à inventer un autre mode de communication publique et politique est d’autant plus étonnante que la majorité actuelle dispose d’une substantielle expérience du pouvoir dans les grandes villes, les régions, et les départements. De quoi ce paradoxe résulte-t-il ? Les raisons sont multiples. Mais la première d’entre elles, c’est l’absence dans leurs rangs d’une réflexion critique sur le statut, les leviers, les desseins, les impacts de la communication, du rapport entre communication et politique. Et surtout d’une confusion entre la remarquable complexité du fonctionnement de l’opinion publique et sa simplification sécurisante, dans les sondages.

Les vives critiques de la presse dite de gauche contre la politique du gouvernement répondent-elles de cette insoumission culturelle endogène, d’une louable indépendance, ou d’une stratégie marketing ?
Contrairement à ce que les éditorialistes concernés expriment, ce déferlement ne traduit pas une maturité. L’analyse est plus triviale : le pouvoir médiatique ne sait plus s’arrêter, ne connait plus ses limites, se croit légitime à tout juger, tout examiner, tout critiquer, tout revendiquer. Or franchir cette ligne pourrait lui être fatal, car le public, même s’il est parfois voyeur ou en accord idéologique, ne souscrit pas à cette outrance dans l’anathème qui décrédibilise l’information et discrédite la posture. « Dégommer » un président après quatre mois d’exercice n’est pas une marque d’indépendance mais d’inconsistance. Etre indépendant, c’est chercher des sujets singuliers, c’est les traiter autrement, c’est être neuf dans leur exploration, c’est prendre le temps de bien les réaliser, c’est proposer une vision insoupçonnée de la société, c’est comparer. Et surtout c’est sortir de France. Voyager. Interroger l’extrême complexité de l’Europe et sa force. Et aussi se familiariser avec l’extraordinaire rupture de la mondialisation… Bref, c’est être original, rigoureux et intègre, se différencier, et ne pas « surfer » sur la production des rivaux. L’originalité, ce n’est pas être « de gauche » ce qu’il faudrait encore expliciter, et s’employer à anéantir l’action de la gauche au pouvoir – cette observation vaudrait bien sûr pour une presse de droite à l’égard d’une droite au pouvoir depuis quatre mois. Oui à l’information, à la critique, et au contre-pouvoir de la presse. Non au mythe de l’auto-institution de la presse en 4e pouvoir. Seuls les politiques ont la redoutable responsabilité de l’action. D’ailleurs, il faut nuancer. Cette dérive, en France, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste.

Etre vainqueur davantage par défaut qu’au nom d’une idéologie, d’un projet et d’un programme différenciants, doit-il dicter une certaine manière de communiquer ?
Absolument. Etre élu par défaut ne constitue pas en soi un handicap, car la légitimité peut être conquise une fois au pouvoir. En revanche, et toujours au nom de cette soi-disant « normalité », les dirigeants socialistes ont commis l’erreur d’adopter un style extrêmement classique et traditionnel du pouvoir, au point que l’opinion ne distingue qu’avec peine les ministres des gouvernements Ayrault et Fillon. La similitude des apparences et des modes d’expression, des styles technocratiques, des langues de bois, des manières de parler… induit l’idée qu’il n’existe pas de différences dans le fonctionnement, dans les méthodes, dans la stratégie du gouvernement et de l’État. Cette confusion est problématique.

Le cas Montebourg-Pulvar est symptomatique : la compagne d’un ministre emblématique est nommée à la tête d’un hebdomadaire politique par un propriétaire, également co-actionnaire du Monde, par ailleurs mandaté par Bercy – où siège ledit ministre – pour paver la création de la Banque publique d’investissement. Quant à Valérie Trierweiler, en dépit de son mea culpa et de son renoncement à intégrer la chaine D8, elle poursuit sa collaboration à Paris Match, tout en bénéficiant de la logistique humaine, organisationnelle, financière propre à sa condition de Première Dame. La liberté de travailler, particulièrement pour les « compagnes ou compagnons de », peut-elle s’appliquer sans conditions à l’exercice journalistique ?
Les deux cas sont différents. On peut faire confiance à la capacité à distinguer information et politique pour les journalistes. Non, le problème ici plus grave est la consanguinité de plus en plus forte entre journalistes et politiques. Preuve que les uns et les autres vivent de plus en plus les uns sur les autres. Ce qui pose un problème de fond : la fin d’une vision différente du monde et une certaine homogénéisation de points de vue. Donc un risque d’appauvrissement, que la société verra très bien. La compagne d’un président de la République pose un autre problème. Jusqu’où peut-on tout faire, et surtout a-t-on encore la capacité de se dédoubler ? On ne peut pas à la fois bénéficier de tous les honneurs et des servitudes de la République et faire semblant d’être indépendante dans la pratique de sa profession. Il faut choisir. Le vrai problème plus général est le manque d’autonomie du monde médiatique par rapport à la politique. D’une manière générale, les élites dans les démocraties sont beaucoup trop homogènes, et la société le voit, alimentant un populisme rampant. Plus le monde est apparemment transparent, plus il faut au contraire préserver les différents points de vue entre information, action politique, culture et connaissance. La consanguinité actuelle est dévastatrice pour la démocratie. Pas d’espace public sans hétérogénéité de points de vue, et sans visibilité de cette hétérogénéité. C’est la condition du lien social. Sinon la représentation de la société est bancale. Refléter la complexité et l’hétérogénéité de la société est la condition du fonctionnement des sociétés contemporaines. D’où la responsabilité des médias qui hélas se ressemblent tous, beaucoup trop.

A l’heure d’une crise de confiance sans précédent de l’opinion publique à l’égard des journalistes et des producteurs d’information, mesure-t-on les dégâts que ces collusions provoquent ?
On ne le mesure pas parce que ce n’est pas visible. C’est comme la question très compliquée de l’opinion publique, à savoir les mutations lentes invisibles avec les sondages. En cinquante ans, le contre-pouvoir médiatique, dans les démocraties évidemment et non dans les régimes autoritaires, a tendance à ne plus savoir où sont ses limites. D’autant que le pouvoir politique, avec la visibilité justifiée critique des médias, la rigidité de nos sociétés et les difficultés de la mondialisation, devient de plus en plus fragile. La baisse de prestige de la politique ne doit pas faire oublier sa spécificité : la grandeur et les risques de l’action. Mais comme la collusion presse – politique – élites en général est trop forte, cela ne donne plus confiance aux citoyens. Surtout en temps de crise, alimentant ce pernicieux populisme rampant. La transparence critique se retourne contre les médias avec cette réflexion : « Ils ne sont pas mieux que ceux qu’ils critiquent. Tout ça, c’est le même monde ».

Ces délétères effets collatéraux sont-ils fondamentalement différents de ceux générés par la proximité incestueuse qui liait Nicolas Sarkozy à plusieurs « patrons de presse » – Arnaud Lagardère, Martin Bouygues, Serge Dassault, Vincent Bolloré, Bernard Arnault… – ?
Ce problème n’était pas propre à Nicolas Sarkozy. Ce qui était inédit, c’était cette correspondance générationnelle entre lui et les patrons de presse, c’était aussi cette manière de l’afficher ostensiblement. Pour autant, était-ce pire ? Certes, quelques coups de téléphone douteux passés aux dirigeants de quelques grands titres avaient témoigné d’un raisonnement classique – et faux – du pouvoir politique convaincu que s’il maîtrise les « tuyaux » il maîtrise les consciences. Mais c’était oublier deux paramètres : celui des journalistes, qui à un moment se révoltent, et celui des citoyens que l’envahissement de messages, souvent unilatéraux, ne rend pas plus dociles ou favorables. Cette collusion entre Nicolas Sarkozy et certains médias l’a servi jusqu’en 2010. Puis, comme autrefois Michel Rocard, François Mitterrand ou Jacques Chirac l’avaient eux-mêmes expérimenté, l’élite médiatique s’est détournée puis s’est retournée contre sa « coqueluche ». La volte-face fut brutale. Sa côte de confiance au sein des médias était devenue faible mais il « tenait » encore ces derniers grâce à ses « amis » et ainsi demeurait hyper médiatisé. Pour cette raison, il a eu grand tort de s’afficher en « victime expiatoire » desdits médias. Et l’issue du scrutin a donc démontré que « tenir » les médias ne signifie pas « tenir » les consciences.
Le plus important n’est pas ce que les médias disent du président, c’est la perception que les citoyens se font de l’action du Président. Or ils sont à même de juger de la cohérence ou du décalage entre les discours et les actes du pouvoir indépendamment des médias.

Il fut reproché à Nicolas Sarkozy de mêler l’opinion publique à ses affaires privées les plus intimes. Et son successeur avait, là encore, promis la rupture. De la guerre que se livrent Ségolène Royal et Valérie Trierweiler au fameux tweet de cette dernière en passant par les prises de position des enfants du couple Royal – Hollande, le nouveau Président ne fait pas mieux que son prédécesseur. Seule différence : il est débordé là où Nicolas Sarkozy manoeuvrait voire instrumentalisait. Est-ce intrinsèque à une société des réseaux sociaux, de la surenchère médiatique, de l’interconnexion immédiate, et de la dictature de l’anecdote qu’aucune volonté ne peut désormais contenir ? Ce tweet pourrait-il se révéler le pendant du funeste dîner au Fouquet’s qui poursuivit Nicolas Sarkozy durant toute sa mandature ?
Qu’un président de la République se montre incapable de contenir les sentiments de sa compagne n’est pas anodin au moment où il s’emploie à l’égard de l’opinion publique à asseoir sa légitimité. Ceci étant, les personnalités, politiques ou artistiques, disposent d’une marge de man?uvre dans leur appréhension des mécanismes de peoplisation qui se sont imposés dans la société et au sein des médias. Tout est question d’anticipation, de rigueur, de discipline. Et de lucidité : on ne peut pas espérer vivre « normalement » et exprimer « librement » ses sentiments lorsqu’on est la compagne du président de la République. Cette absence de réflexion sur les enjeux contemporains de la communication est sidérante. Et cette illusion de croire que « twitter » fait de vous une personne moderne et proche des jeunes, est tout aussi incompréhensible. Le tweet est un poison pour ceux qui s’y enferment et n’est la preuve d’aucune intelligence. La réalité politique ne va pas à la vitesse de ces commentaires, et la société est dans un autre espace-temps. Toujours cette illusion d’une élite qui en saurait plus que les autres dans une sorte de virtuosité de la vitesse… On voit le résultat…

Le numérique a bel et bien bouleversé l’exercice politique. Le rapport des élus au peuple est métamorphosé, la participation de ce dernier à la « chose politique » est transformée. Une nouvelle démocratie est-elle en train de naître ? Le risque que les institutions représentatives volent en éclats sous le joug d’une supposée démocratie directe est-il réel ?
On assiste moins à l’irruption d’un nouveau modèle qu’à celle d’une forme caricaturale d’un modèle ancien. Cette dérive, c’est la liberté de la presse désormais sans limite. Liberté au nom de laquelle la peoplisation, le parler de soi, la mise en scène, la futilité, l’absence de culture, deviennent la norme, le narcissisme et l’auto-congratulation un idéal… Cela va accentuer le sens critique du public, mais aussi obliger à réintroduire de la démocratie « indirecte ». Pour casser l’illusion d’une société en direct, étouffée par la peopolisation, la psychologie, et les révélations, il faut maintenir la compétence et la visibilité de tous les intermédiaires d’une société : hauts fonctionnaires, professeurs, médecins, militaires, religieux… Laisser visible cette hétérogénéité de la société et casser la fausse homogénéité. Organiser la cohabitation de points de vue contradictoires. Quant à l’avènement d’une démocratie directe, je n’y crois pas. Certes, les nouvelles technologies ont modifié les codes de l’information et de la communication, ils ont instauré une instantanéité et une interactivité avec lesquelles il faut intelligemment composer. Mais la classe politique ne doit en aucun cas faire acte de suivisme. La politique ne se fera jamais à la vitesse des internautes. Heureusement. Et surtout en démocratie où le défi est justement d’organiser la cohabitation de points de vue et de gérer les échelles contradictoires du temps. Plus tout est transparent, plus chacun doit demeurer à sa place. Un journaliste est un journaliste, un élu est un élu, un scientifique est un scientifique, un patron est un patron, etc. Les identités des uns ne peuvent se substituer à celles des autres, et il n’y a pas de progrès dans cette sorte de mimétisme techniciste et urbain. La modernité ne veut pas dire grand chose quand tout est moderne. Cette confusion rétrécit l’espace de représentation nécessaire au fonctionnement de la démocratie. C’est l’altérité des points de vue qui est au c?ur de la politique. Et c’est en cela que l’homogénéité des élites est dangereuse. La « transparence » apparente de nos sociétés devrait au contraire renforcer la visibilité de la transparence des repères politiques et culturels. Ceci afin de ne pas confondre les performances techniques qui permettent vitesse et transparence avec l’inévitable et indispensable épaisseur des sociétés et des cultures.

Source : La Tribune,  Denis Lafay, 01/11/2012

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