jeudi 23 juin 2016

Chers amis britanniques, montrez-nous l’exemple : sortez !

Chers amis britanniques, montrez-nous l'exemple : sortez !

Aujourd'hui, la grande nation britannique a la chance de pouvoir se prononcer sur son maintien dans cette construction devenue monstrueuse qu'est l'Union Européenne. Espérons que les britanniques sauront faire abstraction des arguments démagogiques et du recours à la peur des partisans du Bremain.



Liberté et démocratie contre bureaucratie totalitaire

Bien sûr, les partisans du Bremain affirment que ceux du Brexit utilisent la peur, des migrants surtout. Bien sûr, Londres a gardé un bien meilleur contrôle de ses frontières en s'abstenant de rejoindre Schengen. Mais en même temps, l'UE veut imposer des quotas d'accueil de migrants, l'argument restant donc parfaitement légitime, même s'il y a eu des abus dans son utilisation. Et les partisans du Bremain ne sont pas les derniers à utiliser la peur dans leur argumentation, annonçant une crise et osant chiffrer la perte pour les ménages ! D'abord, on peut rétorquer que l'argument de la croissance est assez culotté quand on voit la performance de l'UE et plus encore de la zone euro depuis sa création : c'est l'ensemble de pays développés à la plus faible croissance ! Le Bremain est bien plus peureux que le Brexit.

Bien sûr, les partisans du Bremain évoquent les rétorsions possibles sur la Grande-Bretagne, comme l'a fait Emmanuel Macron, ce qui serait pénalisant pour ses exportations et son secteur financier. D'abord, on peut souligner que l'UE est la partie du monde la plus ouverte à tous les mouvements de biens, de capitaux ou de personnes et donc que même ceux qui n'en font pas partie y ont largement accès, comme les fabricants de pneus ou les sidérurgistes chinois(pour qui le marché étasunien est fermé). Ne serait-il pas surprenant de fermer nos frontières à Londres, mais pas à Pékin ? Enfin, Londres pourrait économiser tout ou partie de sa contribution financière à l'UE, un gain direct et sûr pour les citoyens britanniques, au contraire des fantasmes totalement biaisés de ceux qui imaginent une perte économique.

Mais surtout, quitter l'UE, c'est aussi se libérer du joug délirant des eurocrates et pouvoir n'accepter que ce que Londres voudra. Mais cela, les ayatollahs eurobéats auront sans doute du mal à le comprendre, eux qui ont le réflexe totalitaire toujours proche. L'eurotroll qui ère sur ce blog a souvent répété le fait que, libérée de l'UE, Londres pourrait mener des politiques encore plus ultralibérales comme argument pour s'opposer au Brexit. Mais le gaulliste que je suis pense que chaque peuple doit pouvoir choisir son destin et même si je critique depuis toujours l'ultralibéralisme, je respecte les choix faits par les Français et les autres, même si je peux les critiquer et les combattre. Merci d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui, comme moi, dénoncent le fait que l'UE est une camisole pour nos démocraties européennes.

Moi, je souhaite quitter cette camisole qu'est l'UE et j'espère que les britanniques seront à l'avantgarde du démontage de cette construction de plus en plus monstrueuse qu'est l'UE. De toutes les façons, ce n'est qu'une question de temps. Plus les Etats ajoutent les traités, plus les tensions grandissent, plus toutes les contradictions ou les conflits patents d'intérêt se révèlent. Avec ce référendum, en redonnant la parole au peuple, Londres a ouvert la boîte de Pandore. Le lien de nos pays avec l'UE est parfaitement révocable et cette organisation sera mortelle, comme toutes celles qui l'ont précédée. Ce monstre bureaucratique, anti-démocratique et antisocial qui ne défend les intérêts que des plus puissants, finira dans les poubelles de l'histoire, sans que personne, ou presque, ne la regrette.


Pour la liberté, pour la démocratie, j'espère que vous montrerez le chemin. Faites l'histoire en démarrant le démontage de ce monstrueux machin qui se dit abusivement européen. Que ce soit demain ou plus tard, nous pourrons alors construire une Europe démocratique de coopérations seulement volontaires.

Le patron de la DGSI dépeint « une France au bord de la guerre civile »

Le patron de la DGSI dépeint « une France au bord de la guerre civile »

« Ça va mieux… » François Hollande… (17.05.2016)

Des soldats de l'opération "Sentinelle" en patrouille aux abords des centre commerciaux de la capitale. Photo AFP

Sécurité. Devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 13 novembre, le patron de la Direction générale de la Sécurité intérieur (DGSI) a exprimé ses craintes sur « la menace intérieure » évoquant une France « au bord de la guerre civile ».

Enfin, les services de renseignement surveillent étroitement la nébuleuse « ultradroite » aux multiples ramifications et très active sur les réseaux sociaux. « Ils ont la volonté de mettre le feu, c’est certain, mais passeront-ils à l’acte ? », s’interroge néanmoins l’avocat Nicolas Lerègle, spécialisé dans les domaines de la  sécurité et de l’intelligence économique, émettant ainsi des réserves sur la volonté de ces groupes de véritablement joindre la parole aux actes.

Autre scénario envisagé, la montée des tensions communautaires, le spectre de la manifestation « pro-Gaza » de l’été 2014 et ses slogans « morts au juifs » demeurant dans tous les esprits. « Dans certaines communes de Seine-Saint-Denis, tous les juifs sont partis », déplore le député UDI, Meyer Habib. Ainsi, en 2015, le nombre « d’aliyahs » (immigrations en Israël) avait quadruplé par rapport à la moyenne antérieure pour atteindre 8 000 personnes. En 2016, cette moyenne devrait néanmoins se stabiliser à 6 000 individus

Inquiétant. Dans les colonnes du Figaro, Patrick Calvar dresse un constat sans ambages de la situation sécuritaire en France. « Nous sommes au bord de la guerre civile. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer  tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires ». Parmi les scénarios redoutés évoqués dans les colonnes du quotidien, une nouvelle « séquence » de terrorisme islamiste et donc de nouveaux attentats perpétrés sur notre sol. Un énième épisode de terreur qui pourrait enjoindre la population, empreinte de défiance vis-à-vis des autorités, à verser dans « l’autodéfense ». Alors que dans les mêmes temps, les inscriptions dans les clubs de tir sportif ont parfois doublé. Des gendarmes et des policiers s’y rendraient même, estimant leur pratique « insuffisante ».

 

Source(s) : Valeursactuelles.com via Revue de Presse de notre Contributeur anonyme

 

Nous vivons en kleptocratie (par Derrick Jensen)

Nous vivons en kleptocratie (par Derrick Jensen)

23Source : Le Partage, Derrick Jensen, 14-06-2016

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Traduction d'un article initialement publié (en anglais) dans le magazine Orion, et plus tard sur internet à l'adresse suivante.


Les États-Unis ne sont pas une démocratie. Il est plus rigoureux de dire que nous vivons dans une ploutocratie  — un gouvernement des riches, par et pour les riches — ou plus exactement encore, dans une kleptocratie — un gouvernement qui a pour principe premier d'organisation le vol; qui vole les pauvres, qui vole la Terre, et qui vole le futur. Nous nous exprimons et agissons pourtant souvent publiquement comme si nous vivions en démocratie.

Mais il y a un problème bien plus profond que le fait que nous ne vivions pas en démocratie, un problème plus profond encore que notre incapacité à reconnaître le fait que nous ne vivions pas en démocratie : le fait qu'il y ait véritablement un aspect selon lequel nous vivons vraiment en démocratie. Ses implications sont de très mauvais augure pour la planète.  Ce n'est pas tant lié à la façon dont nous sommes gouvernés qu'à ce que nous voulons, et faisons. S'il est vrai que, comme quelqu'un l'a dit il y a longtemps, c'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez, il devient clair que, pour reprendre l'expression de ma mère, la majorité des gens de ce pays se moquent de la santé de la planète comme de l'an quarante. Quelques exemples devraient suffire à illustrer cela.

Tout d'abord, les tigres. Pas les vrais tigres, pas ceux de chair et d'os, pas ceux qui sont exterminés dans la nature ; mais ceux de l'équipe de football des Tigres de l'Université d'État de Louisiane (LSU). En janvier dernier, lorsque LSU a joué contre l'Alabama lors du championnat de football des universités, plus de 78 000 personnes ont assisté au match. Le prix moyen d'un ticket était de 1565$, et certains sièges ont coûté jusqu'à 10 000$. La région était si excitée par ce match de football qu'un certain nombre d'écoles ont fermé pour l'occasion. &, bien sûr, l'audience télévisuelle a dépassé les 24 millions de téléspectateurs. Ce fut la deuxième émission la plus regardée de l'histoire de la télévision câblée.

Tout ceci m'amène à conclure que dans ce pays, plus de gens se soucient de l'équipe de football des Tigres que des tigres vivants, de chair et d'os. Manifestement, la même chose est vraie des Tigres de Detroit, des Marlins de Miami, des Panthères de Caroline, des Jaguars de Jacksonville, et ainsi de suite. [& des Canaris de Nantes, des Lionceaux de Sochaux, des Merlus de Lorient, des Ours d'Ajaccio, des Dogues de Lille, des Pingouins de Libourne, des Aiglons de Nice, des Crocodiles de Nîmes, des Sangliers de Sedan, de la Panthère de Saint-Etienne, et ainsi de suite, NdT].

Le 11 janvier 2015, lorsqu'il s'agit d'être « Charlie », 1 600 000 personnes marchent dans les rues de Paris…

Le 11 janvier 2015, lorsqu'il s'agit d'être « Charlie », 1 600 000 personnes marchent dans les rues de Paris…

Ne vous méprenez pas: j'aime le sport. Mais, finalement, nous parlons ici d'un jeu. Pensez-vous qu'il soit possible que des écoles ferment, ou que 70 000 personnes se rassemblent pour aider à nettoyer les plages de Louisiane suite au déversement d'hydrocarbures dans le golfe du Mexique (et ce semaine après semaine, comme c'est le cas lors des matchs de football de la LSU, lors des matchs de football des Saints de la Nouvelle-Orléans — comme c'est le cas presque chaque jour à travers le pays pour le football, le baseball, le basketball, et ainsi de suite) ? Ou mieux, pensez-vous qu'il soit possible que des écoles ferment, ou que 70 000 personnes se rassemblent semaine après semaine pour faire quelque chose pour « l'allée du Cancer » de cette région ?

Un autre exemple: pendant une courte nuit, il y a deux ans, le comté du Nord de la Californie, où je vis — celui de Del Norte — est devenu un exemple éclatant et vigoureux de la démocratie participative en action. Mais ce n'était pas la sauvegarde des séquoias, le dépérissement des amphibiens, ou le démantèlement des barrages qui firent se déplacer les masses. Elles se déplacèrent pour une plante domestiquée particulièrement controversée. Vous savez probablement qu'en raison d'un vote populaire, l'état de la Californie a légalisé le cannabis à usage médical, et que le nombre de plantes autorisées diffère et est déterminé dans chaque comté. C'est pourquoi, lorsque les superviseurs du comté de Del Norte ont envisagé revoir ce nombre à la baisse, le faisant passer de 99 à 6, une marée humaine a inondé et empêché la réunion de consultation du public. Voilà comment la démocratie participative est censée fonctionner : les « représentants » publics sont censés rapporter la volonté du Peuple, et ceux qui tentent de faire autrement doivent être démis de leurs fonctions.

La question ici n'est pas de savoir si la marijuana devrait être légale, pas plus qu'il ne s'agit de savoir si l'équipe d'Alabama a battu l'équipe de la LSU. Le problème, c'est que j'aimerais que les gens se soucient autant des saumons que de la marijuana, ou du football. Mais ce n'est pas le cas. Si les gens devaient choisir collectivement entre les rivières vivantes et l'électricité des barrages (et l'amusement sur les réservoirs, et la valeur des maisons de vacances de certains), nous pouvons imaginer ce qu'ils choisiraient. D'ailleurs, nous savons déjà ce qu'ils ont choisi. La réponse est manifeste, exprimée à travers les 2 millions de barrages que l'on trouve dans ce pays ; à travers les 60 000 barrages de plus de 4 mètres de haut ; à travers les 70 000 barrages de plus de 2 mètres de haut ; à travers l'effondrement des populations de mollusques, de poissons, à travers l'agonie des rivières et des plaines inondables. Si les gens avaient à choisir collectivement entre les iPods et les gorilles des montagnes, nous savons ce qu'ils choisiraient (ce qu'ils choisissent). S'ils avaient à choisir collectivement entre les ordinateurs portables sur leurs genoux et les droits humains en République Démocratique du Congo, nous savons bien ce qu'ils choisiraient (ce qu'ils choisissent).

…tandis que le samedi 23 Mai 2015, QUELQUES CENTAINES de personnes ont marché à Paris contre la multinationale Monsanto.

…tandis que le samedi 23 Mai 2015, QUELQUES CENTAINES de personnes ont marché à Paris contre la multinationale Monsanto.

Vous pourriez dire que je compare des pommes et des oranges, mais je ne fais que discuter des priorités des gens à travers leurs actes. C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.

Mais il y a pire, car la plupart des gens ne reconnaitront pas, même envers eux-mêmes, qu'ils font ces choix. Tous les choix effectués machinalement, à la longue (au niveau personnel et à échelle sociale), cessent de passer pour des choix et passent pour des impératifs économiques, des inéluctabilités politiques, ou simplement l'état des choses. Trop de gens prétendent — ou plutôt, ne prétendent pas, mais supposent allègrement — que nous n'avons pas à choisir entre les rivières vivantes et les barrages, que nous n'avons pas à choisir entre une planète vivante et l'économie industrielle. Mais je ne fais pas ici référence à la pensée magique. Je parle de la réalité, où, comme Bill McKibben le souligne si fréquemment et si éloquemment, vous ne pouvez pas débattre avec les lois physiques. Des millions de barrages et des centaines de milliers de rivières et de cours d'eau ruinés après, nous devrions tous le comprendre. Tout comme nous devrions savoir que brûler des substances carbonées émet du carbone dans l'air ; et que les objets qui nécessitent des matériaux industriellement extraits — les iPods, les ordinateurs portables, les éoliennes, les cellules de solaire photovoltaïque, les réseaux électriques, et ainsi de suite — requièrent des mines, ce qui signifie qu'ils détruisent des territoires.

La notion selon laquelle nous n'aurions pas à choisir, selon laquelle nous pouvons avoir « les conforts et les luxes » (selon les mots d'un philosophe pro-esclavage d'avant-guerre) de ce mode de vie sans en souffrir les conséquences, que nous pouvons avoir les friandises de l'empire (pour nous) sans les horreurs de l'empire (pour les victimes), que nous pouvons avoir une économie industrielle sans détruire la planète, est absolument contrefactuelle. Cette notion ne peut être avancée que par les bénéficiaires de ces choix, ou par ceux qui s'identifient à leurs bénéficiaires, c'est-à-dire par ceux qui ne se soucient pas, ou ne s'identifient pas avant tout aux victimes de ces choix. Cette notion ne peut être avancée que par ceux qui se sont rendus — consciemment ou pas — insensibles à la souffrance, et en fait à l'existence même de ces victimes. Ce qui nous ramène à ce point de vue selon lequel nous vivons vraiment dans une démocratie. Cette lacune dans l'imagination — cette incapacité à se soucier — est au cœur de ce qui perpétue le fonctionnement de nos démocraties incroyablement destructrices. Sans l'ombre d'un doute, la plupart des gens de cette culture préfèrent les « conforts et les luxes » à une planète vivante, et c'est ainsi que le vol, le viol et le pillage sont autorisés à régner.

Comme Upton Sinclair l'a dit, il est difficile de faire comprendre quelque chose à quelqu'un, quand son travail dépend du fait qu'il ne la comprenne pas. Je dirais qu'il est difficile de faire en sorte que les gens se soucient de quelque chose lorsqu'ils bénéficient du fait de ne pas s'en soucier. Cette démocratie destructrice que nous partageons est une démocratie où la plupart des gens votent — à travers leurs actions et leurs inactions, à travers leurs passions déclarées, à travers ce dont ils se soucient, et ce dont ils ne se soucient pas — avec et pour des prérogatives. C'est pourquoi, si nous sommes vraiment honnêtes avec nous-mêmes, nous devrions utiliser le terme kleptocratie. La démocratie par, pour et de ceux qui bénéficient de la destruction complète de la planète.

Derrick Jensen


Traduction: Nicolas Casaux

Source : Le Partage, Derrick Jensen, 14-06-2016

[GEAB] Colère des peuples, défis démocratiques, crise systémique globale – Balkanisation et retour des empires en Europe centrale et orientale : la bombe de l’échec de l’intégration européenne et de la crise euro-russe

[GEAB] Colère des peuples, défis démocratiques, crise systémique globale – Balkanisation et retour des empires en Europe centrale et orientale : la bombe de l'échec de l'intégration européenne et de la crise euro-russe

Source : GEAB

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En 2014, nous anticipions le délitement du flanc oriental de l'UE suite au différend euro-russe. À peine deux ans plus tard, les dégâts deviennent visibles. Si l'Europe et la Russie ne parviennent pas à renouer le dialogue, le pire est à attendre dans cette partie de l'Europe où les anciens démons sont en pleine résurrection (guerre froide, guerres européennes, balkanisation et logiques d'empire…), et où tous les échecs de la politique d'élargissement de l'UE commencent à se révéler.

Figure 1 – Carte de l'Europe centrale et orientale. Source : KKR.

Figure 1 – Carte de l'Europe centrale et orientale. Source : KKR.

L'intégration de l'Europe de l'Est est un échec

Le plus grand échec des 30 dernières années de construction européenne est bien la politique d'élargissement aux pays du bloc soviétique. Cette politique essentiellement mue par l'âpreté au gain des entreprises d'Europe de l'Ouest (et au-delà) s'est faite aux dépens de l'intégration politique du continent dans son ensemble et des populations de l'Est en particulier. Nous avons souvent évoqué les faibles taux de participation aux élections européennes dans cette région qui était pourtant si avide de rentrer dans l'UE. Le flanc oriental de l'UE est désormais un patchwork de pays mus par des motivations différentes, intégrés à des degrés divers et traversés par des intérêts de toutes natures. Les risques de délitement et de conflits sont immenses et menacent le projet européen, bien plus que l'hypothèse d'une sortie du Royaume-Uni.

La crise euro-russe de 2014 a créé les conditions d'une dislocation de cette région, désormais tiraillée entre d'innombrables intérêts et avenirs possibles. Comme nous le verrons plus loin, la montée des extrêmes-droites, notamment, date de 2014, comme par hasard. La conscience de ces dangers amène notre équipe à anticiper que les Européens parviendront à mettre fin aux sanctions contre la Russie à la fin de l'année (voir l'article plus loin dans ce numéro). Si jamais ils n'y arrivaient pas, la dislocation de cette région du monde n'ira pas sans une explosion de tensions dans cette région et entre l'Europe et la Russie. Explosion dont le détonateur pourrait bien se situer dans les Balkans d'ailleurs, dont nous ne parlerons pas dans cet article, mais qui participent bien sûr à l'équation.

Schengen, euro, UE : une intégration à vitesses multiples

Figure 2 : UE, zone Euro, espace Schengen – Source : Le Monde

Figure 2 : UE, zone Euro, espace Schengen – Source : Le Monde

Dans les faits, regardons la disparité de cette zone d'élargissement post-chute du mur. Certains pays sont membres de tous les niveaux d'intégration européenne (UE, euro, Schengen), à savoir la Slovénie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie. Cette liste révèle une certaine aberration à voir figurer les trois pays baltes en lieu en place de la Pologne ou de la République tchèque qui sembleraient des membres complets plus logiques.

D'autres pays sont membres de l'UE et de la zone Schengen, mais pas de la zone euro : Pologne, République Tchèque, Hongrie. D'autres ne sont membres que de l'UE, parfaits membres de seconde zone, tels que la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie. Certes, il s'agit des derniers arrivés, mais les réticences de fond à voir ces pays accéder au privilège de la liberté de déplacement (zone Schengen) semblent bien ancrées.

Et puis il y a les pays-candidats, coupés de tout avenir autre qu'européen, qui se voient indéfiniment promettre la prise en compte de leur demande d'adhésion, indistinctement mélangés entre membres réellement potentiels et affabulations complètes : pays des Balkans, Ukraine, Turquie, Géorgie…

Niveaux d'intégration et droits différents créent un sentiment de castes et de vraies inégalités de traitement dans la région. Les pays qui ont intégré la zone euro correspondent aux seigneurs de la région. À l'inverse, la Roumanie (qui est pourtant le pays qui a candidaté le premier à l'UE, dès 1995) et la Bulgarie, en n'étant pas dans Schengen au moment où Schengen se renforce, risquent de se retrouver de l'autre côté du mur que dresse actuellement le reste de l'Europe. Une telle évolution exclurait de fait ces deux pays, les renvoyant à une région des Balkans dont le sort a de quoi inquiéter si l'Europe et la Russie ne parviennent pas à s'entendre à nouveau, comme on l'a vu maintes fois.

De grandes disparités économiques

On parle toujours de l'axe de disparité est-ouest. L'Europe centrale et orientale est en réalité loin d'être homogène. Si l'on regarde les salaires moyens, l'amplitude se situe entre 350 euros en Bulgarie et 1 092 euros en Slovénie. La Slovénie se situe au niveau de salaire des pays les plus pauvres d'Europe de l'Ouest (Portugal et Grèce, légèrement au-dessus de 1 000 euros). En revanche, les bulgares ne reçoivent en moyenne qu'un tiers de cette somme, soit moins que les Chinois[1].

En matière de chômage, l'amplitude maximale se situe entre la République tchèque (4,5% de taux de chômage) – correspondant au niveau de l'Allemagne –, et la Croatie (15,1%) – avec la Slovaquie juste avant (10,3%), correspondant à la moyenne de la zone euro (incluant les 20% de chômage espagnol et les 24% de chômage grec)[2].

Quant à la croissance, l'Europe centrale et orientale s'en sort bien dans son ensemble, ce qui est normal compte tenu du processus de convergence induit par l'intégration à la zone économique UE. Néanmoins, on y distingue de vrais champions de l'UE comme la Roumanie (3,8%) suivie de la Pologne et de la Slovaquie (3,6%)… mais aussi des pays plus lents comme la Croatie (1,6%) – l'Estonie, quant à elle, est seulement à 1,1% de croissance mais on a vu ci-dessus que ses niveaux de salaires élevés indiquent un niveau de développement de type Europe occidentale, en phase de stabilisation probablement donc[3].

Ces données permettent de constater qu'il n'existe pas de cohérence dans les atouts de chacun de ces pays : par exemple la Roumanie croît plus vite que la Bulgarie alors que ses niveaux de salaire sont déjà bien au-dessus ; ou encore la Slovaquie peine avec ses 10,3% de chômage pour des niveaux de salaire pourtant identiques à ceux de la Pologne qui n'est qu'à 6,8% de chômage…

Les pays les plus touchés par la pauvreté présentent une liste encore différente : Bulgarie, Roumanie, Lettonie et  Hongrie sont les plus affectés[4] alors qu'ils figurent dans des catégories très différentes sur des indicateurs de chômage, de salaires ou de croissance. La Hongrie en particulier doit être très inégalitaire si l'on compare ses plutôt bonnes performances économiques à ses risques de grande précarité.

Tout ceci révèle un échec de convergence économique qui était pourtant la motivation principale à l'entrée dans l'UE. Ces disparités sont tout aussi criantes en Europe occidentale mais la motivation économique à l'entrée dans l'UE concernait surtout trois pays (Portugal, Espagne et Grèce), alors qu'elle concerne la totalité des pays d'Europe centrale et orientale. Le sentiment de déception est donc inévitablement beaucoup plus fort dans ces pays. On leur a vendu l'intégration en leur faisant miroiter un profit rapide qui n'est pas au rendez-vous. La convergence économique assortie à l'intégration à la zone économique commune s'avère être un mensonge.

Armées, églises : Europe de l'Est, terre de conquête

L'échec d'intégration et la crise euro-russe ont en outre transformé l'Europe centrale et orientale en véritable foire d'empoigne. Les intérêts étrangers qui s'y affrontent sont bien sûr l'UE, la Russie et les États-Unis. Toute l'Europe centrale et orientale souhaite rester dans l'UE mais certains voient dans l'Europe une simple extension de l'Amérique dont ils exigent la protection (pays baltes, Pologne), tandis que d'autres réclament que leur participation à l'UE ne les coupe pas de leur grand voisin russe (Hongrie, Slovaquie, Bulgarie). Les hostilités sont déclenchées et les grands puissances jouent de tous leurs outils d'influence : OTAN en ce qui concerne les États-Unis, propagande du côté russe… et du côté occidental aussi puisque l'OTAN passe son temps à parler de contre-propagande[5], et religion des deux côtés également.

Ce dernier point est particulièrement intéressant car bien peu observé. En réalité, depuis la fin du communisme, le sentiment religieux, bridé pendant les décennies soviétiques, a explosé en Russie et dans les pays d'Europe centrale et orientale. À la manœuvre derrière cet authentique retour à la foi, on a vu dès le début des années 90 tout un tas de sectes évangélistes venues d'outre-Atlantique s'installer dans les campagnes de Roumanie et d'ailleurs[6], avec beaucoup d'argent et des programmes sociaux détournant facilement ces oies « blanches » de leurs religions historiques (catholicisme et orthodoxie).

L'orthodoxie russe a mis un peu plus de temps à revenir mais elle est maintenant bien là. Par exemple, la Roumanie se couvre actuellement de monastères orthodoxes[7] (bien plus vite que d'hôpitaux), y compris dans les régions de l'Ouest historiquement catholiques[8] (comme en Transylvanie)… Abonnez-vous et lisez l'article en entier dans le bulletin GEAB 106.

Voici les titres des autres chapitres contenus dans ce même article :
Business, mafias et corruption…
Minorités désintégrées…
La confusion des sentiments UE-OTAN…
Nationalisme vs fédéralisme…
Le « contre-modèle » Višegrad Group ou V4…
V4 et empire austro-hongrois…
Terreau d'extrêmes-droites…
Décembre 2016 : le devoir européen de lever les sanctions contre la Russie…

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[1]    Salaires moyens dans l'UE en 2015. Source : Reinisfischer, 2015
[2]    Source : Statista, Février 2016
[3]    Source : La croissance en Europe, Toute l'Europe, 11/05/2016
[4]    Source : Euractiv, 20/02/2015
[5]    « NATO looks to combat Russia's 'information weapon': document » (or une contre-propagande peut-elle être autre chose que de la propagande ?). Source : Reuters, 27/01/2016
[6]    Témoins de Jéhovah en Slovaquie (source : CultNews, 28/08/2002) ; Evangélistes en Roumanie (source : The Independent, 13/12/1993) pour ne citer que ceux-là…
[7]    « Romania's costly passion for building churches ». Source : BBC, 07/08/2013
[8]   Cette situation résulte d'ailleurs de l'époque communiste durant laquelle l'athéisme des Ceausescu a composé avec la puissante ferveur du pays en imposant une religion unique, l'orthodoxie, pour des raisons évidentes de basculement vers l'Est.

Source : GEAB