mardi 21 juin 2016

République et multiculturalisme (billet invité)

République et multiculturalisme (billet invité)


Billet invité de l'œil de Brutus


A l'occasion d'un dîner avec Alain Juppé, l'ancien ministre du logement de Nicolas Sarkozy, Benoist Apparu, s'est fendu d'un tweet dont il faudra se souvenir : «Oui au multiculturalisme, non au communautarisme, c'est ça l'identité heureuse!».

Fort justement, Charles Beigbeder[i]s'est fendu d'un remarquable article (ici) démontrant pas à pas comment le multiculturalisme encourage le communautarisme et détruit les fondements même de la République.

M. Apparu s'est montré bien moins inspiré pour lui répondre (ici). Il consacre ainsi la moitié de sa réplique non à débattre sur le fond mais à reprocher à M. Beigbeder d'avoir voulu faire un coup médiatico-politique. Mais que recherche-t-il lui-même, M. Apparu (et bien des membres de la classe politicienne), lorsqu'il tweet inconsidérément et à tout va ?

A contrario, sur la question de fond, celle du multiculturalisme, la réponse de M. Apparu pointe hors-sujet. Il n'emploi ainsi le terme qu'une seule et unique fois … pour en faire un synonyme de « diversité culturelle », montrant ainsi son absence complète de profondeur sur un sujet aujourd'hui pourtant crucial. Car, en effet, la diversité culturelle est à la fois un fait et une richesse. Elle est un fait car la France est constituée de cultures corse, bretonne, antillaise, maghrébine, africaine, alsacienne et bien d'autres encore. Elle est une richesse car chacune de ces cultures va elle-même et d'elle-même alimenter et enrichir la culture française. C'est cette richesse qui, entre autres, fait de la France un pays unique, un pays d'universel qui a su apprendre à se défier de l'universalisme, cet impérialisme autoritaire qui avance masqué. C'est cette richesse qui permet de clamer comme le fit Dominique de Villepin que « tous les hommes sont des Français en devenir. […] Nous somme  un Nouveau Monde resté sur sa rive ancienne »[ii]. Mais cette richesse a une exigence, car il ne suffit pas d'être juste là pour devenir français. C'est là que se noue la différence, majeure, fondamentale, inévitable, entre la diversité culturelle que notre pays admet et revendique et le multiculturalisme qu'il doit rejeter. Car la culture française n'a de sens que dès lors que les autres cultures qui cohabitent en son sein l'acceptent comme culture commune. Ce n'est donc pas une question de répartition privé-public comme semble le croire M. Apparu, mais bien d'un socle commun – la culture française – qui définit les règles du vivre-ensemble auxquelles doivent se plier les autres. Il ne s'agit pas non plus de déterminer une échelle de valeur qui placerait la culture française au-dessus de toutes les autres mais de reconnaître ce qui n'a rien de nouveau : pour vivre ensemble, il faut une culture politique commune (qui n'exclut pas que l'on puisse se référer à d'autres culture) ; cette culture c'est la France. C'est ce qui fonde (mais pas seulement) la République une, indivisible et laïque.

Or, le multiculturalisme, comme j'ai déjà eu l'opportunité de l'écrire, est l'exact opposé de cela. Le multiculturalisme est un relativisme culturel qui place toutes les cultures sur le même plan[iii]. Par essence, le multiculturalisme rejette le principe de culture commune puisque chacun peut – doit – avoir sa propre culture et n'a pas à se plier aux principes de culture de son pays d'accueil. De fait, le multiculturalisme est intrinsèquement lié au communautarisme. Pire même : il mène potentiellement au racialisme essentialiste, comme le démontrent maintenant à visage découvert les « indigènes  de la République » et leurs affidés[iv].

Tout ceci, M. Apparu ne devrait pas l'ignorer. Ou sinon, pire, il feint de l'ignorer par intérêt bassement électoraliste.

En tout état de cause, ce débat (qui n'en est pas vraiment un puisqu'à un article d'une réelle profondeur intellectuelle de M. Beigbeder, M. Apparu a répondu par de l'anathème assortie de quelques imprécations) aura eu le mérite de continuer à clarifier les choses. D'un côté, nous avons un parti dit « socialiste » à l'ascendance libertaire et aux tendances néolibérales désormais clairement assumées. De l'autre, des dits « Républicains » au néolibéralisme encore plus assumé (il suffit de voir les aberrants programmes économiques de leurs candidats à la primaire) qui, bon an mal, par idéologie ou par cynisme, s'avèrent en pratique tout aussi libertaires[v]. Les deux faces d'une même pièce. Aucun des deux ne peut se prétendre républicains. Car en effet, où est la République, lorsque l'on massacre son école depuis des décennies[vi] ? où est la République lorsque l'on dissous la souveraineté du peupledans des traités honteux ? où est la République lorsque l'on bafoue la volonté du peuple exprimée par référendum pour le contraindre à accepter les dits-traités ? où est la République lorsque les ploutocrates peuvent se parjurer sans vergogne devant la représentation nationale[vii]pendant que les fonctionnaire fidèles au devoir et au service se font ostraciser[viii]? Où est la République quand les plus riches peuvent sans difficultés fuir l'impôt ? où est la République lorsqu'un ancien président mouillé dans de multiples affaires – dont une suspicion de tricherie à une élection présidentielle  – ose prétendre revenir se soumettre au suffrage des Français ? où est la République lorsque l'on inverse la hiérarchie des normes pour l'intérêt que individuel particulier prime sur l'intérêt collectif[ix] ?

P « S » et « Républicains » ne représentent qu'une chose : la tyrannie libérale-libertaire du chacun pour soi qui finit toujours en loi de la jungle puis en guerre de tous contre tous. Ils sont fondamentalement, radicalement, anti-républicains, au sens complet comme étymologique du terme (la préservation de la « chose publique »).

Illustration : La République nourrit ses enfants et les instruit. Tableau d'Honoré Daumier, 1848.



[i] Avec qui j'ai pourtant bien des désaccords sur d'autres sujets, notamment économiques. En outre, si M. Beigbeder veut demeurer en cohérence avec ses prises de partie radicalement divergentes sur des sujets aussi importants que celui dont il est ici question, il se doit d'achever de couper les ponts avec les dits « Républicains ».
[ii] Notre vieux pays, Plon 2011, page 85.
[iii] Et qui, par exemple, tolère l'existence de tribunaux islamiques dans un Etat de droit qui, de fait, n'en est plus un. Cf. Les tribunaux islamiques tolérés au Royaume-Uni, Xavier Frison, Marianne, 29-mai-16.
[v] Il suffit de constater, entre autres, l'extraordinaire continuité de la politique de déconstruction de l'école menée par-delà les alternances.
Une étude qui dénote, Loys Bonod, La vie moderne, 17-mars-16 ;
L'école et ses Khmers, Eric Conan, Marianne, 14-sept.-15 ;

Des archéologues marins découvrent des objets rarissimes sur le site d'un naufrage datant de 1503 près d'Oman

Des archéologues marins découvrent des objets rarissimes sur le site d'un naufrage datant de 1503 près d'Oman

Une expédition archéologique dirigée par des britanniques a découvert le site d'une épave vieille de 500 ans. Ce serait le plus ancien bateau de l' "Âge des Découvertes" en Europe à être trouvé: il s'agit d'un vaisseau portugais dont le capitaine n'était autre que l'oncle du légendaire explorateur Vasco de Gama.

L'Esmeralda fut l'un des deux bateaux qui coula lors d'une tempête au large des côtes d'Oman en 1503; seulement cinq ans après que Vasco de Gama ne découvre la première route allant de l'Europe vers l'Inde.

L'Esmeralda était dirigée par l'oncle de Vasco de Gama. Photo: David Mearns/National Geographic Creative 

Après trois années de fouilles et de recherches historiques et scientifiques, les archéologues (composés d'équipes de l'Université de Bournemouth et du Ministère de la Culture d'Oman), ont annoncé qu'ils avaient trouve le site de l'épave, ainsi qu'une collection d'artéfacts comprenant une pièce de monnaie rarissime et ce qui pourrait faire partie d'un astrolabe maritime inconnu jusqu'ici.

David Mearns, directeur du Blue Water Recoveries et chef de l'expédition, a rapporté que le plus important dans cette découverte était la date du naufrage, très précoce, dans une période où une poignée de puissances maritimes européennes se concurrençaient pour découvrir et exploiter de nouvelles routes vers l'Est. "C'est le plus ancien bateau (de la période maritime européenne d'exploration de l'Asie) à avoir été trouvé sur une longue période", dit-il, "si l'on considère que cette période pré-coloniale a commencé sur une base élargie avec Colomb, en 1492, c'est à peine une décennie après". 
Le bateau a coulé dans au cours d'une tempête au large des côtes de ce qui est aujourd'hui la petite île d'Oman, Al-Hallaniyah, en 1503. Tout l'équipage fut perdu ainsi que son capitaine Vicente Sodre, oncle maternel de Vasco de Gama.

Comme il s'est rompu dans les eaux profondes, très peu de parties du bateau ont survécu, mais des milliers d'artéfacts ont été trouvés sur le sable de la baie peu profonde.

Il y avait entre autre une pièce en argent extrêmement rare, appelée Indio, dont il n'existe qu'un seul autre exemplaire. Ces pièces furent forgées en 1499, après le première voyage de Vasco De Gama en Inde; c'est ce qui a permis de dater le naufrage.

La pièce unique découverte sur le site du naufrage. Photograph: David Mearns/National Geographic Creative

Cependant, Mearns estime que la découverte la plus passionnante était un disque en métal portant les armoiries portugaises d'une sphère armillaire, une modélisation de globe céleste; c'était alors l'emblème personnel du roi du Portugal.

Des boulets de canon en pierre portant les initiales de Sodre ont aussi été trouvés.

Ce disque en alliage de cuivre porte les armoiries royales du Portugal (en haut) et une sphère armillaire (en bas) qui est l'emblème personnel de Manuel 1er. Photo: David Mearns, National Geographic Creative

Les archéologues ont supposé que cela pouvait être un élément d'un type d'astrolabe, un outil de navigation; ils n'en sont cependant pas certains: "Il n'y a pas de doute que c'était un objet très important.  Il est fait de matériaux précieux, il porte ces deux symboles emblématiques que l'on ne met pas sur tous les équipements d'un navire. C'était donc un objet très important, mais qu'est-ce que c'était ?" se demande Mearns.

Les découvertes de l'expédition ont été publiées dans  The International Journal of Nautical Archaeology 

Source:

Voici une vidéo publiée sur National Geographic à ce sujet:


Dernier article sur Oman:

Municipales en Italie : le populisme à la conquête du pouvoir, par Marcelle Padovani

Municipales en Italie : le populisme à la conquête du pouvoir, par Marcelle Padovani

Ah, ces “populistes”… Bel exemple du “journalisme du XXIe siècle”

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 19-06-2016

La candidate M5S à la mairie de Rome, Virginia Raggi, lors d'un meeting à Rome le 10 juin 2016. (Luigi Mistrulli/SIPA)

La candidate M5S à la mairie de Rome, Virginia Raggi, lors d’un meeting à Rome le 10 juin 2016. (Luigi Mistrulli/SIPA)

Le deuxième tour des élections municipales en Italie dimanche devrait voir triompher Virginia Raggi à Rome, et d’autres populistes à Naples et Turin. Une nouvelle donne.

Le monde entier a les yeux fixés sur Rome, Milan, Naples et Turin. En ce dimanche 19 juin, on vote en Italie au deuxième tour dans un millier de communes, sur les 8.000 que compte la Péninsule, et jamais municipales partielles n'auront bénéficié d'une telle exposition médiatique.

Il y a bien longtemps que l'Italie n’avait plus été dans ce rôle de laboratoire politique, qu’elle a tant joué par le passé, pour le pire – le fascisme mussolinien, père du nazisme allemand, ou le terrorisme des Brigades rouges qui dans les années 1970/80. Mais aussi pour le meilleurs : le “communisme à visage humain” qui dans l'après-guerre se montra capable de gérer la plupart des grandes villes et des régions avec une extraordinaire efficacité, et dans le plus profond respect des règles de la démocratie.

Aujourd'hui le “labo” italien nous offre sur un plateau un avant-goût de ce que peut devenir un grand pays européen aux mains du populisme. Et c'est Virginia Raggi, la “sexy grillina” candidate au poste de maire de la capitale, qui illustre le mieux la puissance de feu du très populiste Movimento5Stelle de Beppe Grillo. Né en 2009, il s'apprête  tranquillement à prendre d'assaut les institutions.

Quel avenir pour Rome ?

Le mercredi 15 juin sur la place du Capitole, dans un studio en plein air monté par la chaîne Sky, elle débattait avec son concurrent du Parti démocratique (PD), Roberto Giachetti. Des sondages disent qu'elle pourrait obtenir de 60% à 70% des suffrages des Romains. Est-ce cette perspective qui attire des myriades de goélands autour de la statue de Marc Aurèle ?

Sont-ils effarés à l'idée de voir Rome aux mains d’une maire dépourvue d’expérience administrative ou politique et de compétence en matière de gestion de la chose publique ? C’est en tout cas cette personne qui devrait gérer, à partir de lundi, une ville de 3 millions d'habitants, étendue sur 1.250 km2 et lestée de 14 milliards de déficit.

Roberto Giachetti du PD et Virginia Raggi, du M5S, candidats à la mairie de Rome, lors de leur débat à Rome, le 15 juin 2016. (AGF/SIPA)

Roberto Giachetti du PD et Virginia Raggi, du M5S, candidats à la mairie de Rome, lors de leur débat à Rome, le 15 juin 2016. (AGF/SIPA)

L’inquiétude est d’autant plus grande que l'avocate Raggi reste incroyablement avare sur son équipe, sur ses projets, sur son programme. Et qu'elle répond avec des phrases toutes faites lorsqu'on conteste ses idées les plus saugrenues – celle des “pannolini” par exemple, langes  recyclables destinées à diminuer les déchets, ou celle du funiculaire au-dessus du Tibre pour éviter aux usagers de la zone est de la capitale de devoir traverser un pont pour aller d'une station de métro à un arrêt de bus…

Ou encore quand on lui demande des comptes sur son hostilité à la construction d'un stade pour l'équipe de foot de la Roma. Ou enfin quand on la prie d'expliciter le “code de comportement” qu'elle dit avoir “signé avec Beppe Grillo“. La seule perspective offerte par cette candidate est celle d'un grand saut dans le vide, un vote de confiance à une entité mystérieuse. Le politologue Roberto D'Alimonte analyse :

“C'est justement cela qui séduit. Les Romains sont tellement dégoûtés des politiciens, des scandales, de la corruption et de l'ineptie de certaines administrations qu'ils choisissent la politique du pire. Comme s'ils voulaient faire une dernière farce à l'establishment.”

Le résultat risque de surprendre plus d'un observateur. La presse européenne s'est soigneusement préparée au Brexit mais beaucoup moins à  l'idée non moins perturbante du grillisme au coeur du Palazzo, le pouvoir romain.

Parti démocrate vs populisme

En ce sens, pour un Movimento qui ne gérait jusqu'ici que 17 municipalités, ces élections sont devenues un tremplin. A travers l'analyse des déplacements de voix, on comprendra si les électeurs ont suivi au deuxième tour les consignes des partis exclus de la compétition et qui (presque) tous appelaient, à Rome par exemple, à voter Raggi.

Dans ces conditions, le politologue Ilvo Diamanti va jusqu’à envisager une fusion à court terme entre le populisme xénophobe de droite de la Ligue du Nord, sous l'égide de son leader Matteo Salvini, et le populisme du Movimento 5 Stelle sous l'égide de Grillo. Ce qui aboutirait à la construction d'un nouveau bipolarisme : le centre gauche d'un coté, les populistes de l'autre ; le centre droit ayant en fait été évacué du paysage politique en même temps que la personne de Silvio Berlusconi.

Le scénario “PD contre M5S” pourrait bien se généraliser à l'avenir. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la situation de Rome avec celle d'une autre grande ville comme Turin. Dans la capitale du Piémont s'affrontent dimanche le maire sortant, Piero Fassino, élu d'un centre gauche qui gère (plutôt bien) les affaires locales depuis des décennies, et une “grillina” de la dernière heure , Chiara Appendino, qui a poussé la démagogie jusqu'à proposer la constitution d'un fonds de 100.000 euros destiné à “dédommager les victimes des vols à la tire lorsqu'elles sont âgées de plus de 65 ans”. Au premier tour, elle a raflé 30% des suffrages.

La situation n’est pas plus rassurante à Naples, où règne un populisme d'inspiration locale porté par un ex-magistrat narcissique et désavoué dans la plupart de ses enquêtes judiciaires, le maire Luigi de Magistris. Cet habitué des coups de gueule démagogiques est au pouvoir depuis cinq ans et risque bien de l'emporter dimanche. Bref, les traditionnels duels entre gauche et droite sont en voie d'extinction.

A Milan, bonnet blanc et blanc bonnet

Seule exception : Milan, où le centre gauche Beppe Sala, 58 ans, affronte le centre droit Stefano Parisi, 60 ans. Mais les deux hommes se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Il fallait voir leur débat final : même sourire avenant, même costume sombre, même style civilisé et même genre gentleman. Même programme au fond, puisque l'un et l'autre pensent aux problèmes concrets de leur ville.

Une différence ? Sala veut construire une mosquée à Milan, quand Parisi veut que l'immigré “fasse siennes les valeurs de la culture gréco-romaine et judéo-chrétienne”. Mais c'est bien leur plus gros désaccord. Ce sont deux “city managers”, deux fonctionnaires qui ont débuté, l'un dans le centre droit pour filer ensuite vers le centre gauche, et inversement pour le second !

Stefano Parisi, à gauche, et Giuseppe Sala, tous deux candidats à la mairie de Milan, le vendredi 11 mai 2016. (Luca Bruno/AP/SIPA)

Stefano Parisi, à gauche, et Giuseppe Sala, tous deux candidats à la mairie de Milan, le vendredi 11 mai 2016. (Luca Bruno/AP/SIPA)

De quoi déstabiliser plus encore un électorat qui tend un peu partout à exprimer sa méfiance à l’égard des appareils, des partis et de la politique, et à privilégier “l'antipolitique” à tout prix.

La gauche en lambeaux

Une nouvelle façon de conquérir le pouvoir s’impose en Italie, qui n'a plus rien à voir avec ce qu'on a connu au XXe siècle et au début du XXIe. Finies les sections, les cellules, les unités locales. Finis les fonctionnaires de parti, les intermédiaires, les organigrammes. Finies les longues palabres pour élaborer un programme. Tout se joue désormais entre le leader charismatique et son peuple, dans un grand élan émotif.

Car le populisme est un rapport au peuple qui a été chamboulé. Stefano Folli, éditorialiste à la “Repubblica”, résume ainsi la nouvelle donne :

“On lui parle, au peuple, mais on cherche à le deviner plutôt qu'à l'orienter. On cherche à répondre par avance à ses besoins supposés, à ses peurs, et à ses rejets.”

Comment s’étonner alors que des batailles fratricides entre les leaders de la gauche, ou entre majorité et minorité, mine le Parti démocrate ? Un sommet, encore impensables il y a seulement trois ans, a été atteint le 15 juin dernier. L'un des fondateurs du PD, Massimo d'Alema, s’est en effet vanté en public de “voter pour Raggi”, parce qu'il ne voulait en aucun cas donner son bulletin à un membre de son parti – le démocrate Roberto Giachetti en l'occurrence – espérant de la sorte mettre en difficulté le secrétaire général Matteo Renzi, Président du Conseil, et le faire chuter…

Sur ces décombres avancent inexorablement les mouvements qui vivent sur “la peur des flux migratoires, le rejet des instances européennes et une méfiance atavique envers les classes dirigeantes”. Avec la complicité de “la gauche de la gauche”, comme dit le sénateur Emanuele Macaluso. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes, clairement explicité dans le Parti démocrate italien, que de voir une gauche de gouvernement qui s'autodétruit à peine est-elle arrivée au pouvoir. Faisant elle-même le lit des populismes.

Seul vrai problème, souligne Emanuele Macaluso, 92 ans, que tout le monde considère comme un “sage de la politique” : les populistes sauront-ils cesser d'être subversifs lorsqu'ils seront aux leviers de commande ? Le laboratoire italien pourrait donner une première réponse dès lundi.

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 19-06-2016

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ITALIE. La populiste Virginia Raggi emporte Rome : Matteo Renzi sur la sellette

Source : Le Nouvel Obs, Marcelle Padovani, 20-06-2016

Virginia Raggi, 37 ans, du Mouvement 5 Etoiles, a été élue maire de Rome. Tout comme Chiara Appendino, 31 ans, à Turin. Deux femmes qui bousculent Matteo Renzi.

Les observateurs du monde entier avaient les yeux rivés sur Rome, et Rome ne les a pas déçus : c'est bien Virginia Raggi, 37 ans, avocate et militante du Movimento 5 Stelle qui l'a emporté avec plus de 67% des suffrages, loin devant Roberto Giachetti, le candidat du Parti démocrate (PD, centre-gauche). Ce plébiscite annoncé couronne une inconnue, une débutante, qui n'a pour l'heure ni programme ni “squadra” (équipe), qui a salué avec jubilation ce “moment historique fondamental puisque pour la première fois, la capitale a un maire au féminin”.

Dans son quartier général d'Ostiense, les militants en T-shirts blancs décorés du sigle du M5S crient “Honnêteté ! Légalité !”. Beppe Grillo s'est déplacé pour fêter la victoire, ainsi que Davide Casaleggio, le fils du fondateur du Movimento, qui gère le blog et la plate-forme “Rousseau”, vraies instances dirigeantes du M5S : c'est de là que partent les mots d'ordre, les investitures et les expulsions – près d'une centaine d'élus en ont déjà fait l'expérience.

Il y a gros à parier que “Rousseau” aura du pain sur la planche avec la gestion d'une capitale qui se trouve dans un état désastreux : du plus visible (les ordures, la voirie, les transports) au plus caché (les près de 14 milliards de dettes accumulées en vingt ans de “malgoverno”, ou “mauvais gouvernement” comme disent les “grillini”. “Arrivederci Roma !”, titre “l'Unità”, le quotidien du Parti démocrate. Aujourd'hui, Virginia Raggi fera son entrée au Capitole, prenant possession de l'immense et surprenant bureau de premier édile, qui domine le Forum.

Rome avant l’Italie ?

On aura beau dire qu'un Romain sur deux n'est pas allé voter dimanche, et que Virginia Raggi doit aussi sa victoire au centre droit qui, lorsqu'il a voté au deuxième tour, a préféré la candidate “grillina” à l'homme du centre gauche Roberto Giachetti, son triomphe n'en est pas moins significatif . Il change la donne politique générale, puisque pour la première fois c'est un mouvement “anti politique” et populiste qui s'apprête à gérer la capitale. En attendant de gérer le pays ?

Rappelons-le : le Movimento est populiste et n'a rien voir avec Podemos ou Syriza, ne serait-ce que parce qu'il se dit officiellement “ni de droite ni de gauche” et siège au Parlement européen, avec ses 17 élus, dans le même groupe que le britannique Nigel Farage, connu pour sa xénophobie et son anti-européisme. Or le Movimento vise désormais le poste de Premier ministre, après avoir donné depuis Rome un premier coup de balai à l'expérience Renzi.

Plus encore que Rome, c'est Turin qui a été la grande surprise de ce second tour. La ville était, de l’aveu général, gérée de façon excellente par un maire du Parti démocrate, Piero Fassino. Et c’est Chiara Appendino, 40 ans, inconnue au bataillon de la politique elle aussi, qui l'a emporté avec 53% des suffrages sous la houlette du Movimento 5 Stelle.

Cette élection tend à prouver que la consultation municipale a été l'occasion d'exprimer un rejet de la politique même quand elle marche bien, un refus du Parti démocrate même quand il travaille bien, et un “stop” à Matteo Renzi, Premier ministre de centre gauche depuis un peu plus de deux ans.

Renzi fragilisé

Puissamment épaulé par un centre droit en déconfiture, le Movimento a donc su donner un avertissement à Renzi. Un coup de semonce. Un avis d'expulsion. Comment le Président du Conseil l'a-t-il pris ? En continuant à soutenir que cette consultation avait une “valeur locale”, même si elle a fait comprendre que ce sont “les visages jeunes et nouveaux” qui ont les faveurs de l'électorat. Et même si à Milan, ce n'est pas un tout jeune démocrate, mais Beppe Sala, 58 ans, qui l'a emporté contre le berlusconien Stefano Parisi. Comme dit le politologue D'Alimonte :

“Le Parti démocrate l'emporte quand il a contre lui la droite, mais pas quand il est confronté aux tout nouveaux ‘grillini’.

Le vrai problème maintenant est de savoir comment Renzi affrontera vendredi la direction de son parti , où l'aile gauche s'apprête à demander sa démission de secrétaire du parti et la convocation immédiate d'un congrès. Et surtout comment pense-t-il se préparer à ce qui reste son grand rendez-vous politique : le référendum d'octobre sur la révision constitutionnelle pour réduire des pouvoirs du Sénat. N'a-t-il pas déclaré que si sa réforme n'était pas approuvée, il donnerait sa démission, donnant une signification ultérieure à la consultation ? Beaucoup pourraient voter contre le nouveau Sénat rien que pour évacuer Renzi.

Candidate anti-corruption

Parce que l’anti-corruption, c’est du populisme hein…

Nouvelle figure montante du Mouvement 5 étoiles (M5S) – ambitieuse formation populiste et anti-partis -, Virginia Raggi s’est imposée triomphalement.

Née à Rome, elle est entrée en politique il y a seulement cinq ans, séduite par le discours radical du M5S, qui s’est juré d’en finir, comme tant d’autres en Europe, avec la classe politique traditionnelle.

Et celle-ci est particulièrement discréditée à Rome, où l’ancien maire de centre-gauche a été poussé avec fracas à la démission fin 2015 après une affaire de fausses notes de frais.

C’est la naissance de son fils Matteo qui l’a convaincue qu’elle ne pouvait rester sans rien faire face à l’état de dégradation de la capitale, qui exaspère les près de trois millions de Romains, a-t-elle raconté dans un entretien avec l’AFP.

De sa jeunesse dans le quartier de Saint-Jean de Latran, Virginia Raggi raconte qu’elle était surtout studieuse.

“J’étais une jeune fille curieuse, intéressée par beaucoup de choses, mais toujours très concentrée sur ses objectifs, comme je le suis du reste aujourd’hui. En fait, la détermination ne m’a jamais manqué”, explique-t-elle sur son site internet.

C’est sur cette exaspération, après vingt ans d’immobilisme, de corruption et d’incurie administrative, que Virginia Raggi a construit son succès.

Elle devra désormais faire la preuve de sa compétence dans une ville en plein désarroi, criblée de dettes et réputée ingérable. Ce défi s’annonce de taille, y compris pour le M5S, un mouvement créé en 2009 qui joue aussi à Rome sa crédibilité alors qu’il ambitionne de gouverner un jour tout le pays.

Référendum en octobre

A Turin (nord-ouest), une autre novice du MS5, Chiara Appendino, 31 ans, a détrôné avec 54% l’expérimenté maire sortant Piero Fassino, une figure du PD, qui a dénoncé l’appel de la Ligue du Nord de Matteo Salvini, allié du Front national français, à voter pour les deux candidates du M5S afin de battre Matteo Renzi.

En revanche à Milan (nord), la capitale économique du pays, le candidat du PD Giuseppe Sala, ancien commissaire de l’Exposition universelle, l’a emporté avec 51,7% des voix.

Le parti de Matteo Renzi se maintenait aussi à Bologne (centre), un fief historique de la gauche, mais n’était même pas au second tour à Naples (sud-ouest), où le maire sortant Luigi De Magistris, homme de gauche atypique et ennemi juré de Matteo Renzi, a été largement réélu.

Pour ces élections partielles, qui concernaient près de 9 millions d’électeurs dans un peu plus d’une centaine de villes, la participation, déjà en berne au premier tour, a accusé un nouveau coup, à Rome comme ailleurs, dépassant à peine les 50% selon le ministère de l’Intérieur.

Si la lune de miel entre le gouvernement et les électeurs italiens semble bel et bien terminée, une analyse nationale des résultats restera délicate : le M5S était absent à Naples, Bologne et Milan, la droite déchirée à Rome mais unie à Milan. Pendant des semaines, le chef du gouvernement a d’ailleurs tenté de minimiser la portée du scrutin en répétant que “la mère de toutes les batailles” politiques restait pour lui le référendum prévu en octobre sur sa réforme constitutionnelle. Il s’est engagé à démissionner en cas d’échec.

Le M5S y compte bien. Fondé en 2009 et devenu le deuxième parti du pays avec 25% des voix dès les législatives de 2013, il pioche dans ses propositions à droite comme à gauche, y compris dans les extrêmes, et continue de tisser sa toile aux élections locales en s’appuyant inlassablement sur la dénonciation d’une classe politique malhonnête.

“Nous sommes prêts à gouverner le pays”, a répété dimanche soir le jeune Luigi di Maio, dauphin pressenti de Beppe Grillo à la tête du mouvement. “Et les Italiens nous reconnaissent la capacité de gouverner. Maintenant c’est à Rome et à Turin, après ce sera le tour du reste du pays”.

Marcelle Padovani

Les Républicains ont un énorme problème de carte électorale qui n’a rien à voir avec Donald Trump, par Chris Cillizza

Les Républicains ont un énorme problème de carte électorale qui n'a rien à voir avec Donald Trump, par Chris Cillizza

Source : The Washington Post, le 02/05/2016

Donald Trump a remporté une écrasante victoire lors de la primaire républicaine d’Indiana. Voici comment. (Peter Stevenson/The Washington Post)

Politico a publié aujourd’hui un sondage fait en Floride pour un groupe d’affaires qui montre Hillary Clinton vainqueur de Donald Trump par treize points et de Ted Cruz par neuf.

Pourquoi cela est-il important ? Parce que si Hillary Clinton remporte la Floride et les 19 États qui ont voté pour le candidat présenté par le Parti démocrate à la présidence dans chacune des six dernières élections, elle sera le 45ème président. C’est aussi simple que cela.

Voici à quoi ressemblerait cette carte :

Capture d'écran 2016-06-10 à 21.04.51

Et voici les calculs qui expliquent cette victoire. Si Hillary Clinton remporte les 19 États et le District de Columbia que chaque candidat démocrate a remportés depuis 1992 jusqu’à 2002, elle a 242 voix de grands électeurs. Ajoutez les 29 de Floride et ça vous fait 271. La partie est terminée.

La carte républicaine, que soit désigné Trump ou Cruz ou qu’on ait un candidat de rêve (Paul Ryan ?) comme porte-drapeau, est décidément moins attirante. Il y a 13 États qui ont voté pour le candidat républicain dans chacune des six dernières élections, ce qui fait un total de 102 voix de grands électeurs. Cela signifie que le candidat doit trouver encore 168 voix pour arriver à 270, ce qui est fichtrement plus difficile que d’en trouver 28.

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Beaucoup de Républicains, surtout à Washington, se préparent déjà à une défaite cet automne, défaite que beaucoup considèrent inévitable, compte tenu de la personnalité clivante de Trump. Ce n’est toutefois pas entièrement juste pour Trump.

Même si ses scores décourageants chez les femmes et les Hispaniques, pour prendre deux groupes, n’arrangent pas les choses et pourraient, dans le pire scénario pour les Républicains, faire passer des États comme l’Arizona et même l’Utah aux Démocrates, les problèmes de carte qui se posent aux Républicains ont très, très peu à voir avec Trump ou même Cruz.

Ils sont plutôt, en grande partie, dus à des problèmes démographiques et à l’incapacité du Grand Old Party de rallier à lui de larges pans d’électeurs non blancs. Le Nouveau Mexique, un État où presque la moitié de la population est latino, en est l’exemple type. En 2004, George W. Bush l’a emporté dans « le Pays enchanté » lors de sa seconde élection et il avait 558 voix de plus que John Kerry. Huit ans plus tard, Barack Obama a remporté cet État avec 10 points de plus que Mitt Romney et aucun des partis ne s’était particulièrement intéressé au Nouveau Mexique.

Ce qui est de plus en plus évident, c’est qu’il est devenu de plus en plus difficile pour les Républicains de remporter quelque État que ce soit avec une importante population non blanche ou une population qui se diversifie de plus en plus. La Virginie et la Caroline du Nord, depuis longtemps des bastions républicains, se rapprochent, ces temps-ci, de plus en plus des Démocrates. (Barack Obama a remporté les deux États en 2008, mais seulement la Virginie en 2012.)

Et dans le même moment où ces États sont de plus en plus attirés par les Démocrates, il y a très peu d’États à être de plus en plus attirés par les Républicains. Il y a certes le Wisconsin et le Minnesota, mais aucun des deux ne se précipite encore dans les bras des Républicains.

On se trouve donc en face d’une carte électorale où le candidat Démocrate commence la campagne avec une sérieuse avance sur le Républicain, ce qui est le contraire de ce qui se passait dans les années 80. Et cette avance est totalement indépendante de la personnalité même du candidat, de ses forces ou de ses faiblesses. Oui, Trump est un candidat plus problématique que Ryan, mais il est faux de penser que Ryan commencerait la campagne avec une chance sur deux d’être élu Président.

Le problème de la carte électorale est plus profond que Trump ou tout autre candidat. Ceux qui blâmeraient Trump pour la défaite en novembre ne comprendraient pas la véritable nature du problème, mais, ce faisant, ils garantiraient que les Républicains soient condamnés à répéter l’histoire en 2020.

Source : The Washington Post, le 02/05/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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