dimanche 12 juin 2016

Aude Lancelin virée de L’Obs : un chef-d’œuvre de management très politique, par Henri Maler

Aude Lancelin virée de L'Obs : un chef-d'œuvre de management très politique, par Henri Maler

Source Acrimed, Henri Maler, 07-06-2016

Les motifs politiques du licenciement d'Aude Lancelin sont désormais avérés. Notre solidarité (comme celles de toutes celles et de tous ceux qui, intellectuels ou non, journalistes ou pas, se sont manifestés) est entière. Son cas personnel est emblématique. Il suffit de parcourir les épisodes de ce licenciement pour voir se confirmer sur un exemple particulier un fonctionnement de la presse qui ne concerne pas seulement L'Obs.

Cela commence par l'audience en berne d'un hebdomadaire, puis un ultimatum lancé par des actionnaires inquiets à leur factotum – le directeur de la rédaction (Mathieu Croissandeau) –, ultimatum auquel répondent des mesures autoritaires, prises avec la complicité active des dits actionnaires, dans le but de leur complaire. Ce management brutal se prévaut d'une prétendue efficacité qui dissimule mal des motifs politiques. La rédaction se rebelle mais, la hiérarchie étant ce qu'elle est, ses protestations sont vaines : elle ne dispose d'aucun véritable pouvoir statutaire.

Seulement voilà : les articles de la concurrence et une tribune d'intellectuels (dont on pourrait souhaiter que la question des médias les émeuve même quand ils ne sont pas directement concernés) ont obligé le chef, ainsi que le cofondateur de L'Obs (Jean Daniel) à réagir. Ces magnifiques tentatives de déni ont été démenties par un simple SMS, avant que des extraits d'un conseil de surveillance n'attestent la brutalité de l'intervention des actionnaires et son caractère politique.

Bref : les actionnaires actionnent et Aude Lancelin est licenciée.

Reprenons…

Au commencement était la crise

La diffusion de L'Obs est en chute libre. La consultation de son site aussi. Selon l'ACPM (l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias), la diffusion moyenne de l'hebdomadaire en kiosque a chuté de 13 % en 2015. Et certains numéros ont été vendus à moins de 30 000 exemplaires en kiosque. Selon CB News« malgré une nouvelle formule en 2014, l'hebdomadaire affiche sur les trois premiers mois de 2016 une baisse de 16,64% de sa diffusion, à 356 477 exemplaires en moyenne, selon les déclarations déposées trimestrielles (DDT) publiées le 12 mai dernier par l'ACPM-OJD. » Et, « sur le numérique, les chiffres sont catastrophiques », indique Libération qui précise : « 40,3 millions de visites au mois de mars, en baisse continue, quand la moyenne cumulée de 2015 hors attentats oscillait autour des 44,2 millions de visites mensuelles. »

Alarme et ultimatum : le jeudi 10 décembre 2015, lors d'une réunion d'un Conseil de surveillance de L'Obs, les trois actionnaires – Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé – « donnent un mois à Matthieu Croissandeau pour changer la ligne éditoriale » [1].

L'orientation éditoriale d'un titre, on s'en doute, n'a aucun rapport avec son orientation politique… Et en exigeant que la ligne éditoriale change, les actionnaires, c'est évident, n'interviennent nullement sur l'orientation politique ! D'ailleurs celle-ci est placée sous le contrôle du directeur de la rédaction qui occupe cette fonction grâce à des actionnaires qui, bien sûr, sont les garants de son indépendance !

Et le management fut brutal

Le 10 mai 2016, les deux directeurs adjoints de la rédaction, Aude Lancelin et Pascal Riché, sont écartés par Matthieu Croissandeau [2].

Le mercredi 11 mai, la conférence de rédaction est d'autant plus tumultueuse que, s'agissant d'Aude Lancelin, c'est un licenciement sec qui est prévu et que Mathieu Croissandeau, droit dans ses bottes, refuse de s'expliquer. La société des rédacteurs décide alors de soumettre au vote, le lendemain, une motion de défiance.

Droit dans ses bottes, donc, Mathieu Croissandeau a donné des gages aux actionnaires : une nouvelle réunion du conseil de surveillance qui se tient le même jour le confirme dans ses fonctions et confirme le licenciement d'Aude Lancelin, avant même qu'il ait lieu et sans aucun respect pour les procédures réglementaires.

À cette date, les motifs politiques de ce licenciement ne sont encore qu'une hypothèse, alimentée par des informations qui n'ont pas vraiment valeur de preuve. Il faudra attendre le début du mois de juin pour que le compte-rendu du conseil de surveillance ne laisse aucun doute. Mais respectons la chronologie !

Le jeudi 12 mai, la société des rédacteurs de L'Obs, comme elle l'a décidé la veille, soumet au vote des journalistes de l'hebdomadaire la question suivante : « Avez-vous confiance en la stratégie de Matthieu Croissandeau ? »Cette motion de défiance est approuvée par 80 % de la rédaction.

Matthieu Croissandeau reste droit dans ses bottes (bis). Et du haut de son trône, Jean Daniel supplie la rédaction de « donner sa chance » à Croissandeau. Dans le même mail, il ajoute : « Ce n'est pas parce que je proteste avec vous et comme vous contre l'humiliation qu'elle a subit [sic] que je peux oublier que mon amie Aude Lancelin ne s'est pas toujours souciée de la façon dont j'avais fondé ce journal. » Sa Grandeur est compatissante, mais le sous-entendu est lourd de sens : Aude Lancelin a franchi la « ligne » fixée par le fondateur. Un licenciement politique ? Vous n'y pensez pas !

Mais la rédaction s'insurgea

Pourtant, au fil des jours les soupçons d'un licenciement politique gagnent en consistance.

Le vendredi 20 mai, Aude Lancelin est reçue par Jacqueline Volle pour l'entretien préalable à son licenciement. La veille déjà, Libérations'interrogeait : « Aude Lancelin virée pour avoir fait battre le cœur de “L'Obs” trop à gauche ? » (Libération, 19 mai 2016). La réponse est dans la question et l'article la confirme : « Cette décision a été prise la veille d'un conseil de surveillance réunissant le 11 mai les actionnaires du titre. » On a vu dans quelles conditions, et l'on en apprendra plus au début du mois de juin. Patience…

Le jour de la convocation d'Aude Lancelin, Libération publie un texte rédigé par la société des rédacteurs : « Nous, journalistes de “L'Obs”… »« Forts et fiers de notre histoire, disent-il, nous résistons. » Et ils s'insurgent : « Engager une procédure de licenciement contre un journaliste de cette manière et dans de telles circonstances est contraire aux principes que L'Obs défend. Cette situation laisse peser le soupçon grave et inacceptable d'une intervention politique. […] Il ne saurait être question pour nous d'aborder une campagne électorale dans un tel climat de suspicion. »

Ce même 20 mai, l'intersyndicale de L'Obs proteste à son tour, en invoquant d'éventuelles raisons politiques à l'éviction d'Aude Lancelin : « Nous avons demandé l'arrêt de la procédure en cours. […] Si licenciement il devait y avoir, il serait particulièrement choquant au moment où ont filtré dans la presse et au conseil de surveillance de L'Obs des raisons politiques à l'éviction de cette journaliste. [3] »

Le lundi 23 mai, l'assemblée générale des salariés de L'Obs décide d'un arrêt de travail d'une heure, « pour protester contre le licenciement d'Aude Lancelin et le traitement réservé aux salariés de L'Obs, de Rue 89 et de O, amenés à changer de postes ou à quitter l'entreprise (ruptures conventionnelles en lieu et place de licenciements économiques, promesses de reclassement dans le groupe non tenues, souffrance au travail) ». Un texte publié par l'intersyndicale et les représentants du personnel, avec le soutien de la société des rédacteurs, insiste : « Les salariés considèrent inacceptables ces méthodes qui vont à l'encontre des valeurs fondamentales de ce journal. »

Mais rien n'y fait [4]. Les rédactions ne disposent pas du pouvoir statutaire qui leur permettrait de contrecarrer les décisions d'une hiérarchie incontrôlable. Mathieu Croissandeau, fort du soutien des actionnaires et de Jean Daniel, reste droit dans ses bottes (ter).

Un complot contre L'Obs ?

Après Libération, c'est au tour de Mediapart de confirmer, dans un long article publié le 23 mai 2016, l'hypothèse d'un licenciement politique : « Purge à L'Obs, reprise en main à Marianne ».

Et le 25 mai, Libération publie une tribune rédigée par un collectif (mise en ligne à 10h 26) : « À “L'Obs”, un licenciement très politique ». Le licenciement d'Aude Lancelin ? Une « opération de police intellectuelle », affirment les signataires, dont la liste est éloquente [5] : toutes les variétés – des plus « radicales » aux plus « modérées » – d'une gauche qui n'est pas directement inféodée au Parti socialiste sont représentées. Extrait :

À l'état d'urgence, à la déchéance de la nationalité, au 49.3, il manquait encore une vilenie pour achever le quinquennat, et la voici  : la presse aux ordres. À un an de la présidentielle, le premier hebdomadaire de la gauche française, L'Obs, a brutalement décidé d'engager une procédure de licenciement à l'égard de sa numéro 2, Aude Lancelin. On a du mal à croire que les raisons de cette éviction puissent revêtir un caractère « managérial », comme s'obstine à le soutenir curieusement la direction du journal.

On lit, en effet, dans la presse qu'il y aurait eu un conflit entre la prétendue ligne de M. Croissandeau, dite « de toutes les gauches », et celle d'Aude Lancelin que certains ont voulu mensongèrement réduire à la « gauche de la gauche ». Il suffit de lire les éditoriaux dudit directeur de la rédaction pour s'apercevoir que « toutes les gauches », ce sont, en fait, les seules « gauches » de Hollande, Valls et Macron…

Nous autres savons très bien, au contraire, que l'un des seuls lieux réellement ouverts à toutes les gauches dans ce journal était précisément les pages dédiées aux idées, aux interventions intellectuelles, aux débats, dont Aude Lancelin avait plus particulièrement la charge.

Le même jour, quelques heures après la parution de la tribune collective (baptisée désormais « tribune des intellectuels »), le site de Libérationmet en ligne une réponse de Mathieu Croissandeau : « L'Obs ne prend ses ordres nulle part ».

Encore et toujours droit dans ses bottes, le chef s'insurge contre « une tribune aux accents conspirationnistes, imaginant une conjuration ourdie au sommet de l'État pour mettre L'Obs aux ordres de l'Élysée, n'a donc pas manqué de nous faire réagir. Tout simplement parce qu'elle est diffamatoire et mensongère ». Et il persiste à soutenir l'insoutenable : « J'ai pris la décision, en toute indépendance, de remanier l'équipe de direction du journal pour des raisons d'efficacité qui tiennent à notre organisation interne, rien de plus. » Avant de conclure, non sans arrogance, que L'Obs « ne prend ses ordres nulle part. Pas davantage dans les colonnes des pétitions que dans les salons de l'Elysée ».

En laissant entendre que « la presse aux ordres », selon leurs propres termes, avait peut-être reçu des ordres de François Hollande et de son entourage, les signataires de la « tribune » avaient omis de préciser qu'aucun ordre, à proprement parler, n'est indispensable pour que la presse aux ordres se livre à une « opération de police intellectuelle » et se soumette aux exigences d'un certain maintien de l'ordre : un maintien de l'ordre politique, évidemment. De même que l'autocensure peut remplacer avantageusement la censure (surtout quand elle est visible ou peut le devenir), la soumission volontaire de la chefferie actionnariale et éditoriale peut rendre inutiles les commandements ou les suggestions des chefferies politiques !

« En toute indépendance », selon sa propre expression, le chef Croissandeau obtient un renfort de poids. En effet, deux jours plus tard, le 27 mai, Libération publie une « tribune » de Sa Majesté Fondatrice qui, elle aussi dénonce les « thèses complotistes » : « L'insoutenable légèreté des calomniateurs de L'Obs, par Jean Daniel, éditorialiste et cofondateur de L'Obs ».

Après un habituel (et long) exercice d'autocongratulation, Jean Daniel proclame :

Je me suis assuré que la décision prise par Matthieu Croissandeau de se priver d'une collaboratrice qu'il avait nommée à son poste, n'avait aucune motivation politique et qu'elle n'était en rien dictée par la triste défense d'un gouvernement aux abois. La conclusion que j'ai pu tirer de mon enquête, c'est que les signataires de cette pétition contre L'Obs, représentants d'une gauche en guerre et jusqu'au-boutiste, veulent instrumentaliser Aude Lancelin. Ils se sont gravement trompés d'ennemis. Gravement.

Une « enquête » (dont on ne saura rien, alors qu'il a assisté lui-même au conseil de surveillance où tout fut dit et décidé) l'a donc convaincu de répéter la version officielle. La même « enquête » l'a convaincu que les signataires sont les « représentants d'une gauche en guerre et jusqu'au-boutiste ». Nombre de signataires apprécieront ! Et Aude Lancelin, ainsi méprisée, serait la victime de comploteurs complotistes qui la manipulent. Elle aussi appréciera !

Mais – patatras ! – il aura suffi d'un simple SMS pour que la version officielle se fissure avant de s'effondrer…

Patatras : le licenciement politique est confirmé

Le 1er juin 2016, Mediapart et Le Figaro (coalisés ?) rejoignent en même temps la conspiration et publient un SMS [6] que Claude Perdriel a adressé à Aude Lancelin le samedi 14 mai à 18 h 26, qui confirme que le conseil de surveillance du 11 mai a lui-même décidé le licenciement neuf jours avant qu'il soit officiellement prononcé, et que ce sont bien les « opinions » d'Aude Lancelin qui sont en cause. Voici le SMS en question :

Chère Aude, vous avez toute ma sympathie mais la décision du dernier conseil est évidemment irrévocable. Votre talent est indiscutable vous êtes jeune vous n'aurez pas de problème pour trouver du travail nombreux sont ceux qui vous soutiennent. Moralement c'est important. Je respecte vos opinions mais je pense qu'elles ont influencé votre travail cela n'empêche pas le talent. Amicalement, Claude

Tant de condescendance paternaliste et désinvolte éblouit !

Dans l'article du Figaro, Claude Perdriel commente ainsi son SMS : « Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas d'idées. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout ! Cela la regarde, mais ce n'est pas la ligne du journal ».

Mais ce n'était encore que le commentaire affligeant d'un malencontreux SMS. Les informations les plus compromettantes étaient à venir.

Le 6 juin, en effet, Mediapart, publie un article de Laurent Mauduit – « La presse à l'heure des purges et des publireportages » (lien payant) – faisant état d'un compte rendu du conseil de surveillance qui, dit-il, « circule au sein de la rédaction ». Bref compte rendu du compte rendu partiellement publié par Mediapart :

– À la présidente de la société des rédacteurs, Elsa Vigoureux, qui annonce la préparation d'une motion de défiance, Pierre Bergé répond : « Les actionnaires renouvellent complètement leur confiance à Matthieu Croissandeau. Et sachez-le, ça ne nous fera rien, mais rien, ces motions de défiance. Faites-en autant que vous voulez, ça glissera… ! »

– Claude Perdriel s'exprime à son tour pour flatter, s'insurger et menacer : « Aude Lancelin a beaucoup de talent, il faut bien le dire. J'ai une grande estime pour sa culture, et une admiration certaine pour son intelligence. C'est une journaliste reconnue. Elle pourrait même m'intéresser. Mais là, elle est en faute avec la charte qu'elle a signée en arrivant à L'Obs. Notre journal est d'inspiration sociale-démocrate. Or, elle publie des articles anti-démocratiques dans ses pages. Je ne resterai pas actionnaire d'un journal qui défend des idées, une éthique, une morale, qui me cassent le cœur. »

– Pierre Bergé enfonce le clou : « Il faut respecter la ligne de ce journal, qu'il arrive que je ne reconnaisse plus. »

Les actionnaires, c'est dit, sont donc les garants de « la ligne » !

Jusqu'alors manquaient les preuves irréfutables du licenciement politique. Mais désormais la cause est entendue : le parti de la presse dominante se renforce en s'épurant ! C'est du moins ce que semblent croire ses tenanciers.
Henri Maler

En guise d'Annexes

– 1. Tant vont les chartes au vent qu'à la fin elles s'envolent ! (extraits du communiqué des sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde, ainsi que la Société des rédacteurs de L'Obs)
– 2. Toutes les variétés d'une gauche qui n'est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels).
1. Tant vont les chartes au vent qu'à la fin elles s'envolent !

Le vendredi 3 juin, les sociétés des rédacteurs ou des journalistes du groupe Le Monde et la société des rédacteurs de L'Obs ont publié un communiqué (que l'on peut le lire dans l'article déjà cité de Mediapart) : « Inquiètes de la crise persistante à L'Obs, les sociétés des rédacteurs du groupe Le Monde (Le Monde, Courrier international, La Vie, Télérama) s'associent à la société des rédacteurs de L'Obs pour réaffirmer leur attachement à leur indépendance éditoriale. »

Puis les signataire citent la Charte d'éthique et de déontologie du groupe Le Monde (2010) qui stipule que « l'indépendance éditoriale des journaux du groupe Le Monde à l'égard de ses actionnaires, des annonceurs, des pouvoirs publics, politiques, économiques, idéologiques et religieux est la condition nécessaire d'une information libre et de qualité. » Le communiqué invoque également la Charte de L'Obs (2010) qui « précise que les actionnaires "s'interdisent d'intervenir d'une quelconque manière, sur le travail journalistique des membres de la rédaction". »

Et pour finir : « Nous sommes particulièrement préoccupés par la brutalité du licenciement d'Aude Lancelin et sa connotation politique assumée par un actionnaire[[Sans doute s'agit-il Claude Perdriel, talentueux rédacteur de SMS], méthode inédite dans l'histoire de L'Obs comme dans celle du groupe Le Monde. »

Prises de position plus qu'honorables, mais… Mais, dans le monde merveilleux des actionnaires et des hiérarchies incontrôlables, tant vont les chartes au vent qu'à la fin elles s'envolent !
2. Toutes les variétés d'une gauche qui n'est pas directement inféodée au Parti socialiste (la liste des signataires de la « tribune des intellectuels)

Denis Podalydès, acteur – Etienne Balibar, philosophe – Claude Lanzmann, réalisateur – Emmanuel Todd, démographe et historien – Michela Marzan, philosophe – Julia Cagé, économiste – Alain Badiou , philosophe- John MacArthur, directeur du magazine Harper's – La Rumeur, groupe- Jérôme Prieur, auteur et réalisateur – François Bégaudeau, écrivain – Christian Salmon, essayiste – Jacques Rancière, philosophe- Laurent Binet, écrivain- Raphaël Liogier, sociologue et philosophe – Bernard Stiegler, philosophe – Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur – Stéphanie Chevrier, éditrice – André Orléan, économiste – Christian Laval, sociologue- Pierre Dardot, philosophe – Hugues Jallon, éditeur Michaël Fœssel, philosophe – Cédric Durand, économiste – Chloé Delaume, écrivaine – Geoffroy de Lagasnerie, sociologue – Guy Walter, écrivain et directeur de la Villa Gillet – Chantal Jaquet philosophe – Razmig Keucheyan, sociologue – Edouard Louis, écrivain- Frédéric Schiffter, philosophe – Jacques de Saint-Victor, historien – Caroline de Haas, militante féministe – Christine Delphy, sociologue – Benjamin Stora, historien -Mathieu Terence, écrivain – Bernard Lahire, sociologue – Roland Gori, psychanalyste – Elsa Dorlin, philosophe – Patrick Chamoiseau, écrivain – Anne Dufourmantelle, psychanalyste – Annie Ernaux, écrivaine – Guillaume Le Blanc, philosophe – Ollivier Pourriol, philosophe – Hervé Le Bras, démographe – François Gèze, éditeur – Sophie Wahnich, historienne – Lydie Salvayre, écrivaine – Quentin Meillassoux, philosophe – Romain Bertrand, historien – François Schlosser, ancien rédacteur en chef du Nouvel Observateur.- Edwy Plenel, fondateur de Mediapart et Jean-Pierre Dupuy, philosophe.

Le « QE vert » : une belle idée malheureusement irréaliste (billet invité)

Le « QE vert » : une belle idée malheureusement irréaliste (billet invité)

Billet invité de l'œil de Brutus



Qu'est-ce que le « QE vert » ?

Depuis l'arrivée de Mario Draghi, la Banque centrale européenne (BCE) s'est lancée dans un politique monétaire dite non conventionnelle de quantitative easing (QE) consistant à faire marcher à plein régime (et même à un régime de plus en plus accéléré) la planche à billet. Concrètement, la BCE crée ex nihilo des quantités pharamineuses d'euros (des milliers de milliards d'euros !) qu'elle confie aux banques en espérant que cela facilitera d'autant les crédits aux entreprises et relancera donc l'économie. Elle considère ainsi que l'offre de monnaie suffit à générer d'elle-même la demande de crédits et d'investissements.

Cette politique est un quasi-échec. La BCE n'est pas parvenue à relancer l'activité dans la zone euro et celle-ci semble s'enferrer dans une spirale déflationniste[i]alors même que la BCE semble partie dans une fuite en avant consistant à abreuver encore davantage les marchés financiers de monnaie fraîche[ii]au risque majeur – et désormais probable – d'en aboutir à une vaste « trappes à liquidités »[iii].

Devant cette  fuite en avant qui est en réalité une impasse, des économistes, le plus souvent d'obédience keynésienne, propose de détourner ces fameux « QE » de manière à ce que l'argent nouvellement créé par la BCE aille alimenter non plus les marchés financiers mais des investissements d'avenir dans l' « économie vert »[iv].

Pourquoi cela ne peut, malheureusement, pas advenir.

L'idée en elle-même est effectivement très attrayante. Alors que dans une période pendant laquelle les carnets de commande des entreprises restent désespérément atones les politiques de l'offre (celles de la BCE comme celles des gouvernements français successifs) ont démontré toute leur incurie, il s'agirait de se tourner – enfin ! – vers une politique de la demande[v] permettant de relancer la machine économique, qui-plus-est en l'axant sur des développements respectueux de l'environnement.

Sauf que les tenants de cette politique oublient un élément majeur : l'ordolibéralisme allemand qui a prévalu et prévaut toujours au fonctionnement de l'euro. Les Allemands ne veulent pas et ne voudront pas d'une politique de relance par la création monétaire. Ils tolèrent bon an mal an – surtout mal an – les quantitative easing actuels de Mario Draghi parce qu'ils sont sans effet sur l'inflation. Dès lors que la création monétaire génèrerait de l'inflation, la Bundesbank  y mettra son véto. Or, il est on ne peut plus probable qu'un « QE vert » tel qu'il est décrit – c'est-à-dire sur la base de l'euro – génèrera de l'inflation. Celle-ci sera certes maîtrisable (de 4-5 % à une petite dizaine de pourcents selon le volume des QE) et à des lieux de l'hyperinflation de la république de Weimar[vi]. Mais il y aura inflation tout de même.

Et cela l'Allemagne ne peut le tolérer. Cet attachement de nos voisins d'Outre-Rhin à la stabilité monétaire est souvent présenté comme un dogme quasi religieux. Il y a là probablement une part de vérité. Mais ce n'est qu'une petite part. La réalité est ailleurs et elle est plus crue. Elle est tout simplement démographique.
Avec un taux de fécondité de l'ordre de 1,3 enfant par femme, l'Allemagne a une population vieillissante. Or, une telle population ne peut pas tolérer l'inflation car l'inflation tue la rente (puisque l'argent perd alors de sa valeur). L'inflation d'aujourd'hui serait, pour les Allemands, la mort de leurs retraites de demain qu'ils ont, qui  plus est, massivement investie dans des fonds par capitalisation.

Dans les faits, le « QE vert » correspondrait à une « union de transfert »[vii]ou à des eurobonds auxquels Angela Merkel a déjà résolument et définitivement dit Nein[viii] ! Et, sur ce point, on peut la comprendre : le prix économique à payer pour l'Allemagne serait politiquement insupportable. Caricaturalement, on pourrait dire que cela reviendrait à faire payer l' « incurie des jeunes pauvres du Sud de l'Europe – Français inclus –» par les « vieux riches allemands ».

Alors que faut-il faire ?

Ce que refusent d'admettre les tenants d'un « QE vert » du niveau de l'euro et que pourtant explicite régulièrement et fort justement Jacques Sapir[ix], c'est que l'euro est un corset monétaire qui interdit toute relance budgétaire tout simplement parce que, sauf à admettre une union de transfert dont les Allemands ne veulent absolument pas, on ne peut pas imposer une monnaie unique à des économies hétérogènes qui, en plus de ce fait, divergent les unes des autres[x].

La seule possibilité pour que puisse advenir un « QE vert » est donc qu'il soit exécuté dans des monnaies nationales. Chaque pays pourra alors choisir les investissements à consentir en fonction de ses propres caractéristiques économiques, sociales et environnementales ; cela n'empêchant en rien que tout ou partie de ces investissements soient réalisés dans un cadre collaboratif entre les différentes nations.

Appeler de ses vœux un « QE vert » de la BCE consiste à continuer à croire religieusement au mythe du fédéralisme européen dont on voit bien dorénavant que non seulement les peuples européens n'en veulent pas mais surtout qu'il est devenu, au moins à court et moyen termes, foncièrement irréaliste. A l'inverse, des « QE vert » résultant de coopérations, probablement partielles, entre les nations, dans leurs propres monnaies n'a absolument rien d' « anti-européen ». C'est simplement le choix de l'Europe des nations et de l'Europe des peuples. C'est aussi, probablement, le choix du réalisme. Ou tout simplement celui de la démocratie contre la technocratie.

Origine de l'illustration : The Economist.


[ii] Lire Mario Draghi peut-il encore convaincre de l'efficacité du QE ?, Romaric Godin, La Tribune, 10-mars-16.
[iii]C'est-à-dire que l'argent nouvellement créé ne va pas abonder l'économie réelle mais seulement la spéculation, créant ainsi une bulle spéculative grandissante qui lorsqu'elle explosera viendra ruiner l'économie réelle …
[v] Et même le FMI et l'OCDE ont fini par se résoudre à la nécessité d'une politique de la demande : Pour une relance de la demande, Sébastien Charles, Thomas Dallery, Jonathan Marie, La Tribune, 11-mars-16.
[vi] Sur le sujet, lire notamment :
Economie : la pomme de Gombeaud, l'œil de Brutus, 05/04/2015 ;
Les néolibéraux-libertariens et la monnaie, l'œil de  Brutus, 04/11/2011 ;
Qu'est-ce que le keynésianisme, l'œil de Brutus, 01/11/2013.
[vii] L'Europe, l'Euro et l'Allemagne, Jacques Sapir, russeurope, 30-juin-15 ;
L'Allemagne entre deux maux, Jacques Sapir, russeurope, 29-janv.-15 ;
Le débat sur l'Allemagne, Jacques Sapir, russeurope,  04-mai-13.
[viii] La fausse solution des eurobonds, Frédéric Lordon, Blog Le Monde diplomatique, 01-juin-12 ;
Réquisitionnons les banques centrales !, Jacques Sapir, Le Monde, 01-déc.-11.
[ix] En particulier :
Après l'Euro (II), Jacques Sapir, russeurope, 19-mai-16 ;
Chroniques Bruxelloises, Jacques Sapir, russeurope, 15-avr.-16 ;
L'Euro et l'hélicoptère monétaire, Jacques Sapir, russeurope, 27-mars-16 ;
L'Euro contre la France, Jacques Sapir, russeurope, 15-févr.-16 ;
[x] Lire Comprendre la non-viabilité de l'euro, l'œil de Brutus, 27/06/2012.

Une pièce de jeu d'échecs rarissime découverte dans l'arrière cour d'un musée en Angleterre

Une pièce de jeu d'échecs rarissime découverte dans l'arrière cour d'un musée en Angleterre


Il s'agit de la plus petite pièce d'un jeu d'échecs arabe à être découverte dans le pays;  elle a été mise au jour lors de fouilles archéologiques dans le Musée de Wallingford.

Au premier abord, les conservateurs du musée ont pensé que l'artéfact était une minuscule sculpture de chat. Mais un examen rapproché a révélé qu'il s'agissait d'une pièce de jeu d'échecs faite en bois de cerf. D'autres pièces pourraient bien être retrouvées lors de prochaines fouilles qui auront lieu cet été.

La pièce de jeu d'échecs trouvée lors des fouilles. Photo: Wallingford Museum

D'après la conservatrice Judy Dewey: "nous avons plaisanté en disant que nous allions retrouver les 31 autres pièces et le plateau de jeu, mais bien sûr cela est très peu probable".

La minuscule pièce a été découverte lors des fouilles de l'arrière cour du musée. Une fois nettoyée, elle a été identifiée comme étant une pièce de jeu, très décorée avec des anneaux et des pointes.

"L'identification a montré que la pièce était une pièce d'échecs arabe du moyen âge. C'est l'une des 50 pièces médiévales de jeu d'échecs en Angleterre, et, avec ses 21.7mm de haut, elle est unique en étant la plus petite connue à ce jour dans le pays." rapporte la conservatrice.

La pièce de jeu d'échecs a été sculptée dans du bois de cerf au 12ème ou 13ème siècle et est décorée de cercles typiques. La plupart des autres pièces de ce genre sont au moins deux fois plus grandes. Il s'agit d'un évêque (ou fou); aussi, les autres pièces du plateau devaient être réellement petites. Cela pouvait être un ensemble de voyage.

Photo: Wallingford Museum

Madame Dewey a ajouté que le design de la pièce était à l'origine, en Orient, un éléphant, dont les pointes représentaient les défenses.

Lorsque les jeux d'échecs se sont répandus en Europe, la pièce est devenue alors l'évêque ou le fou que l'on connait:  les deux protubérances pointues, évoquant les défenses de l'animal dans le jeu arabe, ont été comprises par les Occidentaux comme la mitre cornue d'un évêque, ou bien comme le bonnet d'un bouffon.

Dewey précise que la pièce a été trouvée près du Prieuré de Wallingford, auquel le bâtiment du musée avait appartenu: donc elle a pu être perdue par un homme riche résident ici: "Wallingford a un important château royal tout proche, et, occasionnellement, les visiteurs étaient logés au prieuré; et même les moines jouaient aux échecs".

Les visiteurs peuvent voir la pièce de jeu d'échecs, avec d'autres objets médiévaux, exposés au musée.

Le site du musée: wallingfordmuseum.org.uk

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[Vidéo] Le Journaliste (David Pujadas)

[Vidéo] Le Journaliste (David Pujadas)

Source : Youtube, 30-05-2016

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Une semaine du JT de Pujadas passée à la loupe.

Printemps 2016, la France est à nouveau secouée, elle tremble sur sa base, certains discours ne passent plus, certaines voix ne portent plus quand d’autres peinent encore à se faire entendre et plus encore à se faire comprendre.

Au milieu, pour rendre compte de ce dialogue de sourds se trouvent les médias, qui dominent et arbitrent. Au milieu? Vraiment?

Source : Youtube, 30-05-2016

Revue de presse internationale du 12/06/2016

Revue de presse internationale du 12/06/2016

La revue internationale avec en particulier la vidéo d’un entretien Varoufakis/Chomski, et ses articles traduits. Merci à nos contributeurs. Nous avons aussi besoin de renforts pour les revues internationales, vous pouvez postuler via le formulaire de contact du blog.

Levons les sanctions contre la Russie !

Levons les sanctions contre la Russie !

Bravo pour nos Sénateurs !
Après l'adoption inattendue par l'Assemblée Nationale, au mois d'avril, d'une résolution en faveur de la levée des sanctions contre la Russie, c'est le Sénat qui a adopté, à la grande majorité, une résolution visant à une « levée progressive et sectorielle » des sanctions. Les sénateurs visent particulièrement les sanctions économiques et celles contre les personnes privées. Le vote en faveur de la résolution a été précédé par un voyage du président du Senat, Gerard Larcher, à Moscou (...)

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L'OTAN sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire

L'OTAN sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire

Avec ses plans pour positionner des éléments de son bouclier anti-missile en Roumanie et en Pologne, l'OTAN est « probablement sur le point de commettre la plus grande erreur de son histoire ». C'est ce qu'écrit Jochen Bittner sur son blog du journal allemand Die Zeit.
La riposte russe à un tel déploiement de l'OTAN pourrait se traduire par l'annulation pure et simple de l'ensemble du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) et de tout accord limitant la présence de missiles en (...)

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